COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 48

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 mai 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président,

puis de M. Xavier de Roux, vice-président

SOMMAIRE

Projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n° 810) (M. Jean Leonetti, rapporteur) (rapport).

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Leonetti, le projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n° 810).

M. Jean Leonetti, rapporteur, a estimé que le projet de loi reposait sur le constat selon lequel la procédure actuelle du droit d'asile se caractérisait à la fois par le désordre et l'injustice. Il a rappelé que le nombre des demandes d'asile avait fortement augmenté ces dernières années, s'élevant à près de 80 000 par an, tandis que leur délai d'examen s'allongeait sans cesse, pour atteindre actuellement deux ans en moyenne. Il a également cité le coût de ces procédures, lié notamment aux délais, évalué à 270 millions d'euros par an. Évoquant la procédure de l'asile territorial, créée en 1998 essentiellement pour permettre l'accueil des personnes fuyant les troubles d'Algérie et qui n'étaient pas éligibles à l'asile conventionnel, il a rappelé que le taux d'octroi était de 2 % entre 1998 et 2002 et estimé que cette procédure pouvait aujourd'hui être considérée comme un échec.

Présentant les dispositions du texte, il a fait valoir qu'elles répondaient au souci d'allier efficacité et humanité dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié et des principes fondamentaux du droit d'asile, ajoutant qu'elles ne tendaient pas à réguler le flot des demandes, mais plutôt à simplifier une procédure complexe afin de raccourcir les délais de réponse. Il a indiqué que le projet de loi prévoyait ainsi la mise en place d'un guichet unique auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui, outre les demandes d'asile conventionnel et constitutionnel, sera désormais chargé de l'examen des demandes d'asile territorial - rebaptisé « protection subsidiaire » - jusqu'alors traitées par le ministère de l'Intérieur. Il a fait observer que cette unification des procédures ouvrait une possibilité de recours suspensif devant la commission des recours des réfugiés (CRR) en matière de protection subsidiaire, ce que ne prévoit pas l'actuelle procédure d'asile territorial. Rappelant que le droit d'asile était également régi par des dispositions communautaires, il a observé que le projet de loi anticipait l'adoption de deux propositions de directives en introduisant en droit français les notions d'« asile interne » et de « pays d'origine sûr ». Tout en relevant que cette dernière notion est définie de manière restrictive, dans l'intérêt des demandeurs d'asile, il a souhaité que la liste de ces pays soit définie par l'OFPRA. Évoquant l'asile interne, il a indiqué que cette notion, qui permet de refuser une demande d'asile lorsque la personne peut trouver protection sur une partie du territoire de son pays d'origine, constituait le corollaire de l'abandon du critère jurisprudentiel de l'origine étatique des persécutions, et donnerait lieu à une appréciation en fonction de l'évolution des situations politiques internes.

En conclusion, il a rappelé que l'instauration d'un guichet unique et d'une faculté de recours généralisée figuraient parmi les propositions des deux candidats à l'élection présidentielle et avaient fait l'objet d'une approbation unanime. Quant aux notions de pays sûrs et d'asile interne, il a observé qu'elles répondaient à une nécessité d'harmonisation européenne, l'exemple du centre de Sangatte, où une part infime des demandes d'asile concernaient la France, démontrant l'urgence de cette harmonisation.

