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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 mars 2006
(Séance de 9 h 30)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen du rapport de la mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte (M. Didier Quentin, rapporteur)


2

- Examen du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République (n° 2883) (M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur)


7

- Examen de la proposition de loi de M. Jacques Brunhes tendant à accorder la primauté à la commune de résidence des parents pour l'enregistrement de l'acte de naissance (n° 2894)


12

- Information relative à la commission

16

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Didier Quentin, les conclusions de la mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte.

M. Didier Quentin, rapporteur, a rappelé que les troubles liés aux questions d'immigration, survenus au début de l'automne 2005 à Mayotte, avaient conduit la Commission à créer, le 26 octobre dernier, une mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte, conformément au vœu exprimé par la Conférence des présidents. Cette mission, constituée le 8 novembre dernier, a entendu au cours des derniers mois plus d'une centaine de personnes, à Paris mais aussi à La Réunion, à Mayotte et aux Comores, où elle a séjourné du 10 au 17 décembre dernier. À l'écoute de tous les points de vue, elle a mené ses travaux dans une ambiance largement consensuelle, s'efforçant de dresser un état des lieux objectif et d'envisager, de manière constructive et sans préjugés, les moyens de retrouver la maîtrise de cette immigration.

Le rapporteur a indiqué que la mission avait d'abord constaté que l'immigration clandestine avait pris, au cours des dernières années, des proportions inquiétantes sur cette île, au point de déstabiliser désormais la société mahoraise et de retarder son développement. Trop longtemps négligée, la problématique migratoire à Mayotte est devenue primordiale : on estime aujourd'hui qu'un tiers de la population de l'île, soit plus de 50 000 personnes, vit dans la clandestinité - il est difficile de disposer d'évaluations précises. 90 % des étrangers en situation irrégulière sont originaires des îles voisines de l'Union des Comores - et notamment de l'île d'Anjouan, distante de seulement 70 kilomètres de Mayotte. Ces étrangers effectuent la traversée à bord d'embarcations en plastique, souvent surchargées - les kwasa-kwasa -, au péril de leur vie, moyennant le paiement de 150 euros environ à des passeurs très organisés et sans scrupule.

Une fois arrivés à Mayotte, ces étrangers sont contraints de vivre dans de véritables bidonvilles ; leur prise en charge par les services publics de santé ou d'éducation représente un défi chaque jour croissant. La maternité de Mamoudzou, avec près de 8 000 naissances par an, est la première de France, et malgré la construction de trois nouveaux établissements scolaires tous les deux ans, le manque de locaux contraint des écoliers à suivre une scolarité en alternance le matin ou l'après-midi.

Assurément, l'immigration clandestine déstabilise la société mahoraise : 70 % des délinquants, comme des détenus de la maison d'arrêt de Majicavo visitée par la mission, sont des étrangers en situation irrégulière. Surtout, le travail clandestin, qui concerne 10 000 à 15 000 personnes, a gangrené des secteurs entiers de l'économie (agriculture, bâtiment et emplois à domicile notamment), avec la complicité active de nombreux élus ou fonctionnaires en poste à Mayotte. Enfin, l'importation d'un fondamentalisme islamique peut créer un risque terroriste à Mayotte et, de là, en métropole, tandis que des réactions de xénophobie apparaissent, tant à Mayotte qu'à la Réunion, où la mission s'est rendue les 10 et 11 décembre et où le slogan « Comores dehors » s'entend de plus en plus souvent.

Cette immigration s'explique avant tout par l'écart de développement croissant entre les Comores (État classé au 136e rang mondial par l'indicateur de développement humain des Nations unies) et Mayotte, île pour laquelle l'État a accompli des efforts spectaculaires au cours des cinq dernières années, dans la perspective d'une future départementalisation. Les clandestins fuient la misère et recherchent à Mayotte une vie meilleure, sur les plans sanitaire, éducatif, économique, juridique et politique. L'accès à la nationalité française constitue pour eux une opportunité supplémentaire, qui, en règle générale, ne fonde pas leur démarche mais leur fait espérer une implantation durable à Mayotte.

La mission estime que, pour contrôler ces flux migratoires, les forces de l'ordre n'ont pas été dotées de tous les moyens requis. Les effectifs sont longtemps restés insuffisants, mal formés notamment aux activités maritimes, leurs équipements étant peu nombreux et dépassés - la police de l'air et des frontières ne disposait que d'une vieille vedette poussive, et aucun moyen aérien permanent n'était disponible sur l'île ! Malgré les efforts réels accomplis en 2004 et surtout en 2005, en particulier grâce à l'affectation à Mayotte de nouvelles vedettes et grâce à l'implantation, bientôt achevée, de deux radars fixes permettant de détecter ces fameux kwasa-kwasa, la mission estime que la mobilisation n'est pas encore à la hauteur des besoins. Elle juge absurde, à titre d'exemple, la venue de métropole, pour quelques jours seulement, d'un avion Falcon, elle remarque que la couverture radar, incomplète, est déjà contournée, et elle note que le manque de vedettes et de personnels ne permet pas de patrouiller en permanence pour vérifier tous les échos détectés par ces radars.

Le rapporteur a indiqué que la mission proposait deux séries de propositions pour retrouver la maîtrise de l'immigration à Mayotte : les premières pour réduire le flux des nouveaux arrivants, les secondes pour éloigner les immigrés clandestins déjà présents.

