COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

mercredi 12 mars 2002
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de MM. Patrick Ollier et Jacques Barrot (n° 684) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne :

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(M. Patrick OLLIER, rapporteur) :

 

- Examen du projet de loi modifiant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications (n° 677)

 

(M. Jean PRORIOL, rapporteur) :

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Ollier, la proposition de résolution de MM. Patrick Ollier et Jacques Barrot (n° 684) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de gestion d'Air Lib et sur l'utilisation des fonds publics par cette compagnie aérienne.

M. Patrick Ollier, rapporteur, a rappelé que la demande de création d'une commission d'enquête sur la société d'exploitation AOM-Air Liberté, communément appelée « Air Lib », avait constitué une réaction à l'annonce, le 17 février 2003, de la mise en liquidation judiciaire de cette société par le tribunal de commerce de Créteil, celui-ci jugeant son redressement financier « absolument impossible ». Il a estimé que les conséquences de cette faillite, qui mettait fin à une histoire chaotique, étaient considérables, sur le plan social notamment. Il a ainsi indiqué qu'au licenciement des 3 200 salariés du groupe s'ajouterait de probables suppressions d'emplois chez les sous-traitants auxquels la société Air Lib avait habituellement recours.

S'agissant de l'impact économique de cette disparition, il a précisé que la société Air Lib assurait 360 vols hebdomadaires au départ d'Orly et transportait chaque année plus de 3 millions de passagers sur des vols réguliers. Il a ajouté que la faillite de la société Air Lib, qui effectuait à elle seule 6,5 % du trafic aérien français, contre 77 % pour la société Air France et les compagnies franchisées, mettait un terme à l'existence d'un deuxième pôle aérien français. Il a enfin noté que cette évolution laisserait la société Air France sans véritable concurrent d'origine nationale, ce qui n'était pas conforme à un fonctionnement harmonieux du marché.

Evoquant ensuite les causes de la mise en liquidation judiciaire de la société Air Lib, il a jugé étonnante la nébuleuse de sociétés mise au point par M. Jean-Charles Corbet, président de la holding Holco détenant la société Air Lib. Il a indiqué que cette structure, bien qu'apparemment légale, devait soulever chez les salariés d'Air Lib comme chez les citoyens des interrogations d'autant plus importantes que trois filiales de la holding Holco étaient domiciliées aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Irlande. Il a ainsi précisé que les salariés de la société Air Lib s'interrogeaient légitimement sur les liens de leur compagnie avec l'une de ces sociétés, Mermoz UA, propriétaire de 7 avions représentant un capital de 10 millions d'euros à amortir sur 3 ans. Il a jugé utile d'éclaircir de telles relations et a estimé que la création d'une commission d'enquête permettrait, plus généralement, de faire la lumière sur les conditions d'utilisation des crédits versés par la compagnie Swissair et de déterminer si les fonds publics accordés à la société Air Lib avaient été utilisés dans l'intérêt des salariés.

S'agissant du soutien financier accordé par les pouvoirs publics, il a estimé que le citoyen et le contribuable devaient être informés de l'utilisation des 130 millions d'euros qu'Air Lib n'est pas aujourd'hui en mesure de rembourser. Il a précisé que ces dettes provenaient, en premier lieu, d'un prêt de 30,5 millions d'euros sur six mois décidé le 4 janvier 2002 par le Gouvernement, dont l'échéance avait été ultérieurement reportée de six nouveaux mois pour permettre une éventuelle reprise de la société Air Lib par la compagnie néerlandaise Imca, cette dernière ayant un temps semblé intéressée. Il a ajouté, en second lieu, que le paiement de près de 100 millions d'euros de taxes sociales et fiscales dues par Air Lib à différents établissements publics avait fait l'objet d'un moratoire destiné à laisser à l'entreprise une chance de se redresser.

Enfin, il a indiqué que les conditions de recevabilité de la proposition de résolution posées par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi que par les articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale étaient satisfaites, en ce qui concerne tant la précision des faits objet de l'enquête que l'absence de poursuites judiciaires. Il a cependant indiqué que M. Dominique Perben, Garde des sceaux, Ministre de la justice, avait fait parvenir le 6 mars dernier à M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale, un courrier indiquant que la gestion d'Air Lib avait fait l'objet le 26 février dernier de l'ouverture d'une « enquête judiciaire » mais a ajouté qu'il ne s'agissait que d'une enquête préliminaire pour déterminer si une information judiciaire, c'est-à-dire des poursuites, devrait être lancée.

Compte tenu de ces différentes observations, il a estimé que la mise en place de la commission d'enquête proposée par la proposition de résolution soumise à la Commission permettrait aux parlementaires de disposer dès à présent d'un instrument efficace et légitime, afin d'expliquer les circonstances étranges dans lesquelles la société Air Lib a été conduite à la faillite et de rendre compte aux citoyens de l'usage des deniers publics. Il a toutefois proposé, pour marquer la volonté de l'Assemblée nationale de ne pas s'immiscer dans la détermination d'éventuelles infractions, d'amender le titre et le dispositif de la proposition de résolution en faisant référence aux « causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib » plutôt qu'aux « conditions de la gestion » de cette société.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Odile Saugues a estimé paradoxal que la majorité demande la création d'un commission d'enquête portant sur une entreprise en particulier, après avoir abrogé les dispositions de la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, dite loi « Hue », par l'article 84 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ; elle a jugé qu'il y avait donc « deux poids, deux mesures ».

