COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 juin 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Arnaud Montebourg, vice-président
puis de M. Philippe Houillon, président,
puis de M. Xavier de Roux, vice-président

SOMMAIRE

 

Pages

Élection du Président de la Commission

2

- Examen de la proposition de loi de M. Jean-Louis Debré, modifiée par le Sénat, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles (n° 2300)


3

- Examen de la proposition de Mme Martine Aurillac relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble (n° 2063) (M. Christian Decocq, rapporteur)


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- Informations relatives à la Commission

11

La Commission s'est réunie en vue de procéder à l'élection du Président de la Commission.

Présidence de M. Arnaud Montebourg, vice-président.

La Commission a été saisie des candidatures de MM. Philippe Houillon et Arnaud Montebourg.

L'élection a donné lieu à un seul tour de scrutin :

Nombre de votants................ 31

Bulletin blancs ou nuls............ 1

Suffrages exprimés................ 30

Majorité absolue................... 16

Ont obtenu :

M. Philippe Houillon 23 suffrages

M. Arnaud Montebourg 7 suffrages

M. Philippe Houillon ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, a été proclamé Président.

M. Arnaud Montebourg a adressé ses remerciements à l'ensemble des commissaires qui lui ont apporté leurs suffrages et présenté ses félicitations au nouveau président.

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* *

Présidence de M. Philippe Houillon, président.

Le Président Philippe Houillon a remercié les commissaires qui lui ont apporté leurs suffrages et a déclaré prendre acte avec modestie de la confiance qu'ils lui ont accordée, en rappelant que d'autres commissaires disposaient également de la légitimité et des compétences requises pour assumer cette fonction.

Il a estimé qu'il était toujours difficile de succéder à une personnalité brillante telle que M. Pascal Clément, dont il a salué la grande expérience parlementaire et les compétences alliées aux plus sûres qualités intellectuelles. Il a précisé que sa nomination comme garde des Sceaux témoignait de l'éclat qu'il avait su donner à la Commission et a souhaité qu'il puisse être entendu par celle-ci avant la fin de la présente session.

Puis, le président Philippe Houillon s'est déclaré conscient de l'importance des tâches qui venaient de lui être confiées, après avoir été membre de la Commission pendant douze ans. Il s'est engagé à assumer pleinement ses nouvelles fonctions en précisant que sa porte serait toujours ouverte et a rejoint l'appréciation de son prédécesseur qui lui a récemment confié que la commission des Lois était la commission la plus passionnante de l'Assemblée nationale. Il a ajouté qu'il s'efforcerait d'y maintenir l'actuel état d'esprit, qui se caractérise par la sérénité, la sagesse, la tolérance, le respect du contradictoire, la compétence sur les sujets techniques, ainsi qu'une convivialité propice à un travail de bonne qualité.

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* *

Après avoir désigné M. Philippe Houillon, rapporteur de la proposition de loi de M. Jean-Louis Debré, modifiée par le Sénat, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles (n° 2300), la Commission a procédé à l'examen de cette proposition de loi.

Présidence de M. Xavier de Roux, vice-président.

Le président Philippe Houillon, rapporteur, après avoir rappelé les circonstances historiques de constitution d'un patrimoine parlementaire au sein du Château et du domaine de Versailles, a fait observer que l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées fixait, dans son annexe, la liste précise des surfaces affectées représentant un total de 25 000 mètres carrés.

Ces locaux sont utilisés notamment pour les réunions du Congrès du Parlement, chargé d'adopter les révisions constitutionnelles et dont le Bureau est celui de l'Assemblée nationale, pour stocker des archives - à raison de sept kilomètres linéaires pour l'Assemblée nationale et d'un kilomètre pour le Sénat -  ainsi que pour quelques appartements de fonction.

Compte tenu de cette utilisation sporadique ou éloignée de la mission d'accueil du public confiée au Château de Versailles, l'Assemblée nationale, à l'initiative de son Président, a adopté en première lecture, le 7 avril dernier, une proposition de loi qui, d'une part, réaffecte l'ensemble de ces locaux à l'Établissement public du musée et du domaine national de Versailles afin de les mettre à la disposition du public et, d'autre part, prévoit la mise à disposition gratuite et en tant que de besoin des locaux nécessaires à la tenue des réunions du Congrès.