Il a souligné que la diminution des flux ne pourrait pas être obtenue tant que Mayotte resterait aussi « attirante » pour les candidats à l'immigration clandestine. À cet égard, il est fondamental de traiter la cause durable de l'immigration venue des Comores en développant fortement la coopération avec ce pays. Il est vrai que cet État, qui a connu 19 coups d'État en 30 ans d'indépendance, souffre d'une instabilité politique chronique. Cette fragilité explique que l'aide au développement fournie par la France, déjà limitée en 1997 à environ 18 millions d'euros, ait ensuite été drastiquement diminuée. Toutefois, la mission a constaté, en se rendant aux Comores où elle a rencontré le colonel Azali, qu'un climat politique plus propice, à l'approche d'échéances électorales déterminantes, permet à présent d'espérer un renouveau de cette coopération. Le colonel Assoumani Azali, président de l'Union des Comores, a ainsi déclaré à la mission qu'il acceptait de « laisser de côté » provisoirement le contentieux territorial relatif à Mayotte pour renforcer rapidement la coopération entre la France et les Comores. Par ailleurs, la France a annoncé qu'elle contribuerait au développement des Comores à hauteur de 65 millions d'euros pour la période 2006-2009. Le rapport de la mission propose de cibler l'aide au développement sur des secteurs stratégiques, au regard des causes de l'immigration vers Mayotte (éducation, santé, état civil) et de mieux contrôler celle-ci, par exemple en fournissant plus fréquemment une aide en nature. Il suggère aussi d'offrir un meilleurs accès au marché mahorais pour les produits agricoles comoriens et de lier l'importance de l'aide au développement à la qualité de la coopération policière qui pourra être mise en place avec l'État comorien pour prévenir les départs.

La mission propose également d'améliorer les modalités de contrôle des flux migratoires. Cet objectif pourrait être atteint en renforçant les effectifs et le rôle de la police de l'air et des frontières, en la dotant de quelques nouvelles vedettes, ainsi que d'un avion ou hélicoptère, et en complétant la couverture radar (pour que celle-ci permette une surveillance à 360 degrés des eaux entourant l'île). Ces efforts matériels devraient être complétés par une adaptation de la politique de visas, pour permettre des séjours courts et strictement contrôlés de certains Comoriens - certaines femmes anjouanaises pourraient, par exemple, se voir accorder des « visas obstétricaux » pour venir accoucher en sécurité à Mayotte et regagner ensuite les Comores. Cette politique supposerait notamment l'élaboration de visas biométriques, qui devraient pouvoir être délivrés sur l'île d'Anjouan - où il n'existe pas actuellement d'antenne consulaire - et pas seulement à Moroni.

Enfin, la mission propose de réduire l'attractivité de Mayotte par des aménagements juridiques ciblés. Pour des raisons constitutionnelles, la mission ne propose pas de revenir sur l'application du droit commun de la nationalité à Mayotte, notamment pour ce qui est de la question emblématique de l'accès à la nationalité française sur le fondement du lieu de naissance, communément appelé « droit du sol ». Pour autant, la mission souhaite que les contrôles soient renforcés face aux mariages de complaisance et surtout face à la forte augmentation des reconnaissances de paternité abusives - qui permettent à un enfant comorien d'acquérir immédiatement la nationalité française quand sa mère parvient à lui « acheter un papa » mahorais. En revanche, le droit du travail et le droit des étrangers, qui dérogent déjà au droit commun à Mayotte, pourraient être utilement adaptés pour dissuader plus efficacement l'emploi clandestin et faciliter l'interpellation des étrangers en situation irrégulière.

Pour éloigner les immigrés clandestins déjà présents à Mayotte, la mission juge primordiale une remise en ordre de l'état civil sur cette île. Tant que les actes de naissance et de mariage des personnes ne seront pas rigoureusement établis à Mayotte, l'identification des étrangers en situation irrégulière y restera illusoire. Le manque de fiabilité des actes d'état civil est tel que certains enfants originaires des Comores présentent parfois des papiers selon lesquels ils sont plus âgés que leur propre mère ! Cette désorganisation administrative, ajoutée à une interprétation parfois trop restrictive du principe de possession d'état de Français, explique également l'existence à Mayotte de « Français sans papiers ». Cette situation paradoxale et inadmissible est celle de Mahorais qui, bien qu'inscrits sur les listes électorales depuis plusieurs décennies, se voient refuser le renouvellement de leurs titres d'identité.

La mission préconise donc une série de mesures destinées à renforcer substantiellement les moyens de la Commission de révision de l'état civil (crec), mise en place en 2001 - cette commission, qui devait initialement avoir terminé ses travaux au début de cette année 2006, n'aura certainement pas traité toutes les demandes en 2010... La mission suggère également d'anticiper à Mayotte la mise en place de titres d'identité biométriques, car les Comoriens ont acquis un « savoir-faire » remarquable en matière de faux documents. Elle juge enfin nécessaire de verser aux mairies mahoraises une dotation exceptionnelle d'équipement informatique et de confier provisoirement la gestion de l'état civil à des fonctionnaires d'État.

Par ailleurs, l'application du droit local en matière d'état et de capacité des personnes et le rôle ambivalent des cadis ont entretenu cette confusion juridique. La mission remarque notamment que les cadis, s'ils ne sont plus, depuis 2001, chargés de tenir les registres d'état civil des personnes relevant du droit local, continuent néanmoins à célébrer des mariages sans officiers d'état civil, ainsi que des mariages de droit local entre Mahorais et étrangers, ce qui est interdit dans les deux cas ! La mission, prenant acte de la volonté quasi-unanime des Mahorais de se diriger vers une complète départementalisation du statut de l'île, préconise donc une extinction progressive du statut personnel de droit local et une transformation du rôle des cadis - qui pourraient devenir de simples « médiateurs de proximité » rémunérés par le conseil général de Mayotte.

