COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 novembre 2002
(Séances de 10 heures et 16 heures 30)

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 369) (rapport)


2

- Informations relatives à la Commission

16

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pascal Clément, le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 369).

Le président Pascal Clément, rapporteur, a observé, à titre liminaire, que le projet de loi constitutionnelle constituait le premier acte d'une démarche de grande ampleur, visant, à terme, à mettre en œuvre une réforme globale de l'organisation territoriale et administrative de l'État, et a précisé que l'objectif était de redessiner l'équilibre entre égalité, unité et liberté, en sortant du schéma selon lequel l'égalité des citoyens et l'indivisibilité de la République empêchent toute initiative locale. Il a indiqué que l'examen du texte au Sénat, qui a duré plus de cinq jours et au cours duquel près de 200 amendements ont été examinés, n'avait pas conduit à de profondes remises en cause du projet de loi initial.

Présentant le dispositif proposé pour l'ensemble des collectivités territoriales de la République, il a fait valoir que l'inscription de la décentralisation dans la Constitution lui conférerait désormais un caractère irréversible, en lui donnant la même valeur constitutionnelle que le principe d'égalité ou celui d'indivisibilité. Il a considéré que cette réforme permettrait de faire de l'organisation territoriale française un modèle original, qui conserve le caractère unitaire de notre pays, tout en reconnaissant sa diversité. Il s'est félicité de l'affirmation, à l'article  4, du principe de subsidiarité, soulignant que l'introduction de cette notion constituait une véritable révolution dans le mode d'élaboration de la décision administrative. Il a rappelé, à cet égard, que M. Gaston Defferre s'était contenté, dans ses lois de décentralisation, d'octroyer aux collectivités territoriales quelques compétences bien déterminées. Évoquant la collaboration entre plusieurs échelons territoriaux et la possibilité de confier à une collectivité chef de file le soin de définir les modalités de l'action menée conjointement, il a observé que ces dispositions permettraient de rendre constitutionnels les financements croisés, tout en indiquant que les sénateurs avaient, cependant, souhaité ajouter qu'aucune collectivité ne pourrait exercer sa tutelle sur une autre. Il a annoncé qu'il présenterait un amendement permettant aux groupements de devenir chef de file. Évoquant le droit à l'expérimentation, il a estimé qu'une telle disposition appliquée au niveau national aurait permis d'éviter les erreurs commises, en 1975, lors de la mise en place de la taxe professionnelle. Il a précisé qu'au niveau local, à l'issue de la période d'expérimentation, qui pourrait être limitée à trois ou quatre ans, il serait nécessaire de choisir entre un abandon de la réforme, ou une généralisation de celle-ci à l'ensemble du territoire national. Il a également indiqué que le Sénat avait ouvert le droit à l'expérimentation aux groupements de collectivités.

Abordant les dispositions constitutionnelles destinées à renouveler l'équilibre entre l'État et les collectivités locales, il a observé que le projet de loi confortait le rôle du préfet, en précisant qu'il représentait chacun des membres du Gouvernement dans le ressort des collectivités territoriales, tout en reconnaissant une valeur constitutionnelle au pouvoir réglementaire des collectivités locales et au principe de garantie de leurs ressources et de leur libre disposition. Il a approuvé, à cet égard, le maintien de la notion de « ressources déterminantes » pour définir le concept d'autonomie financière de ces collectivités, estimant que le recours à l'adjectif « prépondérant », envisagé par certains, n'était pas réaliste. Il a précisé que le Sénat avait ajouté un alinéa indiquant désormais explicitement que tout nouveau transfert de compétences devrait être accompagné d'une attribution de ressources correspondantes, faisant valoir qu'un tel ajout interdirait d'imposer aux collectivités locales une dépense non financée par l'État et éviterait ainsi une augmentation incontrôlée des impôts locaux. Il a indiqué que les sénateurs avaient également redéfini l'obligation de péréquation, en précisant que celle-ci était destinée à compenser les inégalités entre collectivités territoriales, qu'il s'agisse des inégalités de ressources ou de charges. Il a regretté, à cet égard, qu'aucune distinction entre égalité et équité n'ait été faite, considérant que la péréquation ainsi définie ne devait pas conduire à aider des collectivités en difficulté financière en raison de leur mauvaise gestion.

Évoquant la mise en place de moyens nouveaux d'expression directe des citoyens, il a rappelé que le projet de loi prévoyait le droit pour les collectivités locales d'organiser des référendums à caractère décisionnel sur des questions relevant de leur compétence et reconnaissait aux électeurs un droit de pétition permettant de faire inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de leur collectivité une question relevant de la compétence de cette dernière. Il a observé, néanmoins, que la modification apportée sur ce point par le Sénat, qui a prévu que les électeurs pourraient seulement demander, et non nécessairement obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une question, risquait dans les faits d'être inopérante, l'exécutif local pouvant difficilement refuser l'inscription demandée.

Présentant rapidement le dispositif proposé pour les collectivités territoriales outre-mer, il a observé que le projet de loi procédait à une clarification du régime institutionnel en définissant deux catégories juridiques, les départements ou régions d'outre-mer, régis par le principe de l'assimilation législative, et les collectivités d'outre-mer, qui se substituent aux territoires d'outre-mer actuels et sont soumises au principe de la spécialité législative. Il a précisé que chaque type de collectivité était inscrit dans un cadre flexible et évolutif permettant de traduire la diversité des situations. Tout en comprenant la motivation de cette modification, il a regretté que le Sénat ait ajouté un alinéa excluant la Réunion des nouvelles dispositions permettant aux départements et régions d'outre-mer de fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire, faisant valoir qu'il était imprudent de se lier ainsi pour l'avenir.

En conclusion, le président M. Pascal Clément, rapporteur a souligné que le projet de loi constitutionnelle était un texte équilibré dont il convenait de conserver la concision, afin de donner toute sa force à la réforme proposée.

M. Emile Zucarelli a jugé indispensable que soit levée l'ambiguïté recelée, selon lui, par le projet de loi constitutionnelle sur la détermination de l'autorité compétente pour engager une expérimentation.