Le Sénat a examiné ce texte le 10 mai dernier, adoptant le principe d'une réaffectation à l'Établissement public de Versailles des locaux à l'exception de la salle des séances du Congrès et de ses accès qui resteraient affectés aux deux assemblées.

Le rapporteur a jugé nécessaire de revenir à une position plus lisible maintenant une réaffectation de l'ensemble des locaux, sans exception, tout en réservant un mécanisme de mise à disposition en cas de réunion du Congrès et garantissant que la salle des séances soit utilisée à des fins strictement parlementaires. En conséquence, il a annoncé qu'il présenterait un amendement de synthèse qui pourrait recueillir l'assentiment de tous et proposé que M. René Dosière le cosigne.

M. René Dosière a, tout d'abord, fait observer que le Sénat s'était rallié à l'objectif de la proposition de loi tout en exprimant certaines réserves sur la méthode. Puis, il a regretté que le Sénat ait choisi une autre modalité de remise à la disposition du public des locaux occupés par le Parlement en « sanctuarisant » la salle des séances et ses accès par le maintien de leur affectation aux assemblées. Enfin, il a annoncé qu'il se rallierait volontiers à la proposition faite par le rapporteur et qu'il retirait par conséquent ses amendements à l'article premier au profit d'une cosignature de l'amendement de synthèse annoncé par le rapporteur.

M. Jean-Pierre Soisson a relevé qu'il ne restait plus qu'un différend entre les deux assemblées portant sur le statut de la salle des séances et de ses accès et qu'il convenait de tenir compte de la susceptibilité du Sénat qui avait engagé, depuis plus d'un an, des négociations pour la réaffectation à l'Établissement public de Versailles des locaux qu'il occupe.

Article premier (art. 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) : Mise à disposition du public des locaux dits du Congrès :

Sous réserve d'une modification rédactionnelle suggérée par M. Jean-Pierre Soisson, la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur affectant sans restriction l'ensemble des locaux du Parlement à l'Établissement public de Versailles et tenant compte de la volonté exprimée par le Sénat de réserver l'usage de la salle des séances du Congrès à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 3 : Conventions précisant les modalités du changement d'affectation des locaux dits du Congrès :

Après que le rapporteur eut souligné le caractère superfétatoire des deux derniers alinéas de cet article et la nécessité de faire confiance au processus conventionnel prévu par ce dernier et après que M. Jean-Pierre Soisson eut jugé inadapté de prévoir dans la loi un renvoi à un texte réglementaire, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'avant-dernier et le dernier alinéas de cet article et adopté celui-ci ainsi modifié.

Puis la Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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* *

Présidence de M. Philippe M. Houillon, président.

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Decocq, la proposition de loi de Mme Martine Aurillac relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble (n° 2063).

M. Christian Decocq, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la proposition de loi de Mme Martine Aurillac visait à répondre au problème des ventes dites à la découpe, qu'il serait plus souhaitable de désigner par le terme vente par lots. Il a expliqué qu'après avoir procédé à des auditions d'organisations représentatives des bailleurs, d'organisations représentatives des locataires, de professionnels, de juristes enfin, il lui a été possible d'apprécier à la fois la complexité et la sensibilité de cette question des ventes par lots.

Il a ensuite souhaité présenter le cadre général dans lequel se pose le problème. La hausse des prix de l'immobilier en France, entre 1998 et 2004, a atteint 70,6 %. Les ventes par lots, qui s'inscrivent dans cette tendance à la hausse, ont lieu dans plus de la moitié des cas à Paris. Ces ventes par lots concentrées dans la capitale ne représentent pour autant que 15 % de l'ensemble du marché des appartements anciens vendus à Paris. En outre, si les prix des appartements vendus par lots, qui ont été pendant longtemps inférieurs aux prix moyens du marché, ont désormais tendance à s'en rapprocher, leur niveau ne pèse pas significativement sur l'envolée des prix, qui s'explique avant tout par une demande de logements élevée, qu'une offre insuffisante ne permet pas de satisfaire.

