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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mardi 23 janvier 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

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– Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l’État sur les premiers résultats de l’exécution budgétaire 2006

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La commission des Finances a procédé à l’audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, sur les premiers résultats de l’exécution budgétaire 2006.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, a souligné que les résultats de l’exercice 2006, sont incontestablement très satisfaisants. Le déficit budgétaire s’établit à 36,16 milliards d’euros, confirmant la tendance observée au fur et à mesure de la publication des premiers résultats, soit une amélioration de 10,8 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2006 et de 6,3 milliards d’euros par rapport à celles présentées fin novembre dans le cadre du collectif.

Ce résultat apparaît, à tous égards, exceptionnel. Entre 2003 et 2006, le déficit aura été réduit de près de 21 milliards – performance inégalée, d’autant que les taux de croissance, quoique bons, sont restés inférieurs à ceux de la période 1997-2002 où le Gouvernement Jospin a profité des effets de la bulle Internet. Rapporté à la richesse nationale, il aura été ramené à 2 % du PIB, du jamais vu depuis 1991. Le solde primaire, désormais excédentaire, marque la fin d’une situation absurde où l’État devait s’endetter pour payer ses intérêts ; qui plus est, le déficit est revenu au niveau du « solde stabilisant », qui permet de stabiliser le poids de la dette dans le PIB.

Loin d’être tombé du ciel, ce résultat découle tout à la fois des efforts réalisés en matière de maîtrise de la dépense et du choix d’une politique fiscale spécifique. Non seulement le plafond de dépenses voté par le Parlement a été respecté à l’euro près – mieux, celles-ci s’établissent à un niveau inférieur de 28 millions d’euros au plafond de l’autorisation parlementaire –, mais toutes les priorités ont été financées et les reports de crédits sur 2007 limités à 4 milliards, contre 14 en 2002, grâce aux marges de manœuvre dégagée avec les ministères gestionnaires, en tirant parti, dès la première année de toutes les possibilités de la LOLF : les nouvelles modalités de mise en réserve des crédits ont parfaitement répondu aux attentes et les ministères ont su mobiliser les souplesses offertes par la LOLF, notamment dans la gestion de la masse salariale. La majoration de 0,3 point de l’indice de la fonction publique, soit 300 millions d’euros, est intégralement financée par les gains de productivité réalisés par ailleurs grâce à la fongibilité asymétrique. Enfin, grâce à l’effet « maison de verre » de la LOLF, un éventuel audit ne ferait apparaître aucune mauvaise surprise cachée, comme le confirmera du reste la présentation de la loi de règlement et des rapports annuels de performance.

Parallèlement à la bonne tenue des dépenses, les recettes fiscales s’inscrivent en augmentation de 10,2 milliards d’euros, montant lui aussi exceptionnel. Ces plus-values fiscales sont, pour l’essentiel, la conséquence logique de la politique de baisse des impôts et de l’action pour l’emploi menée par le Gouvernement. L’impôt sur le revenu a progressé de 1,1 milliard d’euros par rapport aux estimations. Cette performance tient à la progression des revenus des Français consécutive à la baisse du chômage, mais également à l’amélioration du service public et à la modernisation du recouvrement, dont l’effet est estimé à 350 millions d’euros, grâce au paiement dématérialisé. Près de 6 millions de Français ont télédéclaré leurs revenus. La baisse de l’impôt sur le revenu favorisant la consommation des ménages, la TVA s’inscrit elle aussi en plus-value pour 1,4 milliard d’euros.

De la même façon, la politique de flex-sécurité a encouragé la création d’emplois dans le secteur marchand et diminué le nombre de chômeurs, ce qui se traduit par davantage de consommation, d’emplois et d’investissements, et donc par de meilleurs résultats pour les entreprises : l’État a ainsi perçu plus de 6,4 milliards d’euros d’IS supplémentaires. Le rendement de la mesure de relèvement des seuils de versement de l’acompte exceptionnel de décembre est, quant à lui, estimé à 1 milliard d’euros.

