COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 23 juillet 2002
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Henri Proglio, président du directoire de Vivendi Environnement

2

   

La commission a entendu M. Henri Proglio, président du directoire de Vivendi Environnement.

M. Patrick Ollier, président, après avoir souligné que les activités du groupe Vivendi Environnement concernaient les secteurs de l'eau, des déchets, de l'énergie et des transports qui recoupent largement le champ de compétences de la commission de la production et des échanges, a souhaité que soit présentée la situation financière du groupe. Il a également demandé des précisions sur les liens existant entre Vivendi Environnement et Vivendi Universal ainsi que sur l'avenir des délégations de service public conclues avec les collectivités locales. Soulignant que le Conseil de la concurrence avait récemment rendu une décision affirmant que la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux avaient exploité une position dominante collective sur les marchés de la distribution et de l'assainissement de l'eau, par la mise en place de filiales communes, il a également souhaité savoir quelles mesures le groupe comptait prendre à ce sujet. Il a enfin rappelé le vif intérêt de la commission pour les questions relevant du champ d'activité de Vivendi Environnement et a manifesté l'espoir que les informations recueillies au cours de cette audition permettraient aux commissaires d'engager des réflexions, éventuellement dans le cadre de missions d'information.

M. Henri Proglio a d'abord rappelé les origines de Vivendi Environnement : entreprise héritière de la Compagnie générale des eaux, fondée en 1853, son activité s'est en premier lieu développée autour de délégations de service public dans le domaine de la distribution de l'eau, pour s'élargir à tous les métiers de l'environnement. Il a souligné que Vivendi Environnement était aujourd'hui le premier groupe mondial de services à l'environnement.

Il a ensuite précisé que l'entreprise réalisait un chiffre d'affaires annuel de 30 milliards d'euros, 70 % de ce chiffre d'affaires résultant de délégations de service public avec les collectivités territoriales et 30 % provenant de services aux entreprises industrielles, qui externalisent leur service à l'environnement auprès du groupe. Il a ajouté que 60 à 65 % de ce chiffre d'affaires était réalisé dans des pays étrangers : 70 % en Europe, 23 % en Amérique du Nord -d'où provenait l'essentiel de la croissance du groupe-, les 7 % restant se répartissant entre l'Asie, l'Australie et à un degré moindre entre l'Amérique latine et l'Afrique.

Il a souligné que, si la croissance du groupe était aujourd'hui tirée par les marchés européens, elle proviendrait, dans les prochaines années, des marchés asiatiques, notamment en Corée, à Taiwan, à Singapour et en Chine, et, dans une moindre mesure, des marchés nord-américains. A titre d'exemple, il a évoqué deux contrats de gestion de l'eau très importants, celui de la ville d'Indianapolis, aux États-unis, et celui de la ville de Shanghai, en Chine.

Indiquant que l'entreprise employait environ 300 000 personnes, dont environ 100 000 en France, et que le groupe était, à ce titre, le premier employeur privé français, il a souligné l'importance des racines françaises de Vivendi Environnement dans le cadre de ses ambitions internationales.

Précisant quelles étaient les composantes de l'activité du groupe, M. Henri Proglio a indiqué que le métier du service à l'environnement se déclinait selon quatre axes : un pôle « eau », qui va de la production à la distribution, de l'eau potable au traitement des eaux usées, l'entreprise étant numéro un mondial dans ce secteur ; un pôle « déchets et propreté », qui va de la collecte au traitement et à la valorisation des déchets ménagers et industriels, que les déchets soient toxiques ou non. L'entreprise est au troisième rang mondial dans ce secteur, derrière deux entreprises américaines qui n'opèrent que sur le territoire américain et uniquement au niveau de la collecte et de la mise en décharge. Le troisième axe est le pôle « transports publics de voyageurs » pour le compte de collectivités publiques, dans une logique d'aménagement urbain. Vivendi Environnement est le premier opérateur privé européen dans ce domaine et opère tant en France, qu'en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Scandinavie, en Suisse, en Slovénie, en République tchèque, en Australie, dans de nombreux pays d'Amérique Latine et aux États-unis, où le groupe a triplé son chiffre d'affaires en 12 mois. Enfin, le quatrième axe est celui de l'énergie, Vivendi Environnement étant le premier groupe européen de gestion de services énergétiques. M. Henri Proglio a souligné que le groupe n'avait aucune activité de production d'énergie sauf sur sites industriels ou pour des collectivités locales, où il effectuait de la cogénération par valorisation pour un client unique.