Faisant état des changements politiques profonds que connaît un nombre croissant de pays tels que l'Afghanistan ou l'Irak, M. Robert Pandraud s'est demandé si la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile issus de ces pays allait être réexaminée par les services compétents afin d'en faciliter, le cas échéant, le retour dans leur pays d'origine. Il a indiqué que, si la convention de Genève avait été conçue pour permettre aux personnes persécutées dans leur pays pour des raisons idéologiques de trouver refuge au sein d'États démocratiques, elle était cependant partiellement inadaptée à la réalité des persécutions actuelles, qui revêtent, bien souvent, un caractère racial. Il a estimé par ailleurs que, si les étrangers accueillis dans le cadre des dispositions de la convention de Genève s'étaient longtemps abstenus, par une sorte de devoir de réserve, de porter des appréciations sur la politique de leur pays d'origine, ce n'était malheureusement plus le cas aujourd'hui. Observant que les pays d'Europe occidentale étaient submergés par des demandes d'asile territorial ou conventionnel présentées par des personnes relevant davantage de la catégorie des réfugiés économiques, il a rappelé les déclarations d'un précédent Premier ministre selon lesquelles la France ne pouvait avoir pour vocation d'accueillir toute la misère du monde.

M. Serge Blisko a salué les améliorations apportées par le projet de loi, notamment, l'instauration d'un « guichet unique » en matière de demande d'asile et la prise en considération de persécutions non étatiques. Ayant approuvé l'expression du rapporteur selon laquelle la situation actuelle était caractérisée par le désordre et l'injustice, il en a nuancé la portée en soulignant que les flux d'arrivée des demandeurs d'asile étaient par nature imprévisibles et erratiques puisqu'ils n'étaient que le révélateur des différents conflits dans le monde ; et tout en admettant qu'il existe de nombreuses demandes abusives, il a néanmoins regretté que les délais de réponse des organismes compétents puissent excéder deux ans, ce qui peut engendrer des situations personnelles inextricables, compte tenu de l'insertion en France de personnes finalement déboutées. Il a ajouté, que confronté à cette situation, le Gouvernement, plutôt que de se lancer dans la refonte du droit d'asile, aurait pu faire un choix différent en augmentant les moyens dévolus à l'OFPRA, à l'instar des décisions prises en 1990 à la suite de la chute du mur de Berlin, qui avaient permis de traiter plus rapidement les demandes d'asile. Ayant rappelé que le droit d'asile avait une valeur constitutionnelle en France, il a souligné à quel point l'exercice de ce droit était cependant difficile pour les personnes concernées en raison des délais d'instruction des demandes et de la sévérité des organismes compétents, le taux global d'admission s'élevant à 17 % des requêtes et la CRR ne rattrapant qu'un petit nombre de cas. Tout en jugeant nécessaire une harmonisation européenne du droit d'asile, il a regretté que le projet de loi se situe en retrait par rapport aux directives communautaires en voie d'adoption, au lieu d'aller plus loin que celles-ci conformément à notre tradition nationale en matière d'asile.

Abordant les dispositions du texte, M. Serge Blisko a fait part de sa perplexité quant à la notion de « pays d'origine sûr » et a souligné la difficulté d'écarter de cette catégorie des pays avec lesquels la France est en relation étroite, quand bien même cette décision relèverait de l'OFPRA. S'agissant de la notion « d'asile interne », également utilisée par le Haut commissariat aux réfugiés, il s'est interrogé à la fois sur son caractère équitable et sur ses modalités d'application compte tenu des difficultés techniques que pouvait présenter l'opération consistant à accompagner, depuis la France, une personne dans un endroit réputé « sûr », alors même que cela suppose de traverser des régions qui ne le sont pas. Il a exprimé une inquiétude à l'égard du renforcement de la présence des représentants du ministère de l'intérieur au sein de l'OFPRA et de la commission de recours, compte tenu de la position peu favorable de ce ministère à l'égard des demandeurs d'asile.

M. Alain Marsaud a rappelé que si la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile avait confié aux services du ministère des affaires étrangères la compétence pour examiner les demandes d'asile en raison du contexte géopolitique de l'époque et notamment de la guerre froide, la situation avait considérablement changé depuis lors, la procédure d'asile, constituant l'une des principales voies de l'immigration, à égalité avec le regroupement familial, ce qui justifie la présence de représentants du ministère de l'Intérieur au sein de l'organisme chargé de l'instruction des demandes d'asile. Évoquant à l'appui de sa démonstration des affaires récentes de proxénétisme d'origine balkanique, il a observé que nombre de personnes interpellées étaient en possession d'un récépissé de demande d'asile.

