COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 février 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Proposition de loi de MM. Jacques Barrot et Dominique Paillé tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants (n° 586) (M. Patrick Delnatte, rapporteur). (rapport)

 

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Delnatte, la proposition de loi de MM. Jacques Barrot et Dominique Paillé tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants (n° 586).

M. Patrick Delnatte, rapporteur, a évoqué, à titre liminaire, des initiatives de l'Assemblée nationale en faveur des droits de l'enfant, telles que la constitution d'une commission d'enquête sur ce thème sous la précédente législature, l'organisation du Parlement des enfants et du Parlement mondial des enfants, ou l'adoption de propositions de loi. Il a estimé que la vulnérabilité des enfants et les enjeux qui s'attachent à leur protection exigent une vigilance permanente de la part de la représentation nationale, tout en admettant que la situation des 13,4 millions de mineurs que compte aujourd'hui la France peut paraître très largement enviable, compte tenu de la protection que leur accorde notre système juridique.

Il a rappelé que la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, reconnaissait à l'enfant des droits civils, sociaux et culturels tels que le droit à la vie, le droit au nom et à la nationalité, le droit d'être protégé contre les violences sexuelles ou encore le droit à la liberté d'expression, de pensée ou de conscience, avant de faire état des dispositions propres aux droits de l'enfant figurant dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le rapporteur a également retracé les modifications législatives intervenues récemment pour renforcer les droits des enfants à être entendus en justice, à être protégés des violences sexuelles ou encore à connaître leurs origines personnelles, et rappelé l'institution du défenseur des enfants par la loi du 6 mars 2002.

Soulignant que cette autorité avait notamment compétence pour examiner les réclamations individuelles, il a estimé que son rapport annuel d'activité - dont il a souligné la richesse - montrait la persistance de zones d'ombre dans la protection de l'enfance. Notant l'accroissement des saisines de cette autorité et observant que les motifs de réclamation étaient fréquemment centrés sur la contestation de l'organisation des visites, des hébergements, du lieu de résidence habituel de l'enfant et des placements, il a relevé que les requêtes présentées tendaient également à dénoncer les abus sexuels, les cas de maltraitance ou touchaient à l'univers scolaire, aux questions de santé et au handicap, les institutions ou les personnes mises en cause étant extrêmement variées puisqu'il peut s'agir tant de l'autre parent que des services de l'aide sociale à l'enfance ou des institutions sanitaires ou judiciaires. Présentant ensuite les données rassemblées par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, le rapporteur a fait état de 18 000 signalements d'enfants maltraités en 2001 - les signalements pour abus sexuels augmentant légèrement, mais une tendance inverse se dessinant pour les enfants victimes de violences physiques - et 67 500 signalements d'enfants en risque, en augmentation par rapport à 2000. Après avoir rappelé que M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, avait annoncé la création d'un observatoire pour l'enfance maltraitée, il a estimé que ces situations justifiaient une initiative parlementaire de nature à promouvoir les droits de l'enfant.

Rappelant que la proposition de loi tendait à créer au sein de chaque assemblée une délégation parlementaire aux droits des enfants, le rapporteur a observé que le législateur avait déjà créé un grand nombre d'organes, tels que les délégations pour l'Union européenne, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologies, l'Office parlementaire d'évaluation de la législation - sur le fonctionnement duquel il a émis des réserves - les délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire, les délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et, en dernier lieu, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. Il a, en outre, précisé que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, créé en 1996, avait été supprimé par la loi de finances pour 2001.

Le rapporteur a noté que la présente proposition s'inspirait très largement des dispositions régissant les délégations parlementaires aux droits des femmes, que chaque délégation serait composée de vingt-quatre membres, désignés au début de la législature ou, s'agissant du Sénat, à chaque renouvellement triennal, dans des conditions qui permettent d'assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires, une représentation équilibrée des six commissions permanentes ainsi que des hommes et des femmes. S'agissant des compétences des délégations, il a précisé qu'elles informeraient les assemblées sur la politique gouvernementale, assureraient le suivi de l'application des lois dans leur domaine de compétence, et qu'elles apporteraient leur expertise sur les textes soumis à l'examen du Parlement. Sur ce point, il a indiqué que les délégations ne disposeraient pas de la faculté d'auto-saisine mais pourraient être saisies par le bureau de leur assemblée, ainsi que par une commission permanente ou spéciale, ou par la délégation pour l'Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution. Après avoir indiqué que les délégations pourront auditionner des ministres et recevront tout document nécessaire à leur mission, le rapporteur a précisé qu'elles établiront un rapport annuel d'activité, ainsi que des rapports comportant des recommandations sur les questions dont elles seraient saisies. Le rapporteur a estimé que pareilles dispositions permettraient à ces nouvelles structures de fonctionner efficacement, la délégation aux droits des femmes lui paraissant, à cet égard, un bon exemple de l'apport que peuvent constituer ces organes au travail parlementaire dans leur domaine de compétence.

M. Bernard Roman s'est demandé s'il ne serait pas préférable d'augmenter le nombre des commissions permanentes, qui pourrait être porté à dix, plutôt que de continuer à créer des délégations au sein des assemblées.

M. Christian Vanneste s'est déclaré réticent face à la multiplication des organes parlementaires, qui risquent d'inciter à fractionner le droit. Il s'est dit en accord avec M. Bernard Roman sur la nécessité d'augmenter le nombre des commissions permanentes.

M. Guy Geoffroy a rappelé que l'opportunité de transformer la délégation pour l'Union européenne en commission avait été évoquée lors de l'examen de la proposition de résolution sur le Procureur européen. Il a émis le souhait qu'une réflexion soit également engagée sur la manière dont le Parlement traitait la question de l'éducation, qui devrait constituer à elle seule l'objet d'une commission permanente. Par cohérence, il a suggéré de limiter à la durée de la législature la création de la délégation aux droits des enfants, les compétences de cet organisme ayant vocation ensuite à être intégrées dans celles d'une nouvelle commission permanente.

Après avoir relevé la longueur du délai qui s'est écoulé entre l'adoption de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'élaboration de la proposition de loi, le président Pascal Clément a exprimé des réserves à l'égard de la création de nombreuses délégations, qui lui paraît constituer une manière de contourner la limitation à six du nombre des commissions permanentes, d'autant plus que la vocation de tels organes est d'exercer une compétence transversale et non une fonction de nature catégorielle suscitée par des préoccupations qui revêtent parfois un caractère conjoncturel. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'en limiter la durée d'existence. Il a enfin évoqué la possibilité de redéployer les compétences actuellement dévolues aux six commissions permanentes, le cas échéant après fusion de certaines d'entre elles.

Après avoir rappelé que de nombreuses initiatives parlementaires avaient été prises depuis la ratification de la convention de l'ONU, notamment la constitution d'une commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, le rapporteur a souligné que la délégation aux droits des enfants, comme toutes les délégations existantes, effectuerait un travail complémentaire à celui des commissions permanentes et pourrait élaborer des recommandations. Citant l'exemple de l'Office d'évaluation des politiques publiques, il a montré qu'il était toujours possible de supprimer un organe parlementaire institué par la loi.

La Commission a ensuite adopté la proposition de loi sans modification.

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