COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 23 juillet 2002
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Pierre GADONNEIX, président de Gaz de France.

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La commission a entendu M. Pierre Gadonneix, président de Gaz de France.

Le président Patrick Ollier a souligné la richesse de l'actualité législative concernant Gaz de France (GDF). Il a rappelé, en premier lieu, l'urgence d'une transposition de la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

Puis, il a évoqué la modification des statuts d'Electricité de France (EDF) et de GDF souhaitée par le Président de la République et par le Premier ministre afin de permettre une ouverture minoritaire de leur capital. Il a souhaité que M. Pierre Gadonneix apporte, dans cette perspective, des précisions sur les points suivants :

- le calendrier le plus opportun pour réaliser, d'une part, la modification du statut et, d'autre part, l'ouverture du capital ;

- les conséquences de l'évolution actuelle des marchés financiers sur cette opération ;

- les éléments disponibles sur la valeur de GDF ;

- les modalités envisagées pour garantir le statut des personnels et leur régime de retraite ;

- le sentiment dominant des personnels quant à l'évolution envisagée du statut ;

- le projet industriel dans lequel s'inscrirait l'ouverture du capital et les partenaires susceptibles de participer à cette opération.

M. Pierre Gadonneix, président de Gaz de France, a souhaité, avant de répondre aux questions, rappeler le contexte économique et réglementaire actuel ainsi que la stratégie de l'entreprise.

Il a tout d'abord rappelé que le contexte économique actuel était marqué par le développement de la consommation du gaz naturel, tant au niveau mondial qu'aux niveaux européen et national, le gaz naturel représentant aujourd'hui 20 % de la consommation mondiale d'énergie, 22 % de la consommation européenne et 14 % de la consommation française. Il a observé que cette consommation était en constante progression, particulièrement en Europe, où elle augmente de 3 à 4 % par an alors que la consommation énergétique globale progresse très faiblement, et a souligné que l'augmentation de la consommation de gaz naturel se faisait donc au détriment d'autres énergies, et notamment du charbon, énergie épuisée en France, mais aussi du fuel.

M. Pierre Gadonneix a ensuite rappelé que le gaz naturel était une ressource relativement abondante, par rapport au pétrole puisque, selon les prévisions, et sous réserve de découvertes de nouveaux gisements, les réserves de pétrole seront, au rythme actuel de la consommation, épuisées d'ici quarante à cinquante ans alors que celles de gaz naturel pourront satisfaire la demande pendant encore soixante à cent ans.

Il a noté que, plus abondant, le gaz naturel était aussi mieux réparti puisque, si le Golfe persique abrite les deux tiers des réserves mondiales de pétrole, seul le tiers de celles de gaz naturel y sont situées, la Russie en détenant pour sa part plus de la moitié.

Par ailleurs, M. Pierre Gadonneix a souligné que la croissance actuelle de la consommation de gaz naturel s'expliquait par le fait que cette énergie répondait bien aux attentes des consommateurs et constituait un bon compromis tant en termes de respect de l'environnement que de compétitivité, de stockage et de facilité d'utilisation.

Il a ensuite rappelé que le gaz naturel était aujourd'hui retenu, partout en Europe à l'exception de la France, comme source d'énergie pour produire de l'électricité et que cette évolution, particulièrement sensible dans le Sud de l'Europe, expliquait environ la moitié de la croissance de la demande de gaz.

Il a par ailleurs souligné que cette croissance de la consommation de gaz naturel allait nécessairement entraîner un renchérissement du coût d'accès à la ressource, les gisements utilisés étant de plus en plus difficiles d'accès.

