COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 mars 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Alain Marsaud, secrétaire

SOMMAIRE

Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 700) (M. Jérôme Bignon, rapporteur) (rapport).

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jérôme Bignon, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 700).

Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi avait été présentée au Sénat par M. Robert Del Picchia et adoptée à l'unanimité le 18 mars dernier. Il a précisé qu'elle tendait principalement à autoriser le vote par correspondance électronique pour les élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE), afin que cette nouvelle procédure puisse être expérimentée, à l'occasion du prochain renouvellement du Conseil, le 1er juin 2003, dans les circonscriptions des États-Unis d'Amérique.

Après rappelé l'origine, la composition et le rôle joué par le Conseil supérieur des Français de l'étranger à l'égard des deux millions de Français expatriés, ainsi que les modalités de son élection, il a fait observer que l'objet de la proposition de loi était justifié par la nécessité d'accroître la participation aux élections de ce Conseil, soulignant que le taux d'abstention avait dépassé 80 % lors du dernier renouvellement triennal du 18 juin 2000 dans la zone Europe-Asie-Levant. Il a insisté sur le fait que les Français de l'étranger, en particulier ceux appartenant à la tranche d'âge des 18-25 ans - rompue à l'utilisation des nouvelles technologies - constituait une cible privilégiée pour expérimenter le vote par Internet. Il a ajouté que l'expérimentation du vote par correspondance électronique serait pratiquée dans une zone où le réseau Internet était bien développé et l'équipement des ménages en ordinateurs supérieur à la moyenne, regrettant à ce propos que l'Afrique souffre d'une fracture numérique.

Rappelant que le vote par Internet avait été testé avec succès pour les élections du Barreau de Paris, il a indiqué que le projet du ministre des affaires étrangères pour expérimenter le vote par correspondance électronique présentait suffisamment de garanties sur le plan technique pour assurer le respect des principes élémentaires du vote, tels que l'identification du votant, l'inviolabilité et la confidentialité du scrutin et la sécurité du vote.

M. Jérôme Bignon a ajouté que l'article 2 de la proposition de loi, introduit à l'initiative du Gouvernement, tendait à proroger le mandat des membres du CSFE de Côte d'Ivoire et du Libéria jusqu'au 31 décembre 2003, en raison de la situation exceptionnelle que connaissent ces pays.

Présentant les modifications qu'il soumettrait à la Commission, le rapporteur a rappelé que l'article premier autorisait d'une façon générale le vote par correspondance électronique pour les élections au CSFE, en renvoyant à un décret le soin de définir les modalités de mise ne œuvre de cette disposition. Il a estimé que le législateur, compétent pour définir les règles d'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger, devait indiquer expressément que le vote par correspondance électronique serait introduit à titre expérimental, et mentionner la portée géographique et temporelle de l'expérimentation envisagée. Il a souligné qu'il s'agissait d'appliquer pour la première fois l'article 37-1 de la Constitution introduit par la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, adoptée par le Congrès le 17 mars dernier.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles.

Article 1er (article 6 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982) : Vote par correspondance électronique pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger :

La Commission a examiné un amendement du rapporteur précisant - dans un souci de conformité aux dispositions de l'article 37-1 de la Constitution adopté lors du Congrès du 17 mars 2003 - que le vote par correspondance électronique serait introduit à titre expérimental.

M. Alain Marsaud s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'étendre l'expérimentation aux circonscriptions d'Afrique. M. Thierry Mariani a déclaré souscrire d'autant plus à la mise en valeur du caractère expérimental de ce dispositif qu'il était opposé à sa généralisation sur le territoire français, l'acte de voter exigeant un certain formalisme, surtout dans les petites communes. En réponse aux intervenants, le rapporteur a précisé, en premier lieu, que l'extension de l'expérimentation se heurtait, en Afrique, à la réalité de la fracture numérique, récemment soulignée, par exemple, par M. Abdoulaye Wade, Président de la République sénégalaise. Il a fait observer, en deuxième lieu, que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat avaient d'ores et déjà reconnu la possibilité pour la loi ou le décret de comporter des dispositions de caractère expérimental et que la réforme constitutionnelle en avait entériné le principe et l'avait étendu aux collectivités locales. Enfin, tout en reconnaissant la valeur que peut représenter l'acte de voter accompli par les citoyens réunis dans les lieux de vote, il a fait valoir que les facilités résultant du vote électronique risquaient fort d'en favoriser l'extension, sous réserve d'un niveau d'équipement des foyers satisfaisant, et souligné que cette technique pourrait être à l'origine d'avancées démocratiques réelles, en permettant d'ouvrir des consultations sur un grand nombre de sujets et de réduire l'abstention. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur.