Les impôts assis sur des actifs ont eux aussi connu des progressions significatives – 500 millions d’euros pour les donations et successions, 450 millions d’euros pour l’ISF – en lien avec les évolutions constatées sur les marchés immobiliers et financiers.

À l’inverse, la TIPP s’inscrit en moins-value de 500 millions d’euros, ce qui coupe court au débat sur la TIPP flottante : contrairement à une opinion répandue, l’État ne s’est pas enrichi de l’augmentation du prix du baril, bien au contraire, puisque même le solde TVA-TIPP est légèrement déficitaire.

Il faut par ailleurs noter le dynamisme particulier des prélèvements au profit des collectivités locales, l’État ayant eu le souci constant de payer à l’euro près sa facture, et même au-delà : 800 millions supplémentaires par rapport au budget initial leur ont été versés par le biais du fonds départemental d’insertion, dépassant les objectifs fixés par la loi de décentralisation en matière de RMI, et du FCTVA, traduisant le dynamisme de l’investissement des collectivités locales.

On ne saurait enfin oublier les cessions immobilières : 630 millions réalisés en 2005, pour 600 millions prévus, pratiquement 800 millions réalisés en 2006, alors que les prévisions, par trop timides, tablaient sur 480 millions d’euros. Il y a tout lieu de remercier la commission des Finances d’avoir grandement contribué au travail de persuasion déployé notamment auprès du ministère de la culture, dont la vente des deux hôtels est confirmée.

Cette situation tient essentiellement à la politique économique du Gouvernement, qui a reposé sur trois piliers. Premièrement, la dépense a été maîtrisée ; les audits, la LOLF, l’état d’esprit général y ont grandement participé. Deuxièmement, l’intégralité des plus values de recettes a été affectée au désendettement ; l’usage des éventuels surplus de recettes fiscales est un sujet majeur, sur lequel on ne saurait trop recommander de questionner chacun des candidats à l’élection présidentielle. Troisièmement, le choix d’une politique fiscale dynamique a été incontestablement payant. Les effets combinés de la baisse de l’impôt sur le revenu, de l’amélioration de l’environnement fiscal des entreprises, avec notamment la réforme de la taxe professionnelles, les actions destinées à assouplir le marché de l’emploi – dispositifs de flex-sécurité comme le CNE, augmentation de la prime pour l’emploi –, en améliorant le pouvoir d’achat, se sont traduits par des rentrées fiscales supplémentaires, indolores pour le contribuable, mais très positives pour la gestion publique.

Ce à quoi viendra s’ajouter, en 2007, l’entrée en application de la réforme fiscale adoptée en 2006 et bâtie autour de deux mots clés : attractivité et justice. Allégement de l’impôt sur le revenu de 4 milliards d’euros, simplification du barème par réduction du nombre de tranches, suppression de l’abattement de 20 %, limitation du taux marginal à 40 % assorti d’un bouclier fiscal à 60 %, autant de mesures qui améliorent l’attractivité du système fiscal français qui commence à s’aligner sur les normes européennes. Dans le même temps, 80 % de la baisse d’impôt se concentrant sur les revenus compris entre 1.000 et 3.500 euros par mois, il n’y a aucun perdant dans la réforme et la revalorisation de la PPE permet à neuf millions de personnes de bénéficier de l’équivalent d’un treizième mois et 90 % des bénéficiaires du bouclier fiscal se situent dans le premier décile de l’IR. Au total, l’architecture fiscale se voit profondément transformée.

Au total, il est permis de tirer trois enseignements. Premièrement, il existe bien une politique économique de droite et une politique économique de gauche : d’un côté on s’emploie à démontrer qu’il est possible de baisser la dépense, les impôts, le déficit et la dette tout en finançant la totalité des programmes publics moyennant des gains de productivité, des luttes contre les gaspillages et une politique fiscale dynamique, de l’autre on annonce que l’on majorera les impôts au-dessus de 4.000 euros de revenus : à l’évidence, les deux approches diffèrent. Deuxièmement, la preuve est faite qu’il est possible de réduire en même temps les impôts et les déficits. Il serait du reste irresponsable de prétendre faire l’un sans faire l’autre. Troisièmement, rien ne se fait sans maîtrise de la dépense, laquelle n’a de sens que si l’on améliore simultanément la qualité des services publics.