Mme Ségolène Royal a estimé que la présentation du texte faite par le rapporteur - qu'elle a qualifiée d'«  idyllique » - attestait du caractère extrêmement technique de la réforme proposée par le Gouvernement, ce qu'elle a jugé paradoxal alors que celui-ci prétend engager une action destinée à rapprocher les citoyens de leurs gouvernants. Évoquant le souhait prêté au Premier ministre par certains journalistes de vouloir sortir du « piège de la décentralisation », elle a estimé que cet écueil aurait pu être évité si la réforme avait été accompagnée de la présentation de textes prévoyant des transferts précis de compétences, par exemple en matière d'action sociale pour les départements, de formation professionnelle ou d'intervention économique pour les régions. Stigmatisant le caractère théorique d'une réforme, difficilement compréhensible pour les Français, elle a fait observer que l'objectif commun des élus était la réussite de la décentralisation et, rappelant la méthode retenue en 1982, a jugé qu'il aurait été préférable d'avoir un débat concret sur les transferts de compétences envisagés, avant de procéder à une révision constitutionnelle.

Prenant ensuite l'exemple de la régionalisation des transports ferroviaires, elle a souligné que l'expérimentation n'imposait pas de révision constitutionnelle, puis a fait part de ses craintes sur l'habilitation donnée au législateur pour procéder à des expérimentations, jugeant que celle-ci pourrait entraîner la désorganisation de l'État. Après avoir demandé des éclaircissements sur l'avenir des pays, elle a rappelé que la loi de 1995, présentée par M. Charles Pasqua, n'avait pas été suivi d'une réforme des règles de péréquation financière, contrairement à ce qui avait alors été annoncé ; elle a jugé que l'inaction en la matière serait lourde de conséquences, compte tenu des fortes attentes exprimées par les citoyens et du souci affiché par le Gouvernement d'apporter des réponses concrètes à leurs préoccupations.

Jugeant, au contraire, que l'exposé du rapporteur avait utilement levé certaines ambiguïtés, M. Jean Leonetti a fait observer que, de même qu'il n'est pas nécessaire de maîtriser le détail des techniques médicales pour se convaincre de l'utilité de la médecine, l'éventuelle incompréhension des Français sur l'articulation entre Constitution et lois organiques ne saurait être un argument pour critiquer la réforme proposée aujourd'hui par le Gouvernement. Après avoir considéré qu'il était logique d'ouvrir des perspectives générales avant de préciser le processus de décentralisation, il a exprimé des réserves sur l'expression de « chef de file », souhaitant qu'une réflexion soit engagée au sein de la Commission, afin de trouver une terminologie permettant de définir, de façon adéquate, le rôle d'une collectivité qui anime un projet que plusieurs collectivités financent.

Évoquant l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, M. Francis Delattre a jugé discutable de soumettre en premier lieu au Sénat les textes ayant pour objet les compétences des collectivités locales. En effet, il a exprimé la crainte que cette disposition ne réduise le rôle de l'Assemblée nationale sur des secteurs aussi importants que la formation professionnelle ou le logement. Il a jugé une telle évolution particulièrement regrettable, au moment où l'on observe une prégnance de plus en plus importante du droit communautaire. Il a rappelé, en effet, que l'Assemblée nationale était, avec le Président de la République, seule détentrice de la légitimité démocratique et, à ce titre, gardienne de l'intérêt général.

Approuvant les propos tenus par M. Francis Delattre, M. Philippe Vuilque a considéré, à son tour, qu'il était inadmissible que le projet de loi constitutionnelle accorde au Sénat la primeur de l'examen de tous les projets de loi relatifs aux collectivité locales, compte tenu, notamment, de l'élection au suffrage universel indirect des sénateurs qui ne leur confère pas la même légitimité démocratique que celle dont jouissent les députés. Rappelant que la Constitution du 4 octobre 1958 ne prévoyait la prééminence institutionnelle du Sénat, plus précisément de son président, sur l'Assemblée nationale que dans l'hypothèse très exceptionnelle de vacance ou d'empêchement du Président de la République, il a regretté que le dispositif du projet de loi constitutionnelle ait pour conséquence de modifier l'équilibre des pouvoirs entre les deux assemblées.

Précisant qu'il n'avait pas d'hostilité de principe au dispositif du nouvel article 37-1 de la Constitution qui permet à l'État d'expérimenter, temporairement et sur tout ou partie du territoire, la norme qu'il a édicté lui-même, M. Xavier de Roux a jugé cependant contestable qu'une telle possibilité lui soit offerte en matière fiscale, considérant que le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques devait être scrupuleusement respecté.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Il est infondé de s'opposer au projet de réforme constitutionnelle au motif que la représentation nationale n'est pas encore informée du contenu des futures lois organiques et ordinaires d'application ; exciper, à cet égard, du précédent que constituerait le refus du Président de la république de convoquer le Congrès à l'occasion de la réforme de la justice proposée par le précédent Gouvernement relève d'une simple manoeuvre politicienne. Il faut rappeler que le principe d'égalité fait actuellement obstacle à l'expérimentation. Il est donc nécessaire d'aménager le cadre constitutionnel avant d'adopter des lois qui permettront de transférer aux collectivités locales de nouvelles compétences dans le cadre desquelles des expérimentations pourront être menées.

- La réforme constitutionnelle proposée prévoit que tout transfert de compétence entre l'État et les collectivités territoriales doit s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Il ne sera donc plus loisible au Gouvernement de confier, par la loi, de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, sans leur garantir les moyens financiers de les assumer comme cela a été trop souvent le cas auparavant ; à cet égard, la création, en 2000, de l'allocation personnalisée d'autonomie dont la charge a été unilatéralement confiée aux départements, constitue un exemple de ce qu'il ne faudra plus faire. En outre, le dernier paragraphe du nouvel article 72-2 de la Constitution, qui dispose que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales, devant permettre de compenser les inégalités de richesse entre les collectivités locales - et non la plus ou moins bonne gestion - sans se heurter au principe à valeur constitutionnelle de la libre administration des collectivités locales.