Le rapporteur a évoqué l'émotion récente suscitée par ces ventes par lots auprès des locataires concernés. Il a vu à l'origine de cette émotion une raison objective, liée au manque de moyens financiers pour devenir propriétaire, ainsi qu'une incompréhension entre propriétaires et locataires, tenant à l'écart de prix entre un immeuble vendu en bloc et un immeuble vendu par lots. Les profits réalisés, en raison des tendances à la hausse du marché, par les professionnels de l'immobilier qui effectuent ces opérations de vente par lots ont renforcé cette incompréhension mutuelle, le cœur du problème étant celui des locataires qui doivent quitter les lieux en raison de la notification d'un congé pour vente.

Le rapporteur a par ailleurs rappelé que le logement est un droit fondamental, en vertu de l'article premier de la loi de 1986, qui implique la liberté de chacun de choisir son mode d'habitation, soit par le recours au secteur locatif, soit par l'accès à la propriété. Il a ajouté que l'équilibre existant dans le secteur du logement doit être conforté et respecté, à l'image de l'équilibre d'un écosystème délicat, et il a évoqué les différentes dispositions permettant déjà d'agir sur le problème des ventes par lots :

-  l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, qui a créé un droit de préemption au profit de toute personne dont le logement est mis en vente dans le cadre d'une vente par lots ;

-  l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, qui donne un droit de préemption à tout locataire à qui est notifié un congé pour vente de son logement ;

- l'accord collectif relatif aux congés pour vente par lots dans les ensembles immobiliers d'habitation conclu le 6 juin 1998 par la Commission nationale de concertation et rendu ensuite obligatoire pour l'ensemble des deuxième et troisième secteurs locatifs par un décret du 22 juillet 1999 ;

- enfin, l'accord collectif du 16 mars 2005, portant sur le même sujet et apportant des protections supplémentaires par rapport au précédent accord.

Le rapporteur a alors expliqué qu'il avait travaillé en bonne intelligence avec sa collègue à l'origine de la proposition de loi, Mme Martine Aurillac, et il a présenté les modifications qui permettront de discuter en séance publique un texte au plus près des préoccupations de chacun des acteurs et qui traite à la fois des locataires voulant devenir propriétaires et des locataires ne pouvant pas ou ne voulant pas le devenir.

Rappelant la protection apportée aux locataires, d'abord par l'accord collectif du 9 juin 1998, puis par l'accord du 16 mars 2005, il a regretté que ce dernier ne puisse être étendu par décret, afin de le rendre obligatoire pour tous les locataires des deuxième et troisième secteurs locatifs. Aussi, il a proposé que les accords conclus par la Commission nationale de concertation puissent être rendus obligatoires par décret après consultation des organisations non signataires.

De la même manière, et avec le même souci de donner plus de force à l'accord, il a proposé de permettre au juge de sanctionner l'absence de respect de l'accord par un bailleur, d'une part par une amende civile, d'autre part par une annulation du congé pour vente délivré par le bailleur.

En ce qui concerne l'objectif recherché par le texte initial de la proposition de loi, qui est d'empêcher la multiplication des intermédiaires jouant un rôle purement spéculatif, il a proposé que le droit de préemption du locataire s'exerce lors de toute vente en bloc à un acheteur ne s'engageant pas par une clause expresse figurant dans l'acte de vente à maintenir la vocation locative de l'immeuble pendant une durée minimale, correspondant à la durée minimale d'un bail conclu par une personne morale, qui est de six ans. À défaut de respect de cette clause mentionnée dans le contrat de vente, la vente serait nulle et de nul effet et la propriété de l'immeuble reviendrait au vendeur. Un acheteur ne souhaitant pas souscrire à une telle clause lors de la vente verrait les locataires avoir priorité sur lui dans l'achat de l'immeuble.

Concluant son propos, le rapporteur a estimé que la proposition de loi ainsi modifiée permettra de rendre le congé pour vente exceptionnel, la possibilité d'exercer le droit de préemption plus fréquente, la protection des locataires plus efficace.

M. Xavier de Roux a estimé que, sur le sujet sensible abordé par la proposition de loi, il lui semblait nécessaire d'éviter de légiférer de manière générale pour traiter en réalité de problèmes particuliers, généralement parisiens, et que, en tout état de cause, il convient de prendre en compte l'ensemble des types de cas de ventes en bloc. En particulier, il faut prendre garde à ce que la solution envisagée ne nuise pas au bon déroulement des opérations de rénovation urbaine, par exemple dans des quartiers défavorisés, et à l'exercice du droit de préemption urbain par les communes qui se sont fixé un objectif d'accession sociale à la propriété. Il importe que le dispositif proposé fasse clairement la différence entre le cas des marchands de biens, et celui des titulaires du droit de préemption urbain : à cet égard, la fixation d'une durée minimale de détention du bien avant la revente par lots pourrait constituer un critère de discrimination satisfaisant.