Du côté de l’État, les résultats sont bons. L’objectif d’un déficit public ramené à 2,7 % en 2006 et d’une dette en diminution de deux points de PIB sera tenu, et même au-delà. Le budget 2007 marque une première étape, en montrant qu’il était possible de tenir les engagements pris pour 2010 ; le même travail doit désormais être mené avec les autres acteurs publics, collectivités locales et sécurité sociale. La conférence des finances publiques du 12 février sera l’occasion pour le Premier ministre d’avancer encore sur tous ces chantiers.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a confirmé l’excellence des résultats obtenus en 2006 grâce à une exécution à tous égards remarquable, en dépenses comme en recettes. Depuis quatre ans, deux règles très simples ont été mises en œuvre : stabilité de la dépense d’une année sur l’autre et prévisions exécutées à l’euro près ; prudence dans la prévision afin d’avoir toutes chances de produire des surplus affectés en totalité au désendettement. Le pilotage ainsi réglé a produit des effets spectaculaires : non seulement le déficit est passé de 57 milliards en 2003 à 36 milliards en 2006, ce qui ne s’était jamais vu, mais on constate, pour la première fois depuis bien des années, un excédent primaire – autrement dit, le déficit est inférieur de plus de 2 milliards d’euros aux frais financiers, et l’on en vient à tangenter, ou presque, le « solde stabilisant ».

L’exécution 2006 a profité d’un retard à l’allumage du fait des retards dans la mise en place des crédits, liés à l’application effective de la LOLF, sans oublier les mises en réserve – 0,15 % des crédits de personnel et 5 % des autres crédits. Peut-on tabler sur des instruments aussi efficaces pour piloter la dépense sans risque durant l’année 2007, d’autant que nombre de dépenses nouvelles ont été annoncées ces dernières semaines – extension du complément de ressources en faveur des handicapés, revalorisation de l’APL, plan d’hébergement d’urgence, revalorisation de 0,8 % au lieu de 0,5 % du point d’indice, réintroduction à venir du bouclier social et de l’extension du crédit d’impôt pour frais de service, etc. – qui représentent des centaines de millions d’euros ? Comment seront-elles financées en 2007 ?

Du côté des recettes, l’écart entre les prévisions données le 21 décembre après-midi, au moment du vote du collectif, et le début de l’année 2007 a de quoi surprendre. Comment a-t-on pu découvrir près de 5 milliards d’euros supplémentaires en l’espace de trois semaines ? Certes, une partie de la réponse est à rechercher du côté de l’impôt sur les sociétés et du relèvement des seuils de versement de l’acompte exceptionnel de décembre : mais cela ne l’explique qu’à hauteur de 1 milliard. Il serait souhaitable de pouvoir tabler, au moment du collectif de fin d’année en tout cas, sur des prévisions un peu plus ajustées. Quel sera le niveau de déficit public global que la France serait en mesure de notifier prochainement à la Commission ? N’y a-t-il pas lieu de craindre un effet d’accordéon lié à l’utilisation de la trésorerie, qui pourrait se traduire par un regonflement de la dette négociable en exécution 2007 ?

M. Didier Migaud, après avoir félicité le ministre pour son insurpassable talent en matière de communication, a rappelé qu’il convenait de raisonner non en termes de solde budgétaire de l’État, mais en termes de solde des comptes publics, où la situation est loin d’avoir été aussi sensiblement améliorée. Si la France en est toujours à 2,7 %, cela signifie bien qu’elle reste au-delà du chiffre le plus pessimiste avancé par les auditeurs auxquels la nouvelle majorité avait demandé d’apprécier les comptes de l’État. Loin de s’améliorer durant les cinq dernières années, la situation s’est plutôt dégradée. On a beau jeu de se glorifier de l’équilibre du solde primaire, oubliant que cela avait déjà été le cas en 1999, 2000 et 2001 et que cela ne saurait suffire pour améliorer significativement la situation, d’autant que l’on ne manque pas d’expédients – l’examen de la loi de règlement et la présentation du rapport de la Cour des comptes seront à cet égard très intéressants – pour rendre une situation plus idyllique qu’elle n’est. Il n’est qu’à voir les transferts opérés en début de législature entre les comptes de la sécurité sociale et le budget de l’État. L’équilibre des comptes de la sécurité sociale, promis pour 2006 et 2007, est loin d’être atteint.