Il a rappelé que cette limitation d'activité était volontaire en raison des surcapacités existant en matière de production d'énergie et parfaitement adaptée avant l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence. Il a précisé que l'entreprise avait su anticiper cette ouverture, en ne reniant pas sa stratégie, mais en s'alliant avec EDF, afin de pouvoir accéder à un prix raisonnable à l'énergie primaire. Il a indiqué que les ambitions et les intérêts des deux grands groupes étant convergents, sinon complémentaires, un accord de coopération industrielle avait été signé en juillet 2000, à travers l'ouverture du capital de sa filiale Dalkia, les deux entreprises s'ouvrant ainsi mutuellement les portes de nouveaux marchés. Il a précisé que cet accord était opérationnel depuis le 1er janvier 2001, après que le Conseil de la concurrence français et les autorités européennes aient donné leur accord, et que les résultats étaient pour le moment très positifs.

Il a ensuite souligné que les priorités environnementales des gouvernements européens, telles qu'exposées lors du conseil européen des ministres de l'environnement à Porto en 2000, recoupaient pleinement les activités du groupe, à savoir, par ordre de priorité, les transports publics, la gestion des déchets, l'eau et l'énergie. Il a souligné qu'un sondage réalisé en France faisait état de préoccupations similaires au niveau français. Il a donc considéré que Vivendi Environnement était à même de répondre à cet ensemble de priorités.

Il a par ailleurs précisé que le développement des métiers de Vivendi Environnement était en grande partie lié au mouvement de concentration des populations dans les zones urbaines, puisque, dans dix à vingt ans, les deux tiers de la population mondiale seraient concentrés dans les villes, et que les préoccupations environnementales, si elles n'étaient pas absentes des campagnes, étaient beaucoup plus aiguës en milieu urbain, ce qui expliquait qu'elles dominent aujourd'hui le débat politique.

Dans ce cadre, il s'est réjoui des atouts du groupe, qui dispose de compétences affirmées et de la confiance de ses clients, collectivités et industriels, investit largement dans la recherche et la formation et connaît une croissance soutenue dans les zones géographiques les plus porteuses. Il a précisé que le carnet de commande de l'entreprise représentait quatorze années de chiffre d'affaires, ce qui lui garantissait une grande visibilité et son chiffre d'affaires pour la même durée.

En réponse aux interrogations de M. Patrick Ollier, président de la commission, M. Henri Proglio a ensuite commenté les récents développements liés à l'actualité concernant Vivendi Universal. Il a indiqué que la Générale des Eaux, intervenant initialement dans le métier des services à l'environnement, avait commencé à développer ses activités dans le domaine de la communication dès le début des années 1980, pour répondre aux demandes des collectivités locales en matière de cablo-distribution. En 1984, a-t-il ajouté, a été émise l'idée d'une chaîne à péage Canal plus, et la Générale des Eaux a tenu à participer à ce projet qui préfigurait ce que seraient plus tard les chaînes câblées. Puis, en 1987, suite à l'ouverture à la concurrence du secteur de la téléphonie mobile, l'entreprise a créé SFR.

Ainsi, a souligné M. Henri Proglio, les activités de Vivendi dans le domaine de la communication datent des années 80 et préexistaient à l'arrivée de M. Jean-Marie Messier, même si celui-ci a donné une nouvelle tournure à la politique de l'entreprise dans ce domaine, en investissant davantage dans les contenus que dans les contenants, à partir du rapprochement de l'entreprise avec Seagram en 2000.

M. Henri Proglio a indiqué que cette politique avait abouti à la scission du groupe, puisque Vivendi Environnement était coté à la Bourse de Paris depuis juillet 2000 et à la Bourse de New York depuis le 5 octobre 2001. Il a précisé que Vivendi Universal détenait à l'époque 72 % du capital de Vivendi Environnement contre 63 % au début de l'année 2002.

