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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mercredi 10 janvier 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Audition de représentants d’entreprises industrielles au sujet du prix de l’électricité.

2

– Informations relatives à la Commission

7

La commission des Finances a procédé à l’audition de représentants d’entreprises sur les tarifs de l’électricité.

M. Franck Roubanovitch, directeur des achats tertiaires du groupe ACCOR et représentant du Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité (CLEEE), s’est félicité de ce que l’arrêté d’application du tarif réglementé d’ajustement du marché (TARTAM) soit paru. Il s’agit d’un compromis, qui laisse subsister quelques questions. Ainsi, certaines entreprises ayant demandé à bénéficier de ce tarif n’ont pas obtenu de réponse de la part de leur fournisseur. Les opérateurs tentent d’imposer des contrats plus longs. Par ailleurs, les fournisseurs d’électricité envisagent de faire un recours contre ce tarif transitoire. Il ne faudrait pas que l’arrêté demeure sans suites concrètes.

Le ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie devrait répondre demain à un ensemble de questions plus techniques, notamment sur l’éventualité de la prise en compte de la part transport dans un contrat distinct, alors que le TARTAM inclut le transport, ou le calcul de la bonne puissance à souscrire. Enfin, pour les sociétés qui ont souscrit un contrat de fourniture d’électricité en 2004 jusqu’à fin 2007, il faudrait permettre d’appliquer le TARTAM seulement à partir de 2008.

En outre, si le tarif de retour apporte une solution à court terme, rien ne permet de supposer que les prix de marché de l’électricité seront plus bas dans deux ans. D’ailleurs, certains pays comme les Etats-Unis et le Québec sont revenus à un marché semi-réglementé après avoir constaté que le marché de l’électricité ne peut pas fonctionner de manière concurrentielle. Alors que les fondamentaux constitutifs du prix sont actuellement en baisse, le prix à la consommation de l’électricité ne baisse pas de manière sensible.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé qu’aux termes de la période d’application du TARTAM, un débat aurait lieu au Parlement. En outre il faut rappeler que les conditions de la concurrence sont largement faussées.

M. Denis Petit, directeur des achats des Établissements Soufflet, a reconnu que la libéralisation du marché de l’électricité peut être avantageuse pour une partie de la consommation, notamment en période de pointe. Cependant les entreprises industrielles ne sont pas des traders d’électricité. Le risque de ne plus être approvisionné au 1er janvier 2008 existe.

M. Roland Gérard, directeur technique de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), a souhaité obtenir des garanties sur la façon dont les fournisseurs appliqueront la loi relative au secteur de l’énergie. Il est à craindre que ces derniers fassent preuve de mauvaise foi, compte tenu du flou qui entoure la fixation et l’évolution des prix.

M. Christophe Raynaud, responsable des achats « Énergies » du groupe Faurecia, a souligné que le tarif transitoire d’ajustement du marché ne donne pas satisfaction dans tous les cas de figure. Certains contrats de fourniture d’électricité s’appliquent jusqu’à fin 2007.

Il faudra surveiller de près le comportement de l’opérateur historique. Dans certains cas, EDF profite de l’application du TARTAM pour imposer à l’entreprise bénéficiaire un nouveau contrat dans lequel certaines prestations sont supprimées, par exemple les audits gratuits de consommation. En outre, EDF essaie de signer des contrats d’une durée supérieure à deux ans.

M. Laurent Chabannes, Président de l’Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) ainsi que du consortium Exeltium, tout en relevant le caractère positif du système applicable aux électro-intensifs, a mis en garde contre les réglementations communautaires à venir, sur lesquelles il faudra rester vigilant en veillant à préserver le patrimoine électro-nucléaire français.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité savoir si la compétitivité des industries électro-intensives était en cause au point de provoquer des délocalisations.

M. Thierry Le Hénaff, président directeur général d’ARKEMA, a indiqué que ce groupe consomme 5,5 TWh d’électricité par an, soit 5 % du marché français de gros, dont 4,5 TWh pour la chlorochimie. S’agissant d’une production par électrolyse, l’électricité constitue la matière première. Le secteur de la chlorochimie emploie directement 40.000 personnes en France. Si la chlorochimie est installée en France, c’est bien en raison de la compétitivité historique des prix de l’électricité dans notre pays. Ces activités sont délocalisables.

S’agissant du consortium Exeltium, qui est un bon outil, les entreprises membres et EDF progressent vers un accord. Le prix et les volumes sont encore en discussion. La question de l’interruption de la fourniture d’électricité en cas de saturation du marché pourrait être un élément de négociation, plus particulièrement concernant le secteur de l’électrolyse.

M. François Brottes, usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a souhaité savoir si le TARTAM portait préjudice à la mise en œuvre des prix négociés au sein d’Exeltium. En effet, il semble que les premières offres faites par EDF dans le cadre de ce consortium ne soient pas des plus attractives. A cet égard, le TARTAM offre une réponse appropriée. Cependant, les sénateurs, en introduisant avec raison dans la loi un délai de deux ans pour l’application de ce tarif, ont mis en évidence le risque juridique qui pèse sur la solution trouvée en termes de compatibilité avec la réglementation communautaire. Par ailleurs, sur la question de l’interruptibilité abordée par M. Thierry Le Hénaff, les vallées alpines sont un exemple éclairant. Il semble que les fournisseurs d’électricité soient de moins en moins enclins à faire des propositions incluant cette possibilité technique, or le gestionnaire du réseau aurait tout intérêt à ce que l’interruptibilité se développe.