- Dans le cadre de projets communs à plusieurs collectivités, la possibilité de charger l'une d'entre elles d'organiser les modalités de leur action commune, quoique délicate à mettre en œuvre, semble néanmoins correspondre à une réelle attente des élus locaux et, notamment, des présidents de région.

- Le Sénat étant le représentant des collectivités territoriales, il n'est ni choquant ni illégitime que les projets de loi concernant lesdites collectivités soient soumis en premier lieu à son examen. Toutefois, cette règle ne saurait prévaloir en matière fiscale, puisque l'Assemblée nationale doit demeurer le lieu institutionnel du consentement à l'impôt ; le rapporteur proposera un amendement écartant le principe de l'examen prioritaire du Sénat pour les textes relatifs aux ressources des collectivités locales.

- Les expérimentations qui seront menées par l'État en application des dispositions de l'article 37-1 de la Constitution devraient principalement porter sur des réformes relatives à l'organisation et au fonctionnement des services publics.

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Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier (article premier de la Constitution) : Organisation de la République :

La Commission a tout d'abord rejeté un amendement de M. Émile Zucarelli tendant à supprimer la référence au caractère décentralisé de l'organisation de la République, le président Pascal Clément, rapporteur, ayant fait valoir que, contrairement à l'analyse de l'auteur de l'amendement, cette mention essentielle devait être introduite dans le texte de la Constitution.

Après avoir rejeté un amendement présenté par M. Daniel Poulou proposant d'introduire, dans le texte constitutionnel, une mention relative aux langues et cultures régionales, la Commission a examiné un amendement de Mme Christiane Taubira, tendant à mettre sur le même plan le principe de décentralisation et d'indivisibilité de la République, ainsi que son caractère laïque et social. Mme Christiane Taubira ayant fait valoir que l'affirmation de ce principe ne relevait en rien d'une simple modalité administrative, mais revêtait un caractère politique, comme l'illustraient les réformes proposées en matière de référendum local et de droit de pétition, le rapporteur a expliqué que la présente réforme ne visait en rien à mettre en place un État fédéral. Après que l'auteure de l'amendement eut expliqué que, si elle avait souhaité la mise en place d'un État fédéral, elle se serait clairement exprimée en ce sens, comme elle l'avait fait en matière européenne, la Commission a rejeté cet amendement. De même, elle a rejeté l'amendement de M. Émile Blessig visant à assortir le principe de décentralisation d'une référence à la diversité des composantes territoriales de la République, le rapporteur ayant fait observer que cette diversité était déjà reconnue dans le titre XII de la Constitution. Enfin, elle a rejeté un amendement de repli de M. Émile Zuccarelli, précisant que le caractère décentralisé de la République s'appliquait à son organisation territoriale.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Après l'article premier :

La Commission a rejeté un amendement présenté par Mme Christiane Taubira, relatif à la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales, le rapporteur ayant opposé, à la richesse culturelle mise en exergue par Mme Taubira, le rôle déterminant joué par l'adoption d'une seule langue officielle dans la promotion de l'égalité des citoyens, au cours de l'histoire de la République.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Émile Blessig, tempérant l'article 21 de la Constitution relatif au pouvoir réglementaire du Premier ministre. M. Émile Blessig a expliqué que, pour donner tout son sens au processus de décentralisation, il fallait que, lorsqu'une collectivité usait de sa faculté dans ce domaine, elle intervînt en substitution, et non en subordination, de la compétence réglementaire du Premier ministre. Prolongeant le propos de M. Émile Blessig en abordant le thème de l'expérimentation par habilitation législative, M. Xavier de Roux a estimé qu'il convenait, dans ce cas, de savoir si, en cas de transfert de compétences, le pouvoir réglementaire exercé par une collectivité territoriale était seulement délégué ou s'il s'agissait d'un pouvoir propre, c'est-à-dire s'il existait une unicité ou une dualité du pouvoir réglementaire. Le président Pascal Clément, rapporteur, a expliqué qu'en matière d'expérimentation, le législateur, comme le pouvoir réglementaire, disposaient de la faculté de récupérer toute leur compétence, dès lors que l'expérimentation n'était pas concluante, la collectivité bénéficiaire de l'expérimentation disposant, dans l'intervalle, d'un pouvoir réglementaire propre qui s'exerçait dans le respect de l'organisation des pouvoirs constitutionnels. S'agissant du statut du pouvoir réglementaire dans l'hypothèse d'un transfert pérenne de compétences, il a fait valoir que, de même, la collectivité territoriale exercerait un pouvoir réglementaire propre, dans le cadre de l'organisation des pouvoirs définis par la Constitution. A la suite de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Émile Blessig.

Puis, la Commission a rejeté deux amendements présentés par Mme Anne-Marie Comparini, le premier tendant à affirmer le principe selon lequel les modes de scrutin assurent la représentation des hommes et des territoires et favorisent, dans le respect du pluralisme des opinions, la constitution de majorités dans les assemblées parlementaires et locales et le second ayant pour objectif d'interdire tout cumul d'une fonction gouvernementale et d'un mandat exécutif local. Elle a également rejeté un amendement présenté par Mme Christiane Taubira tendant à substituer, dans le huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution l'expression assemblées territoriales à l'expression assemblées locales.

Article premier bis (article 34 de la Constitution) : Substitution de la notion de collectivités territoriales à celle de collectivités locales :

La Commission a adopté l'article premier bis sans modification.

Après l'article premier bis :

La Commission a rejeté un amendement présenté par Mme Christiane Taubira ayant pour objet de compléter le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution par la mention des mesures spécifiques permettant de tenir compte des handicaps des collectivités territoriales, notamment insulaires ou éloignées, afin de mieux garantir les conditions équitables de leur développement, le rapporteur ayant précisé que l'objet de l'amendement était satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi,

Puis, la Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Émile Blessig tendant à réserver à une loi organique la définition des pouvoirs, des compétences et des ressources des collectivités territoriales, l'auteur de l'amendement estimant nécessaire, pour ces matières, d'assurer la double garantie d'une adoption à la majorité qualifiée et d'un contrôle systématique du Conseil constitutionnel. Se ralliant à cette position, M. Xavier de Roux a insisté sur l'importance de la répartition des compétences plaidant pour une loi organique afin de ne pas laisser aux juges, qu'ils soient constitutionnel ou administratif, le soin de trancher d'éventuels chevauchements en la matière. M. Émile Zuccarelli a également souligné l'importance des matières visées par l'amendement, estimant qu'elle justifiait l'intervention d'une loi organique, notamment, pour le transfert de blocs entiers de compétences.