Enfin, la mission appelle de ses vœux des moyens complémentaires pour éloigner un plus grand nombre d'étrangers en situation irrégulière. Afin d'augmenter l'efficacité des contrôles terrestres, elle suggère en particulier de renforcer la présence de policiers mahorais, et de permettre aux policiers métropolitains expérimentés de prolonger leur présence à Mayotte. De même, elle propose diverses mesures pour améliorer les modalités pratiques des reconduites à la frontière, telles que l'agrandissement du centre de rétention administrative, qu'elle a visité, ou l'utilisation de navires ou d'avions de grande capacité appartenant à l'État (en lieu et place des petits avions actuellement loués à Comores Aviation...).

En conclusion de son propos, M. Didier Quentin a souligné que les problèmes posés par l'immigration clandestine à Mayotte sont complexes et ne peuvent trouver de réponse unique. Face au risque avéré de graves troubles sociaux, cette situation appelle en tout état de cause la mobilisation de la représentation nationale et des services de l'État, ce petit archipel, grand comme l'île d'Oléron et l'île de Ré réunies, n'ayant pas vocation à accueillir toute la misère de l'Océan indien. En outre, personne ne saurait contester à la population mahoraise le choix d'un avenir français, dans la paix, la prospérité et le progrès.

Enfin, le rapporteur s'est interrogé plus largement sur la possibilité pour Mayotte de fournir l'exemple d'un Islam réussissant à trouver sa juste place dans le cadre de la laïcité républicaine.

M. René Dosière, président de la mission d'information, s'est félicité du climat excellent qui a prévalu au sein de la mission d'information et de la convergence des points de vue face à un sujet difficile que le rapporteur a très bien exposé.

Il a considéré que la situation des clandestins à Mayotte s'apparentait à une forme d'esclavage moderne, ceux-ci étant victimes à la fois des passeurs, des employeurs et de ceux qui leurs fournissent des logements dans de véritables favelas. Certes, « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », mais il ne faut pas oublier la seconde partie de cette phrase, prononcée en 1989 par M. Michel Rocard, alors Premier ministre, à savoir que la France se doit d'accueillir dignement ceux qu'elle ne peut pas refuser.

M. René Dosière a ensuite insisté sur le problème majeur selon lui constitué par l'état civil à Mayotte, qui nécessite encore des efforts considérables sans lesquels tous les autres efforts seront vains. En effet, la tradition islamique ne considère pas qu'un état civil écrit soit indispensable, mais l'appartenance de Mayotte à la République l'exige. A cet égard il y a manifestement un gouffre entre la réalité observée sur le terrain et la perception du ministère de la Justice.

L'inaction face à la situation à Mayotte serait catastrophique, elle pourrait y favoriser la pénétration d'un Islam fondamentaliste et conduire également à un afflux de migrants en provenance du continent africain. A l'inverse, la mise en œuvre de solutions adéquates sera la preuve que l'Islam peut vivre en s'intégrant pleinement dans la République.

Le président Philippe Houillon a précisé que le rapport avait été adopté à l'unanimité des membres de la mission d'information, à l'exception de M. Jean-Claude Lefort, qui a qualifié son abstention de « positive ».

M. Jacques Floch a souligné que, depuis plusieurs années, la commission des Lois s'intéressait de près à Mayotte, notamment au fil des évolutions statutaires de l'île, qui va entrer dans un « tournant » de son histoire, avec la préparation d'une consultation décisive sur son avenir. Ce contexte rend d'autant plus nécessaire la mise en œuvre de solutions aux problèmes de l'état civil à Mayotte, qui pourraient avoir des conséquences fâcheuses sur l'établissement des listes électorales.

Il a par ailleurs indiqué que l'immigration clandestine à Mayotte n'était pas uniquement d'origine comorienne, mais que se développaient des réseaux en provenance d'Afrique de l'Est et de la région des grands lacs, qui posent des problèmes spécifiques. Il a conclu que les deux priorités étaient d'améliorer les moyens de l'administration sur l'île, et d'accentuer la coopération avec l'Union des Comores, car le différentiel considérable de développement de l'archipel avec Mayotte explique l'importance de la pression migratoire.

M. Mansour Kamardine a estimé que les conclusions du rapport étaient excellentes et a remercié ses collègues de la mission de s'être intéressés avec conviction et émotion aux problèmes de Mayotte. Il s'est donc déclaré heureux qu'un certain consensus se dessine sur ce problème, dont l'absence de solution pourrait remettre en cause l'appartenance de l'île à la République.

Il a ensuite souligné que Mayotte constituait une singularité car il s'agit du seul territoire français habité faisant l'objet d'une revendication territoriale de la part d'un État étranger. A cet égard, il est assez irritant que les Comoriens, qui ont fait le choix respectable de l'indépendance, insistent à Paris sur leur revendication territoriale sur l'île, et, au contraire, se revendiquent Français à Mayotte.

L'immigration clandestine est une véritable « plaie » pour le développement de Mayotte qui ne peut, compte tenue de sa taille, accueillir les 700 000 Comoriens qui veulent s'y installer, sans compter les nouvelles filières en provenance d'Afrique continentale et de Madagascar.

M. Mansour Kamardine a espéré que la quasi-unanimité de la Représentation nationale incitera le Gouvernement à agir rapidement sur l'état civil et sur le développement des moyens de détection et de contrôle de l'immigration clandestine. Il est également nécessaire d'émettre un signal fort à l'encontre des employeurs de clandestins, même si le Garde des Sceaux a donné des instructions au parquet de Mayotte pour mener une action publique plus ferme en la matière. En effet, c'est un problème considérable, auquel des fonctionnaires de l'État ont malheureusement été mêlés.