M. Gérard Léonard a fait part de son désaccord avec les préventions qui ont pu être exprimées à l'égard des services du ministère de l'intérieur, dont les fonctionnaires sont tout aussi soucieux du respect des droits de la personne que ceux des autres ministères. Observant à son tour que la procédure d'asile était largement utilisée par les réseaux de l'immigration clandestine, il a approuvé sans réserve le renforcement de la présence des représentants du ministère de l'intérieur au sein de l'OFPRA.

Évoquant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, M. Bernard Roman a souligné qu'il appartenait au législateur de veiller au respect d'un équilibre entre des objectifs qui peuvent être contradictoires, comme c'est le cas dans des domaines tels que le droit d'asile ou la procédure pénale. Il a considéré, pour le regretter, que le renforcement des prérogatives dévolues aux représentants du ministère de l'intérieur au sein de l'OFPRA constituait une rupture de l'équilibre qui doit caractériser le droit d'asile en France.

Ayant convenu que l'élaboration d'un tel projet de loi impliquait un arbitrage entre des positions soutenues par des ministères aux sensibilités différentes, le président Pascal Clément a néanmoins tenu à rappeler que la loi, une fois promulguée, devait être appliquée de la même manière quels que soient les services chargés de la mettre en œuvre.

M. Étienne Pinte, tout en se félicitant de l'extension des dispositions de la convention de Genève aux victimes de persécutions non étatiques, du regroupement des procédures d'asile conventionnel et territorial, ainsi que du principe de guichet unique, gage de simplicité et de diminution du délai de traitement des demandes d'asile, s'est interrogé sur plusieurs aspects de la réforme. Il a tout d'abord insisté sur la particulière vigilance qui devra accompagner l'application des notions « d'asile interne » et de « pays d'origine sûr», de surcroît définies par des directives européennes non encore adoptées, ce qui laisse planer une incertitude sur la conformité de la loi avec celles-ci. Il s'est également interrogé sur la pertinence de la proposition du rapporteur consistant à confier à l'OFPRA le soin de définir les pays sûrs, compétence qui pourrait légitimement relever des États. En second lieu, il s'est interrogé sur les modifications apportées à la place du HCR au sein du futur conseil d'administration de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés. Rappelant que le Conseil constitutionnel avait admis la possibilité pour un représentant du HCR désigné par celui-ci de participer au contrôle juridictionnel des décisions prises en matière d'asile constitutionnel, il a exprimé des réserves sur la disposition prévoyant qu'il serait désormais désigné par le vice-président du Conseil d'État, alors que l'indépendance du représentant du HCR est susceptible de garantir un juste équilibre entre les deux formes de protection susceptibles d'être offertes aux demandeurs d'asile. M. Etienne Pinte a appelé enfin de ses vœux le renforcement du dispositif de protection des demandeurs d'asile, faisant observer que des questions telles que l'accès à l'aide juridictionnelle et l'audition systématique des demandeurs d'asile par l'OFPRA, évoquées antérieurement, n'étaient pas traitées par le projet. Revenant ensuite sur les réserves exprimées à l'égard de la place du ministère de l'Intérieur dans le dispositif proposé, il a souligné qu'il était plus protecteur des libertés dans le cadre de l'exécution des « doubles peines » que le ministère des Affaires étrangères, lequel accorde difficilement des visas de retour aux étrangers ayant exécuté leur peine à l'étranger et pour lesquels le ministère de l'Intérieur a supprimé l'arrêté d'expulsion.