Si la croissance française a effectivement été moins forte sous cette législature que sous la précédente, encore faut-il rappeler que la croissance mondiale a, quant à elle, suivi une évolution exactement contraire, et s’interroger sur l’incapacité de la France à passer à un rythme supérieur. On peut se demander, par exemple, pourquoi les performances françaises en 2006 ont été inférieures à la moyenne des pays de la zone euro, et pour la première fois depuis dix ans nettement moins bonnes que celles de l’Allemagne.

Les impôts n’ont pas baissé, comme en témoignent les chiffres du Gouvernement lui-même sur les prélèvements obligatoires : un point de plus qu’en 2002, soit 18 milliards d’euros supplémentaires. Si l’impôt sur le revenu a effectivement diminué pour une minorité, les prélèvements obligatoires dans l’ensemble se sont bel et bien alourdis pour bon nombre de Français. La dette a quant à elle carrément explosé. Que penser d’un candidat aux présidentielles qui ferait passer des réductions sensibles d’impôt devant tout effort de désendettement du pays ? Comment peut-on s’obstiner à proposer encore moins d’impôts avec un endettement aussi préoccupant ? Le rapport Pébereau préconisait de ne pas les baisser. Cette recommandation reste-t-elle pertinente pour le ministre du budget ? Quel message entend-il faire passer aux candidats au moment où s’ouvre le débat des élections présidentielles ?

Loin de partager l’optimisme gouvernemental, le groupe socialiste attendra avec intérêt la parution du rapport de la Cour des comptes. La Commission européenne elle-même a accueilli les résultats français avec un certain scepticisme : si elle estime, et à juste raison, que la France aurait pu mieux faire en matière d’amélioration de l’ensemble de ses comptes publics sur la période 2005-2007, c’est bien qu’ils restent insatisfaisants. L’enthousiasme ministériel a tout lieu de devoir être tempéré au vu de la réalité non du seul budget de l’État, mais de l’ensemble des comptes publics, seule référence valable en l’espèce.

M. Charles de Courson a observé que l’amélioration du solde du budget de l’État tenait non à la réduction des dépenses, mais à l’augmentation des recettes – plus 6,3 % par rapport à l’exécution 2005 –, laquelle ne résultait pas de l’amélioration de la situation économique : alors que l’on avait tablé à chaque fois sur une progression de 2,25 %, la croissance du PIB n’aura pas dépassé 1,2 % en 2005 et devrait se situer pour 2006 entre 1,9 et 2 %, compte tenu d’une inflation un peu plus faible que prévu. Cela ne saurait expliquer la hausse de certaines recettes fiscales.

Les prélèvements obligatoires n’ont cessé d’augmenter depuis 2002. Le Gouvernement avait promis en 2006 de les stabiliser à 44 %. Or, ne serait-ce que fait de la progression des plus-values sur le budget de l’État, ils devraient encore progresser de 0,2 %, voire 0,3 %, soit plus d’un point d’augmentation en cinq ans !

La dépense publique a été, comme les années précédentes, tenue conformément aux prévisions, à ceci près que les dépenses des organismes divers d’administration centrale, dont le périmètre ne cesse d’évoluer, ont continué à croître. On peut estimer la hausse de la dépense des ODAC et plus généralement de l’ensemble du secteur public – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – à un peu moins de 4 %, soit à peu près l’équivalent de la croissance du PIB. Autrement dit, la dépense publique globale ne s’est aucunement réduite.