Après avoir précisé que l'abstention positive de son groupe, qu'il a confirmée, s'expliquait notamment par la place insuffisante donnée par la mission à l'aide au développement en direction des Comores, M. Jacques Brunhes a rappelé qu'une précédente mission à laquelle il avait participée avec Mme Catherine Tasca sous la précédente législature avait formulé des propositions comparables qui n'avaient pas été mises en œuvre. Il a regretté que les conclusions des rapports parlementaires soient si peu prises en compte par le Gouvernement.

M. Jean-Luc Warsmann a suggéré que le rapporteur revienne devant la Commission dans quelques mois pour faire le point sur la mise en œuvre des propositions de la mission, sur le modèle de ce qui se pratique en matière de suivi de l'application des lois.

Le président Philippe Houillon a jugé cette proposition intéressante et a indiqué que la Commission veillerait, en tout état de cause, à ce que le rapport de la mission d'information ne demeure pas sans suite.

Puis, conformément à l'article 145 du Règlement, la Commission a autorisé le dépôt du rapport de la mission d'information en vue de sa publication.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M.  Pierre Morel-A-L'Huissier, le projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République (n° 2883).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur, a fait observer qu'à l'approche de la prochaine élection du Président de la République, prévue dans un peu plus d'un an, il n'était pas incongru que le Parlement soit saisi d'un tel projet de loi organique modifiant la loi du 6 novembre 1962 qui précise le régime de cette élection en complément de l'article 7 de la Constitution.

Cette démarche est devenue habituelle. Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 58 de la Constitution, fait, après chaque scrutin, une série d'observations qu'il réitère, voire complète, avant le suivant, aux fins d'actualiser et de perfectionner le cadre juridique de l'élection présidentielle. Dans un second temps, le législateur organique s'empare des observations du Conseil et modifie la loi de 1962. Pour ne prendre que les exemples les plus récents, la loi de 1962 fut modifiée selon ce même schéma en 1988, en 1995 et, la dernière fois, en 2001.

La présentation du présent projet de loi organique constitue d'autant moins une surprise qu'elle intervient un an avant l'échéance, ce qui permettra de tenir compte du délai incompressible fixé aux futurs candidats pour ouvrir un compte de campagne. En effet, en application de l'article L. 52-4 du code électoral, qui est rendu applicable à l'élection présidentielle par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, « le mandataire recueille, pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne ». Le mandat de l'actuel Président de la République devant s'achever le 16 mai 2007 à minuit, l'élection devant se tenir, un dimanche, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président en exercice, le premier tour devrait se tenir soit le 15 avril, soit le 22 avril 2007 et le second tour, soit le 29 avril, soit le 6 mai. Le rapprochement de ces deux impératifs, d'ouverture des comptes et de date de l'élection, impose donc un calendrier précis à toute modification de la loi de 1962.

Le présent projet de loi organique reprend de manière rigoureuse les observations les plus techniques faites par le Conseil constitutionnel en novembre 2002 et en juillet 2005. Ainsi, a été écartée la proposition tendant à mettre fin à la possibilité donnée aux partis d'accorder des prêts avec intérêts aux candidats. A également été écartée la proposition tendant, dans la procédure dite de « parrainage », à augmenter le nombre minimum de signatures - aujourd'hui fixé à cinq cents - qu'un candidat doit recueillir pour être inscrit sur la liste établie par le Conseil constitutionnel.

Outre la mise à jour des références du code électoral applicables à l'élection du Président de la République, le présent projet de loi organique propose des mesures techniques touchant à la fois l'organisation du scrutin et le financement de la campagne.

En premier lieu, parmi les mesures relatives à l'organisation du scrutin et suivant les recommandations du Conseil constitutionnel, il est proposé d'avancer la date limite de recueil des présentations, c'est-à-dire les « parrainages », de dix-huit jours avant le premier tour de scrutin au sixième vendredi avant cette date, soit trente-sept jours avant le premier tour.

Cette mesure permettra à la fois de laisser plus de temps au Conseil constitutionnel pour établir la liste des candidats après vérification des présentations et d'allonger la période s'étendant de la publication de cette liste à la tenue du premier tour.

Suivant également les recommandations du Conseil constitutionnel et à l'instar de ce qui a été introduit pour la Polynésie en 2004, l'élection dans les départements et collectivités d'outre-mer situés en Amérique ainsi que dans les bureaux de vote tenus par les ambassades et les postes consulaires situés également en Amérique pourrait être organisée le samedi au lieu du dimanche, afin de concilier décalage horaire et égalité du suffrage qui devrait interdire que des citoyens votent encore alors que les résultats en métropole sont déjà connus.

À l'heure des premières estimations et de la diffusion des résultats partiels en France métropolitaine, à vingt heures, il n'est que quinze heures dans les Antilles et seize heures en Guyane, les bureaux de vote étant encore ouverts. Les 778 000 électeurs inscrits dans les collectivités d'outre-mer concernées et les 104 000 Français établis hors de France inscrits dans les centres de vote de la « zone Amérique » ont connaissance des résultats de la métropole avant la fermeture de leurs propres bureaux de vote.

Par ailleurs, il est proposé d'actualiser la liste des personnes habilitées à présenter un candidat à l'élection présidentielle, les « présentateurs », pour y inclure le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, alors même que la loi organique du 27 février 2004 y avait ajouté le président de la Polynésie française.

En second lieu, plusieurs mesures portent sur le financement de la campagne.