Faisant siennes les remarques de M. Etienne Pinte sur les points positifs du texte et sur les inquiétudes qu'il peut susciter, M. Bernard Roman a regretté qu'en élargissant - par le recours à la notion d'asile interne - les motifs de refus de l'octroi du statut de réfugié et en légiférant avant l'adoption d'une directive communautaire, la France puisse devenir le pays européen le plus restrictif en ce qui concerne l'accueil des réfugiés politiques. Il s'est en outre ému de la place donnée à tous les stades de la procédure au ministère de l'intérieur, qu'il s'agisse de la nomination du directeur général de l'OFPRA ou du réexamen de la protection subsidiaire, au détriment de l'équilibre établi par la loi du 25 juillet 1952. Il a également relevé l'imprécision du texte sur l'origine et les conditions de nomination des représentants de l'État au sein du conseil d'administration de l'OFPRA. Tout en reconnaissant que la procédure de demande d'asile constituait pour un certain nombre d'étrangers le moyen de se maintenir sur le territoire national, il a rappelé que le nombre annuel le plus élevé des demandeurs d'asile conventionnel sur notre territoire représentait 52 000 personnes, soit moins de 0,8 p. mille de la population française, proportion sans commune mesure avec l'immigration économique organisée dans les années 1950-1960.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  En 2002, plus de 51 000 demandes ont été déposées au titre de l'asile conventionnel et plus de 28 000 au titre de l'asile territorial ; à l'issue d'une procédure qui peut durer de dix-huit mois à trois ans, 12,6 % des demandes ont été accueillies par l'OFPRA, ce taux étant porté à 17 % si l'on tient compte de la délivrance de certificats de réfugiés faisant suite à l'annulation d'un refus par la commission des recours. Une faible part des demandeurs d'asile déboutés faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, cette situation est exploitée par des filières d'immigration, au point de faire naître une confusion dommageable entre les questions d'immigration et d'asile, qu'il est pourtant essentiel de distinguer. De fait, l'allongement de la durée de traitement des demandes bénéficie aux étrangers qui, à travers une demande d'asile, cherchent moins l'obtention du statut de réfugié que les droits accordés durant l'instruction de leur demande, mais porte un préjudice grave aux personnes réellement exposées à un risque vital dans leur pays d'origine. L'objectif de réduction des délais poursuivi par le projet de loi répond ainsi à une exigence d'efficacité et d'équité. En aucun cas, le texte n'a pour objet de réduire la capacité d'accueil des réfugiés politiques ; il comporte au contraire des avancées unanimement saluées, au premier rang desquelles la mise en place d'un guichet unique auquel s'adresseront désormais les demandeurs d'asile.

-  Déjà accrus avant 2002, les moyens matériels et humains mis à la disposition de l'ofpra ont encore progressé en 2003 ; leur renforcement est à l'évidence indispensable pour permettre la réduction du délai de traitement des demandes, mais il ne saurait suffire et doit être complété par une réforme profonde des procédures, que prévoit le projet de loi.

-  Certains de nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, recourant à la notion d'asile interne, celle-ci doit faire l'objet d'une harmonisation européenne, sous peine de susciter des afflux de demandes dans les pays qui n'y recourraient pas. La rédaction retenue pour définir les conditions dans lesquelles il peut être jugé que le demandeur aura accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine est prudente et protectrice ; il y a lieu de penser que l'ofpra en fera un usage raisonnable.

-  S'agissant de la place qu'occuperait désormais le ministère de l'Intérieur dans le dispositif, il convient de se demander si la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile n'a pas elle-même entretenu une confusion entre l'immigration et l'asile en confiant aux préfectures le soin d'examiner les demandes d'asile territorial. La désignation du directeur général de l'ofpra sur proposition conjointe du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l'Intérieur n'est pas contestable, puisque l'office - qui demeure sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères - sera désormais compétent pour accorder la protection subsidiaire ; sans porter atteinte au principe de confidentialité qui doit être respecté lors de l'examen des demandes d'asile, le mécanisme de transmission des documents prévu à l'article 2 du projet tend à faciliter l'organisation des mesures d'éloignement du demandeur d'asile débouté.

