COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président
puis de M. Jean-Luc Warsmann, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2003



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- Examen du rapport pour avis sur les crédits de ce ministère (M. Bernard Derosier, rapporteur)

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2003.

Après avoir rappelé que le budget de son ministère, qui s'élève, hors rémunération, pour 2003 à 211,2 millions d'euros, ne représentait qu'une petite partie des dépenses en personnel de l'État, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a souligné que ce budget était marqué, avant tout, par la recherche de la vérité comptable et par le souci de l'efficacité. Il a annoncé, à cet égard, que le Gouvernement ne demanderait pas de crédits nouveaux pour des opérations qui, soit relèvent d'autres ministères, comme la formation interministérielle à la ville, soit connaissent des reports de crédits inemployés, comme la réservation de logements en Île-de-France ou la construction de restaurants interadministratifs. Après avoir observé que son ministère s'appliquerait à lui-même la réforme de l'État, notamment en matière budgétaire, il a indiqué que l'utilisation des reports de crédits non consommés serait garantie par un véritable contrat d'exécution avec le ministère du budget. Il a annoncé que le fonds pour la réforme de l'État bénéficierait d'une dotation de 5,73 millions d'euros, permettant ainsi de porter le montant des crédits utilisables à 20 millions d'euros, soit un chiffre jamais atteint depuis la création de ce fonds. Il a ensuite souligné l'augmentation sensible des crédits affectés à la relance de l'action sociale interministérielle, ainsi que la hausse de près de 50 % des crédits du fonds d'insertion des handicapés.

Présentant ensuite les grands axes de la politique menée par son ministère, il a indiqué que l'efficacité du service public, la satisfaction de l'usager et l'épanouissement des fonctionnaires constituaient les trois objectifs à atteindre et à concilier. Tout en estimant que la question des effectifs ne devait pas être considérée comme un préalable à la réforme de l'État, il a annoncé qu'il avait réuni, il y a quelques jours, l'Observatoire pour l'emploi public, afin de mieux connaître la répartition des effectifs et précisé que le Premier ministre devrait signer prochainement une circulaire demandant aux ministres de remplir des tableaux de bord à intervalles réguliers. Il a insisté sur l'importance, pour chaque ministère, de disposer d'outils d'évaluation efficaces leur permettant d'apprécier les résultats obtenus en fonction des objectifs fixés. Il a estimé qu'au-delà des effectifs, le véritable défi auquel devaient faire face les administrations était de disposer des compétences dont elles ont besoin.

Évoquant la relance de la décentralisation, il a observé que la nouvelle répartition des compétences, qui en résulterait, aurait des conséquences sur la fonction publique. Il a indiqué que le Premier ministre lui avait donné mandat d'ouvrir, avec les syndicats de la fonction publique, une concertation sur les questions que posent les transferts de personnels liés aux transferts de compétences et aux expérimentations, soulignant que le succès de cette réforme dépendait en grande partie de la motivation des personnels.

Il a ensuite rappelé qu'il avait ouvert le dossier de l'inter-fonctions publiques, répondant ainsi à une attente forte des gestionnaires et des personnels. Il a précisé qu'il s'était déjà exprimé devant le conseil supérieur de la fonction publique de l'État et celui de la fonction publique territoriale et qu'il se rendrait, dès que possible, devant celui de la fonction publique hospitalière. Après avoir souligné sa volonté d'aborder rapidement les questions communes à l'ensemble des agents publics, notamment celle relative à la formation, il a annoncé la réunion, en 2003, d'une conférence des trois conseils supérieurs.

Évoquant ensuite rapidement les réformes relatives à la simplification administrative et aux rapports avec les usagers, qui relèvent de la compétence du secrétaire d'État à la réforme de l'État, il a insisté sur leur importance, soulignant la nécessité de diminuer la place de l'usager et d'augmenter parallèlement celle du citoyen, afin d'éviter que les administrations ne deviennent de simples prestataires de services.

Le ministre a ensuite indiqué qu'il avait reçu récemment les syndicats de fonctionnaires pour les convier à ouvrir une série de discussions sur la gestion des ressources humaines. Il a fait valoir que la puissance d'une administration dépendait de l'attractivité de sa fonction publique, les inégalités territoriales étant avant tout liées aux inégalités dans la répartition des compétences. Il a annoncé que les discussions avec les organisations syndicales porteraient sur les modalités de recrutement, la formation, les parcours de carrière, la motivation des agents, leur mobilité, les deuxièmes carrières, les fins de carrière et l'action sociale, soulignant le caractère ambitieux du chantier ainsi ouvert.