Grâce aux plus-values fiscales – c’est-à-dire une augmentation de la pression fiscale, qui place désormais la France au deuxième rang mondial – on gagnera deux ou trois points au niveau des déficits publics, qui pourraient globalement se situer autour de 2,6 % ou 2,7 % du PIB. Or, le déficit budgétaire affiché pour 2007 est supérieur de 5,4 milliards à l’exécution 2006 ; à supposer que l’on gagne deux ou trois milliards sur le régime général de la sécurité sociale et que l’on en perde en déficit supplémentaire du côté des collectivités locales, tout porte à craindre une remontée du niveau du déficit public en 2007.

M. Hervé Mariton, tout en saluant les résultats obtenus, a souhaité que les recettes de l’État soient à l’avenir plus prévisibles afin d’éviter des décalages par trop flagrants, et parfois difficilement compréhensibles, entre décembre et janvier. Comment concilier l’amélioration de l’exécution budgétaire et la maîtrise des prélèvements obligatoires, ce qui pose le problème de la probable sous-évaluation de certaines recettes de l’État, quelle peut être, au vu de l’exécution 2006, l’ampleur de la réévaluation des recettes à attendre pour 2007, afin d’éviter toute aggravation indésirée du taux de prélèvements obligatoires et combien d’emplois publics ont pu être supprimés en 2006 ?

M. Jean-Yves Chamard, après avoir largement partagé les propos du rapporteur général, a tenu à exprimer sa gratitude au ministre qui aura fait preuve, dans l’exécution du budget 2006, d’une incontestable « bravitude » et placé, pour son successeur, la barre à une réelle altitude, tout en appelant à ne pas tomber dans la béatitude.

M. Philippe Auberger, rejoignant l’analyse de ses collègues de la majorité, a rappelé que tout gouvernement a intérêt à rester prudent dans ses évaluations de recettes, y compris en période d’amélioration de la croissance. Si l’Allemagne a fait mieux que la France en 2006, elle avait fait beaucoup moins bien les deux années précédentes ; reste que, dans les phases de reprises, le coefficient multiplicateur des recettes est toujours difficile à apprécier et la prudence s’impose. Au-delà des talents de présentation déployés, année après année, par le ministre, l’amélioration des finances publiques est incontestable, même s’il est permis d’en apprécier diversement l’ampleur. Relevant la discrétion du ministre sur la situation du compte d’affectation spéciale chargé de recevoir le produit des ventes d’actifs de l’État, il a demandé où et comment les fonds ont été utilisés, en rappelant que les prévisions dans ce domaine étaient rares, et les réalisations parfois peu claires.

M. Louis Giscard d’Estaing s’est réjoui de voir l’exécution 2006 confirmer une réelle amélioration dans la gestion de la dépense publique. L’examen de la courbe des soldes budgétaires exécutés montre du reste combien la situation s’est sensiblement redressée entre 2003 et 2006 après la dégradation observée entre 1999 et 2002, budget révélateur dont les mesures non financées ont dû être prises en charge par la nouvelle majorité. Il s’est interrogé sur l’incidence des allégements des charges sociales patronales mis en place à la suite des lois Aubry I et II et sur l’impact de la réforme de l’impôt forfaitaire annuel sur le produit de l’IS.

