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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 mai 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen du projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes (n° 3010) (M. Étienne Blanc, rapporteur)


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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Étienne Blanc, le projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes (n° 3010).

Le rapporteur a précisé que ce projet de loi, qui intervient à quelques mois du bicentenaire de la Cour des comptes, vise pour l'essentiel à moderniser le statut de cette juridiction, dont certaines dispositions, par leur ancienneté, sont inapplicables. La Cour des comptes est une juridiction qui se situe dans une position intermédiaire, entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Depuis 1967, la loi reconnaît explicitement aux membres de la Cour le statut de magistrats et l'inamovibilité qui lui est liée, ce qui les différencie des membres du Conseil d'État. Plusieurs caractéristiques sont directement empruntées à l'ordre judiciaire, notamment le serment qui est prêté dans des termes identiques à celui des magistrats judiciaires. Cependant, par de nombreux aspects, les magistrats de la Cour s'apparentent aux membres du Conseil d'État : il s'agit dans les deux cas d'un grand corps de l'État, issu de l'École nationale d'administration, organisé selon les mêmes règles ; ces deux corps partagent une même proximité avec l'administration, au sein de laquelle ils peuvent, par les possibilités de détachement ou de mise à disposition, exercer une partie importante de leur carrière.

Le projet de loi ne bouleverse pas l'organisation de la Cour. Il permet néanmoins de moderniser le statut de ses membres, d'améliorer leur carrière et d'élargir les recrutements extérieurs.

En premier lieu, les dispositions statutaires sont clarifiées, le projet de loi regroupant dans un même chapitre les dispositions générales régissant le statut des membres de la Cour, à savoir leur qualité de magistrats, leur inamovibilité et les devoirs auxquels ils s'engagent par leur serment.

Par ailleurs, le projet de loi crée un conseil supérieur de la Cour des comptes afin de doter la juridiction d'une véritable instance consultative, compétente pour toutes les questions touchant à l'organisation de la juridiction et à la situation individuelle des magistrats. Le dispositif proposé s'inspire de celui en vigueur au sein des chambres régionales des comptes. Si le conseil supérieur de la Cour des comptes n'a pas les pouvoirs reconnus au Conseil supérieur de la magistrature, il distingue clairement la juridiction financière du Conseil d'État qui ne dispose pas d'une telle instance.

Un régime disciplinaire est instauré. Actuellement prévu par un décret de 1852, le régime disciplinaire des membres de la Cour des comptes est devenu inapplicable. Faute de dispositions spécifiques, la discipline des membres de la Cour est régie par les règles générales de la fonction publique, alors leur statut de magistrat nécessite des garanties particulières. Le projet de loi propose de combler ce vide juridique, en instaurant une procédure disciplinaire spécifique aux magistrats de la Cour. À cette fin, des sanctions sont définies et des garanties de procédure sont prévues.

Afin d'améliorer la carrière des magistrats, le projet de loi étend aux conseillers référendaires les règles de promotion dont bénéficient les maîtres de requête du Conseil d'État. Les conseillers référendaires pourront désormais être nommés conseillers maîtres dès qu'ils justifieront soit douze années passées au sein du référendariat (au lieu de quatorze ans actuellement), soit dix-sept années de service comme magistrats de la Cour. Ces nouvelles règles remplacent l'avancement de classe au sein du référendariat qui conditionne aujourd'hui l'accès à la maîtrise. Parallèlement, le référendariat est érigé en grade et les première et deuxième classes sont supprimées. Cette réforme permettra aux membres de la Cour, dont la carrière est ainsi alignée sur celle des membres du Conseil d'État, de gagner deux ans dans l'accès au grade de conseiller maître.

Le rapporteur a ensuite indiqué que le projet de loi permettra d'élargir le recrutement extérieur des magistrats financiers. La Cour des comptes a en effet la particularité d'allier un recrutement en début de carrière sur le modèle des grands cabinets d'audit, et un recrutement au tour extérieur, c'est-à-dire après une première carrière, comme pour l'accès aux corps de contrôle ministériels. Le corps des membres de la Cour est ainsi constitué à la fois de jeunes diplômés entrés directement à la Cour et de magistrats ayant déjà une expérience professionnelle.