Le président Pascal Clément, rapporteur, a jugé nécessaire de préserver l'équilibre du projet de loi, qui permettra d'opérer des transferts immédiats pour celles des compétences qui font l'objet d'un consensus, comme l'attribution des routes nationales aux départements, mais pourra également, pour des compétences plus délicates à mettre en oeuvre, exiger une expérimentation, dans les conditions prévues par la loi organique. M. Jean-Luc Warsmann, Président, s'est également déclaré hostile à l'amendement, soulignant le caractère excessivement contraignant de l'exigence d'une loi organique. Il a observé, en effet, qu'il serait impossible, dans cette hypothèse d'introduire un amendement relatif à l'organisation ou aux compétences des collectivités locales dans le cadre de la discussion d'un projet de loi ordinaire. Il a ajouté que l'ouverture, depuis 1974, du droit de saisine du Conseil constitutionnel à soixante sénateurs ou soixante députés permettait l'exercice du contrôle de constitutionnalité sur toute loi ordinaire. La Commission a rejeté cet amendement.

Article 2 (article 37-1 inséré dans la Constitution) : Expérimentations prévues par la loi et le règlement :

La Commission a rejeté deux amendements présentés par Mme Christiane Taubira, le premier tendant à inscrire dans la Constitution la possibilité de prévoir dans une loi ou un règlement des dispositions dérogatoires à caractère permanent, le second ayant pour objet de supprimer l'obligation de limiter l'objet et la durée d'une expérimentation. Puis, elle a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 (article 39 de la Constitution) : Dépôt en premier lieu au Sénat des projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités locales :

La Commission a été saisie de deux amendements, le premier présenté par Mme Christiane Taubira, tendant à supprimer cet article, le second, présenté par le rapporteur, tendant à restreindre le champ d'application de la priorité d'examen établie en faveur du Sénat aux projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France ainsi qu'aux projets de loi ayant pour principal objet la détermination de l'organisation et des compétences des collectivités territoriales, ce dernier amendement étant assorti d'un sous-amendement, présenté par M. Jean-Luc Warsmann, tendant à écarter également du champ d'application de l'article les textes relatifs aux compétences des collectivités territoriales.

Défendant son amendement, Mme Christiane Taubira a considéré que les dispositions de l'article 3 du projet de loi n'étaient pas cohérentes avec l'organisation institutionnelle de la France, qui n'est pas un État fédéral, dans lequel la légitimité démocratique proviendrait à la fois du suffrage universel et de la représentation des collectivités territoriales.

S'opposant à la suppression de l'article 3 du projet de loi, le rapporteur a, au contraire, estimé que le principe de la représentation des collectivités territoriales par le Sénat, affirmé par l'article 24 de la Constitution, justifiait de prévoir une priorité d'examen au profit de cette assemblée sur certains textes relatifs à ces collectivités. En revanche, il a jugé inopportun d'inclure dans ce dispositif les textes ayant pour principal objet les ressources des collectivités territoriales, considérant que le principe du consentement à l'impôt plaidait, au contraire, en faveur d'un examen prioritaire par l'Assemblée nationale et soulignant d'ailleurs que les projets de lois de finances comportaient traditionnellement des dispositions relatives à la fiscalité locale. Il a également évoqué les difficultés que pourrait soulever l'examen prioritaire du Sénat, en insistant sur le fait que la recevabilité financière n'était pas appréciée dans les mêmes conditions dans les deux chambres. Il a cependant jugé souhaitable, sous réserve de l'adoption de son amendement de maintenir le dispositif de l'article 3, qui donne toute sa place à une institution malmenée sous la précédente législature et est cohérente avec le renforcement du rôle des collectivités territoriales prévu par la présente réforme.

Justifiant son sous-amendement, M. Jean-Luc Warsmann a précisé qu'il s'agissait, en limitant la priorité d'examen aux textes ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales, d'éviter des risques de censure par le Conseil constitutionnel résultant d'une mauvaise orientation initiale d'un texte comportant des dispositions difficiles à définir, de prendre en compte les conditions particulières d'examen de la recevabilité financière au Sénat et de préserver la souplesse dont dispose le Gouvernement pour organiser les travaux parlementaires, alors que la définition d'un champ trop large de la priorité d'examen pourrait entraîner un encombrement de l'ordre du jour du Sénat. En réponse à M. Émile Blessig, il a précisé que le terme d'« organisation » recouvrait des questions telles que le mode d'élection des assemblées délibérantes, les modalités d'organisation intercommunale ou le statut des collectivités d'outre-mer.

Se déclarant favorable à l'amendement présenté par Mme Christiane Taubira, M. Francis Delattre a constaté que l'amendement du rapporteur permettrait au moins de ne pas avoir à modifier l'ordonnance organique relative aux lois de finances. Il s'est, cependant, interrogé sur l'opportunité d'inscrire dans la Constitution une règle de « préséance » au profit du Sénat, jugeant qu'elle contribuerait à affaiblir les prérogatives de l'Assemblée nationale, alors que cette institution dispose pourtant de la légitimité démocratique. M. Philippe Vuilque a souligné que les modifications proposées à l'article 3 par le rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann, en limitant le champ de la priorité d'examen reconnue au Sénat, attestait la gêne de la majorité sur cette question et soulignait la nécessité de préserver la priorité accordée à l'Assemblée nationale en matière budgétaire. Exprimant le souhait que l'avis rendu par le Conseil d'État sur le projet de loi constitutionnelle soit officiellement transmis aux parlementaires, afin que, en l'absence de contrôle par le Conseil constitutionnel, les observations présentées par la plus haute instance juridique administrative leur soient connues, Mme Ségolène Royal, s'est fait l'écho des réserves exprimées par cette haute juridiction sur l'article 3. Après avoir insisté sur la différence de légitimité démocratique des deux chambres, elle a relevé que les textes concernant les collectivités territoriales étaient nombreux, évoquant en particulier tous les projets de loi qui découleront de la réforme constitutionnelle, et a observé que la priorité d'examen par le Sénat priverait le Gouvernement d'un outil essentiel pour organiser le travail parlementaire. Puis elle s'est interrogé sur le sort d'un texte qui, en cours de navette, serait substantiellement complété par des dispositions touchant aux collectivités locales ainsi que sur la portée de l'article 3, souhaitant savoir s'il concernerait par exemple un projet de loi relatif à l'organisation des collèges.

Après s'être déclaré convaincu que les dispositions de l'article 3 n'entraîneraient pas de modifications de l'équilibre institutionnel, M. Jérôme Bignon a souhaité savoir quelles seraient les incidences des modifications proposées par le rapporteur et M. Jean-Luc Warsmann sur le déroulement des travaux parlementaires. Tout en jugeant légitime que les projets de loi intéressant les collectivités territoriales soient soumis en premier lieu au Sénat, M. Émile Zuccarelli a jugé que constitutionnaliser cette priorité d'examen serait une source inutile de rigidités ; puis il s'est interrogé sur le sort d'un texte qui serait rejeté par le Sénat en première lecture. Mme Brigitte Barèges a exprimé des réserves sur la nécessité d'inscrire dans la Constitution une priorité d'examen au profit du Sénat, de même que M. Xavier de Roux qui a fait observer que le Gouvernement était actuellement libre de déterminer devant quelle assemblée il entendait déposer un projet de loi. A l'inverse, M. Guy Geoffroy s'est déclaré favorable à l'adoption de l'article 3 modifié par l'amendement du rapporteur et le sous-amendement de M. Jean-Luc Warsmann, considérant qu'il ne porterait en rien préjudice à la légitimité de l'Assemblée nationale.

Relevant la faiblesse des arguments opposés à son amendement, Mme Christiane Taubira a estimé qu'il n'y avait pas lieu de favoriser le Sénat et jugé regrettable que la majorité hésite à se rallier au simple bon sens. Le rapporteur a exprimé des réserves sur le sous-amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, tout en se déclarant sensible à certains de ses arguments avancés. Il a rappelé que la priorité d'examen prévue par l'article 3 ne concernait que les textes ayant pour principal objet la détermination de l'organisation et des compétences des collectivités locales, soit un nombre limité de textes. Reprenant l'exemple de l'organisation des collèges, évoqué par Mme Ségolène Royal, il a indiqué, que seules les dispositions relatives à des questions relevant de la compétence des collectivités locales, comme la construction ou le financement des établissements scolaires, entreraient dans le champ des nouvelles dispositions constitutionnelles. M. Jean-Luc Warsmann a, par ailleurs, précisé que le rejet d'un texte soumis en premier lieu au Sénat n'entraînerait pas l'interruption de la procédure législative, ainsi que le précise l'article 109 du règlement de l'Assemblée nationale.

Après avoir rejeté l'amendement tendant à supprimer cet article, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi que le sous-amendement de M. Jean-Luc Warsmann. Puis elle a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Après l'article 3 :

La Commission a rejeté deux amendements de Mme Anne-Marie Comparini, le premier tendant à compléter l'article 47 de la Constitution afin de préciser que la Cour des comptes fournit un rapport sur le respect du principe d'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, le second tendant à compléter l'article 61 de la Constitution afin de soumettre obligatoirement au Conseil constitutionnel les lois relatives à la libre administration des collectivités territoriales.

Article 4 (article 72 de la Constitution) : Libre administration des collectivités territoriales :

Après avoir rejeté un amendement présenté par Mme Anne-Marie Comparini proposant une nouvelle rédaction de l'article 72 de la Constitution afin d'en faire la disposition fondatrice du caractère décentralisé de la République précisant l'ensemble des compétences reconnues aux collectivités locales, la Commission a été saisie d'un amendement de M. Marc-Philippe Daubresse tendant à inscrire les communautés urbaines dans la liste des collectivités territoriales énumérées au premier alinéa de l'article 72 de la Constitution. Rappelant que les communautés urbaines étaient des structures de coopération intercommunales créées par la loi de 1966, dont la constitution était initialement obligatoire et ne reposait pas sur une démarche volontaire des communes concernées, son auteur a jugé souhaitable de les faire figurer parmi les collectivités reconnues par la Constitution afin de leur permettre de bénéficier, le cas échéant, des dispositions relatives à l'expérimentation et d'être « chefs de file » de projets communs à plusieurs collectivités. Tout en reconnaissant que le développement des structures de coopération intercommunale était inéluctable, le rapporteur a considéré que leur inscription dans la Constitution au rang des collectivités territoriales était prématurée, compte tenu, notamment, des fortes réticences exprimées à ce sujet par les maires des petites communes. Suivant l'avis émis par son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement ainsi qu'un amendement de coordination présenté par M. Emile Blessig.

Elle a ensuite été saisie d'un amendement présenté par M. Émile Zuccarelli tendant à supprimer la définition du principe de subsidiarité dans le deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, son auteur ayant jugé qu'il présentait un caractère ambigu et contraire à l'unité et l'indivisibilité de la République, puisqu'il s'inscrivait plutôt dans la logique d'une République fédérale. Considérant que cet amendement soulevait la question essentielle de la nature de la République et de ses éventuelles évolutions, le rapporteur a jugé qu'il convenait de concilier le principe de l'unité de la République, auquel tous les parlementaires sont attachés, avec celui de subsidiarité qui garantit que les décisions sont prises à l'échelon territorial le plus pertinent dans la matière concernée. La Commission a rejeté cet amendement

Elle a, en revanche, adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à préciser que les collectivités locales ont vocation à prendre les décisions relatives à l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre. Elle a ensuite rejeté deux amendements présentés par M. Émile Blessig, le premier prévoyant qu'une loi organique détermine la répartition des compétences entre l'État et les différentes collectivités locales et le second précisant le contenu de la notion de libre administration des collectivités en précisant que celles-ci disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences et que leurs conseils élus conduisent librement les politiques dont ils ont la responsabilité. La Commission a également rejeté un amendement présenté par M. Gilles Bourdouleix prévoyant que les communes peuvent, en se regroupant, transférer certaines de leurs compétences à des communautés urbaines, d'agglomération ou de communes, le rapporteur ayant fait valoir que le dispositif proposé pourrait avoir pour effet d'interdire a contrario aux communes concernées de recourir à d'autres structures de coopération intercommunale comme les syndicats à vocation unique ou multiple. Puis, la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur tendant à rétablir les dispositions initiales du projet de loi écartant la mise en œuvre d'expérimentations dans le domaine des droits constitutionnellement garantis.

Enfin, la Commission a été saisie de l'amendement n° 2 présenté par M. Hervé Mariton tendant à supprimer la mention des groupements de collectivités locales parmi les structures susceptibles de conduire des expérimentations. Intervenant en application des dispositions de l'article 86, alinéa 5 du Règlement, son auteur a jugé prématuré de faire référence aux groupements dans la Constitution, observant qu'aucune disposition n'interdisait aux différentes collectivités menant des expérimentations de se regrouper afin de mettre en commun leurs moyens. Exprimant son accord avec les propos tenus par l'auteur de l'amendement, M. Alain Gest a souligné l'imprécision du terme de groupement et, en conséquence, jugé inopportun de l'introduire dans la Constitution. M. Marc-Phillippe Daubresse a considéré, au contraire, qu'il serait regrettable de ne pas inscrire dans la Constitution la possibilité de confier aux groupements de collectivités le soin de mener des expérimentations, dès lors que ces derniers peuvent, dans certains domaines comme le logement, représenter l'échelon le mieux adapté pour la mise en œuvre des politiques publiques. Rappelant son attachement au principe de subsidiarité, le rapporteur a, en conséquence, jugé peu opportun de ne pas mentionner les groupements parmi les collectivités susceptibles de mener des expérimentations ; il a observé que la relative imprécision de la notion de groupement présentait l'avantage de garantir l'adaptation du dispositif constitutionnel proposé aux éventuelles évolutions futures de l'organisation administrative. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a rejeté, par coordination avec ses décisions antérieures, l'amendement de Mme Christiane Taubira supprimant le caractère expérimental de l'habilitation autorisant une collectivité territoriale à déroger aux dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences. Elle a, en revanche, adopté un amendement du rapporteur précisant que cette habilitation doit avoir un objet et une durée limités, son auteur ayant fait valoir que cette précision permettrait d'harmoniser la rédaction proposée pour cet article avec celle retenue par le Sénat à l'article 2 s'agissant des expérimentations prévues par la loi ou le règlement.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Émile Zuccarelli supprimant la possibilité de déroger à des dispositions législatives. Après avoir souligné que cette possibilité risquait de remettre en cause l'égalité des citoyens devant la loi et de conduire à une complexification croissante du droit applicable, son auteur a fait valoir que le Parlement pouvait déjà, en tout état de cause, adopter des dispositions spécifiques ne concernant qu'une partie du territoire national, comme par exemple les zones de montagne. M. Jean-Luc Warsmann, président, a rappelé que, si le Conseil constitutionnel admettait la constitutionnalité de dispositions législatives spécifiques répondant à des situations particulières, il refusait l'adoption de dispositions de portée limitée non justifiées par des particularismes, d'où l'intérêt de la disposition proposée. En réponse à M. Émile Zuccarelli, qui estimait que cette expérimentation devait relever de la compétence du Parlement, il a précisé qu'elle ne pourrait s'exercer que si la loi l'avait prévue. La Commission a alors rejeté l'amendement.

Puis elle a été saisie de deux amendements de M. Émile Zuccarelli, le premier proposant une nouvelle rédaction de la notion de collectivité territoriale « chef de file » et le second supprimant l'adverbe « cependant » qui sépare cette notion du principe d'interdiction de tutelle d'une collectivité locale sur une autre. Après avoir souligné la nécessité de proscrire toute tutelle, leur auteur a exprimé la crainte que la rédaction actuelle ne permette, dans les faits, d'en rétablir une, ajoutant que l'exercice de la mission de « chef de file » était indépendant de ce principe. Tout en reconnaissant l'ambiguïté de la rédaction proposée, le rapporteur a estimé préférable de la maintenir, faisant valoir que l'adverbe « cependant » permettrait d'éviter d'éventuels recours de collectivités associées dans des actions communes qui contesteraient les décisions de la collectivité chef de file au nom du principe d'interdiction de toute tutelle. Il a considéré que le texte proposé semblait autoriser la collectivité chef de file à imposer son point de vue aux autres dans l'organisation des modalités de leur action commune. Prolongeant les propos du rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann, président, a estimé que le financement des actions communes s'apparenterait pour les collectivités impliquées à une dépense obligatoire. Considérant que l'amendement de M. Émile Zuccarelli permettait d'alléger le texte sans en changer le contenu, M. Guy Geoffroy s'est déclaré favorable à l'adoption de celui-ci. Après avoir souligné que la rédaction adoptée par le Sénat était moins contraignante que la version initiale proposée par le Gouvernement, la première faisant référence à la possibilité de confier à une collectivité territoriale le pouvoir de fixer les modalités de l'action commune, alors que la seconde mentionne la possibilité d'autoriser cette collectivité à organiser ces modalités, M. Jérôme Bignon s'est prononcé en faveur du maintien de l'adverbe « cependant » permettant, selon lui, de rétablir une certaine contrainte. En réponse à M. Philippe Vuilque et à Mme Brigitte Bareges, qui s'interrogeaient sur les moyens de résoudre les conflits en cas de difficulté dans la détermination de la collectivité chef de file, le rapporteur a rappelé que cette collectivité serait désignée par la loi. M. Marc-Philippe Daubresse ayant rappelé les propos tenus au Sénat sur l'importance de l'adverbe « cependant », la Commission a rejeté les deux amendements de M. Émile Zuccarelli.

Elle a ensuite adopté deux amendements identiques présentés par le rapporteur et par M. Marc-Philippe Daubresse, donnant la possibilité aux groupements de collectivités territoriales d'être chef de file d'un projet commun à plusieurs collectivités. M. Alain Gest s'est déclaré défavorable à cette disposition, estimant que cette consécration des établissements publics de coopération intercommunale était prématurée. La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 9 de M. Daniel Garrigue tendant à supprimer les financements croisés conditionnés.

Puis elle a été saisie de deux amendements identiques présentés par M. Hervé Mariton (n° 1) et M. François Goulard (n° 4), supprimant le dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui fait référence au représentant de l'État. Se défendant de mettre en cause l'existence même ou la qualité du corps préfectoral, M. Hervé Mariton s'est interrogé, en premier lieu, sur la pertinence qu'il y avait à faire coïncider l'organisation territoriale de l'État et celle des collectivités territoriales, en conséquence de la suppression par le Sénat de toute mention relative au « ressort » de celles-ci. Faisant ensuite observer que, comme le rappelait le site Internet du ministère de l'intérieur, les représentants du gouvernement étaient les seuls hauts fonctionnaires dont la compétence reposait sur une base constitutionnelle, il s'est étonné de cette spécificité, alors que, s'agissant des magistrats par exemple, seules étaient évoquées, dans la Constitution, leur existence et leurs conditions de nomination. Par ailleurs, il a regretté que le même site Internet évoque ce corps comme un « noyau central, permanent et quasi-immuable », à l'encontre même de la réalité du mouvement de décentralisation opéré depuis vingt ans. Enfin, arguant du fait que le contrôle de légalité devait relever des tribunaux compétents, sur saisine des personnes ayant intérêt à agir, ce qui inclut bien évidemment l'État et son représentant, il s'est interrogé sur le maintien de l'attribution du contrôle de légalité au profit du représentant de l'État, dont les moyens correspondent, en outre, bien peu aux missions qui lui sont assignées. Qualifiant le contrôle de légalité de « scorie d'une construction antérieure à la décentralisation », il a souhaité, en le supprimant du texte constitutionnel, encourager la décentralisation et mettre en route la réforme de l'État.

En écho aux propos de M. Hervé Mariton, M. Alain Gest a estimé que la rédaction initiale du projet de loi, qui faisait référence au ressort des collectivités territoriales, était plus satisfaisante que celle adoptée par le Sénat, peu cohérente avec le principe de décentralisation. M. Francis Delattre, soutenu par M. Patrick Delnatte, a fait observer que, sans aller jusqu'à supprimer la référence au représentant de l'État, il serait judicieux de rétablir la rédaction initiale. Appuyant cette analyse, M. Guy Geoffroy s'est également déclaré opposé à la suppression de la référence au représentant de l'État, dont il a rappelé le rôle de conseil aux collectivités territoriales et la fonction préventive au regard des risques de contentieux. En réponse aux différents intervenants, le président Pascal Clément, rapporteur, a jugé nécessaire de rappeler que, dans un pays unitaire, c'est à l'État et aux fonctionnaires qui le servent qu'il revenait de garantir l'intérêt national, et a mis en doute la maturité du peuple français pour abandonner aujourd'hui le principe d'unité de l'État et son symbole qu'est le corps préfectoral. A une interrogation de M. Jérôme Bignon sur la pertinence de la précision apportée dans le projet de loi, selon laquelle le représentant de l'État serait également le représentant de chacun des membres du Gouvernement, le rapporteur a fait valoir qu'en cohérence avec la relance et l'approfondissement de la décentralisation, le Gouvernement voulait accentuer le mouvement de déconcentration, de façon à rapprocher l'administration centrale des administrés. À l'issue de ce débat, la Commission a rejeté les amendements de M. Hervé Mariton et de M. François Goulard.

Après avoir rejeté un amendement de Mme Christiane Taubira transférant ce dernier alinéa de l'article 72 à l'article 22 de la Constitution, la Commission a également rejeté l'amendement n° 6 de M. Daniel Garrigue, proposant de substituer aux mots de représentant du Gouvernement celui de préfet, de même qu'elle a rejeté l'amendement de Mme Christiane Taubira supprimant la référence au rôle du représentant de l'État en matière de représentation de chacun des membres du Gouvernement. Elle a également rejeté deux amendements relatifs à la compétence du représentant de l'État, le premier, présenté par M. Émile Zucarelli, faisant référence à la multiplicité de ses attributions, le second, de Mme Christiane Taubira, supprimant la mention du contrôle administratif, avant de rejeter l'amendement n° 7 de M. René André donnant compétence au préfet sur l'ensemble des services de l'État.

Puis la Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (article 72-1 inséré dans la Constitution) : Renforcement de la démocratie participative locale :

La Commission a examiné un amendement présenté par Mme Christiane Taubira prévoyant que les collectivités territoriales seront tenues, dans les conditions fixées par la loi, d'inscrire à l'ordre du jour de leurs travaux les questions posées par leurs électeurs au travers du droit de pétition. Mme Christiane Taubira a indiqué qu'il s'agissait de revenir sur une modification du texte initial introduite par le Sénat, qui a limité la prise en compte du droit de pétition à une simple faculté. Elle a jugé qu'il était regrettable de faire preuve de frilosité à l'égard d'une réforme qu'elle a qualifiée d'avancée démocratique. Défendant le maintien du texte approuvé par le Sénat, le rapporteur a observé qu'il serait, en toute hypothèse, difficile pour une collectivité territoriale de ne pas prendre en compte une demande formulée par un pourcentage significatif de ses électeurs. La Commission a rejeté cet amendement. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Gilles Bourdouleix tendant à reconnaître l'exercice du droit de pétition dans le cadre des communautés urbaines, d'agglomérations ou de communes, pour les compétences leur ayant été transférées.

