COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 60

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 juillet 2003
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi organique relatif au référendum local (n° 1047) (M. Alain Gest, rapporteur) (deuxième lecture)


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- Information relative à la Commission

 

La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Alain Gest, le projet de loi organique relatif au référendum local (n° 1047).

Exprimant en préambule sa satisfaction de voir les députés et les sénateurs se rejoindre dans le même souci de renforcer les mécanismes de démocratie directe, M. Alain Gest, rapporteur, a précisé que le seul motif de désaccord entre les deux assemblées résidait dans le niveau du seuil de participation requis pour conférer valeur décisionnelle aux référendums locaux. Rappelant que le projet de loi initial n'avait prévu aucun seuil de participation, il a fait état de la réticence des parlementaires à accorder une légitimité à un scrutin qui n'aurait mobilisé qu'une minorité des électeurs. Il a indiqué que les sénateurs avaient alors fixé, contre l'avis du Gouvernement, le seuil de participation requis à 50 % des électeurs inscrits. Il a ensuite rappelé qu'il avait mis en garde les députés contre le risque qu'un seuil trop élevé ne rende inopérante l'innovation du référendum local et proposé un amendement réduisant ce seuil à 40 %, qui avait été adopté par la Commission des lois ; il a ajouté qu'en séance publique, une majorité s'était dessinée en faveur de l'amendement présenté par M. Marc-Philippe Daubresse fixant ce seuil au tiers des électeurs inscrits, ce taux présentant l'avantage d'être plus lisible. Le Sénat ayant rétabli en deuxième lecture le seuil de 50 %, le rapporteur a émis le souhait que cette simple question de procédure ne fasse pas obstacle à l'adoption définitive et consensuelle d'une réforme destinée à démocratiser le processus de décentralisation. Il a considéré que l'essentiel était acquis, puisque le référendum était désormais inscrit dans la Constitution et précisé dans une loi organique ; tout en comprenant la réticence des élus locaux face à un mécanisme qu'ils ne maîtrisent pas encore, il a jugé que le projet de loi assortissait le recours au référendum de garanties suffisantes pour que la légitimité des élus locaux ne soit pas remise en cause. En attendant que cette procédure soit acceptée par les élus locaux pour ce qu'elle est, à savoir un outil de gestion susceptible de conforter leurs choix, il a plaidé pour une adoption sans modification du projet de loi adopté par le Sénat.

Le président Pascal Clément a rappelé que le Gouvernement avait cru pouvoir établir un parallèle entre les référendums nationaux et les référendums locaux en ne subordonnant pas la validité de ceux-ci à un seuil de participation. Il a souligné que le débat ne se posait pas dans les mêmes termes pour les référendums locaux, par lesquels, à défaut de seuil de participation, des minorités agissantes et mobilisées pourraient emporter la décision, surtout dans les petites communes, alors même que le taux de participation serait très faible.

Il a indiqué qu'il avait espéré, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, que les parlementaires trouvent un accord lors des lectures ultérieures sur un seuil de participation de 40 % , mais que les contacts pris avec le rapporteur du Sénat, également Président de l'Association des maires de France, ainsi qu'avec le président de la Commission des lois du Sénat, ont fait ressortir l'impossibilité d'un tel accord, compte tenu notamment de la réticence exprimée par les élus locaux à l'encontre de ce dispositif de démocratie directe. Tout en reconnaissant la différence juridique existant entre un référendum et une consultation, il a estimé qu'il ne fallait pas exagérer l'importance du désaccord entre les sénateurs et les députés puisque, dans les faits, même si la participation à un référendum local n'atteint pas le seuil prévu par la loi, ce référendum revêtirait une valeur consultative qu'il serait difficile d'ignorer lorsque les élus locaux auront à prendre leur décision. Il a donc souhaité l'adoption sans modification du projet de loi adopté par le Sénat en deuxième lecture.