M. Pierre Gadonneix a ensuite rappelé que la France souffrait de certains handicaps. En effet, contrairement à d'autres pays européens (l'Italie et l'Allemagne produisent 30 % de leur consommation, la Grande-Bretagne est quasiment autosuffisante), la France est particulièrement peu riche en gaz naturel. Ainsi, 95 % de la consommation nationale est importée, et, compte tenu de l'épuisement progressif du gisement de Lacq, l'ensemble du gaz naturel consommé en France sera, à terme, importé. Il a souligné que la France possédait toutefois un atout de taille : elle est au centre des réseaux européens et elle est le seul pays du continent a être directement connecté à tous les pays producteurs, qu'ils soient au Sud (Algérie, Golfe persique), à l'Est (Russie) ou en Europe (Pays-Bas, Norvège, Grande-Bretagne).

Puis, M. Pierre Gadonneix a souligné que les deux enjeux actuels pour la France, dans ce contexte, étaient de garantir la sécurité d'approvisionnement et de répondre aux exigences de service public et notamment de desserte du territoire.

Il a précisé que le gaz naturel était aujourd'hui accessible sur les deux tiers du territoire français selon des tarifs garantissant une certaine égalité de traitement des usagers, le prix étant pratiquement le même partout.

M. Pierre Gadonneix a ensuite indiqué que le chiffre d'affaires de Gaz de France était de près de 15 milliards d'euros et qu'il connaissait une très forte croissance de l'ordre de 10 à 15 % par an, y compris en France où l'entreprise gagne de 200 000 à 250 000 nouveaux clients par an. Il a précisé qu'elle comptait actuellement 10 millions de clients en France et 2,5 millions de clients à l'étranger et qu'elle disposait d'un réseau de transport de 30 000 kilomètres et d'un réseau de distribution de 200 000 kilomètres.

Il a ajouté que les tarifs du gaz en France étaient parmi les plus bas d'Europe et que Gaz de France figurait parmi les entreprises préférées des Français.

Notant qu'il pouvait dès lors paraître surprenant de procéder à des évolutions compte tenu de ces succès, M. Pierre Gadonneix a souligné l'importance à cet égard du nouveau contexte réglementaire. Depuis 1998, avec la directive ouvrant à la concurrence le marché du gaz, la Commission européenne a organisé la fin des régimes de monopoles nationaux de distribution et d'importation de gaz naturel. Parallèlement, la plupart des pays, à l'instar des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, ont adopté des législations visant à mettre en concurrence les fournisseurs d'énergies de réseaux. La combinaison de ces deux évolutions fait que les monopoles dont jouissait Gaz de France, atouts qui ont fait sa réussite, sont aujourd'hui remis en cause et que l'entreprise doit s'adapter.

Puis, M. Pierre Gadonneix a exposé la stratégie adoptée par Gaz de France face à cette évolution.

L'entreprise est actuellement confrontée à l'émergence de trois types de concurrents. Outre les opérateurs similaires à GDF qui se sont développés dans les autres pays, deux nouvelles catégories d'acteurs apparaissent.

La première, celle des négociants, semble la moins menaçante car il s'agit d'une activité qu'a développée Gaz de France et dont la viabilité économique, en l'absence d'une base d'actifs de production, est sujette à caution comme l'illustrent des exemples récents.

La seconde, qui constitue en revanche une réelle menace pour Gaz de France, est celle des producteurs de gaz qui peuvent désormais, depuis l'entrée en vigueur le 10 août 2000 de la directive sur l'ouverture à la concurrence du gaz, fournir directement certains clients (les clients « éligibles » au sens de la directive), soit aujourd'hui environ 100 clients qui représentent 20 % du marché français.

M. Pierre Gadonneix a jugé que, face au développement de la concurrence, Gaz de France bénéficiait de nombreux atouts. Le premier est sa taille qui fait de l'entreprise un des premiers acheteurs de gaz naturel au monde et une des principales entreprises européennes du secteur. En outre, l'ouverture du marché intervient à un moment opportun, puisque l'entreprise, restructurée financièrement, jouit de bases financières saines avec 900 millions d'euros de bénéfice net en 2001, un endettement inférieur à ses fonds propres et un cash-flow de 2,5 milliards d'euros. Cette situation permet un investissement annuel de l'ordre de 3 milliards d'euros en utilisant la capacité d'endettement, qui sera limitée à terme mais qui est pour l'instant importante.