À ce jour, le Conseil constitutionnel a eu à examiner à deux reprises, en 1995 et 2002, les comptes de la campagne présidentielle. Il est proposé, sur sa recommandation, de confier désormais l'examen de ces comptes, en première analyse, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (ccfp).

Cette proposition d'extension des pouvoirs de cette dernière correspond à un moment où son assise a été renforcée par l'ordonnance du 8 décembre 2003 portant simplification du droit électoral. En effet, si elle était reconnue par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État, comme appartenant à la catégorie des autorités administratives indépendantes (aai), la Commission n'était pas expressément instituée comme telle.

Cette position incertaine entraînait de nombreux inconvénients, notamment pour assurer son financement, comme la commission elle-même l'avait régulièrement dénoncé dans son rapport annuel. L'ordonnance du 8 décembre 2003 précitée a pleinement consacré le caractère d'aai de la commission et en tire les conséquences pour parachever le dispositif permettant une plus grande responsabilité et une plus grande souplesse de gestion. Ainsi, elle peut, en particulier, recruter des agents contractuels pour les besoins de son fonctionnement.

La charge supplémentaire à laquelle la commission va se trouver confrontée - même si elle sera mieux répartie dans le temps grâce à l'étalement des échéances électorales en 2007 et 2008 adopté récemment - nécessitera, sur un laps de temps relativement court, des moyens supplémentaires importants, exigence à laquelle seule une souplesse de gestion accrue permettra de répondre.

Cette modification présente, en outre, quatre avantages.

D'abord, cette modification du régime de contrôle des comptes constitue une nouvelle étape significative dans la simplification de l'architecture du droit électoral. Désormais, la ccfp sera compétente pour toutes élections, sans exception, sous le contrôle soit du juge administratif, pour les élections locales, soit du Conseil constitutionnel, pour les élections parlementaires et l'élection présidentielle.

De plus, cette simplification conduira à une harmonisation des pratiques. Dans l'état du droit, le risque que tel type de dépense traité par la Commission nationale, dans le cadre d'une élection locale, le soit de manière différente par le Conseil constitutionnel, dans le cadre d'une élection présidentielle, n'est pas nul. L'institution du quinquennat a eu des conséquences certaines sur le rapprochement de l'élection présidentielle et des élections législatives. Dès lors, pour une dépense considérée, il peut être particulièrement délicat de faire le départ entre ce qui relève de la campagne présidentielle et ce qui relève de la campagne législative. Ce phénomène impose au Conseil constitutionnel et à la Commission nationale d'organiser une coordination permanente, qui fragilise assurément la sécurité des analyses. La modification proposée permettra de dépasser cette difficulté.

En outre, les changements proposés renforceront l'efficacité des contrôles. La Commission nationale possède une expérience diversifiée du contrôle des comptes de campagne. Toute son organisation est dédiée à cette tâche. Elle pourra utilement établir, pour un même type de dépense, une règle commune à l'ensemble des élections.

En dernier lieu, elle permettra au Conseil constitutionnel de dégager du temps pour l'exercice de ses autres fonctions. Les séances plénières du Conseil pendant tout le mois de septembre 2002 ont été consacrées au contrôle des comptes de la campagne présidentielle, retardant d'autant l'examen du contentieux des élections législatives.

Afin de respecter la mission constitutionnelle confiée au Conseil constitutionnel, il est prévu de lui confier l'examen des recours en pleine juridiction portés contre les décisions de la Commission nationale. Ainsi, il pourra non seulement annuler la décision prise par la Commission, mais aussi la remplacer, c'est-à-dire la réformer. En offrant un double examen des comptes, cette mesure renforce la qualité du contrôle et la sécurité juridique offerte au candidat.

Enfin, dans un souci d'équité et de proportionnalité des sanctions et conformément aux observations du Conseil constitutionnel, une marge d'appréciation est ouverte au profit de la Commission nationale et, en cas de recours, au Conseil lui-même dans la fixation du montant du remboursement forfaitaire qui pourra désormais, en cas d'irrégularités, être modulé. Aujourd'hui, le Conseil n'a de choix qu'entre refuser ou accorder l'ensemble du remboursement forfaitaire.

Compte tenu des sommes en jeu - un vingtième du plafond des dépenses avec 5 % des suffrages, la moitié au-delà -, le Conseil peut hésiter à prononcer une décision de privation de ce remboursement. Pour rendre le système efficace, il convient donc de permettre cette modulation en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités constatées.

Le rapporteur a conclu son propos en estimant qu'il convenait d'écarter tout soupçon qui ne manquerait pas de naître de toute initiative qui irait au-delà du strictement nécessaire pour assurer la rectitude juridique du futur scrutin.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Considérant que l'élection présidentielle est le scrutin central de notre vie politique, M. René Dosière a fait part de sa déception et son insatisfaction devant un projet de loi qui se contente d'une réforme a minima. Il a en outre noté que certaines propositions émises par le Conseil constitutionnel n'ont pas été reprises. S'agissant du financement de la vie politique, il a rappelé que les rapports du Conseil constitutionnel sur les comptes de campagne sont très instructifs et a annoncé que le groupe socialiste déposera des amendements sur ce thème. Il a, par ailleurs, regretté que le projet de loi ne contienne aucune disposition ni sur le statut « fiscal » de la présidence de la République, ni sur le statut pénal du Président, alors que, au début de la présente législature, le Premier ministre avait annoncé au président du groupe socialiste son intention de légiférer sur ce point. Au total, il a dénoncé le caractère mineur et purement technique du projet de loi.