Il a par ailleurs indiqué que, au cours du mois de juin 2002, Vivendi Environnement avait pris la décision d'acquérir une plus grande indépendance, cela se traduisant par la mise sur le marché de 15 % du capital du groupe détenus par Vivendi Universal, pour un montant de 2 milliards d'euros, et par une augmentation de capital de 1,5 milliard d'euros, la participation de Vivendi Universal tombant ainsi à 40 %. Il a souligné que l'opération avait été achevée avec succès le 17 juillet 2002, dans un contexte boursier pourtant incertain.

Il a précisé que Vivendi Environnement était donc aujourd'hui détenue à 60 % par des investisseurs indépendants. Parmi ceux-ci figurent un certain nombre d'investisseurs institutionnels, notamment la Société Générale, le Crédit Lyonnais, la Caisse des Dépôts et Consignations, BNP-Paribas, Groupama, Natexis-Banques Populaires, Dexia et les AGF, qui détiendront entre 13 et 15 % du capital, afin de renforcer l'ancrage français de l'entreprise. Il a ajouté que des fonds de pension européens et nord-américains étaient présents, ainsi que des petits porteurs, essentiellement français, à hauteur d'environ 15 %. Il a par ailleurs noté que Vivendi Universal s'était engagé à conserver sa part de 40 % du capital de Vivendi Environnement pendant une période de dix-huit mois.

Il a tenu à souligner que les problèmes actuels de Vivendi Universal ne sauraient nuire à la crédibilité de Vivendi Environnement, société aujourd'hui largement indépendante, considérée comme solvable et solide par les investisseurs et ses clients ; c'est pourquoi le groupe ne présente aucun risque de défaillance dans les contrats qui le lient aux collectivités locales qu'il respectera intégralement.

Enfin, concernant le récent communiqué du Conseil de la concurrence relatif aux sociétés mixtes de gestion de l'eau, M. Henri Proglio a estimé qu'il n'avait aucun commentaire à apporter. Il a malgré tout tenu à rappeler le contexte de la décision, qui concerne principalement deux sociétés détenues depuis le début des années 1950 à égalité par la Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux, la Société des Eaux de Marseille et la Société des Eaux du Nord. Il a précisé que la création de ces deux sociétés résultait de la volonté politique des deux responsables locaux de l'époque, relayée et soutenue aujourd'hui par MM. Gaudin et Mauroy.

Il a indiqué qu'il se plierait aux injonctions du Conseil de la concurrence et des élus locaux lorsque celles-ci seraient formulées, ce qui n'était pas encore le cas. Il a en outre souligné que l'enquête du Conseil de la concurrence concluait à l'absence d'entente entre les deux sociétés et ne prévoyait donc aucune sanction, tout en demandant à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'examiner l'éventualité d'un démantèlement de ces filiales communes, ce qui paraissait pour le moins contradictoire.

Il a enfin rappelé qu'en tant que prestataire de services, Vivendi Environnement était avant tout aux ordres des collectivités concédantes mais se rangerait à l'avis du ministre.

Après avoir remercié M. Henri Proglio pour la clarté de son exposé, M. Patrick Ollier, président, a noté avec satisfaction le souci exprimé par celui-ci de respecter la volonté des collectivités concédantes.

Puis, M. Claude Gatignol a souhaité que M. Henri Proglio apporte des précisions sur les points suivants :

- les principaux concurrents de Vivendi Environnement dans le monde ;

- l'évolution de la structure du capital du groupe dans la perspective d'un désengagement plus important de Vivendi Universal à l'horizon de dix-huit mois ;

- le niveau d'endettement du groupe et la capacité de celui-ci à faire face à ses charges financières ;

- les perspectives de renouvellement des contrats arrivant à leur terme ;

- les principaux marchés d'avenir ;

- l'évolution du cadre normatif dans le domaine de l'environnement et en particulier les perspectives de mise en _uvre des dispositions de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets interdisant à compter du 1er juillet 2002 la mise en décharge des déchets non-ultimes, aujourd'hui appliquées de manière brutale et qui risquent d'entraîner une explosion des coûts pour les collectivités locales ;

- les perspectives de développement de nouvelles fibres optiques permettant les échanges de données à haut débit ;

- l'éventuelle modification du nom du groupe.

M. Pierre Ducout a tout d'abord rappelé l'attachement des élus à l'ancrage français de Vivendi Environnement et a souligné la nécessité que celui-ci soit préservé. Puis, il a souhaité savoir quelles étaient les perspectives de coopération entre Vivendi Environnement et Electricité de France (EDF) dans l'éventualité annoncée d'une ouverture du capital d'EDF et compte tenu de l'intérêt que présente la constitution d'une offre multi-services et multi-énergies.