Comme le président, M. René Dosière a jugé utile d'éviter toute confusion entre, d'une part, le référendum national, qui constitue l'expression du peuple souverain et à l'égard duquel le Conseil constitutionnel se déclare incompétent, et, d'autre part, le référendum local, procédure novatrice, qui enrichit la démocratie locale, mais qui peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative. Il a néanmoins souligné deux points de désaccord avec le rapporteur.

En premier lieu, il a tenu à relever le fait que la question du seuil de participation ne constituait pas seulement un problème de procédure, mais aussi l'objet d'un débat de fond entre ceux qui souhaitent subordonner à un seuil élevé de participation la valeur décisionnelle du référendum local et ceux qui soulignent que le seuil de participation retenu doit être modéré sous peine de rendre tout référendum local impossible à organiser. Il a donc estimé que les partisans d'un seuil élevé étaient en réalité hostiles au référendum local et qu'ils exprimaient ainsi d'une manière habile leur opposition à la réforme. Il a considéré que le seuil d'un tiers des inscrits était acceptable, en particulier dans les grandes agglomérations, avant de souligner que les sénateurs, compte tenu de leur mode d'élection et quelle que soit leur couleur politique, étaient particulièrement attachés à la démocratie représentative et, par conséquent, réservés sur le développement de la démocratie directe.

En second lieu, il a déploré que le Sénat dispose désormais, outre d'une priorité d'examen sur certains textes, d'une sorte de primauté en matière législative, comme en témoigne le vote du présent projet de loi ou le retrait d'un amendement important adopté par la commission des Lois lors de l'examen du texte sur le mode d'élection des sénateurs, alors que cette primauté doit être réservée à l'assemblée élue au suffrage universel direct. Il a rappelé que le Sénat, lors des révisions constitutionnelles - pour lesquelles il dispose d'un pouvoir égal à celui de l'Assemblée -, avait su peser de tout son poids pour influencer le cours des débats ; il a donc souhaité que l'Assemblée nationale, lorsqu'elle a le dernier mot, comme c'est le cas pour le présent projet de loi, maintienne ses positions et défende son point de vue. Il s'est donc déclaré hostile au texte voté par le Sénat sur ce point et estimé inopérant l'argument du calendrier, puisque rien ne s'opposait à une lecture définitive en octobre.

M. Xavier de Roux, tout en admettant le principe de réalité qui conduisait l'Assemblée à suivre le Sénat, a constaté que le seuil de participation de 50 % revêtait un caractère discriminatoire entre les petites et les grandes communes, puisqu'il serait fort difficile, dans celles-ci, de réunir le nombre d'inscrits suffisant. Il a considéré que les sénateurs étaient hostiles, par nature, au suffrage universel direct et donc à la démocratie participative, alors que de nombreux maires étaient favorables à l'adoption d'un seuil inférieur à la majorité absolue des inscrits. Il a jugé qu'un seuil fixé au tiers ou à 40 % des inscrits aurait été plus judicieux.

M. Michel Piron a souligné que les divisions suscitées par la question des référendums locaux ne correspondaient pas à des clivages partisans, mais tenaient largement à la taille des collectivités visées ; il a ainsi jugé naturel que les élus des plus petites communes, qui sont plus facilement en contact avec la population, dans des conditions proches de la démocratie participative, expriment des réserves sur le référendum local, le jugeant soit inutile, soit source de pressions. Il a fait valoir que la demande était plus forte dans les agglomérations, où le déficit de démocratie participative peut être ressenti. Reconnaissant la difficulté d'une réponse satisfaisante à la question du seuil de participation, il a jugé qu'il convenait de garantir une participation significative.

Tout en approuvant les observations du président Pascal Clément, M. Guy Geoffroy a relevé le paradoxe résultant du fait que des assemblées délibérantes de collectivités territoriales puissent être élues au second tour avec une participation inférieure à 50 % des inscrits, alors qu'une participation inférieure à ce seuil interdira à une collectivité de se prononcer directement par référendum.