M. Jean-Luc Warsmann a justifié l'opportunité du projet de loi par la nécessité de mettre en œuvre les améliorations proposées par le Conseil constitutionnel. Il a estimé que changer les règles de l'élection présidentielle un an avant la prochaine échéance serait contraire à la tradition républicaine et que, par conséquent, le projet de loi doit se contenter de donner des suites aux propositions techniques émises par le Conseil constitutionnel.

Le président Philippe Houillon a fait observer que, s'il s'est prononcé en faveur d'un redécoupage des circonscriptions électorales, le Conseil constitutionnel n'a pas exclu que cette réforme intervienne après les élections, appelant ainsi au respect de la tradition républicaine.

Le rapporteur a rappelé que la dernière réforme de l'élection du Président de la République, intervenue en 2001, a eu également un caractère très largement technique.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité no 1 et la question préalable no 1 de M. Jean-Marc Ayrault, la Commission est passée à l'examen des articles.

Article 1er (art. 3, paragraphe I, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel) : Allongement de la période préparatoire à l'élection - Actualisation de la liste des « présentateurs » :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

M. René Dosière a présenté un amendement visant à rendre publique la liste de l'ensemble des présentateurs au Journal officiel et sur le site internet du Conseil constitutionnel, conformément à une recommandation de celui-ci.

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi a pour objet une adaptation a minima du régime électoral du Président de la République à travers des mesures strictement techniques, issues pour la plupart des observations du Conseil constitutionnel. Il a craint que la publication de la totalité des présentateurs nuise à certains candidats putatifs, pousse certains présentateurs à ne pas accorder leur parrainage, et, en influençant les électeurs, constitue une rupture d'égalité entre les candidats. Il a en outre fait observer que l'amendement présenté par M. René Dosière soulève des difficultés rédactionnelles, la mention d'une publication sur le site Internet du Conseil pouvant difficilement figurer dans une loi organique.

M. Michel Piron a jugé inopportun de poser la question de la publication des parrainages à la veille de la future échéance.

M. Bernard Derosier a objecté que le Gouvernement avait eu la possibilité de le faire avant.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (art. 3, paragraphe II, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée) : Actualisation des références au code électoral - Compétence de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques - Organisation du scrutin dans les bureaux de vote en Amérique :

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur introduisant une référence au quatrième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral, permettant à la ccfp de saisir le parquet lorsqu'elle a connaissance d'irrégularités dans l'application de la législation sur le financement de la campagne.

Elle a rejeté un amendement de M. René Dosière visant à réduire le plafond des dépenses électorales autorisées pour la campagne présidentielle, le rapporteur ayant émis un avis défavorable.

M. René Dosière a ensuite présenté un amendement interdisant aux partis et groupements politiques de consentir aux candidats à l'élection présidentielle des prêts avec intérêts.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement qui reprend une proposition émise en 2000 par le Conseil constitutionnel, mais non suivie par le gouvernement de l'époque, au motif qu'il introduirait une forte inégalité entre les candidats, seuls les très grands partis ayant les moyens de consentir des prêts sans intérêts. Le rapporteur a précisé que la ccfp ferait prochainement des propositions sur ce sujet.

M. Xavier de Roux a fait remarquer que les partis politiques ont le droit d'emprunter avec intérêts et qu'il n'était pas incohérent qu'ils répercutent cette contrainte sur le candidat.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur, puis l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. 3, paragraphe III, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée) : Compétences du Conseil constitutionnel dans le contrôle des comptes de campagne :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (art. 3, paragraphe V, de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée) : Régime de remboursement des dépenses de campagne :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

M. René Dosière a présenté un amendement limitant la possibilité, pour la ccfp, de moduler le remboursement forfaitaire en cas de dépassement du plafond de dépenses autorisées. Il a estimé que, s'agissant de l'élection présidentielle, cette possibilité de modulation doit être aussi limitée que possible.

Après que le rapporteur a jugé inopportun de revenir sur la liberté de modulation offerte par le projet de loi, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 4 [nouveau] de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée et art. 8 et 18 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République) : Date d'applicabilité à l'élection présidentielle des dispositions du code électoral - Mention de l'adresse électronique sur la liste électorale consulaire :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant aux Français établis à l'étranger de voir figurer leur adresse électronique sur la liste électorale consulaire, afin de faciliter la diffusion de l'information relative au scrutin.

Elle a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié, puis l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Après avoir désigné M. Jacques Brunhes, rapporteur de sa proposition de loi tendant à accorder la primauté à la commune de résidence des parents pour l'enregistrement de l'acte de naissance (n° 2894), la Commission a procédé à l'examen de cette proposition de loi.

M. Jacques Brunhes, rapporteur, a tout d'abord rappelé que, sous l'Ancien Régime, les registres paroissiaux faisaient office d'état civil. La loi du 20 septembre 1792 créant l'état civil prévoyait que l'enfant devait être porté à la maison commune pour être enregistré et l'article 55 du code civil de 1804 avait maintenu cette présentation de l'enfant, supprimée par une loi de 1919. Depuis cette loi du 20 novembre 1919, l'article 55 du code civil prévoit que la déclaration de naissance doit être effectuée dans les trois jours de l'accouchement à l'officier d'état civil du lieu de naissance.

Cette disposition date d'une époque où les accouchements se faisaient à domicile. Actuellement, selon une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques, sur les 804 000 naissances en France en 2001, seulement 3 000 (soit 0,37 %) ont lieu hors d'un hôpital ou d'une maternité, par exemple à domicile.