S'agissant de la fonction publique territoriale, il a indiqué qu'il avait formulé, devant le conseil supérieur de cette fonction publique, plusieurs propositions de nature à assouplir la gestion des collectivités, tout en répondant aux attentes des personnels. Il a cité, à cet égard, la présence obligatoire des stagiaires dans la collectivité à l'origine de la formation pendant trois ans après leur recrutement, sauf si la collectivité qui les embauche indemnise la collectivité qu'ils quittent, et l'institution d'un complément de formation initiale par une formation complémentaire d'un mois par an au cours de ces trois premières années, destinés à éviter de pénaliser la collectivité locale finançant la formation initiale. Il a également évoqué la réflexion menée sur la prise en compte des acquis professionnels et la suppression de la limite d'âge pour le recrutement, l'ouverture plus large des détachements dans les autres cadres d'emploi, ainsi que le renforcement de la formation permanente, qui pourrait devenir obligatoire.

S'agissant des retraites, il a indiqué qu'il ouvrirait, avant le premier semestre 2003, des discussions avec les syndicats de la fonction publique, en parallèle avec celles qui auront lieu dans le privé, et annoncé le dépôt prochain d'un amendement dans le cadre de la loi de finances mettant en place une extinction progressive du congé du fin d'activité.

Après avoir rappelé que le fonds pour la réforme de l'État constituait l'instrument financier de son action ministérielle, M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a souligné l'importance du concours du Parlement, notamment de la commission des Lois, dans la réussite du chantier de la simplification administrative. Faisant valoir que les dernières élections avaient montré l'importance pour le renforcement de la crédibilité des élus de l'amélioration de l'efficacité de l'action publique, il a insisté sur la nécessité de réduire les délais administratifs et de simplifier les procédures. Il a ensuite évoqué la nouvelle gestion publique mise en place par la loi organique relative aux lois de finances, qui devrait entrer en application dans sa totalité en 2006. Après avoir observé que la réforme de l'État devait aller de pair avec le renforcement de la décentralisation, il a souhaité que l'expérimentation soit développée dans les services de l'État.

Évoquant la simplification de la vie des Français, il a souligné la nécessité de réduire la complexité et le nombre des lois et règlements, rappelant qu'il existait aujourd'hui plus de 8 000 lois et 40 000 règlements. Il a annoncé, à ce propos, le dépôt, au début de l'année 2003, d'un projet de loi d'habilitation permettant de simplifier des lois en vigueur par ordonnance et fait part de son souhait d'associer la commission des Lois à la préparation de ce texte. Il a indiqué, à cet égard, qu'il avait également écrit, avec le ministre de la fonction publique, à l'ensemble des parlementaires pour leur demander de transmettre leurs idées de simplification. Considérant que, s'il était souhaitable de simplifier la législation en vigueur, il était toutefois préférable encore de légiférer moins et plus efficacement, il a suggéré que les parlementaires s'interrogent, pour chaque texte soumis à leur examen, sur le caractère indispensable de la réforme proposée, sur l'adéquation des moyens qui y sont consacrés et donc sur son applicabilité et sur l'aspect législatif ou réglementaire de son contenu. Observant que la simplification ne relevait pas de la seule compétence du Gouvernement, il s'est interrogé sur l'opportunité d'un recours à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation ou au Conseil d'État pour mener à bien cette tâche, indiquant qu'il était ouvert à toute suggestion. Après avoir souligné la nécessité de mieux légiférer, comme l'a rappelé M. Dieudonné Mandelkern dans son rapport de novembre 2001, élaboré dans le cadre de l'Union européenne, il a annoncé l'élaboration d'une circulaire du Premier ministre sur cette question. En conclusion, il a estimé que les élus se devaient de reprendre la maîtrise de la prolifération législative et réglementaire observée jusqu'à présent.