Elle a examiné un second amendement du rapporteur précisant que l'expérimentation pourrait avoir lieu pour le renouvellement du Conseil supérieur des Français de l'étranger du 1er juin 2003 dans les circonscriptions des Etats-Unis d'Amérique. M. Thierry Mariani, soulignant qu'aucun argument technique ne justifiait l'absence d'extension de l'expérimentation aux deux circonscriptions du Canada, a proposé de rectifier l'amendement en ce sens. Après que M. Jérôme Bignon, favorable à cette suggestion, eut précisé qu'il reviendrait au Gouvernement, dans le cadre du décret d'application, d'apprécier la faisabilité technique de l'extension de cette expérimentation, dont le texte précise qu'elle revêt un caractère facultatif, la Commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi rectifié, avant d'adopter l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Prorogation du mandat des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger du Liberia et de Côte-d'Ivoire

La Commission a été saisie de deux amendements, le premier présenté par le rapporteur apportant une correction rédactionnelle, le second de M. René Dosière reportant au 31 mars 2004 au lieu du 31 décembre 2003 la date de l'élection des délégués du CSFE dans la circonscription du Liberia et de Côte-d'Ivoire. Présentant cet amendement, M. Bernard Roman a observé que la date proposée par le Gouvernement paraissait très optimiste compte tenu des événements en Côte-d'Ivoire. Exprimant au contraire la crainte qu'un tel report ne crée un précédent fâcheux, M. Thierry Mariani a souhaité qu'il soit strictement limité dans le temps. Déclarant partager cette opinion, le rapporteur a attiré l'attention des auteurs de l'amendement sur le signal négatif qu'il pourrait constituer à l'égard des ressortissants français résidant en Côte-d'Ivoire. La Commission a rejeté l'amendement de M. Dosière, avant d'adopter l'amendement du rapporteur, ainsi que l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2 :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière permettant aux Français établis hors de France de voter par correspondance ou par voie électronique à toutes les élections. Le rapporteur a indiqué que le vote par correspondance était, à l'heure actuelle, réservé à l'élection du CSFE en raison des risques qu'il pouvait présenter dans le cadre d'autres élections ; insistant sur les vertus de l'expérimentation qui permettra d'étudier la faisabilité du dispositif, il a jugé prématuré la généralisation du vote électronique à toutes les élections. En désaccord avec les propos de M. Thierry Mariani sur le formalisme du vote, M. Bernard Roman a fait valoir qu'un tel amendement présentait l'avantage de poser la question du développement des procédures de vote par correspondance. M. Alain Marsaud a déclaré partager cette préoccupation, notamment pour la participation des ressortissants français à l'élection des députés européens. Il a rappelé qu'il avait déposé à ce sujet un amendement lors de l'examen du projet de loi modifiant le mode de scrutin aux élections européennes, prévoyant explicitement l'élection d'un représentant des Français de l'étranger au Parlement européen ; il a ajouté qu'il lui avait été répondu à l'époque - face à l'hostilité qu'avait suscitée une telle suggestion, le siège en question devant s'imputer sur le contingent de députés européens impartis à la région Ile-de-France - que la question serait résolue par le développement des procédures de vote par correspondance. Le rapporteur a indiqué que le Gouvernement étudiait les possibilités d'élargir les critères d'inscription sur les listes électorales communales prévus pour les Français établis hors de France à l'article L. 12 du code électoral, afin de faciliter le vote par procuration, avant de rappeler que le vote par correspondance, prévu dans le code électoral, avait été supprimé en 1975 en raison des fraudes qu'il avait suscitées. La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a examiné un autre amendement de M. René Dosière créant, pour les Français établis hors de France, un seul registre électoral pour les élections politiques et les élections au CSFE. M. Bernard Roman a montré que ce texte simplifiait les formalités en vigueur, tout en facilitant les procédures d'inscription automatique sur les listes électorales. M. Thierry Mariani a rappelé qu'il existait en effet à l'heure actuelle deux registres électoraux, le premier constitué automatiquement lors de l'immatriculation au consulat pour le vote des délégués au CSFE, le second étant établi dans les conditions de droit commun pour les élections politiques. Il lui a semblé, dans ces conditions, que l'amendement de M. René Dosière constituait une mesure de simplification bienvenue et suggéré que les associations de représentants des Français de l'étranger soient consultées sur cette proposition d'ici l'examen de la proposition de loi en séance. Tout en déclarant partager les préoccupations de l'auteur de l'amendement, le rapporteur a regretté que la rédaction retenue ne paraisse finalement aller à l'encontre du but recherché : tel que le prévoit l'amendement, l'alignement des procédures d'inscription pour l'élection du CSFE sur celles prévues par la loi organique du 31 janvier 1976 pour les élections politiques se ferait au détriment du CSFE, puisque l'inscription sur les registres perdrait leur caractère automatique. La Commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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