Dans ce contexte, Gaz de France mène une stratégie de croissance et d'intégration de ses activités de négoce, de transport et de distribution.

M. Pierre Gadonneix a ainsi rappelé que, depuis deux ans, l'entreprise conduit un programme ambitieux de développement visant une croissance de 20 % de son activité sur trois ans par l'augmentation des dessertes en France et l'implantation sur les marchés européens limitrophes, qui est réussie en Allemagne et en Grande-Bretagne mais rencontre des difficultés en Espagne et en Italie. Il a précisé que ces pays justifiaient les obstacles mis au développement de Gaz de France par l'absence de réciprocité de l'ouverture des marchés, faute de transposition en droit français de la directive du 22 juin 1998. M. Pierre Gadonneix a souligné que cette directive était pourtant appliquée en France et qu'elle produisait ses effets et qu'il était donc particulièrement urgent d'harmoniser la pratique et les textes en la transposant.

M. Pierre Gadonneix a ajouté que le développement de Gaz de France passait également par l'offre aux clients de services associés à la fourniture de gaz naturel qui sont fournis par la Cofathec, filiale devenue aujourd'hui un opérateur significatif au niveau français, et le premier en Italie.

M. Pierre Gadonneix a par ailleurs souligné la nécessité pour Gaz de France de devenir également un producteur de gaz naturel et a précisé que l'entreprise investissait dans le développement de gisements, l'exploration et la production afin que, dans les deux ans, l'équivalent du 15 % du gaz qu'elle distribue provienne de gisements contrôlés par l'entreprise ou dans lesquels celle-ci détient des participations.

Puis, M. Pierre Gadonneix a rappelé que la deuxième directive européenne sur l'ouverture à la concurrence, en cours de discussion actuellement à Barcelone et qui sera probablement adoptée dans le courant de l'année 2003, prévoyait l'accélération de l'ouverture du marché, une ouverture à la concurrence des deux tiers du marché étant acquise. Il a ajouté qu'une séparation des activités d'opérateur de réseau et des activités commerciales était envisagée.

Il a estimé que ces dispositions imposaient d'accroître l'efficacité de Gaz de France tout en préservant son intégration. M. Pierre Gadonneix a indiqué que le financement de cette politique de croissance conduirait, dans un premier temps, à une augmentation de la dette, notamment par le biais d'une émission obligataire prévue à l'automne, mais nécessiterait à terme des moyens nouveaux que pourrait apporter l'ouverture au capital.

Le changement de statut de l'entreprise, confirmé tant par M.  Jacques Chirac, Président de la République, que par M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, s'inscrit donc dans la stratégie de Gaz de France. D'une part, ce changement apportera à l'entreprise un accès à des moyens financiers supplémentaires, par l'émission de titres et la conclusion de partenariats, des partenaires potentiels s'étant d'ores et déjà manifestés. D'autre part, il permettra de lever certains obstacles politiques au développement de l'entreprise à l'étranger, le caractère public de l'entreprise suscitant des réticences grandissantes de la part de certains pays.

M. Pierre Gadonneix a estimé que cette évolution devrait, de l'avis de tous, s'accompagner, d'une part, de la formalisation des missions de service public, indispensable dans la perspective de l'ouverture à la concurrence et d'ailleurs réalisée pour ce qui concerne l'électricité, et, d'autre part, de la garantie du statut et des retraites des personnels.

Il a, à cet égard, rappelé que le statut des personnels était commun à l'ensemble des industries électriques et gazières et s'apparentait de fait à une convention de branche. Evoquant ensuite les spécificités du régime de retraite, il a indiqué que la charge des pensions dues pesait sur l'entreprise sans intervention de la solidarité nationale et qu'elle était donc assimilable à une dette de celle-ci qui devrait donc, selon la logique comptable, apparaître au bilan, ce qui susciterait des difficultés. Enfin, il a précisé qu'il était nécessaire, indépendamment même de l'évolution du statut de Gaz de France, de bâtir un système de garantie des pensions à venir.