Le président Pascal Clément a souhaité savoir si la nouvelle étape de la décentralisation que le Gouvernement allait mettre en œuvre se traduirait par l'élimination des doublons existant entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale, soulignant que les réformes précédentes n'avaient jamais abouti à la suppression des postes de fonctionnaires devenus inutiles. Il a ensuite estimé qu'il était nécessaire de donner aux collectivités territoriales plus de marges de manœuvre pour gérer leurs personnels, notamment en matière de rémunération et de primes, et s'est demandé si le principe de parité, auquel le ministre avait marqué son attachement, ne s'opposait pas, dans certains cas, au principe de subsidiarité.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État, a, tout d'abord, fait part de ses craintes de voir une trop grande liberté de gestion accordée à chaque collectivité se traduire par des inégalités de traitement, les collectivités les mieux dotés financièrement attirant les meilleurs fonctionnaires. Il a souligné l'importance de créer de réelles passerelles entre les trois fonctions publiques. Il a, par ailleurs, annoncé qu'il présenterait un amendement tendant à prolonger d'un an le congé de fin d'activité, afin de ne pas pénaliser les fonctionnaires qui avaient intégré ce dispositif dans leur projet professionnel et de faciliter le renouvellement de la fonction publique. Après avoir rappelé l'intérêt d'un outil tel que l'Observatoire de l'emploi public, qui doit constituer une véritable instance de dialogue, il a regretté que seuls les parlementaires de la majorité y soient représentés.

Puis, il a interrogé le ministre sur les raisons du retard pris dans la mise en place des commissions d'experts chargées d'examiner, conformément à la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale, les dossiers d'intégration dans les cadres d'emploi des agents des collectivités locales placés en situation de précarité. Par ailleurs, il s'est étonné qu'aucun crédit, dans le projet de loi de finances pour 2003, ne soit provisionné en vue d'alimenter les négociations sur les revalorisations salariales qui se tiendront l'an prochain dans la fonction publique, alors même que la progression du point fonction publique en 2002 sera sensiblement inférieure au niveau constaté de l'inflation.

Ensuite, il a souhaité connaître la position des ministres sur l'amendement de réduction des crédits de l'École nationale d'administration, adopté, à l'initiative de M. Louis Giscard d'Estaing, le 23 octobre dernier, par la commission des Finances. Enfin, il a souligné l'importance qu'il y avait, dans le processus de simplification des textes législatifs par voie d'ordonnance, à associer à la démarche l'ensemble des ministères, sous peine de voir certaines redondances perdurer.

Marquant son adhésion aux objectifs exposés par les ministres, M. Gérard Léonard, a estimé qu'il faudrait énormément de courage pour les réaliser tant les rigidités sont nombreuses dans l'administration. S'agissant des personnels des collectivités territoriales, par exemple, il a souligné qu'il était très difficile d'introduire la notion de mérite dans la définition des rémunérations à cause du manque de souplesse de la législation et de la tutelle des comités de gestion. Il a ensuite dénoncé le cloisonnement qui existait entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale et souhaité que soit instaurée davantage de mobilité. À cet égard, il a dénoncé l'absence d'équivalence des diplômes entre les deux fonctions publiques, en expliquant que le gendarme qu'il avait recruté comme officier municipal avait dû effectuer un nouveau stage alors même qu'il avait la qualité d'officier de police judiciaire.

Après avoir regretté que l'État ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires en vigueur tendant à garantir l'accès à la fonction publique des personnes handicapées, M. Michel Hunault a souhaité connaître les mesures qu'entendait prendre le ministre en la matière.

M. Émile Zuccarelli a d'abord considéré que le statut de la fonction publique constituait un cadre juridique respectable et pertinent qui, par conséquent, ne devait pas être remis en cause, tout en convenant que certains assouplissements étaient nécessaires afin d'améliorer l'efficacité de la gestion de l'administration. Observant ensuite qu'il conviendrait, dans l'intérêt du service public, de permettre à des personnes bénéficiant d'une expérience professionnelle d'intégrer la fonction publique dans des conditions statutaires et indemnitaires satisfaisantes, il a souhaité savoir si le ministre envisageait de prendre des initiatives en la matière.

Puis, après avoir évoqué les difficultés rencontrées par les collectivités locales pour recruter des personnels issus de la fonction publique d'État en raison, notamment, des différences entre les régimes indemnitaires de la fonction publique territoriale et de celle de l'État, il a considéré qu'il serait souhaitable que le ministre engage une réflexion sur cette forme d'entrave à la mobilité des fonctionnaires. Il a poursuivi son propos en observant que cette question allait se poser avec d'autant plus d'acuité compte tenu des dispositions du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République qui doivent accroître les compétences dévolues aux collectivités territoriales et entraîner parallèlement un transfert, de la part de l'État, des moyens humains nécessaires à l'exercice de ces nouvelles prérogatives.

