Accueil > Archives de la XIIe législature > Comptes rendus de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale (2006-2007)

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COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION
GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

Jeudi 1er février 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 30

Présidence de M. Philippe Houillon,
Président

Examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat, instituant la fiducie (n° 3385) (M. Xavier de Roux, rapporteur)

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Xavier de Roux, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, instituant la fiducie (n° 3385).

M. Xavier de Roux, rapporteur, s’est félicité qu’après plusieurs tentatives avortées, le Parlement s’apprête enfin à introduire la fiducie dans notre droit. Il a indiqué que l’initiative n’en revient pas au Gouvernement, même si ce dernier avait constitué un groupe de travail sur la question en février 2005, mais au rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, auteur d’une proposition de loi qui a été adoptée en première lecture par les sénateurs, le 17 octobre 2006, et sur laquelle il revient désormais à l’Assemblée nationale de se prononcer.

D’origine romaine, la fiducie est l’un des plus anciens contrats réels visant soit à la gestion d’un patrimoine (fiducie cum amico), soit à la garantie d’une créance (fiducie cum creditore). Si elle a évolué dans sa forme, ses principes sont fondamentalement restés inchangés : il s’agit toujours, pour le titulaire de droits sur un patrimoine (le « constituant »), de consentir un transfert de tout ou partie de ses droits vers le patrimoine d’un tiers (le « fiduciaire »), pour le bénéfice d’une troisième personne (le « bénéficiaire »).

Aujourd’hui, la France reste l’un des rares pays européens à ne pas disposer de l’institution fiduciaire ou de son pendant anglo-saxon, le trust, qui se distingue de la fiducie par la séparation qu’il instaure entre contrôle des biens et jouissance qu’ils procurent. Tant le mécanisme de droit romain que celui de la common law anglo-saxonne se révèlent d’une grande souplesse d’utilisation, particulièrement efficace dans un cadre commercial ou pour un financement international.

Le contexte juridique communautaire et international pousse à l’évolution de notre droit interne. Tout d’abord, la France, qui a signé la convention de la Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, ne pourra éternellement repousser l’échéance de sa ratification. Ensuite, le Parlement européen a adopté, le 15 novembre 2001, une résolution invitant à l’harmonisation des droits des États membres dans divers domaines, dont celui des trusts. Enfin, le 2 mai 2003, la Commission européenne a établi un contrat type de trust applicable aux rapprochements soumis à autorisation de sa direction générale de la concurrence, de sorte que les groupes français appelés à se restructurer au niveau européen disposent d’opportunités qui n’existent pas au niveau national.

Le rapporteur a considéré qu’il serait pourtant injuste de conclure que les gouvernements français successifs n’ont pas pris conscience de la nécessité de faire évoluer notre législation en vue de permettre le recours à des mécanismes de type fiduciaires ou assimilés.

En premier lieu, plusieurs projets ou avant-projets de loi ont bien été rédigés afin d’instaurer un régime général de fiducie, en 1989, en 1992 et en 1994, mais ils n’ont pas abouti en raison de multiples préventions liées à des considérations fiscales et juridiques. La fiducie a longtemps été perçue comme un moyen d’évasion fiscale et de blanchiment de capitaux, faute de garanties suffisamment solides. Tel ne doit plus être le cas, surtout au regard des dispositions inscrites dans la proposition de loi.

En second lieu, le droit français a progressivement incorporé des mécanismes juridiques se rapprochant étroitement de la fiducie dans leurs caractéristiques, sans toutefois en posséder la dénomination, à l’instar de la vente à réméré, des cessions « Dailly », du prêt de titres ou encore de la remise d’instruments financiers. Il n’en demeure pas moins que ces instruments très spécifiques ne permettent pas de couvrir une étendue de situations aussi vaste que la fiducie.

Le rapporteur a estimé que l’adoption par le Sénat de la proposition de loi instituant la fiducie constitue en soi un événement. Jamais, jusqu’alors, les deux assemblées n’avaient eu l’occasion de débattre d’un texte consacré à ce sujet. Surtout, jamais la création d’un régime juridique propre à la fiducie dans le droit civil français n’avait été aussi proche.

Les travaux du Sénat ont permis de donner à l’institution fiduciaire suffisamment de flexibilité pour assurer son succès auprès des praticiens.