M. Jean-Pierre Soisson, ayant jugé inutile de poursuivre la navette parlementaire sur une simple question de seuil de participation, s'est prononcé en faveur de l'adoption du projet de loi dans les termes adoptés par le Sénat en deuxième lecture.

Déclarant partager en partie l'analyse faite par M. Michel Piron, M. René Dosière, tout en admettant que les sénateurs soient réservés sur le développement des mécanismes propres à renforcer la démocratie participative, a déclaré ne pas comprendre pourquoi les députés, élus au suffrage universel direct, devraient se ranger aux demandes des élus locaux et souligné que de nombreux électeurs sont favorables à la démocratie participative. Enfin, après avoir précisé qu'il n'était pas dans la tradition de son groupe de vouloir « changer le peuple lorsqu'il a tort », il a interrogé le rapporteur pour savoir si, lors de son audition, l'Association pour la démocratie et l'éducation locale et sociale (adels) s'était prononcée en faveur de la fixation d'une seuil minimal de participation.

En réponse aux intervenants, M. Alain Gest, rapporteur, a rappelé qu'il avait auditionné les principales associations d'élus locaux et, parmi elles, l'Association des maires des grandes villes, qui, par l'intermédiaire de son Président, M. Jean-Marie Bockel, avait fait part de son adhésion à la fixation d'un seuil minimal de participation de l'ordre de 50 %. Tout en reconnaissant que ce seuil serait plus difficile à atteindre dans les grandes collectivités, qui n'offrent pas les mêmes liens de proximité avec les électeurs, le rapporteur a considéré qu'il reviendrait aux élus locaux de choisir des thèmes suffisamment mobilisateurs pour recueillir une participation majoritaire. Il a ajouté que la question ne pouvait se résumer à un désaccord entre sénateurs et députés, mais qu'elle concernait plus largement l'ensemble des élus locaux. Il lui est apparu, dans ces conditions, difficile de méconnaître la réticence manifeste des élus locaux à se voir imposer un mécanisme référendaire sans qu'il soit assorti d'un seuil de participation significatif.

Confirmant qu'il avait auditionné les représentants de l'Association pour la démocratie et l'éducation locale et sociale, il a convenu que leur discours sur la rénovation des mécanismes de démocratie directe était sensiblement différent de celui des élus locaux. Il a jugé néanmoins que leur vision dépassait le simple cadre du référendum local pour prendre la forme d'une contestation plus générale des mécanismes de démocratie représentative.

Il s'est déclaré en revanche très sensible à l'argument avancé par M. Guy Geoffroy sur les différences de conditions exigées pour la validation d'un référendum local et pour l'élection d'une assemblée délibérante locale. Tout en reconnaissant la pertinence de cette observation, qui avait certainement échappé aux sénateurs, il a souhaité, comme le président Pascal Clément, relativiser cette question de seuil de participation en rappelant qu'elle n'avait d'incidence que sur la valeur juridique du référendum, et qu'elle ne remettait pas en cause sa portée politique.

Il a conclu ses propos en exprimant sa satisfaction que les débats en deuxième lecture aient pu enfin faire apparaître la position - jusque là fort confuse - des députés socialistes sur cette question du seuil de participation.

A l'issue de ce débat, la Commission, suivant son rapporteur, a adopté sans modification le projet de loi organique relatif au référendum local.

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Information relative à la Commission

La Commission a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au référendum local.

· Membres titulaires : MM. Pascal Clément, Alain Gest, Michel Piron, Guy Geoffroy, Émile Blessig, René Dosière et Jean-Pierre Blazy.

· Membres suppléants : MM Jean-Luc Warsmann, Thierry Mariani, Marc-Philippe Daubresse, Christian Decocq, Bernard Derosier et Jean Leonetti.

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