-  Constituant une exception française, la participation du HCR à la commission des recours des réfugiés se justifie par le fait que l'asile conventionnel repose sur la mise en œuvre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. La commission des recours étant désormais compétente pour statuer sur les décisions prises par l'OFPRA en matière de protection subsidiaire, les conditions de participation du HCR à la commission des recours devaient donc être revues sans pour autant l'en exclure.

-  Une proposition de directive communautaire pose le principe de la convocation du demandeur d'asile à un entretien avec un officier de protection mais l'entoure de certaines exceptions ; dans cette perspective, un amendement du rapporteur précisera que l'instruction de demandes d'asile par l'OFPRA devra mettre les demandeurs d'asile en mesure de présenter les éléments nécessaires à l'examen de leur dossier, un décret devant préciser les modalités pratiques d'organisation de cette instruction.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 présentée par M. Jean-Marc Ayrault et la question préalable n° 1 du même auteur, la Commission a examiné les articles du projet de loi.

Article premier (art. 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Compétences de l'ofpra :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'instruction des demandes dont l'ofpra est saisie permettra au demandeur d'asile de présenter les éléments à l'appui de sa demande, le rapporteur ayant précisé que les modalités concrètes d'instruction de ces demandes feraient l'objet d'un décret en Conseil d'État.

La Commission a rejeté un amendement de M. Xavier de Roux alignant la définition de la protection subsidiaire sur celle de l'asile territorial, le rapporteur ayant souligné, qu'ainsi défini, le champ de la protection subsidiaire serait trop vaste et qu'il convenait de tenir compte du fait que, contrairement à l'asile territorial dont l'octroi relève de la compétence discrétionnaire du ministre de l'Intérieur, la protection subsidiaire devra être accordée par l'OFPRA dès lors que l'étranger en remplira les conditions légales. Elle a ensuite été saisie de l'amendement n° 4 de M. Serge Blisko tendant à supprimer la qualification de « grave, directe et personnelle » que doit revêtir la menace à laquelle sont exposées la vie et la sécurité de l'étranger pour qu'il bénéficie de la protection subsidiaire. L'auteur de l'amendement a estimé que, malgré une mise en œuvre peu satisfaisante, l'asile territorial reposait sur des critères qu'il convenait de reprendre, la multiplication des qualificatifs étant une source de contentieux. Le président Pascal Clément ayant approuvé cette dernière observation, le rapporteur a indiqué que la suppression de ces qualificatifs ouvrirait à l'excès le champ des bénéficiaires de la protection subsidiaire. La Commission a donc rejeté cet amendement. Elle a en revanche adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que la protection subsidiaire est accordée lorsque la personne est exposée à une menace « grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne », le rapporteur ayant indiqué qu'il s'agissait ainsi de retenir une rédaction plus proche des termes de la proposition de directive communautaire en cours de discussion sur ce sujet.

