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COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mardi 21 novembre 2006

Séance de 11h30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

 

pages

– Examen, en application de l’article 13 de la LOLF, d’un avis sur un projet de décret d’avance (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

2

– Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné une proposition d’avis, présentée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur un projet de décret d’avance portant ouverture et annulation de crédits, en application de l’article 13 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé qu'en application de l'article 13 de la LOLF les projets de décret d'avance doivent faire l'objet d'un avis préalable des Commissions des finances des deux assemblées. Ce projet de décret est le quatrième soumis à la Commission, après qu’un premier décret du 27 mars a ouvert 140,8 millions d’euros pour lutter contre la grippe aviaire et le chikungunya, un deuxième décret du 1er août a ouvert 258,6 millions d'euros en autorisations d’engagement (AE) et 261 millions d'euros en crédit de paiement (CP), l’essentiel allant aux victimes de persécutions pendant la Seconde guerre mondiale (110 millions d'euros), à des mesures de sécurité sanitaire (44 millions d'euros) et à des aides agricoles (40 millions d'euros) et un troisième décret du 23 octobre a ouvert 519,4 millions d'euros en AE et 542,5 millions d'euros en CP, en faveur de la Défense (dont les opérations extérieures pour plus de 450 millions d'euros), des centres d’hébergement d’urgence (42 millions d'euros) et d’une allocation d’installation étudiante (19 millions d'euros).

Le projet de décret aujourd’hui soumis pour avis à la Commission tend à ouvrir 719,4 millions d'euros en AE et 721,4 millions d'euros en CP, soit les montants les plus élevés des quatre décrets de l’année, ce qui porte le cumul des ouvertures de crédits à 1.699 millions d'euros en AE et 1.637 millions d'euros en CP, soit dans les deux cas 0,5% des crédits initiaux. Le plafond de 1% fixé par l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour les ouvertures est donc respecté, de même que le plafond de 1,5% prévu à l’article 14 en matière d’annulations.

Dans le détail, les ouvertures de crédits de paiement concernent principalement le programme Accès et retour à l’emploi de la mission Travail et emploi avec 437 millions d'euros supplémentaires, soit + 6,3% des crédits initiaux qui atteignent près de 7 milliards d'euros, ce programme étant le « cœur » de la politique de lutte contre le chômage en portant les crédits des contrats aidés, des mesures ciblées sur les jeunes, des maisons de l’emploi, les subventions à l’ANPE, au Fonds de solidarité, au CNASEA, etc.

Les ouvertures de crédits résultent principalement de la réalisation de contrats aidés non marchands contraire aux prévisions. Le nombre de contrats d’avenir, les moins onéreux pour l’État qui verse à ce titre aux titulaires de minima sociaux une aide forfaitaire correspondant au montant de l’allocation du RMI pour une personne isolée et une aide spécifique dégressive, devrait atteindre 90.000, contre 200.000 prévus dans la loi de finances initiale. Au contraire, le nombre de contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE), dont la charge est beaucoup plus lourde puisque l’aide de l’État peut atteindre jusqu’à 95% du SMIC horaire et s’établir en moyenne entre 500 et 600 euros, devrait dépasser 260.000 en 2006, contre 120.000 anticipés initialement. Le surcoût au titre des CAE (+ 667 millions d'euros) est très significativement supérieur à l’économie générée par le nombre plus limité de contrats d’avenir (– 430 millions d'euros) d’où une ouverture de 236,7 millions d'euros à ce titre dans le décret d’avance.

S’y ajoute une ouverture de 200,3 millions d'euros en faveur du Fonds de solidarité, résultant essentiellement de l’indemnisation des intermittents du spectacle, pour 122,3 millions d'euros, l’absence d’accord entre les partenaires sociaux ayant conduit à proroger en avril 2006 le fonds provisoire en faveur des intermittents créé en 2004 au profit des artistes et techniciens qui ne peuvent accéder à l’indemnisation de l’assurance chômage (UNEDIC), mais qui effectuent 507 heures de travail en 12 mois.

En deuxième lieu, 80 millions d'euros seraient ouverts sur le programme Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l’État afin de financer les opérations de maintien de la paix (OMP) du ministère des Affaires étrangères.

D’ici à la fin 2006, le besoin de financement au titre des contributions internationales de la France est évalué à 111,7 millions d'euros. Le dégel des crédits restant en réserve permet de couvrir ce besoin à hauteur de 31,6 millions d'euros, le décret d’avance ouvre le complément, soit 80,1 millions d'euros en CP (et 78,1 millions d'euros en AE).