Après avoir souligné que les expérimentations prévues par le projet de loi constitutionnelle étaient susceptibles de multiplier les règles en vigueur sur le territoire national, ce qui risquait d'aller à l'encontre de la volonté de simplification des normes défendue par le ministre, il a conclu en estimant qu'il serait souhaitable qu'un terme puisse être mis à ces expérimentations et qu'elles soient, en tout état de cause, limitées dans le temps.

Réagissant aux propos tenus par M. Michel Hunault, Mme Ségolène Royal a estimé qu'il importait que l'État montre l'exemple en matière d'emploi des personnes handicapées. Rappelant que, lorsqu'elle était ministre, une convention avait été conclue prévoyant le gel des créations d'emplois dans les ministères qui n'auraient pas recruté le nombre des personnes handicapées prévu par la loi, elle a souhaité savoir si cette convention était aujourd'hui respectée et, dans l'affirmative, combien de créations d'emplois avaient, en conséquence, été gelées.

Évoquant ensuite le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, elle a regretté, à l'unisson du Sénat, que les communautés de communes ou d'agglomérations ne soient pas concernées par son dispositif, tout en déplorant, par ailleurs, que la nécessaire simplification de l'organisation territoriale de l'État n'ait pas conduit le Gouvernement à proposer la suppression de l'une des catégories de collectivités locales. S'agissant des « pays », faisant référence à de récentes déclarations du ministre, elle a demandé s'il était envisagé de les supprimer. Enfin, après avoir approuvé les propos du ministre appelant à légiférer moins tout en choisissant plus judicieusement la norme juridique pertinente en fonction de la réforme envisagée, elle a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement n'avait pas, en conséquence, pris en considération, sur le projet de loi constitutionnelle, l'avis du Conseil d'État selon lequel certaines dispositions proposées n'avaient pas leur place dans la Constitution.

M. Jean-Pierre Dufau s'est inquiété des décisions prises par le Gouvernement en ce qui concerne les congés de fin d'activité. Il a considéré qu'une extinction « progressive » desdits congés au terme d'un délai d'un an équivaudrait, en fait, à une extinction « régressive ». Il a, par ailleurs, relevé que l'intercommunalité n'était guère abordée dans les projets du Gouvernement en matière de décentralisation. Enfin, évoquant des propos du ministre sur les pays, il a souhaité que celui-ci précise le contenu et le rôle qu'il assignait à cette notion.

M. Jacques-Alain Bénisti a tout d'abord exprimé sa satisfaction sur le projet de budget présenté pour la fonction publique. Il a salué le souci de transparence et de vérité qui avait inspiré le Gouvernement. Il a insisté sur la nécessité de développer des relations approfondies avec les syndicats de la fonction publique. À cet égard, il s'est référé à un accord récemment conclu entre le Centre de gestion de la Petite-Couronne et six syndicats de la fonction publique, qui doit permettre à ces derniers de développer leurs actions dans de meilleures conditions. Il a approuvé la volonté du Gouvernement d'introduire davantage d'efficacité dans l'action publique, mais a insisté sur la nécessité d'obtenir également que les décisions se traduisent plus rapidement dans les faits, afin que les usagers perçoivent mieux le sens des politiques engagées. S'agissant de la formation des fonctionnaires, il a considéré que les moyens à mettre en œuvre pour que les collectivités locales bénéficient directement des efforts qu'elles réalisent mériteraient effectivement de faire l'objet d'un grand débat. Il a jugé, de manière plus générale, que le soutien de la formation des fonctionnaires était un enjeu essentiel qui conditionne le niveau, mais aussi la motivation des agents de l'État et des collectivités locales. Enfin, il a salué la volonté du Gouvernement d'aller dans le sens d'une simplification du droit tout en souhaitant que cette orientation s'accompagne d'un effort de clarification des normes.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire a fait les remarques suivantes :