En réponse aux questions du président Patrick Ollier, M. Pierre Gadonneix a tout d'abord évoqué les contraintes techniques et industrielles pesant sur le calendrier du changement de statut et de l'ouverture du capital de Gaz de France qu'il appartiendra au Gouvernement d'arrêter.

Il a tout d'abord précisé que le changement de statut de l'entreprise ne nécessitait pas de modifications du statut du personnel, qu'il suffisait de confirmer. En ce qui concerne les retraites, il a jugé qu'une solution technique de garantie pouvait être définie en quelques mois sans préjuger de l'évolution à terme du régime.

Au plan industriel, il a estimé que le temps ne jouait plus en faveur de Gaz de France en raison de l'accélération des restructurations au sein de l'Union européenne au cours des derniers mois, notamment en Allemagne.

En ce qui concerne les conséquences de l'évolution actuelle des marchés financiers, M. Pierre Gadonneix a jugé qu'il était possible de dissocier le changement de statut de l'ouverture du capital qui pourrait être réalisée selon un calendrier propre en fonction des perspectives de partenariats industriels et de la situation des marchés.

En ce qui concerne la valeur de Gaz de France, il a souligné qu'après l'intervention de banques conseils, il appartiendrait à la Commission des participations et des transferts de l'évaluer. Il a estimé qu'en tout état de cause la situation financière de l'entreprise était bonne et que l'évaluation comprise entre 6 et 8 milliards d'euros évoquée par certains lui paraissait en conséquence très inférieure à la réalité.

Concernant les modalités de garantie du statut du personnel et des retraites, il s'est félicité des engagements pris par le Président de la République et par le Premier ministre. Puis, il a rappelé que ces sujets devaient faire l'objet, en complément des contacts déjà pris, d'une large concertation dans le cadre de la branche qui pourrait débuter très prochainement.

Evoquant le sentiment du personnel sur l'évolution du statut, il a indiqué que même si certains agents restaient attachés au statut actuel, une prise de conscience progressive était perceptible quant à la nécessité de s'adapter aux évolutions d'un marché de plus en plus concurrentiel et de ne pas s'isoler par rapport aux concurrents européens.

Abordant la question des relations avec EDF, il a tout d'abord précisé que les deux entreprises avaient deux points communs : le statut du personnel et la distribution puisqu'elles avaient longtemps partagé une entité commune de distribution, la direction EDF-GDF services (DEGS), mais qu'au sein de celle-ci, la séparation des activités de commercialisation et des activités non concurrentielles avait été réalisée. Rappelant qu'il existait donc aujourd'hui un service commercial propre à EDF, un service commercial propre à GDF et un opérateur de réseau géré en commun, il a précisé que l'autonomie de ce dernier avait vocation à s'accroître en raison des évolutions que devrait imposer la deuxième directive. Il a estimé qu'à terme seules les activités non concurrentielles pourraient continuer à être exercées en commun.

En ce qui concerne les partenariats envisageables, M. Pierre Gadonneix a estimé qu'EDF pouvait avoir vocation à s'associer à des gaziers, comme cela est déjà le cas en Italie avec Edison et que GDF, pour sa part, pourrait être amené à nouer des liens avec des électriciens. Il a en effet indiqué que les partenaires naturels de GDF pouvaient être soit des entreprises gazières, soit des pétroliers, soit enfin des électriciens apportant des débouchés gaziers sur des marchés existants pour fournir leurs centrales ou pour compléter leur offre.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur des crédits de l'industrie et de l'énergie pour 2003, a rappelé que la transposition de la directive ouvrant à la concurrence le marché du gaz pouvait être faite par voie d'ordonnance ou par voie législative, ce qui permettrait un débat plus large. Rappelant que le Gouvernement n'avait pas encore tranché, M. Jacques Masdeu-Arus a souhaité que M. Pierre Gadonneix précisât la solution qui lui semblait la plus pertinente compte tenu de l'urgence. Il a également demandé à celui-ci de faire part de son analyse quant aux différentes options envisageables pour assurer cette transposition, en particulier sur les questions de l'accès des tiers au réseau, de l'autorité de régulation et du niveau d'éligibilité.