Il a ensuite estimé que Vivendi Environnement n'entendant pas se développer dans la production d'électricité, notamment compte tenu des surcapacités existantes, le groupe ne serait pas concerné par une éventuelle évolution des tarifs de l'obligation d'achat notamment pour l'électricité issue de la cogénération.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution de la note attribuée à Vivendi Environnement, abaissée la veille par l'agence de notation Moody's, et sur ses conséquences financières.

Après avoir demandé des précisions complémentaires sur le devenir des filiales communes entre la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux, M. Pierre Ducout a également sollicité des précisions sur les conséquences de l'accord cadre par lequel Danone confie la gestion de l'eau et de l'énergie pour l'ensemble de ses sites dans le monde au groupe Suez.

Soulignant les succès enregistrés par le modèle français de coopération entre les autorités publiques et le secteur privé, il a souhaité savoir quelles étaient ses perspectives de développement dans le monde et notamment en Asie.

Puis, il a rappelé que les questions évoquées lors de l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture, du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau restaient d'actualité malgré l'abandon de ce texte par le Gouvernement. Il a en conséquence souhaité que M. Henri Proglio fasse part de son analyse quant à la durée des contrats de délégation de service public, que les députés avaient souhaité porter à dix ans, et quant aux perspectives de régulation du marché de l'eau, tâche que le projet de loi envisageait de confier à un Haut conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur la mise en _uvre de la réduction du temps de travail dans le groupe Vivendi Environnement.

Puis, M. Jean-François Régère a interrogé M. Henri Proglio sur :

- les garanties assurant l'indépendance de Vivendi Environnement par rapport à Vivendi Universal ;

- le poids pour Vivendi Environnement de la dette transmise par Vivendi Universal et ses conséquences sur le prix de l'eau ;

- la réalité de la concurrence sur le marché français de l'eau, compte tenu notamment de la décision du Conseil de la concurrence intervenue à propos des filiales communes entre la Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux ;

- les perspectives de renforcement, au niveau mondial, de l'efficacité du pôle de compétence français dans le domaine de l'eau.

Puis, M. Jean Proriol a souhaité que soit exposée de façon plus détaillée la genèse de l'accord de partenariat entre EDF et Vivendi Environnement, et s'est interrogé sur l'éventuel impact que la privatisation prochaine d'EDF pourrait avoir sur la pérennité de ce partenariat. S'agissant des déchets ménagers, il a constaté que le coût de leur traitement était croissant pour les collectivités locales et a demandé s'il en était de même à l'échelle internationale. Enfin, il s'est interrogé sur les conditions qui ont conduit Vivendi Environnement à ne pas voler au secours de son actionnaire principal, et sur la stratégie mise en _uvre pour préserver Vivendi Environnement des difficultés qu'a connues récemment Vivendi Universal.

M. Christian Bataille, évoquant l'accord de partenariat conclu avec EDF, a souhaité savoir si des accords de même type étaient envisagés avec les grandes entreprises du secteur du gaz.

M. Léonce Deprez s'est déclaré choqué qu'une entreprise comme Vivendi Environnement, qui occupe une si grande place dans la fourniture de services aux collectivités locales françaises, disperse ses efforts dans une stratégie internationale, qui la conduit même à rechercher des sources de financement sur les marchés financiers de New York. Il a demandé s'il n'était pas temps d'en revenir à une gestion un peu moins aventureuse et médiatisée, qui rassurerait les élus locaux sur la solidité de l'entreprise. Il a en outre souhaité savoir si Vivendi Environnement maîtrisait réellement le capital de ses filiales.