La Commission a été saisie de l'amendement n° 5 de M. Serge Blisko tendant à préciser que les seules autorités susceptibles d'offrir une protection sont les États. Contestant l'imprécision de la rédaction du projet de loi sur la définition des autorités susceptibles d'offrir une protection, l'auteur de l'amendement a fait observer qu'il n'était pas possible ni même souhaitable de se satisfaire d'une protection offerte par un parti ou une milice armée, la seule vraie protection étant celle qu'offrent les États. Considérant qu'il ne convient pas d'exclure l'hypothèse d'une protection insuffisante, il a jugé délicat de confier à l'ofpra le soin de déterminer si une organisation peut localement assurer une protection. Soulignant la prudence de la rédaction retenue dans le projet de loi, le rapporteur a indiqué que l'ofpra ne rejettera pas une demande au motif que la personne peut trouver asile dans son pays d'origine si elle est susceptible d'y courir le moindre risque. Relevant que l'introduction d'autorités de protection non étatiques tenait compte de l'évolution des situations internationales, le rapporteur a souligné que cet amendement obligerait à renoncer à l'élargissement de la définition des agents de persécution que prévoit le projet de loi, la reconnaissance d'une possibilité de persécution non étatique impliquant nécessairement que l'autorité de protection ne se limite pas à l'État. La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a également rejeté un amendement de M. Thierry Mariani précisant que les autorités de protection ne peuvent être considérées comme telles que si elles exercent un contrôle effectif sur l'État ou sur une partie substantielle de son territoire, le rapporteur ayant considéré que l'appréciation de l'effectivité de ce contrôle pourrait donner lieu à un contentieux. Elle a également rejeté l'amendement n° 6 de M. Serge Blisko supprimant les dispositions relatives à l'asile interne.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. Xavier de Roux précisant que le crime grave de droit commun justifiant le refus de la protection subsidiaire doit avoir été commis en dehors du pays d'accueil, le rapporteur ayant considéré qu'il n'y avait pas lieu, s'agissant de la protection subsidiaire, de reprendre la lettre des dispositions de la convention de Genève relatives aux cas d'exclusion du statut de réfugié. Puis elle a rejeté l'amendement n° 7 de M. Serge Blisko supprimant la possibilité de refuser le bénéfice de la protection subsidiaire à un étranger dont la présence sur le territoire constituerait une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, avant d'adopter un amendement du rapporteur précisant que cette menace doit être « grave ».

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, elle a été saisie d'un amendement de M. Xavier de Roux prévoyant le renouvellement automatique du bénéfice de la protection subsidiaire, à moins que les circonstances ayant justifié son octroi aient cessé d'exister ou aient connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise. Le rapporteur ayant estimé cette proposition était incompatible avec l'exigence d'un réexamen individuel de la situation des bénéficiaires de la protection subsidiaire mais indiqué que le Gouvernement s'était engagé à faciliter les conditions de renouvellement du bénéfice de la protection subsidiaire, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis la Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. 3 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Organisation de l'ofpra - Transmission de documents au ministère de l'Intérieur :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur incluant deux parlementaires dans le conseil d'administration de l'ofpra, après que celui-ci eut indiqué, en réponse à une interrogation du président Pascal Clément, que la participation de ces élus prendrait fin avec leur mandat, comme c'est déjà le cas au sein d'autres instances. Puis elle a rejeté l'amendement n° 8 de M. Serge Blisko, énumérant les différents ministères représentés au conseil d'administration de l'ofpra, l'auteur de l'amendement ayant indiqué qu'il s'agissait d'en garantir le caractère interministériel, mais le rapporteur ayant fait valoir le caractère réglementaire de cette disposition.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur confiant au conseil d'administration de l'ofpra le soin de fixer la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs. Elle a rejeté l'amendement n° 9 de M. Serge Blisko prévoyant que trois représentants des organisations officiellement habilitées à s'occuper des réfugiés assisteront aux séances du conseil d'administration, et non trois personnalités qualifiées nommées par décret comme le prévoit le projet de loi. Elle a en revanche adopté un amendement du rapporteur précisant que l'une de ces trois personnalités au moins représente ces organisations.

Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 10 de M. Serge Blisko précisant que le directeur général est choisi parmi les agents du ministère des affaires étrangères et nommé pour cinq ans par le ministre des affaires étrangères, ainsi qu'un amendement de M. Thierry Mariani précisant que le directeur général est nommé pour trois ans, le rapporteur en ayant souligné le caractère réglementaire.