La problématique du financement des dépenses au titre des OMP du ministère des Affaires étrangères est proche de celle des opérations extérieures (OPEX) du ministère de la Défense. S’il est incontestable que ces dépenses sont à la fois difficiles à évaluer en prévision et quasi obligatoires en exécution, il reste néanmoins que les montants constatés chaque année présentent une certaine régularité (de l’ordre de 200 à 250 millions d'euros) et qu’elles sont, en tout état de cause, toujours nettement supérieures aux crédits initiaux. Néanmoins, comme pour les OPEX, des progrès sont en voie d’accomplissement. D’une part, le montant aujourd’hui ouvert est inférieur à celui ouvert l’année dernière au même titre (93 millions d'euros par le décret d’avance du 1er décembre 2005), même si rien n’exclut qu’un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2006 ouvre des crédits supplémentaires en fonction des appels de fonds transmis par l’ONU au ministère des Affaires étrangères. D’autre part, le projet de loi de finances pour 2007 augmente de 50 millions d'euros les crédits destinés aux OMP : sur le modèle de la démarche adoptée sur les OPEX, l’idée est de réévaluer progressivement la dotation initiale.

Enfin, de mauvais calibrages initiaux des dépenses de personnel de quatre ministères (culture, agriculture, défense, affaires étrangères) conduisent à ouvrir 204,3 millions d'euros de crédits de titre 2, qui correspondent cependant à un simple redéploiement : à l’exception du ministère des Affaires étrangères, chaque ministère concerné s’ « auto-finance » via des annulations à due concurrence. Il faut souhaiter que ces inéluctables ajustements des crédits de personnel à la nouvelle nomenclature budgétaire concernent exclusivement l’année 2006, année de transition de la loi organique relative aux lois de finances.

Pour sa part, le projet d’avis soumis à la Commission prend acte, s’agissant du programme Accès et retour à l’emploi, des importantes difficultés d’exécution budgétaire que connaît la mission Travail et emploi en 2006, sans qu’il soit possible de déterminer avec précision les parts respectives qui reviennent, dans l’origine de ces difficultés, à la qualité de la prévision de dépense initiale, à l’évolution du marché de l’emploi et à l’impact des mesures nouvelles prises en cours de gestion. Un point sur cette question à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006 serait sans doute le bienvenu. En outre, il souligne les progrès accomplis – et encore à réaliser – s’agissant des crédits destinés à financer les opérations de maintien de la paix.

Les ouvertures de crédits sont justifiées par l’urgence de la situation, laquelle ne permet pas d’attendre l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2006. Le recours à un quatrième décret d’avance en cours de gestion, moins d’un mois après le décret d’avance n° 2006-1295 du 23 octobre 2006, tend à démontrer que pour sa première année d’application, la loi organique relative aux lois de finances n’a pas produit les effets escomptés quant à la limitation de cette pratique, qui doit pourtant demeurer exceptionnelle au sens de son article 7. Ce fait renforce un peu plus la pertinence de la proposition avancée par les parlementaires MM. Didier Migaud et Alain Lambert de mettre fin à la pratique des lois de finances rectificatives de fin d’année.

M. Didier Migaud s’est interrogé sur la manière dont seront utilisés ou non les crédits qui ont été mis dans la réserve de précaution. 5,5 milliards d’euros de crédits ont été « gelés » de façon forfaitaire en début d’année. Sur ces 5,5 milliards, il était convenu que 1,4 milliard d’euros concernaient des crédits relatifs à des dépenses inéluctables, à dimension essentiellement sociale, qui seraient nécessairement « dégelés ». Dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006, 966 millions d’euros d’ouvertures de crédits ont été gagés par des annulations de crédits, sans que l’on sache précisément si ces annulations s’imputent en totalité sur la réserve de précaution. Les crédits annulés par les décrets d’avance de l’année 2006, quant à eux, n’ont apparemment pas tous été prélevés sur la réserve. Par exemple, dans le décret d’avance du 1er août 2006 (n° 2006-954), 43 millions d’euros ont été financés par des annulations portant sur des crédits de personnel autres que ceux mis en réserve. De même, dans le décret du 23 octobre 2006 (n° 2006-1295), les annulations destinées à compenser les ouvertures sur les OPEX ont concerné des crédits d’investissement de la Défense. D’autres annulations, sur la Recherche ou des dépenses sociales, ont touché des crédits présentés comme étant devenus « sans objet », sans que l’on sache clairement s’il s’agissait de crédits mis en réserve.

Sous réserve de davantage de précisions, on peut estimer les annulations sur la réserve de précaution à environ 1,8 milliard d’euros au total. Il reste donc – au moins – 2,3 milliards d’euros de crédits encore gelés. Qu’en fera le Gouvernement ?

M. Yves Deniaud a souligné son exaspération devant la liste des crédits annulés pour financer le décret d’avance. En effet, 132 millions d’euros de crédits sont annulés sur la mission Transports (surtout sur les programmes Réseau routier national et Transports terrestres et maritimes) et 105 millions d’euros sont annulés sur la mission Recherche et enseignement supérieur (principalement sur les crédits de la Recherche dans le domaine de l'énergie). Ce sont donc des dépenses d’avenir que l’on annule et sur lesquelles ne pèse en outre aucun risque de report de crédits pour cause de retard car de très nombreux chantiers sont arrêtés faute de financement suffisant.