Le Président Pierre Méhaignerie a conclu que l’exécution du budget de 2006 traduisait de réels progrès, mais interdit toute béatitude. À croire un tableau du CERC, la France se classe huitième sur quinze dans le domaine de la croissance économique alors qu’elle était au neuvième rang sur quinze entre 1996 et 2001. Autrement dit, les réformes structurelles restent à faire et la prétendue création de deux millions d’emplois durant la période 1996-2001 n’est que la traduction d’une anomalie dont les causes sont connues. Manifestement, le pays reste drogué à la dépense publique : alors que le PIB augmentait de 1,8 %, celle-ci a continué, du fait notamment des dépenses sociales, à progresser de 2,4 alors que son rythme devrait à tout le moins s’aligner sur celui du PIB. Ce qui, une fois encore, pose le problème des réformes structurelles à entreprendre dans tous les domaines, qu’il s’agisse des 35 heures ou de l’efficacité de l’État. Une étape a été franchie, mais il en reste une très grosse pour la période à venir.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État a totalement partagé ces conclusions : la béatitude ne saurait être de mise avec un déficit de 36 milliards d’euros. Jamais Keynes n’aurait imaginé un tel rapport au PIB dans ses rêves les plus fous, à supposer qu’un déficit budgétaire puisse avoir quelque utilité dans un contexte d’économie ouverte. Le ministre du budget véritablement heureux sera celui qui pourra présenter un budget en réel équilibre. En attendant, force est de trouver son bonheur à sa fenêtre et de se contenter des progrès observés. La France peut mieux faire, et l’intérêt des deux derniers exercices est d’avoir pu démontrer l’existence de marges de manœuvre considérables. Toutes les pistes explorées se sont avérées positives : qu’il s’agisse des audits et de la recherche de gains de productivité, de la gestion des actifs, notamment immobiliers, de l’utilisation des nouvelles technologies ou de l’évaluation systématique des programmes publics, il reste de fantastiques perspectives d’optimisation de la dépense publique, pour peu évidemment que l’on sache faire preuve de pédagogie en direction des Français. Or force est de constater que le débat public sur cette question se réduit depuis des décennies à opposer des « gentils » appelant à davantage de dépense publique et des « méchants » ou réputés tels, soutenant qu’il en faut moins. Or, ce n’est plus le sujet depuis très longtemps : tous les pays, tous les partis socialistes modernes ont abandonné ce débat « quantitativiste » et compris que l’heure était au qualitatif et aux réformes structurelles. Le parti socialiste danois vient de voter avec les conservateurs pour le report de l’âge de la retraite à soixante-sept ans alors que son homologue français en est encore à proposer l’abrogation de la loi Fillon et l’alourdissement de la CSG pour financer les retraites.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, a poursuivi son propos en apportant les éléments de réponse suivants :

– l’État a bel et bien atteint le « solde stabilisant » de la dette de l’État en 2006. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte : le niveau de la dette de l’année N-1, l’écart entre le taux de croissance et les taux d’intérêts, etc. Mais globalement, l’objectif est atteint, à peu de chose près en tout cas ;

– les prévisions de recettes ne doivent pas donner lieu à malentendu. Le Gouvernement n’a pas cherché à dissimuler des éléments de recettes le 15 décembre pour mieux les ressortir en janvier. Quoi qu’en pense M. de Courson, le ministre a toujours communiqué en temps réel les éléments dont il disposait. Restait une énorme inconnue : les résultats des entreprises, pour l’essentiel connus seulement entre Noël et le jour de l’an, ce qui interdit toute vision plus précise avant la fin de l’année. Sitôt connus, les chiffres ont été communiqués, et affinés dans les jours qui ont suivi ;

– tout indique que les déficits publics globaux devraient se situer à un niveau meilleur que 2,7 % ; encore faut-il connaître précisément tous les chiffres, à commencer par ceux des collectivités locales dont les dépenses sont très dynamiques – de même que les recettes fiscales, surtout du côté des régions –, et le niveau du PIB définitif. Une fraction ne peut que rester approximative tant que les chiffres du numérateur et du dénominateur ne sont pas exactement arrêtés. Quoi qu’il en soit, la Commission européenne devrait bientôt clore elle-même le dossier : si elle en vient à penser que la France peut faire « encore » mieux, sans doute pense-t-elle que ce n’est déjà pas mal ;

– s’agissant des effectifs, on ne connaît pas encore précisément le solde du non-remplacement des départs en retraite. Le plancher avait été fixé à 5 000 ; la fongibilité asymétrique a incontestablement joué. Il faudra attendre les rapports annuels de performance pour avoir tous les éléments ;