M. Michel Piron a indiqué partager le point de vue qui venait d'être exprimé, et a souligné l'importance qui s'attache, selon lui, à maintenir la capacité d'intervention en la matière des collectivités locales.

M. Jean Tiberi a rappelé que la grande majorité des propriétaires, petits et moyens, se comportait bien et qu'un équilibre devait être recherché entre les droits des bailleurs et ceux des locataires. Les comportements qui apparaissent, a contrario, difficilement acceptables, tant d'un point de vue financier que moral, et qui sont donc ceux qui doivent être traités par la loi, sont en pratique le fait d'un petit nombre et la proposition de loi doit être approuvée car elle va dans le bon sens.

M. Christophe Carresche a observé que la question posée par la proposition de loi n'était pas nouvelle et que, dans la dernière décennie, les investisseurs institutionnels avaient déjà procédé à de nombreuses ventes de cette nature. La situation actuelle témoigne en revanche d'une évolution substantielle, tenant à la dimension inflationniste et spéculative nouvelle des biens immobiliers, évolution sur la durée de laquelle il est évidemment difficile de se prononcer. Quoi qu'il en soit, les mesures envisagées pour répondre à cette évolution doivent être adaptées à cette tendance, en écartant certes des dispositifs qui porteraient une atteinte excessive au droit de propriété, mais en anticipant l'évolution potentiellement à venir, y compris ailleurs qu'à Paris. S'agissant des critiques tirées du caractère supposé emprunté à l'économie administrée des dispositions proposées par l'opposition, il convient d'indiquer que certaines économies réputées libérales, notamment les États-Unis, confèrent aux locataires des droits importants, leur permettant de s'opposer à la vente de leur logement. Enfin, contrairement à une idée souvent répandue, les problèmes soulevés concernent aussi bien l'Est parisien, que l'Ouest et le centre de l'agglomération.

Rappelant ses travaux en tant que rapporteur d'une proposition de loi ayant un objet comparable, récemment examinée par la commission des Lois, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a souhaité savoir si la proposition soumise aujourd'hui à la commission tenait compte de l'accord collectif conclu le 16 mars 2005, et, dans l'affirmative, suivant quelles modalités. S'agissant de la question des opérations de rénovation urbaine, il a souligné que la réalité de la capacité d'intervention des maires en la matière lui paraissait exclure en pratique les craintes manifestées à l'instant. En revanche, la question de la mobilisation du prêt à taux zéro mérite d'être posée.

Il a ajouté que l'une des difficultés à appréhender convenablement le phénomène tient à l'insuffisance des données statistiques disponibles : provenant de sources notariales, elles ne concernent que des opérations déjà achevées et sont donc, par nature, anciennes par rapport à la réalité du marché. Il n'en demeure pas moins certain que les processus qu'il s'agit de chercher à faire disparaître ont connu une extension réelle, vers la banlieue parisienne comme vers les grandes villes de province, en particulier depuis les premiers accords collectifs qui avaient permis, dans le cadre de la loi de 1975, de réduire le nombre de ces opérations, jusqu'à ce qu'interviennent des acteurs nouveaux, surtout intéressés par les plus-values potentielles à court terme ; leurs intérêts divergent, par construction, de ceux des locataires et ils ne sont pas contraints par lesdits accords collectifs.

La proposition de loi pourrait être soutenue pour sa partie permettant aux locataires d'exercer réellement leur droit de préemption. En revanche, elle laisse pendantes trois difficultés d'importance : l'inflation des prix ; l'absence de mesures en faveur des locataires qui ne pourront acheter leur appartement et risquent d'être évincés de leur actuel lieu de vie ; enfin les collectivités locales ayant engagé un plan de rénovation urbaine risquent de se trouver, pour le réaliser, subordonnées à la volonté des investisseurs procédant à des ventes par bloc.

