COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 25 septembre 2002
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

page

- Proposition de loi modifiant certaines dispositions du code de commerce relatives aux mandats sociaux (n° 193) (rapport)


2

- Informations relatives à la Commission

5

La Commission a désigné M. Philippe Houillon rapporteur pour la proposition de loi modifiant certaines dispositions du code de commerce relatives aux mandats sociaux (n° 193), puis procédé à l'examen de ce texte.

M. Philippe Houillon, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la présente proposition de loi était motivée par l'entrée en vigueur prochaine, le 17 novembre 2002, de certaines dispositions de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (nre), qui traitent de la limitation du cumul des mandats sociaux dans les sociétés anonymes. Il a expliqué que ces dispositions étaient, en effet, entachées d'imprécisions rédactionnelles, voire d'ambiguïtés juridiques, qui ne laisseraient pas de poser des problèmes d'application aux entreprises. Il a précisé que la question du cumul des mandats n'était pas la seule qui conditionnait la bonne conduite d'une entreprise et que la révision de ces dispositions n'épuiserait pas la nécessaire adaptation du droit des sociétés, qui devra faire, par ailleurs, l'objet d'un important travail de réflexion et de consultation.

Il s'est ensuite attaché à décrire l'état du droit antérieur à la loi NRE, qui, d'une part, limitait à huit le nombre de mandats de gestion cumulables dans les sociétés anonymes situées sur le territoire métropolitain et à deux celui de mandats de direction et, d'autre part, autorisait le cumul de mandats croisés, qu'il s'agisse de mandats au sein d'un conseil d'administration et d'un conseil de surveillance ou de mandats de gestion et de direction. Il a précisé qu'au sein d'un groupe, défini, dans l'état du droit antérieur à la loi NRE, par la détention à concurrence de 20 % au moins du capital d'une société par une autre société, une dérogation permettait de détenir jusqu'à cinq mandats, que les sociétés soient cotées ou non.

Il a indiqué que la loi nre limitait pour sa part respectivement à cinq et un les mandats de gestion et de direction susceptibles d'être exercés par une seule personne dans une société anonyme située sur le territoire national, et non plus seulement métropolitain, tandis que le nombre maximal de mandats, quelle que soit leur nature, était limité à cinq. Il a fait observer que, si la dérogation en faveur des groupes était maintenue et autorisait une même personne à exercer un nombre illimité de mandats de gestion, mais seulement deux mandats de direction au sein d'un groupe, elle excluait le président du conseil d'administration de ces dispositions et devenait applicable aux seules sociétés non cotées, tandis que la notion de contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce était substituée à celle de participation.

Il a souligné que ces nouvelles dispositions étaient empreintes d'incertitudes, créant, d'une part, une insécurité juridique quant à la règle applicable à un directeur général issu d'un conseil d'administration, qui semblerait devoir démissionner en l'état actuel de la rédaction de la loi, et ne traitant pas, d'autre part, de manière claire la question des mandats croisés, qui paraissent, désormais, interdits.

En conséquence, il a estimé que la proposition de loi devait clarifier et adapter les règles qui entreront prochainement en vigueur, en étendant aux sociétés cotées la dérogation relative aux mandats au sein d'un même groupe, en supprimant l'impossibilité, pour le président d'un conseil d'administration, de bénéficier de la dérogation de groupe, en permettant le cumul d'un mandat de directeur général et de membre du conseil d'administration sans que cela ne compte pour deux mandats, en rendant explicitement possible l'exercice de mandats croisés et, enfin, en autorisant le détenteur d'un mandat de direction d'une petite et moyenne entreprise à exercer d'autres mandats dans une société qui n'appartient pas au même groupe.