M. Jean-Claude Lenoir a souhaité avoir des précisions sur les points suivants :

- les Etats dans lesquels Gaz de France a décidé d'investir pour avoir une activité de producteur ;

- l'évolution des contrats commerciaux de long terme notamment avec l'Algérie ;

- les territoires sur lesquels Gaz de France entend concentrer son développement ;

- la poursuite des coopérations entre gaziers européens, alors qu'ils deviennent concurrents ;

- l'attractivité comparée pour les investisseurs d'EDF et de GDF et les problèmes que pourrait poser une ouverture concomitante de leur capital ;

- l'éventualité d'une séparation plus nette des activités encore communes d'EDF et de GDF ;

- la nécessité de préciser les obligations de service public et d'élaborer un cahier des charges permettant une concurrence équitable.

Evoquant les mesures prises par l'Espagne qui allègue l'absence de réciprocité quant à l'ouverture du marché français faute de transposition de la directive, M. Pierre Ducout a tout d'abord souligné que l'ouverture effective à la concurrence du marché français du gaz était très supérieure à celle que l'on constate chez beaucoup de nos partenaires. Puis, il a estimé que si une erreur avait peut-être été commise en ne transposant pas la directive, l'attitude espagnole pouvait s'expliquer également par les décisions prises dans le passé en ce qui concerne le développement des interconnexions électriques au travers des Pyrénées.

Il a également rappelé qu'à l'occasion du Conseil européen de Barcelone, la consécration des services d'intérêt économique général avait été évoquée parallèlement aux discussions sur la libéralisation des marchés de l'énergie.

Evoquant ensuite la fusion engagée entre Eon et Ruhrgas, M. Pierre Ducout a demandé s'il n'était pas souhaitable de renforcer la coopération entre EDF et GDF en vue de constituer une offre multi énergies adaptée à un marché de dimension mondiale.

Il a également demandé des précisions sur l'évolution de la notation de la dette à long terme de GDF, la perspective du changement de statut ayant conduit l'agence Moody's à abaisser la note de la dette d'EDF.

Puis, il a demandé à M. Pierre Gadonneix de faire part de ses analyses sur les perspectives d'accès des tiers aux stockages, sur l'extension de la desserte et sur le rôle éventuel de la Commission de régulation de l'électricité dans le domaine du gaz.

M. Pierre Ducout a ensuite interrogé M. Pierre Gadonneix sur la pérennité du lien très étroit entre prix du pétrole et prix du gaz alors que les réserves prévisibles pour ces deux énergies sont très différentes et que leur utilisation entraîne des externalités très différentes.

Enfin, il a demandé des informations sur la fréquence des accidents sur les réseaux de gaz et sur les perspectives du gaz pour la propulsion des véhicules.

Après avoir souligné l'ampleur des évolutions en cours, M. François Sauvadet a demandé des précisions sur les modalités concrètes de concertation avec le personnel dans la perspective de l'évolution du statut de GDF. Il a également souligné le rôle important que devait jouer la représentation nationale dans ces évolutions.

Abordant la question des obligations de service public, il a également insisté sur la nécessité de les formaliser pour garantir la desserte du territoire et notamment des zones rurales, que le libre jeu de la concurrence n'assure pas.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur la stratégie internationale de Gaz de France, estimant que des exemples récents incitaient à une certaine circonspection et s'est interrogé sur les répercussions que pourrait avoir la situation des marchés financiers sur l'ouverture du capital et sur l'obtention de capitaux nécessaires à la fois au développement de l'entreprise et à la préservation des retraites des personnels.