M. Claude Goasguen a souhaité confirmer que la majorité des problèmes rencontrés se posent effectivement à Paris, qui connaît un phénomène très spécifique, découlant en partie de la décision politique qui a consisté à arrêter la construction de logements en faveur des classes moyennes, et de l'inflation des prix qui s'en est suivie. Plaidant, au-delà du dispositif de la proposition de loi à laquelle il s'est déclaré globalement favorable, pour doter les pouvoirs publics d'instruments juridiques exceptionnels à la hauteur du problème à traiter, il a rappelé que, avant-guerre, les maires disposaient quasiment de la possibilité d'immobiliser le marché foncier. Toutefois, compte tenu du caractère incontestablement autoritaire que devrait revêtir un tel outil d'intervention, il semble préférable de le confier au préfet plutôt qu'à un exécutif local, comme le proposent les députés socialistes, étant rappelé que si, aux États-Unis, ce pouvoir est attribué à une autorité élue, les circonstances sont totalement différentes.

M. Francis Delattre s'est également inquiété des conséquences possibles de ce texte sur les programmes de rénovation des copropriétés dégradées. Par ailleurs, il a estimé que le marché parisien était fermé depuis fort longtemps du fait du poids des investisseurs institutionnels. La situation actuelle relève d'un rattrapage normal et ne pose réellement problème que pour une clientèle très favorisée qui ne pourra plus bénéficier de loyers réduits pour des appartements de prestige, mais dont la résonance médiatique est très forte. Enfin, si l'on peut considérer qu'un délai de trois ans encadrant la revente libre à la suite d'une vente en bloc représente une mesure de régulation, en revanche la durée de six ans envisagée par le rapporteur risque d'entraîner un blocage du marché.

M. Claude Goasguen a observé que le préfet disposait d'ores et déjà de compétences pour rétablir l'ordre public en matière d'urbanisme. D'ailleurs, il est curieux de constater que les membres du groupe socialiste semblent préférer confier un tel rôle au maire, alors que la loi sru, qu'ils ont fait voter en décembre 2000, a eu pour conséquence d'encadrer étroitement les compétences de celui-ci en matière d'urbanisme. En tout état de cause, compte tenu de l'existence d'une forte spéculation, il est indispensable et légitime qu'une autorité publique puisse intervenir dans des délais rapides. S'il on se contente de laisser agir la justice, aucune solution ne sera trouvée avant plusieurs années alors que la situation est urgente. Enfin, il faut préciser que le travail législatif qui est mené n'aura d'utilité que pour autant que la nouvelle législation sur le crédit hypothécaire soit adoptée dans les plus brefs délais.

Présidence de M. Xavier de Roux, vice-président.

Le rapporteur a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

-  le souci, exprimé tant par M. Xavier de Roux que par M. Michel Piron et par M. Francis Delattre, que la proposition de loi n'empêche pas les collectivités de mener à bien des opérations de rénovation utiles et nécessaires, est satisfait par l'amendement modifiant l'article premier, qui mentionne explicitement le fait que le droit de préemption des locataires en cas de vente en bloc ne s'applique pas lors de l'exercice par une collectivité de son droit de préemption ;

-  la question du comportement des investisseurs institutionnels et des intermédiaires, soulignée à juste titre par M. Jean Tiberi, ne doit pas être négligée, même si le travail de la Commission est avant tout d'ordre législatif ;

-  comme l'a très justement fait remarquer M. Christophe Caresche, la vente par lots a changé de nature et le patrimoine immobilier des investisseurs institutionnels sert de variable d'ajustement au sein de leur portefeuille. Néanmoins, la réponse qui peut être apportée est étroite, encadrée qu'elle est, d'une part par les dispositions existantes, d'autre part par le respect nécessaire du droit de propriété ;

-  en ce qui concerne l'exemple new-yorkais, il convient de noter que ce n'est pas le maire mais le procureur général qui délivre l'autorisation de mettre en copropriété, et que la décision de ce dernier est strictement contrainte par la décision de la majorité des locataires ;

-  la suggestion de M. Claude Goasguen est intéressante, même si on peut s'interroger sur la compatibilité du pouvoir de blocage qui serait donné au préfet avec le droit de propriété, la capacité du propriétaire de se défaire de son bien pouvant ainsi être excessivement entravée.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article premier

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a présenté globalement seize amendements reprenant les principales dispositions de la proposition de loi du groupe socialiste rejetée le 10 mai dernier en séance publique.

Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission a rejeté ces seize amendements.