En réponse aux intervenants, M. Henri Proglio a apporté les précisions suivantes :

- il a été décidé d'introduire Vivendi Environnement à la Bourse de New York car cette place financière constitue le plus grand pourvoyeur de capitaux du monde. La France n'est plus aujourd'hui capable de fournir les ressources financières nécessaires au développement de ses entreprises nationales ; une réflexion devrait d'ailleurs être menée sur cette importante question, tant il est vrai que la force économique d'un pays résulte aujourd'hui largement de la présence de grandes entreprises disposant de réelles capacités de financement ;

- les filiales de Vivendi Environnement sont, à l'exception de Dalkia, détenues à 100 % par le groupe ;

- Vivendi Environnement a très peu de concurrents mondiaux car il est le seul groupe capable d'être présent sur les quatre secteurs que sont l'eau, l'énergie, la propreté et les transports. On peut citer néanmoins le groupe franco-belge Suez, bien implanté en France et l'entreprise d'électricité allemande, RWE, qui a réalisé des investissements très importants dans le secteur de l'eau. Les entreprises allemandes bénéficient d'ailleurs d'un avantage sensible face à la concurrence, leur capital étant détenu en partie par les collectivités locales ; elles bénéficient en outre de capacités financières considérables, puisqu'elles ont la possibilité de conserver dans leur bilan les provisions pour retraites ; enfin elles tirent sans doute parti de la politique de l'Office des cartels d'outre-Rhin, qui est moins rigoureuse que celle du Conseil de la concurrence en France. Vivendi Environnement a en revanche des concurrents locaux dans certains pays selon les segments de marché concernés ; on peut ainsi citer Mitsubishi au Japon, les groupes américains dans le secteur des déchets ou les groupes britanniques dans celui des transports ;

- s'agissant des contrats conclus avec les entreprises industrielles, il faut remarquer que celui qui a été passé par Suez avec Danone peut être considéré comme « d'une taille moyenne », mais que d'importants contrats d'externalisations industrielles portant au total sur 10 milliards d'euros par an ont été conclus par Vivendi Environnement, notamment avec Novartis (150 millions d'euros par an) ou encore Arcelor ;

- la question de la répartition du capital de Vivendi Environnement ne doit pas susciter d'inquiétudes, comme le prouve le fait que le groupe est parvenu à reclasser 23 % de son capital en bourse en trois semaines, dans un contexte boursier pourtant difficile. La réussite de cette opération ne peut qu'inspirer une certaine sérénité à court terme et notamment pour les dix-huit mois à venir, période durant laquelle Vivendi Universal ne pourra se défaire des 40 % du capital de Vivendi Environnement qu'il détient. Les candidats investisseurs ne feront pas défaut, y compris peut-être chez les « institutionnels » français ; il faudra simplement opérer un choix entre ces investisseurs potentiels, dont certains ont déjà manifesté leur volonté d'augmenter leur participation, et se tourner vers ceux qui seront les plus à même d'assurer la pérennité de l'entreprise. Sur le long terme, ce sont les performances du groupe et la confiance que la qualité de sa gestion pourra inspirer à ses actionnaires et aux collectivités locales qui assureront l'avenir de Vivendi Environnement ;

- la dette de Vivendi Environnement s'élevait à 17 milliards d'euros à la naissance du groupe. Cet endettement a été réduit grâce à l'augmentation de capital réalisée en juin 2000. A la fin de l'année 2001, l'endettement de l'entreprise était de 14,5 milliards d'euros, ce qui apparaît compatible avec les performances du groupe puisque le cash-flow libre du groupe atteint en effet 1,1 milliards d'euros. Cependant, les secteurs d'activité dans lesquels opère Vivendi Environnement nécessitent des investissements importants et rapides, rentables seulement sur une longue période, comme par exemple les 250 millions d'euros dépensés pour le marché de l'eau de Shanghai. Il est logique dès lors que le montant des investissements nécessaires à la croissance du groupe dépasse celui du cash-flow disponible ;

- le groupe a la possibilité de doubler son chiffre d'affaires dans les dix années à venir et il doit poursuivre sa croissance, s'il veut préserver sa place au niveau mondial. Dans le même temps, il doit « gérer sa dette », mais cette gestion ne doit pas freiner le développement du groupe. Il serait en effet facile d'améliorer les comptes de Vivendi Environnement de l'ordre de 400 millions d'euros en cessant tout développement ainsi que toute activité de recherche et de formation et en procédant à des restructurations ;

- s'agissant de la notation de Vivendi Environnement, il faut souligner le rôle joué actuellement par les agences de notation financière, dont l'appréciation des entreprises françaises est parfois trop sévère, ce qui peut avoir un impact négatif important sur la situation financière de ces dernières. On peut souhaiter que l'Europe se dote très rapidement d'outils de notation performants mieux adaptés à la réalité de ses entreprises ;