-  Les travaux de l'Observatoire de l'emploi public ont permis d'améliorer grandement la connaissance de la réalité des effectifs de la fonction publique, y compris en matière de détachements et de mises à disposition, et participent du double objectif, inscrit dans la loi organique relative aux lois de finances, de transparence et de responsabilisation des gestionnaires. Ils ont également révélé que 60 % des emplois précaires n'étaient pas concernés par les dispositifs législatifs de résorption de l'emploi précaire, de telle sorte qu'il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques spécifiques de stabilisation pour ceux de ces emplois qui ne relèvent pas de besoins ponctuels avérés. Les commissions d'experts chargées d'examiner les dossiers d'intégration des agents précaires de la fonction publique territoriale devront être rapidement réunies, tandis que le dialogue social doit être activement recherché dans la résorption des emplois-jeunes présents dans les collectivités locales et les administrations. En outre, il faut trouver une solution juridique qui concilie le principe d'égal accès à la fonction publique par le concours et la nécessité de ne pas recruter, dans certaines fonctions, des agents surdiplômés.

-  Le retard pris par la fonction publique en matière d'insertion des handicapés par rapport au secteur privé est préoccupant et justifie une augmentation de 50 % des crédits consacrés au fonds d'insertion pour les handicapés pour 2003. En outre, un recensement exact du nombre de handicapés employés dans l'administration doit être entrepris, certains agents ne déclarant pas leur handicap et la définition de celui-ci n'étant pas harmonisée. La nature des missions imparties à certaines administrations empêchant parfois le recrutement de handicapés, établir un ratio uniforme d'emploi de ces personnes n'est pas pertinent. Une commission de suivi sera mise en place afin d'évaluer les efforts faits en la matière, d'inciter les administrations à recruter des personnes souffrant de handicap, les sanctions ne devant être envisagées que dans un deuxième temps.

-  Une réflexion est actuellement engagée avec les organisations syndicales sur les acquis professionnels et leur valorisation, la reconnaissance d'une compétence professionnelle devant faciliter les démarches d'un agent qui souhaite changer d'activité.

- Les décisions prises dans le cadre du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Petite-Couronne parisienne en matière d'exercice du droit syndical doivent être saluées. Les syndicats de la fonction publique doivent, en effet, être considérés, non comme un contre-pouvoir, mais comme des partenaires, dotés de droits et de devoirs et associés à toute réflexion sur le service public.

-  Le développement de la mobilité au sein de la fonction publique territoriale se heurte, en effet, aujourd'hui, aux différences existant entre les régimes indemnitaires applicables aux agents : aussi convient-il de veiller, afin de faciliter une mobilité fonctionnelle, à ce que tout détachement se fasse en préservant le régime indemnitaire dont bénéficie l'agent dans son corps d'origine, la souplesse existant en la matière dans la fonction publique de l'Etat devant également être appliquée à la fonction publique territoriale.

-  Si la revalorisation, à compter du 1er décembre prochain, de 0,7 point de l'indice de rémunération de la fonction publique a été pris en compte dans l'élaboration du projet de loi de finances pour 2003, celui-ci, contrairement à ce qui a parfois été fait, n'anticipe pas les résultats des négociations salariales à venir ; celles-ci seront ouvertes l'an prochain, l'objectif étant de faire en sorte que leurs résultats puissent être pris en compte lors de l'élaboration du prochain budget.

- La promotion dans la fonction publique doit récompenser le mérite des agents et il est nécessaire de veiller à ce que la fonction publique demeure un « ascenseur social », l'absence de perspective de promotion pouvant entraîner la démotivation de certains agents. À cet égard, il convient de davantage prendre en compte la notion de « métier », en veillant toutefois à ne pas trop spécialiser les filières, celles-ci devant, au contraire, être élargies afin de faciliter la mobilité des agents.

-  S'agissant du congé de fin d'activité, le Gouvernement avait le choix entre trois solutions : le supprimer, le prolonger d'un an sans modification du mécanisme ni prise en compte des évolutions qui découleront nécessairement de l'ouverture du débat sur les retraites, engager son extinction progressive sur trois ans. En retenant cette dernière solution, semblable à ce qui a adopté dans le secteur privé pour l'allocation de remplacement pour l'emploi (arpe), le Gouvernement à la fois ménage les agents qui souhaitent partir plus tôt en retraite et amorcer une seconde carrière, tout en préservant la possibilité d'adapter le système des retraites dans la fonction publique aux évolutions démographiques, notamment en permettant à ceux qui le veulent de prolonger leur carrière de quelques années.