– plutôt que de vanter les capacités communicatives du ministre, autant se monter beau joueur et admettre les faits et la réalité des chiffres : un déficit ramené à 36,1 milliards d’euros, soit deux points de PIB en estimé, représente un résultat jamais vu depuis 1991… Ce niveau avait, il est vrai, été pratiquement atteint en 2000, mais tout a explosé en même temps que la bulle Internet. Les comptes 2002 n’avaient plus rien de glorieux : le déficit arrêté à 30 milliards dans le PLF 2002 a finalement atteint 49 milliards après audit ! Le gouvernement s’est retrouvé à devoir payer les factures de son prédécesseur : trois primes de Noël non financées et une baisse de l’IR qui ne l’était pas davantage… L’important est d’avoir pu réparer les dégâts et de parler désormais le même langage, grâce à la LOLF ;

– si le taux de croissance de la France est en 2006 légèrement inférieur à celui de l’Allemagne, on aurait tort de ne pas prendre en compte toute la période consolidée et le décalage conséquent lié à la politique du gouvernement socialiste allemand. Qui plus est, malgré le choc de croissance de 2003, l’État a su tenir ses comptes alors que la situation aurait pu se détériorer sensiblement. Le contexte était bien moins facile que celui de la période précédente, où la dépense publique a explosé, sans oublier les bombes à retardement liées aux 35 heures. L’évolution comparée des dépenses de l’État en volume entre 1998-2002 et 2003-2007 se passe de commentaires ;

– la question des prélèvements obligatoires reste un éternel débat, de surcroît assez ambigu car largement conditionné par le niveau du dénominateur, autrement dit du PIB : l’indicateur de prélèvement obligatoire est particulièrement volatil. Sont concernés les collectivités locales, la sécurité sociale et l’État. Le taux des prélèvements obligatoire du seul fait de l’État a baissé de deux points durant la législature ; c’est loin d’être le cas du côté des collectivités locales, et notamment des régions. Force est de constater que, dès lors que l’on parvient à tenir la dépense publique à zéro en volume pendant cinq ans, on transforme les habitudes des administrations ;

– pour ce qui est de la croissance attendue en 2007, les organisations internationales placent la France dans la moyenne de la zone euro. Si elle parvient à tenir son rang, ce sera grâce à la baisse du chômage, qui a considérablement contribué à l’amélioration de la croissance et accessoirement de la recette fiscale.

M. Charles de Courson a soutenu que le taux de prélèvement obligatoire ne pouvait qu’être en hausse, probablement aux alentours de 44,2 ou 44,3 %.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, a répondu qu’il fallait attendre de disposer de tous les éléments. Une seule chose est certaine : pour ce qui relève du seul État, il a baissé de deux points.

M. Charles de Courson a soutenu que les autres éléments étaient déjà connus, à tout le moins grosso modo : le taux de croissance en volume est compris entre 1,9 et 2 % du PIB et l’évolution des prix entre 1,7 et 1,8 %. Autrement dit, le dénominateur et le numérateur sont connus, à peu de choses près. Or le numérateur est en hausse de 6,3 % ! De ce fait, le taux de PO ne peut que s’aggraver de 0,2 à 0,3 point à tout le moins.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, s’est engagé à communiquer les chiffres définitifs des collectivités locales et des dépenses sociales sitôt qu’ils seront arrêtés. Les recettes 2007 sont tout à fait consolidables, au moins pour l’essentiel. Pour ce qui est des prévisions, au moins une inconnue demeure jusqu’au 20 décembre ;

– l’essentiel des recettes de privatisations – 14 milliards sur 17 – aura été utilisé pour le désendettement ; la baisse du ratio dette/PIB est très largement liée aux résultats du compte de privatisation. Il faut poursuivre le travail de réforme structurelle. Les efforts conduits de façon quelque peu empirique au moment du démarrage de la LOLF devront être considérablement amplifiés dans les années à venir. Un candidat qui préconise la baisse des impôts tout en confirmant les objectifs de désendettement ne peut qu’être préféré à celui qui préconise d’augmenter tout à la fois les impôts et la dépense publique.

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Information relative à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 21 de la LOLF, un projet d’arrêté portant ouverture de crédits sur les programmes « Ouvriers des établissements industriels de l’État » et « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » du compte d’affectation spéciale « Pensions », pour un montant de 300.602.635 euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement.