COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 mars 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, et discussion générale du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n° 710) (M. Étienne Blanc, rapporteur).

La Commission a procédé à l'audition M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, et à la discussion générale du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n° 710) (M. Étienne Blanc, rapporteur).

Présentant, en préambule, les objectifs de simplification et clarification poursuivis par le projet de loi, le président Pascal Clément a estimé qu'ils devraient recueillir un large consensus. Il a néanmoins considéré que la méthode retenue pouvait susciter des interrogations et des inquiétudes, l'habilitation législative demandée par le Gouvernement dans le cadre de l'article 38 de la Constitution revêtant une ampleur sans précédent. Il a en conséquence jugé indispensable d'associer le Parlement au suivi du processus d'élaboration des ordonnances ; évoquant les dispositions que l'Assemblée est sur le point d'introduire dans son Règlement, il s'est demandé si la création d'une mission d'information par la Conférence des Présidents à l'initiative du Président de l'Assemblée, qui lui confèrerait une certaine solennité, ne constituerait pas la procédure la plus appropriée. Il a rappelé - pour le regretter - que si l'habilitation était une pratique relativement courante de la Ve République, l'examen des projets de loi de ratification par le Parlement était très rare ; il a donc considéré que la création d'une telle mission serait de nature à préparer dans de bonnes conditions le débat sur les projets de loi de ratification.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a souligné que le projet de loi, de grande envergure, traduisait l'implication de tous les ministères dans la réforme de l'État. Il a rappelé que cet effort de simplification constituait, avec la relance de la décentralisation, la modernisation des procédures budgétaires et la réforme de l'administration centrale, un pilier de la réforme de l'État. Tout en soulignant que le projet d'habilitation contenait des mesures pragmatiques et de bon sens, il a reconnu qu'une telle démarche n'avait pas été exempte de difficultés, tant les résistances sont grandes lorsqu'il s'agit de changer des méthodes de travail. Il s'est félicité que ces résistances aient pu être vaincues, ajoutant que la dynamique de la réforme était désormais enclenchée, puisqu'un deuxième projet de loi d'habilitation devrait être présenté à l'automne. Il a souhaité que ce rythme soit maintenu à l'avenir, afin qu'un véritable effet d'entraînement puisse propager la simplification. Tout en précisant que le choix de ce rythme soutenu exigeait le recours à l'habilitation législative, il a convenu avec le président de la commission des Lois qu'une telle procédure exigeait une concertation étroite avec le Parlement.

Présentant ensuite les principaux points du projet, il a indiqué que le Gouvernement sollicitait l'autorisation de rédiger quatre codes selon la technique du droit constant - dans les secteurs du patrimoine, de la recherche, du tourisme et de l'organisation judiciaire - ainsi que trois nouveaux codes à droit non constant dans les domaines de la propriété publique, de l'artisanat et de la défense, ainsi que la révision du code monétaire et financier. Il a ensuite exposé les principes directeurs qui fondent les autres réformes proposées, et qui sont inspirées par le souci de proximité, le rétablissement de la confiance entre usagers et administrations, la recherche de la cohérence et la démarche de performance dans l'action administrative. Il a émis le souhait que ces mesures contribuent à réduire le fossé entre public et privé, la rapidité de la réponse de l'administration étant trop souvent entravée par des procédures inutiles liées notamment à la réunion de très nombreuses commissions. Évoquant ensuite les craintes que peuvent éprouver des fonctionnaires face à ce mouvement de simplification, il a fait ressortir les aspects de la réforme qui auraient pour effet de valoriser les compétences des agents publics, parfois enfermés dans des tâches stériles. Il a conclu son propos en souhaitant que les structures s'adaptent aux problèmes, plutôt que l'inverse, comme c'est trop souvent le cas.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a souligné que la volonté de restaurer une certaine idée de la loi était au cœur du chantier de la simplification administrative, la norme législative devant définir l'essentiel, sans être encombrée de procédures et de détails dont la complexité ne conduit qu'à son affaiblissement. Citant le propos de Montesquieu selon lequel « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », il a souligné combien la législation française s'était éloignée de ce modèle de clarté et de concision, universellement connu, qu'était à l'origine le code civil, dont notre pays célébrerait le bicentenaire en mars 2004.

Mettant en lumière le caractère tout à fait innovant de la démarche proposée par le gouvernement, il a expliqué que, dans ce travail de simplification majeur qui porterait sur une trentaine de lois et une quinzaine de codes, le concours de la représentation nationale serait essentiel, qu'il s'agisse, en amont, de définir le contenu de l'habilitation, puis de suivre sa mise en œuvre et de participer à l'élaboration des ordonnances, enfin de débattre de ces sujets lors de la discussion des projets de loi de ratification des ordonnances. Évoquant l'exemple de la réforme du code des marchés publics, il a rappelé que la tentative du Gouvernement sous la précédente législature n'avait pas conduit à une simplification, la définition de la nomenclature applicable dans ce domaine par les seules structures administratives ayant, au contraire, conduit à rendre le dispositif plus complexe encore.

Abordant les domaines dans lesquels l'habilitation était demandée, il a cité, outre celui des relations générales entre les usagers et l'administration, les dispositions relatives aux entreprises, notamment l'instauration d'un titre emploi simplifié et la mise en place d'un guichet social unique permettant aux artisans, commerçants, indépendants et professions libérales de verser leurs cotisations sociales à un organisme unique. Il a également mis l'accent sur l'harmonisation des dispositifs d'allégement de cotisations sociales, actuellement au nombre de trente-six, et, en matière de santé publique, sur la simplification de la chaîne hospitalo-sanitaire. A cet égard, il a souligné l'importance de la simplification du régime des autorisations des activités de soins et des équipements en matériels pour la réussite du plan « Hôpital 2007 » lancé par le ministre de la santé, et mis l'accent sur l'avancée que représentait l'ouverture aux professionnels médicaux libéraux des groupements de coopération sanitaire, notamment en matière d'amortissement d'équipements lourds. Il a insisté sur les dispositions relatives aux délais applicables à la commande publique, qu'il s'agisse de la simplification du code des marchés publics ou de la possibilité de mettre en œuvre des partenariats associant des financements publics et privés le plus en amont possible du processus et à permettre à l'administration de passer des contrats globaux, allant de la conception à la maintenance, de façon à ouvrir au secteur privé la possibilité de contribuer activement à la réalisation d'infrastructures nécessaires, que l'État éprouve des difficultés à financer.

Il a ajouté que le Gouvernement préparait une circulaire visant à donner un contenu réel aux études d'impact sur les projets de loi, de façon à évaluer la nécessité d'une intervention législative, les moyens prévus pour sa mise en œuvre et le coût induit par la complexité qu'elle est susceptible d'introduire.

M. Étienne Blanc, rapporteur, ayant salué l'avancée que constituerait l'obligation pour l'administration d'indiquer le délai de traitement d'une demande, a interrogé les ministres sur les moyens de contrôler le respect effectif de cette contrainte. Il leur a demandé comment les pme pourraient être associées aux nouveaux contrats de partenariat public-privé, qui permettront de définir des marchés globaux comprenant à la fois la conception, la réalisation et la maintenance.

En réponse, M. Jean-Paul Delevoye a relevé la nécessité de faire accéder l'administration à l'âge de la contractualisation et de lui permettre de tenir ses engagements, en particulier par le biais d'indication de délais, ce qui offrira à ses partenaires une sécurité juridique qui fait aujourd'hui défaut. Il a rappelé que l'administration qui ne respectait pas les délais de paiement se voyait d'ores et déjà contrainte de payer des intérêts moratoires et que cette logique de compensation et de réparation du préjudice causé par l'absence de réponse de l'administration dans le temps imparti mériterait d'être étendue. Il s'est déclaré favorable à la mise en place d'un système de lettre de change tirée sur l'administration, qui éviterait de fragiliser le tissu économique et qui devrait s'accompagner de la contractualisation entre les différentes collectivités, les décisions de l'une ne devant pas conduire une autre à dépasser les délais malgré elle.

Il a souligné que la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances renforcera le mouvement de responsabilisation et d'évaluation des différentes administrations dans leurs rapports avec les citoyens. Il a jugé nécessaire de mener une réflexion permettant de définir un système de responsabilité collective fondé sur un engagement par service et sur la « traçabilité » des dossiers, de telle sorte que le citoyen puisse être informé de l'état d'avancement de sa demande et connaître le responsable de la procédure.

Abordant la question des partenariats entre commanditaires publics et opérateurs privés, le ministre a jugé utile de définir des outils juridiques susceptibles de faire jouer à l'investissement public un rôle pro-cyclique ou contra-cyclique renforcé, ce qui suppose des délais de mise en œuvre moins longs que ceux qui prévalent aujourd'hui. Il a ajouté que cette évolution ne pouvait être engagée qu'à condition de laisser aux collectivités publiques une certaine marge de négociation dans la définition des procédures. Il a estimé que la place des pme dans ces partenariats dépendrait de la volonté des acheteurs publics de les associer, notamment grâce à l'allotissement des marchés, les pme disposant d'avantages comparatifs indéniables dans le domaine de la maintenance et des services de proximité.

Il a récusé tout amalgame entre le comportement des élus locaux et les pratiques de financement occulte de formations politiques par le biais de contrats globaux, tels que les marchés d'entreprise de travaux publics (metp), et a jugé impératif d'accompagner la création de nouveaux partenariats d'éléments de transparence des procédures et d'information des assemblées délibérantes.

Répondant à son tour au rapporteur, M. Henri Plagnol a observé que la question des délais avait suscité le plus de résistance au sein des administrations et que leur réduction constituait un instrument de responsabilisation des services publics et de mobilisation des personnels. Il a précisé que cet impératif de qualité entraînerait la création de grilles de comparaison, avant d'attirer l'attention de la Commission sur la difficulté d'établir des sanctions adaptées à chaque cas d'espèce, le schéma simple des intérêts moratoires en cas de dépassement des délais de paiement ne pouvant être étendu à l'ensemble des procédures.

Il a jugé possible de parvenir, dans les partenariats public-privé, à un équilibre entre la globalisation des contrats, source d'économies et d'efficacité, et l'affectation de certains lots aux pme, riche en capacités d'adaptation et de réaction.

Soulignant combien il estimait souhaitable, de prime abord, de procéder à une simplification des procédures administratives, M. Jérôme Lambert a néanmoins souligné que cette démarche se traduirait, paradoxalement, par une certaine inflation législative, et regretté de ne pas retrouver dans les propos des ministres nombre d'annonces figurant dans l'exposé des motifs du projet de loi. Rappelant que ce texte aurait pour effet de dessaisir le Parlement, au profit du Gouvernement, de son pouvoir de légiférer, il a noté que l'habilitation demandée ne portait pas sur des questions subalternes et rejoint les propos du président Pascal Clément sur le caractère inédit d'un dessaisissement aussi vaste. Il a fait observer, en effet, que les lois d'habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur le fondement de l'article 38 de la Constitution portaient habituellement sur la transposition de directives européennes ou sur l'extension à l'outre-mer de textes ayant déjà fait l'objet de débats au Parlement. Il a ajouté que, même en admettant que l'urgence puisse justifier le recours aux ordonnances, le temps du débat n'en restait pas moins incompressible, puisque le Gouvernement avait l'intention d'associer les parlementaires à l'élaboration des ordonnances et d'inscrire à leur ordre du jour les projets de loi de ratification. Il s'est donc demandé si un tel argument ne masquait pas en réalité une simple volonté de dépossession du Parlement. Estimant, en outre, que la diversité des dispositions du projet, notamment en matière sociale, aurait dû inciter d'autres commissions à se saisir pour avis, il s'est également étonné que le projet de loi d'habilitation conduise à laisser lettre morte la volonté de concertation avec les partenaires sociaux pourtant affichée par le Gouvernement. Évoquant les dispositions relatives à la simplification des démarches des usagers, il a regretté que le projet ne contribue pas à simplifier la situation des étrangers résidant en France, obligés de fournir aux services administratifs de multiples documents justificatifs, souvent difficiles à obtenir dans leur pays d'origine.

Après s'être interrogé sur les délais dans lesquels les parlementaires seraient remboursés de leurs frais de campagne, M. Jérôme Bignon s'est déclaré impressionné par le contenu du projet de loi et a indiqué qu'il présenterait des amendements aux dispositions relatives à la simplification des formalités des entreprises. Il s'est enfin demandé si les délais impartis au Gouvernement pour prendre les ordonnances n'étaient pas trop limités, compte tenu de l'ampleur des réformes envisagées.

Après avoir salué l'esprit qui animait le projet, M. Xavier de Roux a estimé que l'accumulation de textes législatifs, souvent stigmatisée, ne permettait plus à quiconque de connaître l'état du droit en vigueur et nuisait à l'attractivité de notre territoire. Jugeant indispensable d'abroger nombre de dispositions, il a regretté que cette solution ne soit pas davantage retenue, au profit de la logique de la codification à droit constant, qui conduit à accumuler des textes parfois inutiles. Il a donc souhaité savoir si les ordonnances prises par le Gouvernement procéderaient à une réécriture ou une abrogation des dispositions obsolètes. S'interrogeant ensuite sur la possibilité de vaincre les réticences des administrations face à toute tentative de simplification des procédures, il a noté que l'article 19 du texte reprenait une disposition introduite par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à l'initiative économique, tendant à permettre aux travailleurs indépendants de choisir un guichet unique pour le recouvrement de leurs cotisations, disposition que le Gouvernement allait sans doute supprimer au Sénat, compte tenu des protestations qu'elle suscitait à l'URSSAF - alors qu'elle ne concerne pourtant que 3 % des cotisations recouvrées - au motif qu'elle allait conduire à la suppression de trois mille emplois.

Évoquant les principes de confiance, de contractualisation et de responsabilité évoqués par les ministres lors de la présentation de la réforme, M. Christian Decocq a estimé qu'ils seraient mieux admis par les nouvelles générations de fonctionnaires, qui n'ont pas connu la période antérieure à la décentralisation, et qui sont donc plus respectueux des élus locaux que leurs prédécesseurs. Tout en déclarant comprendre la notion de contractualisation défendue par les ministres, il s'est interrogé sur les moyens qui seraient mis en œuvre pour garantir le respect des objectifs fixés, dès lors que la fonction publique est l'une des parties au « contrat ». Enfin, s'interrogeant sur la possibilité de responsabiliser les administrations sans susciter la crainte d'une prise de risque et conduire ainsi à une forme d'immobilisme, il s'est demandé quelle place serait fait aux procédures dites de « certification-qualité ».

Évoquant la substitution de déclarations sur l'honneur à la production de pièces justificatives, M. Jacques-Alain Bénisti s'est demandé, d'une part, quelle serait la sanction d'une fausse déclaration et, d'autre part, si cette disposition serait appliquée aux demandes de diplômes aujourd'hui requis pour présenter des concours administratifs. Si tel devait être le cas, il a souhaité que soit mis en place un système dans lequel les candidats ayant réussi le concours seraient tenus de fournir les pièces justificatives. Abordant l'organisation de la transmission de documents entre les administrations, il s'est félicité de cette disposition, très attendue par les usagers, tout en s'interrogeant sur les modalités pratiques de leur réalisation, sur les sanctions en cas de non-respect des délais de transmission par les services concernés, ainsi que sur les aides financières qui seront accordées aux administrations pour s'équiper. Il a estimé que l'article 4 du projet de loi répondait à une attente des collectivités locales en simplifiant les conditions de passation de contrats conclus par des personnes publiques, ou des personnes privées chargées d'une mission de service public, pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement de services. Il a demandé quelles procédures de contrôle et de sanctions seraient prévues dans les ordonnances pour éviter les dérives auxquelles avaient pu donner lieu dans le passé des pratiques comme celles des METP. Il a souhaité savoir si les préfets pourraient saisir les chambres régionales des comptes aux fins d'examen de la régularité de ces contrats et s'il était envisagé de modifier la procédure applicable aujourd'hui, afin de laisser à la commission permanente le soin de choisir l'entreprise lauréate, le conseil municipal ne devant être appelé à intervenir que dans le lancement de l'appel d'offres. Enfin, tout en approuvant les dispositions de l'article 12 relatives au vote par procuration, il a souhaité que soit modifié le décret du 22 novembre 1985, afin de permettre aux maires de vérifier la validité des procurations faites par les électeurs.

M. Jean-Christophe Lagarde a jugé dangereuses les dispositions assouplissant le vote par procuration, dont il sera impossible d'assurer le contrôle. Tout en admettant que la législation actuelle était trop restrictive, il a considéré que la prudence s'imposait en raison des risques de fraude massive. S'agissant des marchés publics, il a mis en doute l'efficacité du cadre juridique en vigueur, dont la complexité nuit à l'exécution des opérations envisagées, sans contenir pour autant les risques de financements occultes ou d'ententes entre les entreprises. Il a jugé préférable de laisser aux élus locaux une plus grande liberté de contracter, y compris à l'issue des appels d'offres. Il a regretté, par ailleurs, que le Gouvernement ait renoncé à mettre en place un système de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, estimant qu'une telle réforme, très attendue par de nombreux contribuables, aurait été emblématique de la volonté de simplification. Il a souhaité également que des décisions soient prises en ce qui concerne l'identification des fonctionnaires, jugeant inacceptable que des personnes théoriquement au service du public usent encore de leur anonymat. Il a insisté enfin sur la nécessité de simplifier réellement les règles de preuve de la nationalité française.

M. Emile Blessig a jugé qu'il serait important, parmi les mesures de simplification envisagées, d'harmoniser les voies et les délais des recours contentieux. S'agissant des études d'impact présentées par le Gouvernement à l'appui des projets de loi, il s'est félicité de la volonté des ministres d'insister auprès de leurs collègues sur leur importance pour le travail parlementaire, jugeant très inégale la qualité de ces études. Il s'est interrogé par ailleurs sur les outils dont dispose le Parlement pour apprécier la pertinence des informations ainsi communiquées.

M. Jean Leonetti a demandé des précisions sur la portée des mesures envisagées sur le fondement de l'article 16 du projet et notamment sur la suppression du critère du « lit hospitalier » pour l'attribution des dotations publiques. Il a salué la volonté du Gouvernement de simplifier les formalités exigées en matière de preuve de la nationalité française. Il s'est inquiété, en revanche, du risque de contentieux qui pourrait résulter d'une simplification excessive des modalités de vote par procuration.

M. Dominique Tian a qualifié de révolution la suppression de l'autorisation exigée pour les lits et places d'hospitalisation. Évoquant l'harmonisation des seuils d'effectifs pour l'adaptation de certaines dispositions du code du travail prévues par le projet de loi, il a souhaité en connaître la portée exacte, soulignant que les pouvoirs publics devaient prendre garde à ne pas durcir davantage des règles déjà très strictes pour les entreprises. Faisant part de son expérience de membre d'une commission d'appel d'offres, il a critiqué l'existence de l'enveloppe administrative et proposé la mise en place d'un bureau régional ou national de vérification des pièces, qui permettrait d'agréer une fois pour toutes les sociétés souhaitant concourir à des appels d'offres.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Paul Delevoye a convenu de la nécessité d'associer les parlementaires à l'élaboration des ordonnances et de respecter les délais relativement courts fixés par le projet de loi pour réaliser le programme d'ordonnances. Il s'est rallié au principe d'abrogation des lois devenues obsolètes, au-delà du respect des principes de la codification à droit constant. Il a rappelé que les vives résistances manifestées par les administrations au début du processus avaient été vaincues par la ferme volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre et par la ténacité du secrétaire d'État à la réforme de l'État.