Le projet de loi propose de modifier les modalités de nomination des magistrats au tour extérieur. En premier lieu, la condition de durée de service public (quinze ans au minimum) actuellement requise pour accéder à la maîtrise au tour extérieur est supprimée, afin d'aligner les règles applicables à la Cour sur celles en vigueur au Conseil d'État. S'agissant de l'accès au référendariat, un quota minimal (un sur quatre) des emplois ouverts au tour extérieur est réservé aux rapporteurs extérieurs en activité à la Cour depuis au moins trois ans. Il s'agit de permettre aux fonctionnaires en service au sein de la juridiction qui ont montré leur aptitude à exercer les fonctions de magistrat d'être intégrés à la Cour. Par ailleurs, le projet de loi soumet les nominations au tour extérieur, qu'elles interviennent au niveau de la maîtrise ou du référendariat, à l'avis du Premier président. Destiné à tenir compte de l'expérience des candidats et des besoins du corps, cet avis ne liera pas l'autorité de nomination, le tour extérieur restant à la discrétion du Gouvernement.

Le choix et la durée de fonction des conseillers maîtres en service extraordinaire sont également modifiés. Le projet de loi élargit le recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire, actuellement centré sur les personnes exerçant la tutelle et la gestion des entreprises publiques, aux cadres supérieurs de l'État et des organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières. En outre, le nombre des conseillers maîtres en service extraordinaire passe de dix à douze, et la durée de leurs fonctions est portée de quatre à cinq ans. Ces modifications visent à renforcer et à diversifier la capacité de la Cour à mobiliser l'expertise nécessaire à l'exercice de ses compétences.

Enfin, le tour extérieur pour accéder aux chambres régionales des comptes est élargi. Le projet de loi double la part des emplois de conseillers de chambre régionale des comptes pourvus au tour extérieur, au détriment des emplois pourvus à la sortie de l'École nationale d'administration. Un tiers des postes ouverts au sein des chambres régionales seront ainsi pourvus au tour extérieur, contre un cinquième aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Dufau a souhaité avoir des précisions sur l'étendue de la concertation des organisations syndicales réalisée à l'occasion de l'élaboration de ce projet de loi, et tout spécialement sur son volet disciplinaire. Il a ensuite demandé si le texte alignait dans son intégralité le déroulement de carrière des magistrats de la Cour sur celui des membres du Conseil d'État. Tout en se réjouissant de l'élargissement du recrutement des membres de la Cour au tour extérieur, gage d'un bon « amalgame » - au sens où l'entendait Carnot, initiateur de ce brassage de la jeunesse avec l'expérience - entre jeunes diplômés et magistrats confirmés, il s'est également enquis de la publicité donnée ou pas à l'avis du Premier président concernant les personnes pressenties, ainsi que de sa communication aux intéressés. Enfin, après avoir insisté sur le fait que le texte permettait d'intégrer des experts au sein de la Cour au lieu de seulement les associer, il a voulu connaître la date d'examen du projet de loi en séance publique.

Après avoir indiqué que l'examen du projet de loi en séance publique pourrait avoir lieu le 13 juin prochain, le rapporteur a précisé que le texte a été soumis à la commission consultative de la Cour des comptes qui est, en l'état du droit, l'organe chargé de donner un avis sur les questions touchant à l'organisation et au fonctionnement de la juridiction. Il a confirmé le fait que le projet vise clairement à aligner la carrière des membres de la Cour sur celle des membres du Conseil d'État, et à renforcer la présence, à côté des magistrats recrutés à la sortie de l'École nationale d'administration, de magistrats intégrés après une première carrière passée à l'extérieur de la Cour. Il a en outre indiqué que le projet permettra à la juridiction d'augmenter sa capacité d'expertise, notamment en facilitant le recrutement des personnes, issues du secteur public comme du secteur privé, ayant dirigé des organismes soumis à son contrôle. Il a enfin précisé que, si le projet de loi prévoit que le sens l'avis du Premier président sur les nominations au tour extérieur sera publié au Journal officiel, l'avis lui-même ne fera pas l'objet d'une publicité mais pourra être communiqué à l'intéressé sur sa demande.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 de M. Alain Bocquet et la question préalable n° 1 du même auteur, la Commission est passée à l'examen des articles.

Article 1er (art. L. 112-5 et L. 112-6 du code des juridictions financières) : Recrutement et durée de fonctions des conseillers maîtres en service extraordinaire :

La Commission a tout d'abord adopté deux amendements du rapporteur visant, le premier, à étendre le recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire à l'ensemble des corps de contrôle ministériels, le second, à élargir ce même recrutement aux responsables des organismes privés soumis au contrôle de la Cour.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du même auteur.

La Commission a alors adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 112-8 du code des juridictions financières) : Remplacement de la commission consultative de la Cour des comptes par un conseil supérieur de la Cour des comptes :

La Commission a adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur puis l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 120-1 à L. 120-3 [nouveaux] du code des juridictions financières) : Statut des magistrats de la Cour des comptes :

La Commission a adopté un amendement de forme du rapporteur donnant un intitulé au chapitre préliminaire inséré par le projet de loi au sein du titre II du livre Ier du code des juridictions financières.