M. Thierry Le Hénaff a précisé qu’il fallait se garder de confondre deux sujets. L’effacement consiste à ralentir la production sans l’interrompre alors que l’interruptibilité est totale, intervient sans préavis, et constitue par conséquent un allègement substantiel et immédiat de la consommation d’électricité qui intéresse au premier chef RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, plutôt que le fournisseur.

M. Laurent Chabannes a estimé que l’effacement pendant deux à trois heures ne posait pas de problème particulier, sinon en matière de fixation des prix. En effet, certains pays européens ont pris des dispositions permettant que cette capacité d’effacement soit substantiellement rémunérée ; c’est très peu le cas en France.

M. Michel Bouvard s’est interrogé sur la politique tarifaire des fournisseurs, notamment en matière de contrats de longue durée. Sur ce point également, il serait utile de s’inspirer des expériences de nos voisins, l’Allemagne par exemple, qui a mis en place des lignes directes entre fournisseurs et industriels électro-intensifs. Y a-t-il d’autres expériences transposables en France ?

M. Laurent Chabannes a répondu que des idées équivalentes à celles ayant présidé à la création d’Exeltium avaient germé dans le sillage de l’expérience française mais n’ont pas abouti, faute d’outils industriels adaptés. La problématique des prix de l’énergie est difficilement compatible avec la prise en compte des activités électro-intensives. S’agissant du respect des règles de concurrence édictées au niveau communautaire, il faut rappeler que pendant toute la période des discussions ayant abouti à la formation d’Exeltium, la DG Concurrence de la Commission européenne a été régulièrement consultée. La préoccupation essentielle de cette direction générale est que le marché de gros de l’électricité ne soit pas « asséché » par le poids des contrats de long terme entre fournisseurs et entreprises. Naturellement, lorsque les négociations en cours pour le marché français seront achevées, la Commission sera consultée sur la comptabilité avec le droit communautaire des règles qui auront été formalisées.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que la France disposait d’un avantage comparatif, pour des raisons historiques, en termes de prix de l’électricité, grâce à son important parc nucléaire.

La réglementation interdit certes le dumping, c’est-à-dire la fixation de prix de vente inférieurs au prix de revient, mais la concurrence ne fait nullement obstacle à ce que les prix soient fixés à un niveau très bas tant que les prix de revient demeurent inférieurs. Il ne faudrait pas que la DG Concurrence estime que les prix proposés par EDF sont artificiellement bas, au motif qu’ils n’incorporeraient pas les lourds investissements publics qui les rendent possibles.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est interrogé sur le point de savoir si les règles du marché étaient compatibles avec l’existence de la rente nucléaire française, laquelle a justifié, de la part des Français, beaucoup d’efforts et de prises de risques.

M. Laurent Chabannes, sur ce dernier point, a estimé que la question n’était pas tranchée. Il importe que les pouvoirs publics français aient à cœur de défendre cette thèse à Bruxelles, notamment dans la perspective de la négociation probable de nouvelles directives. Sur la question du prix de l’électricité, les principes régissant Exeltium sont clairs : il a été convenu que le prix du développement futur du nucléaire devait être pris en compte ; ce raisonnement n’a d’ailleurs jamais été contredit par la Commission européenne. Il n’y a donc aucune inquiétude à nourrir sur le sujet. Une fois encore, le principal souci de la Commission consiste à ne pas voir le marché se verrouiller.

M. Nicolas de Warren, représentant d’Arkema, a rappelé la publication en octobre 2004 d’un rapport du Conseil général des Mines et de l’Inspection générale des finances aux termes duquel l’élément fondamental réside dans les conditions de financement des infrastructures, c’est-à-dire les conditions de rémunération du capital. Ce rapport confirme donc l’analyse de M. Chabannes.

M. Roland Gérard a fait valoir que la France possède certes un important parc nucléaire, mais peu de centrales qui soient à même de gérer les pics de consommation, alors que la demande d’électricité est très fluctuante. Il faut alors importer d’Allemagne de l’électricité produite par des centrales à charbon à un coût très élevé, ce qui contribue aussi à expliquer le coût globalement important de l’énergie en France.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu’il s’agissait là de l’argument invoqué par EDF pour justifier le niveau de ses prix.

M. Laurent Chabannes a récusé cet argument. En effet, si le marché ne sert qu’à justifier le maintien de prix élevés, il n’est d’aucune utilité et un simple régulateur suffit. Cependant, il ne faut pas se focaliser uniquement sur EDF. Tous les efforts en cours ont pour but de protéger le consommateur ; le TARTAM y pourvoit temporairement, il faut trouver une solution pérenne.

M. Michel Bouvard a souhaité distinguer les préoccupations liées à EDF de celles qui concernent RTE. Pour ce dernier, la question du coût du transport d’électricité rapporté à sa durée est-elle réglée ?