Article premier (art. 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975) : Institution d'un droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc d'un ensemble immobilier :

Le rapporteur a présenté un amendement permettant de répondre à l'objectif de la proposition de loi sans remettre en cause le droit constitutionnel de propriété. Alors que l'article premier prévoit de donner au locataire un droit de préemption dès le stade de la vente en bloc, il semble plus raisonnable de ne prévoir cette possibilité que si le nouveau propriétaire ne s'engage pas à maintenir le statut locatif de l'immeuble pendant six ans.

M. Xavier de Roux, président, a considéré que cette formule était équilibrée et permettait de résoudre les problèmes concrets. Il a par ailleurs pris note que la proposition de loi ne remettrait pas en cause les opérations de rénovation urbaine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a indiqué que son groupe allait étudier les conséquences juridiques qu'entraînerait l'adoption de cet amendement, qui relève d'une approche intéressante, et qu'il s'abstiendrait dans l'immédiat.

La Commission a adopté l'amendement, ainsi que l'article premier ainsi modifié.

Article 2 : Rétroactivité du droit de préemption au profit des locataires lors d'une vente en bloc :

Le rapporteur a présenté un amendement de suppression de cet article, estimant que l'objectif de protection des locataires pouvait être obtenu de façon plus souple, par la voie de l'extension par décret des accords collectifs de location, que permettra l'adoption d'un amendement suivant.

La Commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l'article 2 : Possibilité d'étendre par décret les accords collectifs de location nonobstant l'opposition de la majorité des organisations concernées :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur prévoyant que les accords collectifs de location pourraient être étendus par décret sans qu'une opposition de la majorité des organisations de bailleurs ou de locataires puisse s'y opposer. Rappelant que le droit en vigueur prévoyait que l'accord collectif ne s'appliquait qu'à ses signataires, M. Jean-Yves Le Bouillonnec a exprimé la crainte que le dispositif proposé ne soit perçu par les organismes concernés comme une marque de défiance quant à leur capacité à négocier des accords collectifs puisque la faculté d'étendre l'accord, nonobstant l'opposition de la majorité des organismes concernés, privait de sa substance le principe et la portée même de la négociation collective.

Le rapporteur a considéré que le dispositif proposé ne portait nullement atteinte au principe et à la portée de la négociation collective mais tentait d'améliorer la prise en considération des intérêts des locataires puisque le dernier accord collectif ne leur était pas applicable en raison de l'opposition d'une majorité des organismes de locataires bien que, sur le fond, cet accord leur soit favorable. Il a ajouté que cet amendement proposait également de conforter l'application des accords collectifs en prévoyant que le non respect de ses dispositions obligatoires serait puni d'une amende civile de 10 000 euros par logement concerné.

Après avoir rappelé que le précédent ministre du logement avait souhaité agir en faveur du renforcement des droits des locataires dans la direction proposée par l'amendement, M. Claude Goasguen a rappelé que l'opposition s'y était alors déclarée défavorable, contraignant ainsi le ministre a renoncer à son projet. Contestant cette chronologie des faits et l'influence ainsi prêtée à l'opposition, M. Christophe Caresche a considéré que le dispositif proposé était maladroit, voire inopportun, et de nature à provoquer le mécontentement des organisations de locataires concernées.

La Commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l'article 2 : Annulation du congé pour vente en cas de non respect de dispositions obligatoires :

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur frappant de nullité tout congé pour vente ne respectant pas les dispositions obligatoires des accords collectifs leur étant applicables lorsque la vente concerne plus de dix logements dans les deuxième et troisième secteurs locatifs.

Après que son auteur eut rappelé que le dispositif proposé donnait une base légale à la jurisprudence de la Cour de cassation tout en renforçant la protection des locataires et que M. Jean-Yves Le Bouillonnec se fut exprimé en faveur de son adoption, la Commission a adopté cet amendement.

Puis, en conséquence de ses précédents votes, la Commission, saisie à cette fin par son rapporteur, a adopté un amendement modifiant le titre de la proposition de loi afin d'indiquer qu'elle tendait également à la « protection » des locataires.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné Mme Brigitte Barèges, rapporteur pour avis du projet de loi d'orientation agricole (n° 2341).

La Commission a désigné M. Philippe Houillon, rapporteur de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles (n° 2300).

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