M. Alain Vidalies a exprimé sa surprise devant les conditions d'examen d'un texte dont les députés n'ont pu connaître la teneur que ce matin alors que son inscription à l'ordre du jour est prévue mardi prochain. Tout en reconnaissant que certains articles de la loi NRE suscitaient des difficultés d'interprétation, il a observé que d'autres textes avaient pu donner naissance à des querelles doctrinales, sans qu'il ait pour cela été jugé nécessaire de légiférer dans l'urgence. Rappelant, en outre, que certaines ambiguïtés de la loi avaient déjà pu être levées grâce aux interprétations très claires que le gouvernement précédent avait faites du texte, il a estimé que la proposition de loi présentée par le rapporteur n'était, en fait, qu'un prétexte de la nouvelle majorité pour donner des gages aux grandes organisations patronales en matière de gouvernance d'entreprises. Il a regretté que le gouvernement n'ait pas eu le courage de présenter lui-même le texte et ait jugé préférable de s'en remettre à une initiative parlementaire. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la cohérence de la majorité sur ce thème, en rappelant que l'audition récente de l'association des petits porteurs par la Commission de la production et des échanges ne paraissait pas a priori plaider pour une libéralisation de la gouvernance d'entreprises. Il a jugé tout à fait révélateur qu'un texte qui a pour unique objet, derrière le prétexte de clarifier des dispositions techniques, de revenir sur la limitation du cumul des mandats sociaux au profit des dirigeants d'entreprises, soit le premier inscrit à l'ordre du jour de la nouvelle session parlementaire.

Après avoir insisté à son tour sur l'ambiguïté des dispositions de la loi NRE relatives aux mandats sociaux et souligné l'urgence qu'il y avait à légiférer en cette matière, M. Xavier de Roux s'est félicité des clarifications apportées par le dispositif de la proposition de loi. Il s'est cependant demandé s'il ne serait pas opportun d'élargir le champ d'application de la dérogation de groupe à toutes les sociétés entrant dans le périmètre de consolidation des comptes d'un groupe, au sens de l'article L.  233-16 du code de commerce, alors que le dispositif proposé en limitait l'application à ceux qui détiennent un mandat dans la « société-mère ».

M. Jean-Pierre Soisson a souligné que l'adoption d'une proposition de loi était la seule solution permettant d'éviter l'entrée en application, le 17 novembre prochain, des dispositions de la loi du 15 juin 2001 relatives à la limitation du cumul des mandats sociaux. Observant, par ailleurs, que les membres de la Commission semblaient d'accord sur la nécessité de lever certaines ambiguïtés de cette loi, il a souhaité que le texte soumis à l'Assemblée se limite à répondre aux problèmes concrets soulevés par la mise en _uvre de la réglementation du cumul des mandats sociaux.

En réponse aux propos de M. Alain Vidalies, le rapporteur a d'abord indiqué que les difficultés d'interprétation du texte dépassaient le cadre des querelles doctrinales entre spécialistes, puisqu'elles mettaient en cause la sécurité juridique des rapports sociaux au sein de l'entreprise ; il a considéré qu'il s'agissait donc d'une question d'intérêt général exigeant une réponse rapide. S'agissant du manque de cohérence dont ferait preuve la majorité sur le thème de la gouvernance d'entreprise, il a objecté que, au-delà des simples aménagements techniques résultant de la proposition de loi, une réforme d'ensemble du droit des sociétés, sans aucun doute nécessaire, exigeait une réflexion approfondie. C'est pourquoi il a souhaité que la proposition de loi conserve un objet limité, tout en indiquant qu'il n'était pas hostile à l'adoption d'amendements permettant de résoudre des difficultés particulières en lien avec le cumul des mandats sociaux.

S'agissant de la proposition formulée par M. Xavier de Roux qui s'inscrit dans ce cadre, le rapporteur a néanmoins exprimé la crainte qu'elle ne conduise à un élargissement excessif du champ d'application de la dérogation à la limitation du cumul des mandats sociaux.

Le Président Pascal Clément a indiqué que le dépôt d'une proposition de loi plutôt que d'un projet de loi, résultait non d'un manque de courage du gouvernement, mais d'une exigence de rapidité. Il a rappelé que la précédente majorité avait parfaitement compris les avantages de l'initiative parlementaire lorsqu'il avait fallu modifier dans l'urgence la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence.