Le Rapporteur général a indiqué que les mises en réserve de crédits représentent 0,1 % des crédits du titre 2 et 0,5 % des autres crédits, pour un total de 5,5 milliards d’euros. Une mise en réserve complémentaire d’environ 80 millions d’euros de crédits de personnel a en outre été décidée en milieu d’année afin de prévenir tout dérapage sur la masse salariale. Comme l’a souligné M. Didier Migaud, les annulations de crédits décidées en cours d’années ne portent pas toutes sur des crédits mis en réserve. Dans le projet de décret aujourd’hui soumis à la Commission, elles vont même souvent au-delà, ce qui n’est pas aberrant en fin de gestion. Au 31 octobre dernier, il restait 2,2 milliards d’euros de crédits de paiement mis en réserve, dont moins de 200 millions d’euros de crédits de personnel. L’essentiel des dégels « inéluctables » (qui correspondent à des dépenses sur lesquels les responsables de programme n’ont guère de marge de manœuvre) ayant vraisemblablement déjà eu lieu, il faudra encore puiser dans la réserve une partie du « gage » de ce quatrième décret d’avance et une partie des annulations proposées dans le projet de loi de finances rectificative de fin d’année. Il conviendra alors de s’interroger sur le solde, dont l’essentiel a sans doute vocation à être annulé. Il conviendrait que le Gouvernement fasse le point sur cette question à l’occasion de la discussion du collectif budgétaire.

Quant aux 124 millions d’euros de crédits annulés (hors titre 2) sur la mission Transports, 90 millions d’euros concernent des crédits mis en réserve sur le programme Transports terrestres et maritimes et 34 millions d’euros correspondent à une diminution, sur le programme Réseau routier national, de la subvention de l’État à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Celle-ci bénéficie en effet de ressources substantielles, qu’il s’agisse des recettes qui lui ont été affectées ou de la dotation de 4 milliards d’euros sur les produits de la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Par ailleurs, les annulations de 105 millions d’euros sur la mission Recherche et enseignement supérieur s’expliquent principalement par l’annulation de 89 millions d’euros sur le programme Recherche dans le domaine de l’énergie. Les dividendes perçus cette année par le Commissariat à l’énergie atomique au titre de sa participation dans le capital de AREVA ont été plus importants qu’estimé en loi de finances initiale, autorisant une réduction de la subvention de l’État. De même, les bons résultats de l’Institut français du pétrole permettent une baisse des crédits qui lui sont alloués. Ainsi, l’État ajuste ses subventions d’équilibre en fonction de la plus ou moins bonne tenue des recettes affectées aux agences ou opérateurs.

La proposition d’avis pourra être complétée par une observation sur la préservation des capacités d’investissement de l’État et de ses opérateurs ainsi que par une demande d’éclaircissement au Gouvernement sur le sort des crédits demeurant « gelés ».

La Commission a adopté la proposition d’avis ainsi modifiée.

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Le Président Pierre Méhaignerie a interrogé M. Didier Migaud à propos d’une audition de M. Louis Gallois, Président d’EADS.

M. Didier Migaud a confirmé qu’il souhaitait, conformément à la demande formulée par le Président du groupe socialiste, que cette audition ait lieu prochainement.

Le Président Pierre Méhaignerie a alors indiqué qu’il se rapprochera de M. Patrick Ollier, Président de la Commission des affaires économiques en vue d’une audition commune.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu en application de l’article 12 de la LOLF :

– un projet de décret portant transfert de crédits du ministère des Transports, pour un montant de 486.000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ce virement intervient au titre du financement de la réalisation de la plate-forme douanière de Delle-Boncourt entre la France et la Suisse ;

– un projet de décret portant transfert de crédits du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, pour un montant de 14.283.000 euros en autorisation d’engagement et de 12.000.000 euros en crédits de paiement, en provenance du programme 199 « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services » ;

– un projet de décret portant transfert de crédits de la mission « Politique des territoires » vers la mission « Transports » , pour un montant de 625.000 euros en autorisation d’engagement et de 625.000 euros en crédits de paiement, pour la reconstruction du quai n° 1 du port de Dégrad-des-Cannes en Guyane.

– un projet de décret de transfert de 25 millions d’euros (AE) et 1,25 million d’euros (CP) pour permettre le financement de l’acquisition d’un Canadair.

– un projet de décret de 380.000 euros relatif à un restaurant inter-administratif géré par les crédits du programme Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur.

– un projet de décret de 61.000 euros destiné à la commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel au profit du programme Action de la France en Europe et dans le monde.