Les femmes accouchent, après la quasi-disparition des petites maternités situées près de leur domicile, presque exclusivement dans des ensembles hospitaliers ou établissements spécialisés localisés dans les grandes agglomérations. Seulement 1 800 des 36 700 communes françaises ont vu naître un bébé et parmi celles-ci, 1 200 communes ne voient naître qu'un ou deux bébés dans l'année. La quasi-totalité des naissances survient dans les 520 communes qui concentrent les maternités ou les hôpitaux. En 1980, 36 % des mères accouchaient dans leur commune de domicile ; en 2001 ce chiffre est passé à 29,1 %.

Il en résulte que la plupart des petites, des moyennes et même des grandes communes n'enregistrent plus que des décès. Or non seulement une commune sans naissance peut être perçue comme une commune dévitalisée, mais ses habitants se voient ainsi privés d'un moyen d'affirmer leur attachement à leur pays natal d'où peut être originaire leur famille. Le décret n° 2005-41 du 19 janvier 2005 relatif à l'inscription des naissances sur les tables annuelles et décennales de l'état civil, qui étend aux enfants naturels la publicité des naissances survenues hors de la commune, réservée jusqu'alors aux enfants légitimes, ne règle pas le problème de ce déracinement administratif.

De plus, l'article 55 contrevient au principe du rapprochement du service public du citoyen, qui devrait être un élément essentiel d'une politique d'aménagement du territoire. En effet, pour l'obtention d'un extrait d'acte de naissance, les administrés sont amenés, dans de très nombreux cas, à s'adresser aux services d'état civil d'une commune autre que celle de leur résidence habituelle.

Pour l'ensemble de ces raisons, la proposition de loi modifie l'article 55 du code civil afin de permettre, lorsque les parents le souhaitent, la déclaration de naissance à l'officier de l'état civil de leur lieu de résidence. Cette possibilité ne semble pas poser de problème de sécurité juridique. La question de la compétence territoriale de l'officier de l'état civil peut être décidée par la loi. De plus, dans la mesure où les formalités légales de déclaration de naissance prévoient la présentation à l'officier d'état civil du certificat d'accouchement établi par le médecin ou la sage-femme, la présentation de ce certificat, soit à l'officier de l'état civil de la commune de naissance, soit à l'officier de l'état civil de la commune de résidence, permettra d'éviter toute double inscription sur les registres de l'état civil.

En cohérence avec cette première modification, il est proposé de préciser, à l'article 57 du code civil, que le lieu de la naissance sera celui de la déclaration de naissance, afin que la démarche des parents puisse trouver une traduction dans l'état civil des enfants.

Le rapporteur a alors résumé son propos en expliquant que la proposition de loi présentée est une proposition de bon sens. Il a rappelé que des propositions de loi similaires ont été déposées par des députés de la majorité dès la fin de l'année 2002 et que de nombreuses questions parlementaires ont manifesté l'intérêt de la Représentation nationale pour cette question. Aussi, il a invité ses collègues à trouver un consensus et à voter la proposition de loi.

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Après avoir reconnu que le sujet abordé par la proposition de loi ne recouvre pas un clivage politique traditionnel, plusieurs propositions similaires ayant été présentées par des parlementaires émanant de divers groupes, le président Philippe Houillon a considéré que, de son point de vue, les dispositions envisagées partaient d'un bon sentiment mais risquaient de conduire à une aberration juridique. Il apparaît en effet difficile d'institutionnaliser un mensonge sur le lieu de naissance, le lieu de déclaration de naissance ne pouvant pas lui être assimilé quand il en diffère.

M. Jacques Floch, tout en ne contestant pas les arguments juridiques soulevés par le président Philippe Houillon, a estimé que la question posée était malgré tout très importante. Rappelant qu'il avait été le maire d'une ville de banlieue très peuplée, il a souligné que, faute de maternité, les administrés se trouvaient dans l'obligation d'effectuer des déplacements pénalisants pour accomplir de simples formalités liées à l'obtention d'un extrait d'acte de naissance. Il a insisté sur la nécessité de trouver une solution raisonnable à cette difficulté pratique rencontrée quotidiennement par de nombreux Français. Pour cette raison, il s'est prononcé en faveur d'un débat le plus complet possible sur la proposition de loi soumise à la Commission.

M. Francis Delattre a souscrit aux arguments avancés par le rapporteur et expliqué qu'il voterait la proposition de loi, dès lors que le choix pourrait être laissé entre la déclaration au lieu de naissance et celle au lieu de résidence. Il a ensuite déploré que des communes doivent le plus souvent se contenter d'enregistrer les décès et non les naissances, soulignant la grande frustration qui en résulte tant pour les administrés que pour les services de l'état civil.

M. Mansour Kamardine a indiqué qu'il était tenté de voter en faveur de la proposition de loi, en raison de la similarité des problèmes qu'elle vise à résoudre avec ceux que rencontre actuellement Mayotte. Jusqu'à présent, les dix-sept communes de ce territoire d'outre-mer possédaient chacune une maternité, mais le regroupement des installations sanitaires en trois unités a été décidé, pour des raisons de sécurité compréhensibles. Beaucoup de mères mahoraises, qu'il a déjà été difficile de convaincre d'accoucher à l'hôpital au lieu de le faire à leur domicile, sont attachées à ce que la déclaration de naissance s'effectue sur leur lieu de résidence. Pour cette raison, sous réserve qu'il soit prévu que cette proposition de loi s'appliquerait aussi à Mayotte, le texte soumis à la Commission mérite de retenir l'attention.