Jugeant la proposition formulée par M. Xavier de Roux intéressante, il a cependant mentionné qu'il conviendrait de fixer une limite au nombre des mandats détenus au sein des sociétés entrant dans le périmètre de consolidation d'un groupe, afin notamment de laisser aux administrateurs le temps nécessaire à l'exercice de leur mission de contrôle, et ajouté que seuls les administrateurs détenant un mandat au sein de la société mère devaient pouvoir siéger sans limite au sein du conseil d'administration des sociétés filiales, afin de disposer d'une vision globale du groupe.

Puis il a fait part aux membres de la commission de son intention de mettre en place une mission d'information qui, dans un délai d'un an, pourrait jeter les bases d'une réforme d'ensemble du droit des sociétés. Le principe de la création de cette mission d'information n'a suscité aucune objection.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 de M. Jean-Marc Ayrault.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, elle a adopté un autre amendement du rapporteur, fusionnant les paragraphes II et III de la proposition de loi et clarifiant le régime dérogatoire au principe de non-cumul appliqué au directeur général, qu'il s'agisse de la dérogation verticale, au sein d'un même groupe, ou de la deuxième dérogation autorisée, horizontale, entre deux sociétés non cotées entretenant un lien, non pas juridique, mais économique. M. Philippe Houillon a expliqué qu'il s'agissait, en l'occurrence, de prendre en compte la situation spécifique des petites et moyennes entreprises.

M. Dominique Tian s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de recourir à la notion de société entrant dans le périmètre de consolidation des comptes plutôt qu'à celle de société contrôlée. M. Philippe Houillon a estimé que ces notions ne recouvraient pas le même champ et indiqué que la proposition de loi s'inscrivait dans une logique de dérogation verticale, alors que la référence au périmètre de consolidation relevait d'une logique horizontale. Il a ajouté que l'extension aux sociétés s_urs d'un régime dérogatoire aux règles de cumul, écartant la référence systématique à la société mère, d'une part relevait d'une disposition distincte, d'autre part impliquait la définition d'un plafond permettant aux mandataires visés le plein exercice de leurs compétences.

Après avoir adopté un amendement, également présenté par le rapporteur, de suppression du paragraphe III résultant de la fusion des paragraphes II et III de la proposition de loi, la Commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle du rapporteur, fusionnant les paragraphes IV et V et clarifiant, de manière parallèle au dispositif retenu s'agissant des règles applicables au directeur général, le régime dérogatoire dont bénéficient les membres du directoire ou le directeur général unique. Elle a, en conséquence, adopté un autre amendement de suppression, du paragraphe IV, présenté par le rapporteur.

De même, elle a adopté un amendement du rapporteur clarifiant le régime des dérogations croisées applicables aux mandats de direction, avant d'adopter un amendement rédactionnel du rapporteur.

Enfin, sur proposition du rapporteur, elle a adopté deux amendements, le premier créant un article additionnel relatif aux règles applicables aux SICAV, peu cohérentes et ambiguës en l'état actuel du droit, du fait d'une contradiction entre le code du commerce et le code monétaire et financier, le second créant un deuxième article additionnel et traitant, quant à lui, des conditions d'entrée en vigueur des dispositions du code de commerce telles que modifiées par la présente loi. A cet égard, M. Philippe Houillon a fait observer qu'un délai de deux mois à compter de la publication du présent texte était nécessaire pour permettre aux entreprises concernées de prendre matériellement leurs dispositions. En écho à M. Xavier de Roux et au Président Pascal Clément, il a souligné la nécessité d'une entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition antérieure à la date butoir prévue par l'article 131 de la loi NRE, sous peine de voir émerger une situation juridique confuse.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  M. Philippe Houillon, rapporteur pour la proposition de loi modifiant certaines dispositions du code de commerce relatives aux mandats sociaux (n° 193) ;

-  M. Richard Dell'Agnola, rapporteur pour la proposition de loi relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n° 194) ;

-  M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur pour la proposition de résolution de M. Patrick Ollier modifiant l'article 36 du Règlement de l'Assemblée nationale (n° 162).

La Commission a décidé le principe de la création d'une mission d'information sur la réforme du droit des sociétés.

--____--


© Assemblée nationale