Il a indiqué que la mise en place d'un guichet unique social pour les travailleurs non salariés non agricoles posait des difficultés d'organisation incontestables, lesquelles ne pourraient être résolues sans concertation, et que le prochain rapport confié de manière conjointe à l'inspection générale des affaires sociales, à l'inspection générale de l'industrie et du commerce et à l'inspection générale des finances permettra de définir certaines modalités pratiques. Il s'est dit confiant dans la capacité des structures de l'État à s'adapter à l'approfondissement de la décentralisation et a émis l'idée de réunir autour du préfet les différents services en quelques pôles de compétence plus rationnels, en souhaitant que s'engage une réflexion plus approfondie sur la possibilité d'accorder un plus grand pouvoir d'appréciation aux préfets.

Il a souligné que le remplacement de certaines pièces justificatives par une déclaration sur l'honneur devait être réalisé de manière pragmatique et permettre une accélération des procédures pour le citoyen, tout en préservant la possibilité d'exercer des vérifications a posteriori, la confiance n'excluant pas le contrôle.

Il s'est déclaré réservé sur la possibilité de déléguer à la commission d'appel d'offres certains des pouvoirs exercés aujourd'hui par les assemblées délibérantes des collectivités locales, leur consultation constituant un élément indéniable de transparence.

Complétant les réponses apportées par M. Jean-Paul Delevoye, M. Henri Plagnol a confirmé que les procurations pourront être attribuées par simple déclaration sur l'honneur effectuée à la marie, les préfectures conservant la possibilité d'effectuer des contrôles. Il a ensuite donné les éléments d'information suivants.

- Dans le cadre de la loi d'habilitation, les Français nés à l'étranger ou dans les anciens territoires de la République bénéficieront désormais d'une présomption de nationalité qui les dispensera d'en apporter la preuve. Cette simplification ayant été très difficile à obtenir des administrations concernées, il serait souhaitable que les parlementaires la soutiennent afin d'éviter toute modification lors de l'élaboration de l'ordonnance.

- L'identification du fonctionnaire est un sujet majeur, qui a été en partie résolu par la loi du 22 avril 2000, qui a prévu l'obligation de mentionner le nom de la personne responsable du dossier dans l'accusé de réception d'une lettre adressée à l'administration. Toutefois, l'identification des fonctionnaires présents aux guichets ou répondant au téléphone est plus difficile à mettre en œuvre, les précédentes tentatives ayant échoué en raison du harcèlement dont auraient été victimes certains agents.

- La question du prélèvement fiscal à la source n'a pas sa place dans ce projet de loi, mais relève du ministère des finances, qui travaille actuellement sur cette question.

- L'État doit garder un certain contrôle sur les marchés publics tout en laissant aux collectivités locales la liberté de contracter.

- Les pouvoirs publics doivent tenir compte de la mobilité de la société dans l'établissement des modalités du vote par procuration ; parallèlement à la libéralisation de celles-ci, il convient, en amont, de renforcer le contrôle de l'établissement des listes pour combattre la fraude à la source. Cette libéralisation du vote par procuration ne devrait pas contribuer à augmenter de manière directe le contentieux électoral.

- L'harmonisation des délais et des voies de recours constitue un enjeu majeur pour le justiciable ; toute suggestion de la commission des Lois en ce sens sera la bienvenue dans le cadre de la préparation d'une future loi de simplification.

- Les études d'impact n'ont pas eu les effets escomptés en raison, d'une part, de l'absence de réel intérêt du Parlement à leur égard, et d'autre part, de leur caractère partial, puisqu'elles sont utilisées par le Gouvernement pour justifier le texte présenté. La transposition des modèles étrangers, dans lesquels l'élaboration de l'étude donne lieu à un débat contradictoire préalable, entraînerait une modification de l'ensemble du calendrier de la discussion d'un projet de loi.

- L'harmonisation des seuils relatifs aux marchés publics a pour objet de simplifier le droit applicable aux acheteurs publics, en ne retenant que les seuils fixés par le droit communautaire.

- La suppression de l'autorisation exigée pour les lits d'hospitalisation, qui constitue en effet une mesure très importante, a été proposée par le ministre de la santé lui-même.

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