-  Justifier le maintien des dispositions relatives à la limite d'âge pour accéder à la fonction publique par la nécessité d'assurer un certain nombre d'annuités de cotisations pour la retraite n'est pas pertinent. Dès lors qu'il peut s'avérer utile pour une collectivité de recruter une personne qui a, auparavant, durant plusieurs années, été employée dans le secteur privé, il convient de lever ces limites d'âges, une réflexion étant engagée avec les organisations syndicales sur le niveau de rémunération qui sera servi à la personne recrutée et sur son régime de retraite.

-  L'amendement adopté par la commission des Finances tendant à réduire d'un cinquième la subvention versée à l'École nationale d'administration (ENA) traduit les fortes interrogations que suscite aujourd'hui cet établissement, très apprécié à l'étranger mais décrié en France. Une réflexion doit être engagée sur le coût de fonctionnement de l'école, la nature de la formation qui y est dispensée, afin d'assurer une meilleure prise en compte des échelons communautaire et local et de favoriser une plus grande mobilité des fonctionnaires.

-  Loin d'être un coût, la formation est un investissement, la formation continue des personnels devant notamment figurer au rang des grands chantiers à ouvrir.

-  Afin d'éviter que la réforme de l'État n'aboutisse à davantage de complexité, il est nécessaire que soit mieux évaluée la portée des modifications législatives apportées.

-  En ce qui concerne la décentralisation, le projet de loi constitutionnelle, actuellement débattu, au Sénat encadrera les possibilités d'expérimentation qui seront désormais offertes aux collectivités territoriales. Expression d'une volonté communale de mutualiser, sur un espace donné, des moyens, l'intercommunalité doit être développée et faire l'objet d'expérimentations. Toutefois, il ne paraît pas nécessaire d'y faire référence dans la Constitution : au terme de la révision constitutionnelle, celle-ci reconnaîtra les régions, les départements et les communes, collectivités dont les organes sont élus au suffrage universel et dans lesquelles se reconnaissent les citoyens. Au demeurant, la décentralisation est nécessairement évolutive ; plutôt que de s'interroger sur l'éventuelle suppression d'échelons - ce qui ne correspond pas aux attentes des Français - il faut mettre les élus locaux, qui s'interrogent parfois sur les moyens d'aller au-delà de l'inter-communalité mais se heurtent à des obstacles juridiques, en mesure de choisir l'outil qui leur paraîtra le plus efficace, l'inter-départementalité ou l'inter-régionalité pouvant également être envisagée.

-  Le pays, qui ne saurait constituer un enjeu de pouvoir qu'instrumentaliseraient à son profit le département, la région, voire l'État, mais représente un espace de projet, doit émaner de la volonté des élus locaux. C'est d'ailleurs pourquoi il ne faut pas en faire une structure lourde ; il importe, au contraire, de lui conférer un périmètre souple et adaptable, défini à partir du projet qui le fonde, et non l'inverse comme c'est le cas aujourd'hui.

-  Dans le processus de décentralisation, tout transfert de compétences doit s'accompagner d'un transfert de moyens et nécessite une clarification des responsabilités, qui passe par la désignation, dans le traitement de chaque dossier, d'une collectivité ou d'une administration chef de file, de telle sorte que la maîtrise des délais soit assurée, sans que la qualité juridique et technique de la réponse apportée ne s'en ressente. Cet effort de clarification peut seul éviter les phénomènes de concurrence entre collectivités. Il doit, en outre, s'accompagner d'une réforme de l'organisation de l'État, le Premier ministre ayant, dans ce but, demandé par voie de circulaire à chaque ministre de lui indiquer celles de ses compétences qui seraient susceptibles d'être transférées aux collectivités locales. Par exemple, il apparaît peu opportun que les préfectures continuent d'examiner les dossiers d'installation de salons de coiffure ou de tenue de marchés dans telle ou telle commune.