M. Franck Roubanovitch a estimé que la décision du Conseil constitutionnel introduit une certaine incertitude sur le régime tarifaire applicable aux sites qui ouvriraient après le 1er juillet 2007. Elle semble impliquer, en pareil cas, un retour pur et simple au prix du marché, ce qui ne laisse pas d’inquiéter.

Le Président Pierre Méhaignerie a tenu à rappeler la controverse sur le prix de revient réel de l’électricité produite par les centrales nucléaires. Selon le Commissariat à l’énergie atomique, le réacteur EPR de Flamanville permet de produire à un coût de 33 à 35 euros par MWh ; EDF annonce un coût moyen de 46 euros ! Le risque d’abus monopolistique est très grand. Il ne faut pas considérer que le prix de revient doit être calculé sur le coût de Flamanville, isolement.

M. Thierry Le Hénaff a souligné les progrès d’ores et déjà accomplis dans le cadre des négociations sur Exeltium. Concernant la prise en compte du coût des investissements, sur 300 à 350 millions d’euros d’investissements annuels, la société Arkema concentre, sur le seul secteur de la chlorochimie, quelque 100 millions d’euros, ce qui justifie qu’elle dispose d’une visibilité suffisante à un horizon de dix ans, délai nécessaire pour rentabiliser de tels investissements. Cette préoccupation ne doit jamais être perdue de vue, non plus que les nombreux emplois que représente ce secteur industriel.

M. Jean-Philippe Bénard a précisé que, si RTE a chiffré la diminution de la consommation électrique française à 1 %, la situation est amplifiée pour les industriels, pour lesquels la baisse a été de 4 % en 2005 et pourrait atteindre 11 % en 2006.

M. Michel Diefenbacher a souhaité savoir si une plus grande ouverture d’Exeltium était envisageable, en particulier pour y inclure des PME-PMI.

M. Laurent Chabannes a considéré que les entreprises restaient libres de se regrouper pour lancer des appels d’offres. Par contre, le périmètre d’Exeltium est désormais fermé et sa composition résulte des conclusions du rapport de l’inspection générale des finances et du conseil général des mines, ainsi que de la table ronde qui a suivi. Les critères ayant conduit à désigner les industries incluses dans le périmètre d’Exeltium ne peuvent pas être remis en cause, même s’ils créent, fatalement, des frustrations. Il semble que certains groupes étudient, à l’heure actuelle, des projets d’association et de mutualisation de leurs moyens, en particulier dans le domaine des centrales à charbon.

M. François Brottes a rappelé que les critères sont posés par la loi.

M. Franck Roubanovitch s’est interrogé sur l’attitude de la Commission européenne quant à une éventuelle modification de ces critères. En outre, l’expérience récente du groupe Accor, qui a passé un appel d’offres unique, n’est pas particulièrement concluante : les fournisseurs se montrent même plus rigoureux. S’agissant de la question des multi-sites, le problème de facturation site par site est difficile à gérer. On peut en venir à souhaiter un retour à une plus grande régulation de ce marché.

M. Jean-Philippe Bénard a confirmé que, face au foisonnement des acteurs, la régulation est un impératif pour éviter que les producteurs conservent le pouvoir de décider des prix. L’exemple de la Belgique montre que les consortiums ont du mal à être pleinement efficaces. Dans ce marché, c’est le producteur qui détient le pouvoir : la consommation n’est pas élastique en fonction du prix.

M. Christophe Raynaud a confirmé que, dans la filière automobile également, les tentatives de mutualisation des moyens menés sur le « bandeau » portant sur 10 à 15 % des besoins n’étaient pas probants.

Le Président Pierre Méhaignerie a alors souhaité connaître l’impact pour les entreprises industrielles des récentes mesures de plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée et d’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires.

Après que M. Denis Petit a précisé que l’impact de ces mesures étaient faible, pour les Établissements Soufflet, pour la taxe professionnelle, et sans incidence notable pour les exonérations, M. Laurent Chabannes a souligné que le « plafonnement du plafonnement » de la taxe professionnelle a eu un impact sur les prix pratiqués par EDF, laquelle a tendance à répercuter aux consommateurs tous les éléments constitutifs de ses coûts.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 21 de la LOLF, un projet d’arrêté portant ouverture de crédits supplémentaires au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » pour un montant de 166 millions d’euros.

En outre, la Commission a été informée, en application de l’article 12 de la LOLF, de trois transferts :

– le premier de 5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 1 million d’euros de crédits de paiement ;

– le second de 3 millions d’euros d’autorisations d’engagement ;

– et le troisième de 2 millions d’autorisations d’engagement et 3.799.945 euros de crédits de paiement.

Ces mouvements visent à abonder le Fonds de compétitivité des entreprises dans le cadre du regroupement des principaux financements des différents départements ministériels en faveur des pôles de compétitivité.

La Commission a également été informée, en application de l’article 14 de la LOLF, d’un projet de décret d’annulation de crédits portant sur la mission « Transports » (transports, équipement, tourisme et mer) pour un montant de 2.400.000 euros.