La Commission a examiné l'amendement n° 11 de M. Serge Blisko supprimant les dispositions prévoyant la transmission au ministère de l'Intérieur de la décision motivée de rejet d'une demande d'asile et de certains documents relatifs aux demandeurs déboutés. L'auteur de l'amendement ayant jugé cette disposition contraire à la jurisprudence constitutionnelle, le rapporteur a souligné que cette transmission n'aurait lieu qu'après qu'il ait été définitivement statué sur la demande d'asile. La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis l'article 2 ainsi modifié

Article 3 (art. 4 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Délivrance des pièces nécessaires à la vie quotidienne des bénéficiaires de la protection subsidiaire :

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani prévoyant que l'OFPRA délivrerait aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires à leur vie quotidienne dans le pays d'accueil à la condition qu'ils aient été admis au séjour.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (art. 5 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Composition et compétences de la commission des recours des réfugiés :

La Commission a examiné un amendement de M. Xavier de Roux prévoyant que les magistrats de l'ordre judiciaire qui seraient nommés présidents de l'une des sections de la commission des recours des réfugiés seraient désignés par le Premier président de la Cour de cassation et non par le garde des Sceaux. Après que MM. Serge Blisko et Etienne Pinte eurent fait valoir que l'intervention du premier président de la Cour de cassation serait une garantie supplémentaire pour assurer l'indépendance du magistrat nommé, la Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné l'amendement n° 12 de M. Serge Blisko tendant à remplacer, dans la composition de la commission des recours des réfugiés, la personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'État sur proposition du hcr, par un représentant de ce haut-commissaire. Son auteur a fait valoir qu'il n'y avait pas d'obstacle constitutionnel à la présence directe d'un représentant du haut-commissaire des Nations-Unies au sein de la commission de recours des réfugiés, en rappelant que cette participation avait été avalisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 mai 1998 sur la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile. Il a ajouté que les représentants du haut-commissaire qui avaient siégé jusqu'à présent au sein de la commission de recours des réfugiés étaient de nationalité française tout en ayant la qualité de fonctionnaires internationaux. M. Etienne Pinte a ajouté que le Conseil constitutionnel avait admis la présence de représentants du haut-commissaire au sein de la commission des recours, alors même que la loi qui lui était déférée étendait les compétences de cette commission à l'examen des recours formés contre les décisions de l'OFPRA statuant sur les demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié présentées sur le fondement du préambule de la Constitution de 1946. Le rapporteur a précisé qu'il n'était pas certain que le Conseil constitutionnel valide la présence d'un représentant du haut-commissaire au sein de la commission des recours alors que sa compétence serait étendue à la protection subsidiaire, qui est dépourvue de tout lien avec l'application de conventions internationales. A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement.

Elle a également rejeté l'amendement n°2 présenté par M. Jean Lemière précisant que le droit de recours devant la commission des recours est réservé aux étrangers et aux apatrides, ainsi que l'amendement n° 13 de M. Serge Blisko limitant ce droit aux étrangers et aux apatrides auxquels l'OFPRA aura refusé la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ou retiré cette protection, le rapporteur estimant au contraire que l'État devait pouvoir contester les décisions de l'OFPRA puisque cet organisme est indépendant de lui.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur précisant les compétences de la commission des recours en indiquant qu'elle connaîtrait seulement les décisions de l'OFPRA relatives à l'octroi, au retrait et au renouvellement du statut de réfugié et de la protection subsidiaire. Puis elle a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani instituant un délai d'un mois pour exercer un recours devant la commission des recours des réfugiés et prévoyant la possibilité pour les requérants de présenter leurs explications et de se faire assister d'un conseil, le rapporteur ayant fait observer que ces dispositions étaient de nature réglementaire. Elle a également rejeté un amendement de M. Serge Blisko maintenant la compétence consultative de la commission des recours relative à l'examen des recours adressés par les réfugiés faisant l'objet de mesures de police en application des articles 31, 32, et 33 de la convention de Genève.

La Commission a en revanche adopté un amendement du rapporteur élargissant le champ des affaires pouvant être réglées par ordonnance du président de la commission et des présidents de section conformément à l'objectif général de réduction des délais de traitement des demandes, ainsi que l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 8 et 9 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Abrogations :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur proposant la suppression de l'article, les articles 8 et 9 de la loi du 25 juillet 1952 faisant l'objet d'une nouvelle rédaction à l'article 6 du projet.

