COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

5 avril 2005
(Séance de 17 heures 00)

Présidence de M. Alain Marsaud, secrétaire

SOMMAIRE

Examen de la proposition de loi de M. Jean-Louis Debré tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles (n° 2131) (M. Pascal Clément, rapporteur).

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Pascal Clément, la proposition de loi de M. Jean-Louis Debré tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles (n° 2131).

M. Pascal Clément, rapporteur, a fait observer que tous les Parlements entretenaient un rapport particulier aux bâtiments qu'ils occupaient. En effet, la plupart sont abrités dans des monuments historiques, ce qui est source de prestige mais aussi de contraintes.

Les assemblées parlementaires françaises possèdent cette particularité d'occuper de manière permanente des locaux dans un château royal, extérieur à leur siège « quotidien », et dont elles ont pourtant un usage épisodique.

Pour expliquer le maintien d'une présence permanente des assemblées à Versailles, le recours à l'histoire s'avère nécessaire. Nonobstant une brève présence de l'Assemblée nationale pendant la Révolution française de sa naissance en juin 1789 à son transfert à Paris dès le mois d'octobre de la même année, cette présence s'explique principalement par les débuts de la Troisième République.

En effet, l'Assemblée nationale élue le 8 février 1871, à la suite de la guerre de 1870, s'installe quelques jours à Bordeaux avant de décider de se rapprocher de Paris. Versailles sera choisi. Les lois constitutionnelles de 1875 réinstaurent le bicamérisme. La nouvelle Chambre des députés, qui succède à l'Assemblée nationale, s'installe dans une nouvelle salle des séances, dans l'aile du Midi du château. Le Sénat prend possession de la salle de l'Opéra royal.

En 1879, les assemblées parlementaires décident de revenir à Paris. Elles restent cependant affectataires de locaux à Versailles, où se réunit, durant la Troisième et la Quatrième République, le Congrès pour élire le Président de la République et pour réviser la Constitution. Depuis 1953, date de l'élection de René Coty, le Congrès ne se réunit plus à Versailles que pour réviser la Constitution.

L'occupation à Versailles de locaux par les assemblées étant devenue épisodique, le maintien d'une affectation permanente ne paraît plus nécessaire. Tel est l'objet de la proposition de loi.

Elle s'inscrit dans un contexte de développement du château en tant qu'institution culturelle. Gérés par un établissement public créé en 1995 et qui emploie près de 900 personnes, le château, le parc et le domaine de Versailles reçoivent chaque année entre 8 et 10 millions de visiteurs. Le château à lui seul accueille 3 millions de personnes par an.

Le projet du « Grand Versailles » bénéficie, depuis une décision du Gouvernement prise en septembre 2003, d'un financement de 135 millions d'euros pour une première phase de travaux qui doit s'achever en 2009. Il doit permettre d'ouvrir plus d'espaces au public, de lui présenter une reconstitution plus importante des décors originaux et de l'accueillir dans de meilleures conditions.

L'occupation permanente par les assemblées parlementaires de locaux relativement importants - environ 25 000 mètres carrés, répartis entre l'Assemblée nationale, pour deux tiers, et le Sénat, pour un tiers - ne paraît pas donc optimale.

Les assemblées n'ont pas vocation à gérer et à entretenir un patrimoine historique qu'elles n'utilisent pas de manière quotidienne. La réaffectation des locaux des assemblées au public est d'autant plus justifiée qu'elle répond aussi à un impératif de bonne gestion publique. Elle permettra d'améliorer l'organisation des grands réseaux dans des locaux anciens affectés aujourd'hui à des donneurs d'ordre différents aux besoins également différents et de remédier aux difficultés de circulation liées à l'imbrication des espaces qui nuisent à l'accessibilité des salles du château qui constituaient l'ancien musée de Louis-Philippe.

Cette réaffectation devra résoudre deux contraintes prises en compte par la proposition de loi : la nécessité d'une période transitoire et le maintien d'une mise à disposition en tant que de besoin des locaux pour permettre à l'Assemblée nationale de répondre à la mission d'organisation du Congrès qui lui a été confiée par le constituant.

La proposition de loi prévoit donc la mise à disposition des seuls locaux nécessaire à sa tenue, en tant que de besoin et à titre gratuit. Elle abroge par ailleurs l'annexe à l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, annexe introduite en 2003 pour décrire précisément les locaux affectés à celles-ci.

Pour garantir la bonne exécution de cette réaffectation et pour assurer la libre disposition des locaux, il convient de prévoir des conventions. Le rapporteur a alors indiqué qu'il proposerait de compléter la proposition de loi dans ce sens.