M. François-Michel Gonnot a demandé à M. Pierre Gadonneix quel devait être, selon lui, le niveau d'ouverture du capital de Gaz de France et quels étaient les partenaires susceptibles de prendre des participations. Rappelant que M. Pierre Gadonneix était déjà, cinq ou six ans auparavant, vivement partisan de l'ouverture du capital et qu'il rêvait alors d'une participation de 20 % d'Elf dans le capital de Gaz de France, il a souhaité que celui-ci lui précise si Total Fina Elf constituait toujours à ses yeux le partenaire idéal. Enfin, il s'est interrogé sur la nécessité d'une évolution des tarifs du gaz compte tenu de la situation financière avantageuse de l'entreprise.

M. David Habib a invité M. Pierre Gadonneix à évoquer les conséquences éventuelles de l'ouverture du capital sur la sécurité d'approvisionnement. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la politique de stockage suivi par Gaz de France et par Gaz du Sud-Ouest (GSO) et notamment sur les perspectives de stockage en site souterrain dans la région de Lacq qui offriraient à cette région l'occasion de poursuivre son aventure chimique.

M. Jean-Pierre Nicolas s'est interrogé sur l'intérêt d'une transposition dans l'urgence de la directive du 22 juin 1998, déjà appliquée dans les faits, alors même qu'une deuxième directive est en cours d'élaboration.

Il a ensuite souhaité savoir si la récente fusion intervenue en Allemagne entre l'électricien EON et le gazier Ruhrgas ne pouvait pas constituer un modèle possible pour l'évolution des opérateurs énergétiques français.

Enfin, il a constaté que l'argument selon lequel l'ouverture du capital de Gaz de France serait essentielle pour permettre le financement de sa croissance semblait contredit par la bonne santé financière de l'entreprise, qui devrait lui permettre d'autofinancer son développement.

M. François Brottes a demandé à M. Pierre Gadonneix de lever toute ambiguïté en confirmant explicitement que l'ouverture du capital de Gaz de France n'était en rien imposée par l'application de la directive du 22 juin 1998.

M. Claude Gatignol, constatant que l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité n'empêcherait pas le maintien, en France, de positions dominantes pour GDF et EDF, s'est interrogé sur les conséquences qui pourraient en résulter.

Après avoir observé que Gaz de France constituait déjà depuis quelques années des réserves pour faire face à la charge future des retraites et que celles-ci atteignaient un montant d'environ un milliard d'euros, il a souhaité connaître le montant total nécessaire pour couvrir la charge des retraites et ce que deviendraient les fonds déjà accumulés à l'occasion du changement de statut de Gaz de France.

Face à la perspective d'une poursuite de la croissance du marché du gaz à un rythme de 3 à 4 % l'an, il s'est demandé si Gaz de France ne risquait pas de subir un ralentissement de son développement, notamment du fait d'une contrainte financière l'empêchant d'investir autant que nécessaire, ce qui pourrait en particulier conduire à freiner l'effort de développement du réseau dans un but d'aménagement du territoire.

Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur la politique menée par Gaz de France dans le domaine de la recherche, en particulier sur les partenariats engagés ou envisagés et sur les objectifs poursuivis. Il a notamment souhaité savoir quelle attention était consacrée aux usages autres que la combustion directe comme par exemple la production d'hydrogène.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Gadonneix a apporté les précisions suivantes :

- le fait que la directive du 22 juin 1998 n'ait pas été transposée dans la législation nationale est clairement préjudiciable à Gaz de France et en particulier à son développement international sur les marchés très porteurs que sont l'Espagne et l'Italie. La France sera en outre condamnée par la Cour de justice des communautés européennes si cette transposition n'intervient pas rapidement. Il est donc souhaitable qu'elle intervienne vite, peut-être dès l'automne 2002, et en tout cas sans attendre la transposition de la deuxième directive qui ne pourrait pas intervenir avant la fin 2003 ;