En effet, alors que le texte distinguait initialement les deux finalités reconnues à la fiducie à la française, à savoir la gestion et la constitution d’une sûreté, il a finalement été décidé de lui attribuer un cadre unique, plus large et plus souple d’emploi. Rien n’interdira donc à un même contrat de fiducie de poursuivre à la fois des buts de gestion et de garantie.

De même, les sénateurs ont veillé à maintenir le nécessaire équilibre entre flexibilité et garanties contre un usage frauduleux, en interdisant la fiducie constituée à des fins de libéralité, à peine de nullité, en limitant la portée du droit des titulaires de créances sur le patrimoine fiduciaire aux seules créances nées de la conservation ou de la gestion de celui-ci ou en prohibant le transfert de biens dans un patrimoine au cours de la période suspecte des procédures collectives.

Il convient également de souligner que la qualité de fiduciaire a été limitée aux seuls organismes financiers agréés, alors que la proposition de loi offrait un éventail assez large de possibilités, compte tenu du fait que tant les personnes physiques que les personnes morales pouvaient exercer cette fonction.

Le rapporteur a fait valoir que sur le plan fiscal également d’importantes garanties ont été prévues.

Ainsi, s’agissant de l’enregistrement et de la publicité foncière, tous les actes constatant la formation, la modification ou l’extinction d’un contrat de fiducie, ainsi que le transfert de biens et de droits complémentaires au fiduciaire, devront être soumis à la formalité de l’enregistrement.

En matière de taxation directe, le Sénat a veillé à ce que le constituant soit imposé sur les résultats de la fiducie, imposition qui se trouvera imputée sur l’impôt sur les sociétés uniquement, compte tenu de l’exclusion des personnes physiques du champ de la fiducie.

Pour ce qui concerne l’application de la taxe sur la valeur ajoutée, c’est le fiduciaire qui devra acquitter cette taxe, dont l’assise portera sur son activité au titre de la fiducie. Il sera également redevable de la taxe professionnelle et de la taxe foncière, au titre de la fiscalité locale.

Les sénateurs se sont par ailleurs préoccupés de lever toutes suspicions éventuelles en promouvant la transparence de l’instrument fiduciaire. Un article de la proposition de loi traite plus particulièrement de la traçabilité des documents comptables concernant la fiducie. De la même manière, d’importantes précautions ont été prises en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, avec :

— premièrement, la soumission des fiduciaires, ainsi que des professions juridiques ou judiciaires les assistant, à l’obligation de déclarer les sommes ou les opérations fiduciaires soupçonnées d’être d’origine illicite ;

— deuxièmement, la création d’un registre national recensant l’ensemble des contrats de fiducie, de manière à centraliser les informations et permettre, en tant que de besoin, un suivi plus efficace des services de l’État chargés de lutter contre les activités de blanchiment de capitaux ;

— troisièmement, la restriction aux seules personnes résidant dans un État de l’Union européenne ou dans un État ayant conclu une convention fiscale prévoyant une clause d’assistance administrative de la possibilité de constituer une fiducie de droit français.

Au total, le dispositif a considérablement été encadré par le Sénat, de sorte que les inquiétudes qui ont parfois pu se faire jour sur les détournements possibles de la fiducie devraient être dissipées. Ainsi conçue, la fiducie ne sera ni un trust, ni un instrument de fiscalité, mais bien un outil juridique au service des sociétés françaises.

Le rapporteur a toutefois admis que certains aspects du texte peuvent nourrir à bon droit une certaine insatisfaction ou, à tout le moins, une certaine déception. Il a cité, à cet égard, deux dispositions plus ou moins directement inspirées par le Gouvernement : l’interdiction de la fiducie à fin de libéralité, d’une part, et la limitation du recours à la fiducie aux seules personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés, d’autre part.

Déclarant comprendre l’argument selon lequel la récente réforme du droit des successions et des libéralités, entrée en vigueur au 1er janvier 2007, apporte d’ores et déjà plus de souplesse et qu’il faut certainement se donner un peu de recul avant d’envisager d’introduire une fiducie-libéralité, qui fatalement ébranlerait notre droit des successions, il s’est montré davantage circonspect vis-à-vis de la restriction du bénéfice des fiducies aux seules personnes morales contrôlées par l’administration fiscale. Cette disposition lui a paru constituer une précaution excessive, la fiducie ne pouvant, selon lui, se réduire à un instrument juridique au service des entreprises. Il a souligné que les personnes physiques sont tout autant fondées, sous certaines conditions, à y prétendre.