Elle a également adopté un amendement du même auteur visant à étendre aux membres de la Cour des comptes le devoir de réserve prévu pour les membres du Conseil d'État.

La Commission a ensuite adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 122-1-1 [nouveau] du code des juridictions financières) : Avancement des magistrats :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. L. 122-2 du code des juridictions financières) : Accès à la maîtrise :

Le rapporteur ayant observé qu'il n'était pas légitime de maintenir un quota de postes vacants de conseillers maîtres pour les fonctionnaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie depuis que la Cour des comptes avait acquis son autonomie budgétaire à l'égard de celui-ci, la Commission a adopté un amendement qu'il lui a présenté afin de supprimer la disposition instituant un tel quota.

Elle a ensuite adopté un autre amendement du rapporteur visant à maintenir l'imputation des emplois de conseillers maîtres réservés aux magistrats de chambre régionale des comptes sur les postes vacants réservés aux conseillers référendaires.

Puis, la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 122-2-1 [nouveau] du code des juridictions financières) : Promotion des conseillers référendaires au grade de conseiller maître :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. L. 122-4 du code des juridictions financières) : Promotion des magistrats des chambres régionales des comptes choisis pour occuper un emploi de président de chambre régionale des comptes :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 122-5 du code des juridictions financières) : Accès au référendariat :

Le rapporteur a présenté un amendement ouvrant le quota d'emplois de conseillers référendaires au tour extérieur réservé aux rapporteurs extérieurs à l'ensemble des fonctionnaires ayant exercé de telles fonctions au cours de leur carrière, et non pas seulement à ceux exerçant de telles fonctions au moment de l'accès au référendariat.

Après avoir adopté cet amendement, la Commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 (art. L. 122-6 [nouveau] du code des juridictions financières) : Avis du Premier président sur les nominations au tour extérieur :

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10 (art. L. 123-1 à L. 123-17 [nouveaux] du code des juridictions financières) : Régime disciplinaire des magistrats de la Cour des comptes :

Après avoir adopté six amendements rédactionnels et deux amendements de précision présentés par le rapporteur, la Commission a adopté un amendement du même auteur fixant les conditions de la retenue effectuée sur la rémunération d'un magistrat suspendu de ses fonctions. Elle a ensuite adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11 (art. L. 212-11 du code des juridictions financières) : Suppression de l'intervention du ministre chargé des finances dans la délégation des magistrats des chambres régionales des comptes dans les fonctions du ministère public :

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12 (art. L. 223-1 du code des juridictions financières) : Exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats des chambres régionales des comptes délégués dans les fonctions du ministère public :

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13 (art. L. 212-19 du code des juridictions financières) : Fonctionnement du conseil supérieur des chambres régionales des comptes :

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 221-2 du code des juridictions financières) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, puis elle a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Articles 15 et 16 (art. L. 221-4 et L. 221-7 du code des juridictions financières) : Accès au corps des magistrats de chambres régionales des comptes au tour extérieur :

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Puis, la Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur clarifiant les conditions de nomination des membres de la commission de sélection des magistrats des chambres régionales des comptes recrutés au tour extérieur et l'article 16 ainsi modifié.

Articles 17 et 18 (art. L. 112-1, L. 112-3 et L. 122-3 du code des juridictions financières et décret du 30 mars 1852) : Abrogations :

La Commission a adopté l'article 17 sans modification.

Puis, après avoir adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur de référence, la Commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19 : Dispositions transitoires :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, ainsi qu'un amendement du même auteur prolongeant le mandat de la commission consultative de la Cour des comptes pour éviter un vide juridique entre la publication de la loi et de ses décrets d'application.

La Commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Désignation d'un rapporteur sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale.

M. Bernard Derosier a rappelé qu'il était de coutume que les modifications du Règlement de l'Assemblée nationale n'interviennent qu'au terme d'un consensus entre la majorité et l'opposition, à l'issue de débats au sein de groupes de travail pluralistes. Il a regretté que, pour la première fois depuis vingt-huit ans qu'il est parlementaire, tel ne soit pas le cas des propositions de résolution présentées par le président Debré, dont certaines ne recueillent pas l'approbation du groupe socialiste.

Le président Philippe Houillon a précisé que les propositions du président Debré avaient été évoquées à plusieurs reprises en conférence des présidents où l'ensemble des groupes est représenté et que le président Debré s'était par ailleurs entretenu de ce sujet avec des députés de tous les groupes. Il a rappelé qu'il appartiendra à la commission des Lois d'établir un texte reprenant tout ou partie de ces propositions.

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Information relative à la Commission

La Commission a alors désigné M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur sur les propositions de résolution de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier le Règlement (n° 2791 à 2801).

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