- en ce qui concerne la détermination de l'autorité de régulation compétente, le plus simple serait de confier cette mission à la Commission de régulation de l'électricité, qui est en place, mais il importe de prendre en compte les spécificités du secteur gazier sans reproduire mécaniquement le dispositif mis en place an matière électrique ;

- le niveau d'ouverture à la concurrence au terme du processus de libéralisation n'a pas été défini à l'occasion du Conseil européen de Barcelone. La position de la France, qui est de limiter l'ouverture aux clients qui ont la possibilité économique d'en profiter réellement et d'en exclure les particuliers, n'est pas partagée par nos partenaires. En tout état de cause, l'important est que la décision, quelle qu'elle soit, intervienne rapidement pour que l'entreprise ait le temps de s'y adapter ;

- la stratégie internationale de Gaz de France vise à faciliter son accès à la ressource naturelle dans des régions du monde telles que la Russie, l'Algérie ou la Mer du Nord d'une part, et à accroître sa présence sur les marchés européens limitrophes, d'autre part. Gaz de France est ainsi présent dans la production en Mer du Nord britannique et hollandaise ainsi qu'en Baltique allemande. D'autres projets sont conduits depuis longtemps dans le cadre de contrats d'approvisionnement de long terme qui permettent une forme de partage du risque, notamment avec l'Algérie et l'Egypte. Ces contrats sont renouvelés à leur échéance et sont maintenant complétés par de nouveaux partenariats avec des investissements en commun qui ont également été proposés, pour l'instant en vain, à la Russie ;

- le rythme actuel de raccordement de 250 nouvelles concessions par an ne pourra pas se poursuivre éternellement ; le plan de desserte actuel arrive d'ailleurs à son terme l'année prochaine. La desserte du territoire est une mission de service public exécutée suivant des critères fixés par la puissance publique à laquelle il appartient de définir l'équilibre pertinent ;

- la coopération entre les entreprises gazières européennes a quelque peu évolué, avec l'apparition de situations de concurrence qui ne la rendent toutefois pas impossible comme l'atteste l'exemple ancien du pétrole, avec le développement commun par des opérateurs concurrents de certains gisements, et, dans le domaine du gaz, celui plus récent de la Slovaquie où Gaz de France collabore avec un gazier allemand ;

- en ce qui concerne les services d'intérêt économique général la position française qui consiste à mieux les définir au niveau européen est opportune ;

- la question de l'interconnexion électrique a pu expliquer, un temps, l'attitude espagnole mais ce n'est plus le cas aujourd'hui ;

- beaucoup d'Etats membres de l'Union européenne conduisent une politique visant à la constitution d'un petit nombre d'entreprises puissantes dans le secteur de l'énergie, comme l'illustre notamment l'exemple allemand avec l'émergence progressive à partir d'un secteur très morcelé de deux opérateurs détenant chacun près de 35 % de parts de marché. En France, où existent déjà deux opérateurs significatifs, il est possible d'organiser une concurrence crédible qui ne soit pas destructrice de valeur ;

- l'expérience de la fusion EON-Ruhrgas n'est pas transposable en France. Chacune de ces entreprises ne détenait en effet qu'environ un tiers de leur marché respectif en Allemagne, l'électricité pour EON et le gaz naturel pour Ruhrgas. Leur rapprochement a néanmoins été contesté par les autorités de la concurrence et n'a été autorisé que sous la condition de l'abandon de parts de marché. En France, le poids d'EDF et de GDF sur chacun de leurs marchés est tel que leur rapprochement nécessiterait des contreparties considérables ;

- la note de la dette à long terme de l'Etat français est la meilleure possible et les entreprises publiques, dont l'Etat garantit la dette, en bénéficient. L'évolution du statut de Gaz de France, déjà pris en compte par les agences de notation, conduit nécessairement à un abaissement de la note de la dette qui reste au niveau de celle des entreprises privées les plus solides et n'entraîne aucun surcoût de financement ;

- concernant la sécurité physique des installations, il convient de distinguer le réseau gazier lui-même, très sûr, de l'utilisation du gaz par les clients domestiques qui donne encore lieu à de trop nombreux accidents, malgré le développement de nouveaux services destinés à les prévenir par Gaz de France depuis quatre ou cinq ans.