Puis elle a examiné un amendement présenté par M. Émile Zuccarelli prévoyant qu'un changement de statut ou une fusion de collectivités territoriales devra faire l'objet d'une consultation préalable des électeurs de chacune des collectivités ainsi que des assemblées locales concernées. M. Jacques-Alain Bénisti a jugé cette précision utile et intéressante. M. Marc-Philippe Daubresse s'est également prononcé en faveur de cet amendement, considérant qu'il était de nature à éviter que des décisions majeures soient prises contre l'avis des collectivités et des populations concernées. M. Patrick Delnatte a lui aussi approuvé cette proposition qu'il a jugée cohérente avec l'orientation générale du projet de loi tendant à favoriser la participation des citoyens. Le rapporteur a contesté ces interprétations, considérant que le fait d'introduire un avis concurrent des assemblées locales n'allait pas nécessairement dans le sens d'une démocratie participative renforcée, d'autant que lesdites assemblées étaient rarement favorables à la perspective d'une fusion. M. Émile Zuccarelli a objecté qu'un projet de fusion devait nécessairement émaner des élus concernés et a jugé souhaitable qu'il soit approuvé par l'assemblée locale dans son ensemble, afin d'éviter tout risque de « despotisme éclairé ». Le président a observé que l'amendement ne précisait pas la portée respective des consultations concurrentes ainsi organisées et a, par ailleurs, estimé que des précisions utiles sur la consultation des assemblées locales pourraient être apportées dans la loi organique. La Commission a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté un amendement du même auteur prévoyant que les fusions de collectivités territoriales, ou la modification de leur organisation, ne pourront faire l'objet d'une consultation des électeurs que sur décision du président de la République sur proposition du gouvernement.

La Commission a ensuite adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 (article 72-2 inséré dans la Constitution) : Autonomie financière des collectivités territoriales :

La Commission a rejeté un amendement de M. Emile Blessig prévoyant que les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales pourront disposer des ressources qui garantissent leur libre administration seront déterminées par une loi organique et non par une loi ordinaire ; l'amendement n° 8 présenté par M. Daniel Garrigue prévoyant que l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements seront seuls compétents pour attribuer et répartir les crédits publics ; un amendement présenté par Mme Anne-Marie Comparini prévoyant que les recettes fiscales, les ressources propres et les dotations perçues par les collectivités territoriales devront représenter une part prépondérante, et non « déterminante », de leurs ressources.

Puis la Commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que, tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales devant s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice, une part importante de ces ressources devra être constituée de transferts de fiscalité. Le rapporteur a souhaité que cette précision soit formellement apportée afin d'être débattue en séance publique. La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté deux amendements présentés par M. Émile Blessig : le premier prévoyant que les ressources qui devront accompagner tout transfert de compétences porteront aussi bien sur les moyens financiers qu'humains ; le second précisant que le Parlement devra se prononcer par la loi sur les conditions d'attribution de ces ressources après avis public de la Cour des comptes.

Puis elle a examiné un amendement présenté par M. Jacques-Alain Bénisti précisant que la loi prévoira des dispositifs de péréquation afin de corriger, et non pas de compenser, les inégalités entre collectivités territoriales. Après avoir souligné que cette formulation rétablissait le texte initialement présenté par le Gouvernement, M. Jacques-Alain Bénisti a estimé qu'il n'y avait pas la même exigence entre le terme de compensation et celui de correction des inégalités. Observant qu'une correction pouvait n'être que partielle alors qu'une compensation supposait un effort de remise à niveau des collectivités les plus défavorisées, le rapporteur s'est opposé à cet amendement que la Commission a rejeté.

Elle a également rejeté un amendement présenté par M. Émile Blessig prévoyant que la loi mettra également en œuvre des dispositifs pouvant faire appel à la péréquation en vue de promouvoir la mise en œuvre d'une politique d'aménagement du territoire.

Puis la Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (article 72-3 inséré dans la Constitution) : Régime des collectivités situées outre-mer :

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 (article 73 de la Constitution) : Régime des départements et régions d'outre-mer :

La Commission a examiné un amendement présenté par le rapporteur supprimant une disposition introduite par le Sénat prévoyant que la possibilité pour les collectivités des départements et régions d'outre-mer de fixer elles-mêmes certaines règles applicables sur leur territoire, y compris dans des matières relevant du domaine de la loi, ne s'appliquerait pas au département et à la région de la Réunion. Après avoir rappelé que le Président de la République avait récemment réaffirmé avec force l'appartenance de la Réunion à la République française et le maintien de son statut de droit commun, le rapporteur a considéré qu'il n'était pas souhaitable pour autant de figer une situation et d'inscrire dans la Constitution une disposition interdisant formellement à ce département, même dans un avenir lointain, d'aller dans le sens d'une prise en compte accrue de sa spécificité. Il a ajouté que tout changement serait en tout état de cause subordonné au consentement de la population. La Commission a adopté cet amendement.

Elle a également adopté deux amendements du rapporteur : le premier de clarification rédactionnelle et le second prévoyant que les procédures d'habilitation prévues pour les départements et territoires d'outre-mer ne pourront intervenir lorsque sont en cause des conditions essentielles d'exercice d'un droit constitutionnellement garanti.

La Commission a ensuite adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 (article 74 de la Constitution) : Régime des collectivités d'outre-mer :

La Commission a adopté un amendement de cohérence, présenté par le rapporteur, puis l'article 9 ainsi modifié.

Articles 10 (article 74-1 inséré dans la Constitution) : Habilitation permanente pour actualiser le droit applicable outre-mer par ordonnances, et 11 (articles 7, 13 et 60 de la Constitution) : Assouplissement des conditions de délai pour l'organisation du scrutin présidentiel - Nomination des représentants de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 - Contrôle du Conseil constitutionnel sur la régularité des opérations de référendum :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Puis la Commission a adopté le projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

-  M. Bernard Roman, rapporteur pour la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 341) ;

-  M. Christophe Caresche, rapporteur pour la proposition de loi visant à réformer les peines d'interdiction du territoire.


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