Constatant néanmoins l’extrême attachement du Gouvernement au maintien de ces restrictions, ce dernier ayant été jusqu’à conditionner la poursuite de la navette à leur vote par le Sénat, le rapporteur a jugé qu’il serait hasardeux, pour ne pas dire fatal à l’aboutissement de la proposition de loi, de vouloir apporter des modifications au texte, notamment au regard des contraintes du calendrier parlementaire. Pour cette raison, animé par le souhait de voir la fiducie entrer enfin en vigueur dans notre droit, il a invité la Commission à émettre un vote conforme sur la proposition de loi adoptée par le Sénat.

Puis, la Commission est passée à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier

Dispositions générales

Article 1er (art. 2011 à 2031 [nouveaux] du code civil) : Régime juridique de la fiducie :

La Commission a adopté l’article 1er sans modification.

Chapitre II

Dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux

Article 2 (art. L. 562-2-1 du code monétaire et financier) : Déclaration de sommes ou d’opérations soupçonnées d’être illicites :

La Commission a adopté l’article 2 sans modification.

Chapitre III

Dispositions fiscales

Article 3 (art. 635, art. 668 bis, art. 1115, art. 1020, art. 1133 quater [nouveau], art. 1378 septies [nouveau] du code général des impôts) : Régime applicable en matière d’enregistrement et de publicité foncière :

La Commission a adopté l’article 3 sans modification.

Article 4 (art. 792 bis [nouveau] et art. 792 ter [nouveau] du code général des impôts) : Garanties contre la fraude et l’évasion fiscales :

La Commission a adopté l’article 4 sans modification.

Article 5 (art. 150-0 D, art. 150-0 D bis, art. 150 VB du code général des impôts) : Régime applicable aux titulaires de droits sur la fiducie non soumis à l’impôt sur les sociétés :

La Commission a adopté l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. 223 V à art. 223 VI [nouveaux] du code général des impôts) : Régime applicable aux titulaires de droits sur la fiducie soumis à l’impôt sur les sociétés :

La Commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7 (art. 54 septies du code général des impôts) : Obligations déclaratives :

La Commission a adopté l’article 7 sans modification.

Article 8 (art. 256, art. 257, art. 266, art. 268 et art. 285 A [nouveau] du code général des impôts) : Régime applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

La Commission a adopté l’article 8 sans modification.

Article 9 (art. 1400, art. 1467, art. 1476 et art. 1518 C [nouveau] du code général des impôts) : Régime applicable en matière de fiscalité locale :

La Commission a adopté l’article 9 sans modification.

Article 10 (art. L. 12, art. L. 13, art. L. 53, art. L. 64 C [nouveau], art. L. 68, art. L. 73, art. L. 96 F [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Droit de contrôle et de communication :

La Commission a adopté l’article 10 sans modification.

Article 11 (art. 1729 du code général des impôts) : Majoration des droits en cas de découverte d’une fiducie-libéralité :

La Commission a adopté l’article 11 sans modification.

Chapitre IV

Dispositions comptables

Article 12 : Obligations comptables :

La Commission a adopté l’article 12 sans modification.

Chapitre V

Dispositions communes

Article 13 : Obligation de résidence du constituant et du fiduciaire :

La Commission a adopté l’article 13 sans modification.

Article 14 : Utilisation de la fiducie aux fins de couvrir des risques d’assurance ou de réassurance :

La Commission a adopté l’article 14 sans modification.

Article 15 : Droit de communication des documents aux autorités administratives et judiciaires :

La Commission a adopté l’article 15 sans modification.

Article 16 (art. 2328-1 [nouveau] du code civil) : Constitution, gestion et réalisation des sûretés réelles pour le compte de plusieurs créanciers :

La Commission a adopté l’article 16 sans modification.

Article 17 (art. 1596 du code civil) : Coordination au sein du code civil :

La Commission a adopté l’article 17 sans modification.

Article 18 (art. L. 233-10 et art. L. 632-1 du code de commerce) : Coordinations au sein du code de commerce :

La Commission a adopté l’article 18 sans modification.

Elle a ensuite adopté l’ensemble de la proposition de loi sans modification.