- s'agissant du gaz naturel pour véhicules (GNV), Gaz de France mène une politique entreprenante pour développer son utilisation dans les transports urbains collectifs, en particulier les bus, et réfléchit aux perspectives importantes offertes par le marché automobile pour les flottes urbaines attachées à un point de ravitaillement fixe ;

- la concertation avec les partenaires sociaux doit concerner la défense des intérêts des personnels alors que les questions de politique énergétique ont vocation à être débattues, y compris d'ailleurs avec les personnels concernés, dans le cadre politique ;

- le système actuel de retraites pénaliserait l'entreprise s'il était pris en compte comme une dette. Le régime spécial actuel est le seul encore à l'équilibre financier. Il convient d'en assurer la consolidation avec un système garanti par les pouvoirs publics. Cela implique le versement d'une soulte qui doit faire l'objet d'une concertation avec les pouvoirs publics. Les réserves déjà constituées à cet effet aideront l'entreprise à faire face à ses engagements ;

- s'agissant des futurs projets d'alliance, une certaine prudence doit rester de rigueur, la diffusion anticipée d'informations pouvant avoir pour effet de réduire les marges de négociation, voire de susciter des réactions des personnels. En tout état de cause, l'Etat devra évidemment prendre en compte la nécessité de préserver la sécurité d'approvisionnement. Le maintien d'une participation publique majoritaire, souhaitée par le Président de la République et par le Premier ministre, est opportun ;

- en ce qui concerne les tarifs du gaz en France, il convient d'observer qu'ils sont les plus bas d'Europe et que le mécanisme d'évolution tarifaire négocié avec l'Etat fonctionne parfaitement depuis dix ans, Gaz de France tenant ses engagements d'augmentation des gains de productivité, et l'Etat les siens, ce qui a permis une baisse des tarifs en francs constants ;

- en pratique, et malgré la volonté des producteurs de gaz d'obtenir un prix plus élevé, le prix du gaz reste indexé sur celui du pétrole, car les gros consommateurs mondiaux, notamment les producteurs d'électricité, arbitrent indifféremment entre ces deux sources d'énergie en fonction de leur prix ;

- la seule conséquence éventuellement envisageable de l'ouverture du capital sur la sécurité d'approvisionnement est que celle-ci soit confortée par des apports en nature sous forme de gisements par des producteurs ;

- les sites de stockage procurent un avantage aussi bien stratégique qu'économique et sont aujourd'hui plutôt situés dans le Nord de la France. Le développement d'un nouveau site de stockage dans le Sud-Ouest serait donc intéressant et la concertation locale va être reprise à propos du projet des Landes de Siougos ;

- GSO est une filiale commune avec Elf qui en est l'actionnaire majoritaire. Elle a vocation à rester sous le contrôle de Total Fina Elf ;

- il est vrai que l'ouverture du capital n'est pas commandée juridiquement par la directive européenne mais le statut actuel, souvent perçu en Europe comme un avantage déloyal, constitue parfois un argument pour justifier des mesures de fermeture des marchés étrangers ;

- l'ouverture du capital peut être une chance pour le développement de l'entreprise auquel le personnel est très attaché ;

- la recherche constitue un élément essentiel du maintien de la compétitivité. Elle est axée, d'une part, sur la réduction des coûts et, d'autre part, sur la valorisation des utilisations du gaz naturel.

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