-  Une certaine souplesse pourrait être introduite dans la liberté de gestion accordée à chaque collectivité locale, dès lors que les moyens modernes de communication permettent de déconnecter l'organisation politique de l'organisation administrative des services publics. La simplification des démarches demandée par l'usager implique, certes, une multiplication des guichets d'accueil, mais surtout une réorganisation des pôles de compétences dans le sens d'une plus grande concentration des ressources : ainsi, toute question adressée par un usager à une antenne locale de la comptabilité publique, aussi difficile soit-elle, peut être traitée par le centre de ressources situé à Lyon, dans des délais très courts et avec une sécurité juridique accrue. Les technologies de l'information et de la communication permettent des regroupements fonctionnels des capacités des collectivités locales, rendent la question de la liberté de gestion accordée à chaque collectivité moins prégnante et relativisent la concurrence entre collectivités.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a ensuite apporté les précisions suivantes :

-  C'est bien parce que la simplification de l'édifice juridique est difficile et représente une démarche semée d'embûches que le Gouvernement a besoin, sur ce sujet, du concours de tous les parlementaires. Une synthèse des propositions faites par les ministres, à la suite de la demande du Premier ministre, le 8 août dernier, de recenser toutes les pistes de simplification souhaitables, sera établie en vue de la réunion prochaine du comité interministériel à la réforme de l'État, dont les travaux serviront de base à la future loi d'habilitation qui interviendra en 2003.

-  S'agissant de l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi constitutionnelle, il convient de rappeler, sur la forme, qu'il ne lie pas le Gouvernement dès lors que seul le constituant peut, soit directement par référendum, soit indirectement par l'intermédiaire de ses représentants, décider de modifications constitutionnelles. Par ailleurs, sur le fond, l'avis du Conseil d'État témoigne a contrario de l'audace du projet de loi constitutionnelle, l'inscription de la subsidiarité, du droit à l'expérimentation et du devoir de péréquation dans le texte constitutionnel témoignant, de fait, d'avancées majeures. Par conséquent, il semble difficile de mettre en cause tout à la fois l'inutilité et la dangerosité de ce projet de loi.

-  La réforme constitutionnelle ouvre indéniablement une voie très riche à la réforme de l'État. Ainsi, l'introduction du droit à l'expérimentation pourrait permettre de mener à bien rapidement la réforme de la carte judiciaire qui, en l'état actuel du droit, se heurte aux principes fondamentaux régissant la fonction publique. Elle ne doit évidemment pas contribuer à accroître la complexité des problèmes en cause : à cet égard, l'expérimentation, qui ne saurait signifier l'adoption de législations différentes selon les territoires, mais être définie comme une souplesse destinée à favoriser les initiatives locales, doit être limitée dans le temps et évaluée par la Parlement en vue d'une éventuelle extension.

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Après le départ des ministres, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2003.

En préambule, M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis des crédits de du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État, a indiqué que les rémunérations des agents publics représentaient 13,5 % du produit intérieur brut et celles des seuls agents de l'État 7,8 % du pib, ces montants étant sans commune mesure avec le budget du ministère chargé de la fonction publique, dont les moyens, constitués à 60 % de crédits d'action sociale interministérielle, seront limités en 2003 à 216,7 millions d'euros, en baisse de 1,98 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.

Il a ajouté que l'importance de ces montants justifiait que le Parlement consacre à la fonction publique un examen attentif, d'autant plus que celle-ci connaît de profondes mutations liées, en particulier, au départ à la retraite de 30 % des fonctionnaires d'ici l'année 2009. Il a fait le constat d'une situation susceptible de s'améliorer, a exprimé ses préventions contre la facilité d'une réduction des effectifs et des moyens et a émis le souhait que les options choisies sous la législature précédente soient maintenues et approfondies. Il a précisé, à ce propos, que le choix du niveau des effectifs de la fonction publique n'avait de sens que s'il était accompagné d'une définition précise des missions de l'État et d'une organisation adaptée de ses structures administratives, regrettant que le Gouvernement s'engage, au contraire, dans un mouvement de réduction qui, s'il est affiché de manière modeste à hauteur de 1 089 postes supprimés dans les ministères civils en 2003, risque de se révéler, dans les faits, handicapant pour de nombreux services de l'État.

Il a fait observer que la Cour des comptes et l'Observatoire de l'emploi public avaient, à plusieurs reprises, souligné que la différence entre le nombre d'emplois budgétaires et le nombre d'emplois réellement pourvus pouvait être telle que la notion d'emploi budgétaire n'avait pas grande signification pour contrôler les moyens dont disposent les services publics. À cet égard, il a évoqué certains emplois de contractuels, comme les 92 000 emplois-jeunes, qui n'apparaissent pas comme des emplois budgétaires et sont à la merci de non-renouvellements. Il a relevé avec satisfaction que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, dans un souci de transparence, marquait, pour déterminer le plafond des emplois autorisés dans chaque ministère, l'abandon du concept d'emploi budgétaire, au profit de celui d'emplois effectivement rémunérés, indépendamment de leurs caractéristiques statutaires.