D'une part, une convention devra être passée par chaque assemblée pour les locaux dont elle est affectataire, avec l'Établissement public de Versailles. Une période transitoire devra être déterminée, compte tenu des éléments matériels qui interdisent une réaffectation immédiate de certains espaces, tels ceux affectés à la conservation d'archives parlementaires. La question de l'avenir du Musée « Les Grandes Heures du Parlement » devra également être abordée. Ces conventions d'application de la loi se substitueront aux conventions existantes signées par le Sénat et l'Assemblée nationale.

Une convention devra également être signée entre les assemblées et l'Établissement public de Versailles afin de prévoir les conditions dans lesquelles les locaux devront être organisés et libérés pour les Congrès. Elle constituera un élément de sécurité juridique indispensable à une bonne organisation de ces derniers, prenant en compte, par exemple, les conditions dans lesquelles devront être installés les équipements nécessaires au bon déroulement des scrutins.

M. René Dosière, après avoir souligné le caractère quelque peu mythique d'un lieu comme le château de Versailles, a estimé que les locaux qu'y occupent parfois très occasionnellement les assemblées, pourraient, compte tenu de leur localisation, être très utiles pour transformer les conditions d'accueil du public au château de Versailles.

Toutefois, certains de ces locaux ont été utilisés pour entreposer des archives ou, s'agissant de l'Assemblée nationale, pour y installer le Musée du Parlement, à l'initiative du Président Séguin. Il sera donc nécessaire de trouver de nouveaux locaux, plus proches du Palais-Bourbon, notamment pour le musée.

Quant aux Congrès, ils continueront de se tenir à Versailles et il faudra veiller à ce que le changement d'affectation de l'aile du Midi ne remette pas en cause les conditions matérielles d'organisation de ces réunions ou que d'éventuels travaux effectués par l'Établissement public n'aient pas pour conséquence d'en troubler le fonctionnement. Les conventions envisagées par le rapporteur dans son amendement devraient permettre de clarifier ces questions. Sous cette réserve, la proposition de loi doit être approuvée.

M. Michel Piron, s'associant aux propos du précédent orateur, a tenu à souligner le caractère inspirant d'un lieu comme le château de Versailles. Il a ensuite demandé des précisions sur le volume des archives conservées.

Après avoir rappelé que le régime parlementaire français était né à Versailles en 1789, comme en témoignent le Serment du Jeu de Paume et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, M. Jean-Pierre Soisson a observé que la proposition de loi mettait en évidence la complexité du régime juridique actuel des locaux des assemblées à Versailles, dont l'annexe de l'ordonnance du 17 novembre 1958 donne une description proche d'un règlement de copropriété. Il a estimé que l'amendement proposé par le rapporteur avait le mérite de préciser les conditions d'application de la loi.

Se référant à l'exposé des motifs de la proposition de loi précisant qu'il appartiendrait à l'Assemblée nationale et à l'Établissement public de Versailles de déterminer conventionnellement le futur statut du Musée du Parlement, dont l'aspect didactique est indiscutable, M. Guy Geoffroy a souhaité savoir si ce musée serait effectivement maintenu dans ses locaux actuels ou bien s'il serait installé dans d'autres lieux.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en date du 26 août 1789 a été adoptée dans la salle des Menus Plaisirs ;

-  les locaux affectés à l'Assemblée nationale comprennent, outre les locaux du Congrès et ceux du Musée du Parlement, des locaux administratifs, utilisés principalement au stockage de plus de sept kilomètres d'archives, et quelques appartements de fonction ;

-  l'avenir du musée sera effectivement déterminé aux termes d'une convention ; les collections pourraient être rapatriées au Palais-Bourbon ou à proximité de ce dernier ;

-  la présidente de l'Établissement public du musée et du domaine national de Versailles s'est engagée à n'installer aucun dispositif fixe dans les locaux du Congrès afin d'autoriser leur tenue sans difficulté.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles.

Article premier (art. 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) : Mise à disposition du public des locaux dits du Congrès :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Suppression de l'annexe de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 2 : Conventions précisant les modalités du changement d'affectation des locaux dits du Congrès :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur prévoyant que des conventions conclues entre les personnes publiques intéressées précisent les modalités du changement d'affectation des locaux occupés par l'Assemblée nationale et le Sénat à Versailles ainsi que les conditions de la mise à disposition de ceux nécessaires à la tenue du Congrès du Parlement. Son auteur a indiqué que ces conventions devraient clarifier les nombreuses modalités pratiques induites par la réaffectation des locaux de Versailles, à l'instar du calendrier de l'opération, de la réorganisation des archives parlementaires ou de la prise en considération du coût d'entretien de ces locaux actuellement pris en charge par les assemblées. Après que M. Jean-Pierre Soisson eut indiqué que cette mise à disposition des locaux du Congrès pourrait conduire l'État à réexaminer les moyens financiers alloués à l'Établissement public de Versailles, la Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté à l'unanimité l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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