- le prix de l'eau est fixé par le contrat de délégation de service public ; l'opérateur ne peut donc faire évoluer ce prix à sa convenance en fonction de la situation financière de l'entreprise prestataire de services ;

- s'agissant des déchets industriels, on doit se réjouir que la France ait adopté dès le début des années 1970 une réglementation particulièrement bien adaptée. C'est d'ailleurs cette réglementation qui a contribué à faire de Vivendi Environnement et de Suez les leaders mondiaux sur le marché du traitement de ces déchets. La mise en place de normes accompagnées d'aides au traitement des déchets industriels toxiques a permis de mettre en place un système exemplaire, dont on pourrait utilement s'inspirer en matière de pollutions d'origine agricole ; il est en effet préférable d'accompagner les agriculteurs et de les responsabiliser plutôt que de les stigmatiser ;

- concernant le traitement des déchets ménagers, il faut éviter tout laxisme mais aussi se garder des effets de mode, par exemple en incitant au recyclage systématique, qui n'a pas de sens si les déchets recyclés sont incinérés par la suite. Il faut également se garder de tout laxisme. C'est donc un traitement des déchets ménagers cohérent et respectueux de l'environnement qu'il faut promouvoir, en tenant compte des progrès techniques qui ont pu être réalisés, par exemple dans le traitement des fumées d'incinération. On peut aujourd'hui anticiper le coût du traitement des déchets ménagers pour les dix années à venir ; il faut donc mettre en place un plan d'action réaliste et un calendrier crédible, contrairement à ce qui a pu être fait auparavant. Un toilettage législatif pourrait se révéler nécessaire pour revenir sur certaines insuffisances. Ainsi, l'échéance du 1er juillet 2002 imposant la mise en décharge des seuls déchets ultimes, fixée par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets, était irréaliste et tout le monde en était conscient ; de même, les plans départementaux d'élimination des déchets se sont révélés difficiles à mettre en _uvre et parfois inadaptés - on peut ainsi s'interroger sur la pertinence de cet échelon de planification pour la région Ile-de-France. C'est donc le réalisme économique et technique qui doit primer, indépendamment de tout dogmatisme et en veillant à ne pas créer de surcoûts excessifs pour les collectivités locales.

M. Claude Gatignol a alors observé que Vivendi Environnement menait une activité de recherche et développement dans le domaine de la propreté et pourrait utilement conseiller les collectivités locales sur les différentes possibilités techniques s'offrant à elles en matière de traitement des déchets ménagers.

M. Henri Proglio, président du directoire de Vivendi Environnement a apporté les précisions complémentaires suivantes :

- Vivendi Environnement s'est effectivement investie dans la recherche et les résultats des études ainsi menées sont bien évidemment à la disposition des collectivités locales ;

- le partenariat industriel conclu avec EDF est cohérent ; ses résultats sont excellents et il a vocation à perdurer. Peu importe que les actionnaires d'EDF soient publics ou privés, dès lors que cette entreprise est gérée convenablement, ce qui est le cas aujourd'hui. La coopération entre Vivendi Environnement et EDF est exemplaire et permet une bonne répartition des rôles entre les deux partenaires ;

- le coût de la cogénération dépend largement des circonstances locales et il n'est pas sûr que ce procédé donne lieu à un surcoût global ;

- Vivendi Environnement est restée fidèle au partenariat public/privé sur lequel elle a été fondée et a adopté une approche similaire sur les marchés étrangers. Vivendi Environnement a volontairement développé le modèle français dans lequel les collectivités locales restent propriétaires des infrastructures, alors que le modèle anglo-saxon est entièrement privé ;

- la durée des contrats de délégations de service public doit être notamment fixée en fonction de la période d'amortissement des investissements consentis. Le système actuel se révélant suffisamment souple et contrôlé pour donner satisfaction aux collectivités concédantes, il ne semble pas nécessaire de légiférer une fois de plus sur cette question.

En conclusion de son intervention, M. Henri Proglio a observé qu'il avait toujours été défavorable à la mise en place des 35 heures, estimant que la charge en était supportée principalement par les ouvriers et a par ailleurs indiqué que Vivendi Environnement serait probablement amenée à changer de nom.

--____--


© Assemblée nationale