M. Jean Leonetti a souligné une réalité sociale désormais bien établie : 80 % des Français meurent aujourd'hui à l'hôpital et 95 % naissent à la maternité. Tout en comprenant la motivation qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi, il a fait valoir qu'on ne peut, par la loi, modifier l'endroit où chacun naît effectivement, ce qui constituerait un travestissement de la vérité. Il a estimé plus importante pour la vitalité d'une commune la présence d'enfants que leur naissance dans cette commune. Soulignant que la question était davantage de nature administrative que juridique, il s'est déclaré ouvert à une réflexion sur un aménagement des formalités administratives liées à l'état civil, ce problème pouvant se régler en dehors du cadre de la loi. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'était parvenu le bureau du groupe ump, lorsqu'il a longuement débattu sur la question.

M. Michel Piron s'est déclaré sensible, lui-aussi, au désir de racines, tout en ajoutant que cela ne l'empêchait pas de rester rationnel. Le localisme présente en effet des limites et il est difficile de nier juridiquement la réalité géographique du lieu de naissance de chacun. En revanche, il n'est pas interdit d'envisager de nouvelles modalités de gestion des registres de l'état civil, sans que cela passe par la loi.

Tout en déclarant comprendre le but poursuivi par la proposition de loi, M. Jean-Luc Warsmann s'est interrogé sur les difficultés qu'elle est censée résoudre, compte tenu du fait que les services des communes peuvent d'ores et déjà parfaitement être informés des naissances au sein des familles qui y vivent et les porter à la connaissance des habitants par l'intermédiaire de bulletins d'information communaux. Il a ensuite souligné le problème que pose l'article 2 de la proposition de loi, estimant qu'une loi ne peut disposer que le lieu de résidence sera assimilé au lieu de naissance, en totale contradiction avec les faits. Il a ajouté qu'il n'était pas évident que, même sur un plan pratique, la proposition de loi constitue un progrès dans la mesure où les services de l'état civil sont sans doute plus performants dans les grandes communes enregistrant de nombreuses naissances.

Partageant le raisonnement de M. Jean-Luc Warsmann, M. Christian Decocq a estimé que la proposition de loi mélange trois concepts importants : la déclaration de naissance, la naissance et le lieu de résidence. Si déclaration et naissance semblent distinguées par le texte, on constate que le problème de la résidence s'y greffe de manière assez confuse, ouvrant la voie à d'autres considérations, ayant trait notamment à la nationalité. Adopter ce texte reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore administrative, juridique voire médiatique.

M. Xavier de Roux s'est montré perplexe sur les arguments opposés aux dispositions prévues à l'article premier de la proposition de loi, même si leur rédaction gagnerait à être améliorée. Il a jugé légitime de vouloir permettre aux parents d'effectuer la déclaration de naissance de leurs enfants sur leur lieu de résidence. Il a observé, en revanche, que l'article 2 suscite de grandes réserves, car le lieu de naissance ne peut être modifié par la loi.

M. Francis Delattre a rejoint le point de vue de M. Xavier de Roux sur l'article premier. Il a suggéré que l'article 2 fasse l'objet d'amendements.

Après que le président Philippe Houillon eut souligné la difficulté pratique de concevoir des services de l'état-civil recensant des déclarations effectuées soit au lieu de naissance, soit au lieu de résidence des parents ou, à défaut de résidence commune des parents, au lieu de résidence de la mère ou, après accord de celle-ci, du père, M. Francis Delattre a estimé que les services d'état civil des communes de résidence sont à même de gérer les déclarations de naissances.

M. René Dosière a fait valoir que l'ensemble des prises de position au cours de la discussion montrait que la proposition de loi s'attaquait à un vrai problème. Convenant du caractère insatisfaisant de la rédaction du texte, il a néanmoins plaidé en faveur d'un examen des articles qui permette de les améliorer, d'autant plus que le sujet dépasse les clivages entre la majorité et l'opposition.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a considéré qu'il était inopportun de parler d'aberration juridique alors que 77 députés ump ont déposé une proposition de loi identique, à l'instar, au demeurant, de M. Robert Badinter au Sénat. Il a fait valoir que le droit évolue avec la société. Or, le fait est qu'aujourd'hui, tant les communes rurales que beaucoup de communes urbaines n'enregistrent aucune naissance. L'exposé des motifs de la proposition de loi UMP ne soulignait-il pas qu'être originaire d'une commune constitue un facteur d'intégration, de joie et même de fierté ?

L'objectif de la proposition de loi est de mettre le droit à l'heure d'aujourd'hui. L'enregistrement de la déclaration de naissance dans la commune de résidence ne constitue pas plus une falsification de la réalité que la transcription des actes de décès sur les registres de l'état civil de la commune de résidence, qui est prévue par l'article 80 du code civil. Les possibilités d'aménagement de la règle existent déjà pour les naissances au cours d'un voyage.

Le rapporteur s'est également déclaré prêt à amender ou supprimer l'article 2. Quant à la rédaction de l'article premier, elle reprend les dispositions qui s'appliquent aux patronymes, dont l'attribution dépend de la déclaration conjointe des parents.

M. Jacques Brunhes a conclu en insistant sur l'intérêt que représente ce texte pour la revitalisation des communes. Au nom d'une certaine forme de patriotisme local, dont il s'est déclaré partisan, il a souhaité que la Commission procède à l'examen des articles de la proposition de loi.

À l'issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi tendant à accorder la primauté à la commune de résidence des parents pour l'enregistrement de l'acte de naissance (n° 2894).

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Jacques Brunhes rapporteur sur sa proposition de loi tendant à accorder la primauté à la commune de résidence des parents pour l'enregistrement de l'acte de naissance (n° 2894).


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