Il a jugé urgent, dans ce contexte, de promouvoir l'amélioration et la clarification de la gestion publique, la liberté accordée aux gestionnaires par la nouvelle loi organique devant se traduire par une responsabilité accrue. Il a rappelé la multiplication, ces dernières années, des réformes de l'administration, telles que la clarification et la restructuration progressives du système de rémunération des fonctionnaires depuis octobre 1999, l'introduction par la loi du 12 avril 2000 d'obligations nouvelles en matière d'aides financières apportées par les autorités administratives aux organismes de droit privé, l'amélioration des relations du citoyen avec l'administration par le biais du renforcement des droits de ce dernier, l'allégement des démarches administratives, la simplification du langage administratif et le développement de l'administration électronique.

Il s'est félicité de l'accroissement, en 2003, des crédits d'études et de communication sur la gestion publique qui devrait permettre d'accélérer la mise en œuvre de la loi organique relative aux finances publiques, mais a regretté que les crédits pour dépenses ordinaires destinés au Fonds pour la réforme de l'État, compte tenu d'un faible taux de consommation et de probables reports importants, apparaissent manifestement surévalués, en contradiction avec le principe de sincérité budgétaire.

Ensuite, il a fait observer que la rénovation de la gestion de l'État passait également par l'augmentation de la qualification des fonctionnaires et s'est réjoui, à ce titre, des montants inscrits dans le projet de budget relatifs à la formation et au perfectionnement des personnels, aux opérations interministérielles de formation, ainsi que de l'augmentation significative des crédits du Fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Il a indiqué que les subventions aux établissements publics de formation progresseraient en 2003 de 5,5 % pour atteindre 63,17 millions d'euros, ce qui permettra de financer, d'une part, les actions nouvelles de formation continue en faveur des administrateurs civils et la progression des rémunérations due à l'accroissement du nombre de postes offerts au concours de l'ena, et, d'autre part, la création d'emplois d'encadrement et la revalorisation des rémunérations des personnels d'encadrement dans les instituts régionaux d'administration.

Le rapporteur a estimé que l'attractivité de la fonction publique restait conditionnée par le niveau de rémunération, les conditions de travail et les modalités de recrutement et a donc insisté sur l'importance des négociations salariales qui doivent s'engager l'an prochain, soulignant que les deux mesures de revalorisation successives du point fonction publique prises en 2002 ne permettraient pas une stabilisation du pouvoir d'achat des salaires dans la fonction publique, compte tenu d'une inflation plus élevée que prévu. Il a rappelé que les conditions de travail avaient été notoirement améliorées, grâce en particulier au développement de l'égalité entre les hommes et les femmes, à l'introduction de la notion de harcèlement moral dans le statut général, à la réglementation plus sévère du « pantouflage », à l'amélioration du dialogue social et à la mise en œuvre d'une politique volontariste de résorption de l'emploi précaire. Il a émis le vœu de voir une mutation des conditions de recrutement de la fonction publique pour répondre à l'effet de ciseau occasionné par le nombre croissant prévisible de départs à la retraite et le nombre au contraire décroissant d'arrivées des jeunes sur le marché du travail.

Enfin, il s'est inquiété du financement de l'action sociale interministérielle, observant que les crédits concernés, répartis entre des dotations destinées à financer des prestations et des versements facultatifs et des dotations destinés à financer des dépenses d'équipement faisaient l'objet d'une consommation irrégulière qui justifierait une évaluation précise des actions financées.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement portant article additionnel après l'article 72 du projet de loi de finances, présenté par le rapporteur pour avis, tendant à prolonger jusqu'au 31 décembre 2003 le congé de fin d'activité.

M. Jean-Luc Warsman, président, ayant estimé que les engagements du ministre suffisaient à garantir la prolongation de ce dispositif sur l'année 2003, la Commission a rejeté cet amendement.

Contre l'avis du rapporteur, qui a rappelé que les nombreuses incertitudes pesant sur le projet de budget avaient été confirmées par l'ensemble des organisations syndicales représentatives qu'il avait auditionnées, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2003.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  M.  Pascal Clément, rapporteur pour le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République

-  M. Christian Estrosi, rapporteur pour le projet de loi de sécurité intérieure.

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