Article 6 (art. 10 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Admission au séjour du demandeur d'asile :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 15 présenté par M. Serge Blisko supprimant la possibilité de refus d'admission au séjour lorsque la demande émane d'un ressortissant d'un pays considéré comme sûr. Rappelant que les États-Unis avaient récemment accordé l'asile à un ressortissant français, l'auteur de l'amendement a dénoncé les critères subjectifs utilisés pour définir ce qu'est un pays sûr, ainsi que l'atteinte portée par cette notion au droit d'asile. Contestant à son tour une notion qui souffre d'une trop grande incertitude, M. Etienne Pinte a jugé le texte peu applicable compte tenu des évolutions heurtées que connaissent de nombreux pays en développement. Le rapporteur a indiqué que l'introduction de la notion de pays sûr anticipait sur une directive communautaire en cours d'élaboration. Il a considéré par ailleurs que la définition donnée par le projet de loi, faisant référence aux principes de liberté, de démocratie, de respect de l'État de droit et des droits de l'homme, paraissait suffisamment claire pour que l'OFPRA en fasse une application objective. Jugeant en outre que cette question revêtait surtout un caractère théorique, tant était faible le nombre de demandes émanant de pays susceptibles de répondre à la définition de pays sûr, il a considéré que l'introduction dans la loi d'un tel critère répondait à la même logique que la disposition relative à la clause de cessation.

La Commission a ensuite rejeté l'amendement n° 15, ainsi que l'amendement n° 1 de M. Eric Raoult, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, renvoyant à un décret le soin d'établir la liste des pays d'origine sûrs, un amendement adopté à l'article 2 confiant cette prérogative à l'ofpra. Elle a également rejeté l'amendement n° 16 de M. Serge Blisko supprimant, dans les critères de refus d'admission au séjour, celui lié à la menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État, le rapporteur ayant souligné l'importance de ce critère dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Thierry Mariani supprimant les dérogations prévues de façon exceptionnelle pour l'admission au droit d'asile des personnes pouvant présenter une menace pour l'État ou ayant utilisé des moyens frauduleux ou abusifs, le rapporteur ayant jugé la rédaction proposée trop restrictive. Puis la Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7 (art. 11 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Régime du séjour du demandeur d'asile :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (art. 12 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Délivrance d'une carte de séjour temporaire aux bénéficiaires de la protection subsidiaire :

La Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani rappelant les dispositions relatives aux mesures d'éloignement, le rapporteur, tout en reconnaissant la valeur pédagogique d'une telle proposition, l'ayant cependant jugé superfétatoire. La Commission a en revanche adopté un amendement de correction d'une erreur matérielle proposé par M. Thierry Mariani, puis adopté l'article ainsi modifié.

Article 9 (art. 12-1 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Coordination ; Article 10 (art. 13 à 18 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Abrogations :

La Commission a adopté ces articles sans modification.

Article 11 (titre III [nouveau] de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile) : Adaptations en vue de l'application de la loi à l'outre-mer - décrets d'application :

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur supprimant des mentions inutiles, ainsi que deux amendements rédactionnels du même auteur. Elle a également adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement renvoyant à un décret d'application le soin de préciser les conditions dans lesquelles sera assurée l'instruction des demandes d'asile par l'OFPRA, ainsi qu'un amendement de coordination. Elle a adopté l'article ainsi modifié.

Article 12 (art. 18 et 47 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, art. 18 et 47 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, art. 17 et 45 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna et art. 17 et 45 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte) : Coordinations :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 12 (art. 16 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique): Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par le rapporteur.

Article 13 : Conditions d'entrée en vigueur de la loi :

La Commission a adopté deux amendements de clarification rédactionnelle proposés par le rapporteur. Puis elle a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 : Application de la loi à l'outre-mer :

La Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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