Puis, Mme Odile Saugues a souhaité que la commission d'enquête ne limite pas ses travaux aux seules aides publiques accordées à Air Lib et mène également des investigations sur les raisons ayant poussé l'Etat à aider une compagnie aérienne suite à la défection d'actionnaires privés et notamment de la société Wendel. Elle a, par ailleurs, demandé que la commission d'enquête étende son champ d'étude à l'examen des aides publiques, directes ou indirectes, accordées actuellement par les collectivités locales et les chambres de commerce et d'industrie aux compagnies dites « low cost », estimant que ces nouvelles pratiques commerciales étaient particulièrement inquiétantes au regard de l'éthique et des règles de la concurrence loyale. Elle a rappelé sur ce point que la Commission européenne venait d'ouvrir une enquête sur la prise en charge de certains frais par les collectivités territoriales belges au bénéfice de la compagnie Ryan Air, afin que celle-ci s'implante sur l'aéroport de Charleroi.

Après avoir souligné qu'il était indispensable que l'Etat conserve un rôle majeur dans le secteur du transport aérien, fragile et exposé à la déréglementation, afin d'éviter de telles dérives, elle a observé que la compagnie Air France, actuellement soumise au contrôle de la Cour des comptes, échapperait à ce dernier une fois sa privatisation réalisée. Elle a estimé paradoxal que la majorité parlementaire réclame un contrôle des aides publiques octroyées à une compagnie privée, tandis que le contrôle par l'Etat de la première compagnie aérienne française serait bientôt supprimé.

Dénonçant ces mesures qu'elle a jugé incohérentes et trompeuses, Mme Odile Saugues a annoncé que les commissaires socialistes s'abstiendraient lors du vote de la proposition de résolution, la nation ne devant pas être condamnée, selon elle, à n'intervenir qu'au travers de commissions d'enquête parlementaires pour contrer les effets de la déréglementation du transport aérien.

Le Président Patrick Ollier a alors fait remarquer qu'avait été récemment créée une commission d'enquête relative à la situation financière des entreprises publiques, présidée par M. Philippe Douste-Blazy dont le rapporteur est M. Michel Diefenbacher et dont l'objet se rapporte justement aux points soulevés par Mme Odile Saugues. Il a jugé qu'à cette occasion, un débat riche en informations, parfois surprenantes, serait ouvert et permettrait de répondre aux interrogations émises par le groupe socialiste. Il a, par ailleurs, fait part de son souhait de ne pas faire évoluer l'objet de la commission d'enquête vers un champ d'investigation trop large et a suggéré à Mme Odile Saugues d'alerter ses collègues, présents dans la commission d'enquête relative à la situation financière des entreprises publiques, afin d'orienter les travaux de cette dernière sur les problèmes qu'elle avait évoqués.

M. Léonce Deprez s'est ensuite réjoui que la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire soit saisie de la proposition de résolution et a souhaité qu'elle intervienne plus fréquemment sur les questions au cœur de l'actualité économique. Estimant que l'efficacité de la commission d'enquête supposait de ne pas octroyer un champ d'investigation trop large à celle-ci, il a en revanche jugé nécessaire qu'elle ne limite pas ses travaux aux évènements les plus récents et prenne en compte le passé de la compagnie Air Lib, proposition à laquelle le Président Patrick Ollier s'est rallié.

Puis, M. Gilbert Biessy, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s communistes et républicains, a déclaré partager l'analyse de Mme Odile Saugues concernant les conséquences économiques et financières de la disparition d'Air Lib et s'est également interrogé sur la pertinence d'une démarche consistant à poser la question de l'utilisation des fonds publics et parallèlement à supprimer la loi dite « Hue ». Il a indiqué qu'en conséquence, son groupe s'abstiendrait lors du vote de la proposition de résolution. Il a, par ailleurs, noté que l'amendement présenté par le Président Patrick Ollier supprimait la référence à un contrôle de l'utilisation des fonds publics ayant bénéficié à la société Air Lib et a jugé que cette démarche confortait le choix de l'abstention.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que son amendement répondait à un souci de précaution, afin d'éviter que les travaux de la commission d'enquête n'interfèrent avec une éventuelle information judiciaire. Souscrivant à la nécessité de faire référence à l'utilisation des fonds publics, il a alors annoncé qu'il rectifierait son amendement afin de préciser que la commission d'enquête porterait sur « les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib et sur les fonds publics accordés à cette compagnie aérienne », le principal objectif demeurant d'éviter de faire référence à la « gestion » de la société, sur laquelle pourraient porter des poursuites judiciaires.

Puis, M. Jacques Le Guen, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est déclaré très favorable à la proposition de résolution, notant qu'elle permettrait de répondre au souci de transparence accrue émanant tant des contribuables, qui veulent légitimement connaître l'emploi des deniers publics que des salariés d'Air Lib. Rejoignant l'analyse de Mme Odile Saugues, il a espéré que la commission d'enquête présidée par M. Philippe Douste-Blazy permettrait de répondre à des interrogations justifiées, par exemple concernant le déficit de France Telecom, qu'il a jugé colossal. Après avoir également souscrit aux propos de M. Léonce Deprez relatifs au rôle que doit jouer la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, il a annoncé que le groupe UMP voterait en faveur de la proposition de résolution portant création de la commission d'enquête.

M. Jean-Pierre Grand a rejoint ces propos, soulignant que le contrôle du Parlement devait s'exercer dès lors qu'existent des interrogations portant sur l'utilisation des fonds publics ; rappelant que les dettes de la société Air Lib s'élevaient à 130 millions d'euros, il a jugé que la création de la commission d'enquête répondrait non seulement aux attentes des 3 200 salariés de cette compagnie, mais aussi à celles des contribuables.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

La Commission a adopté l'amendement rectifié du Président Patrick Ollier.

· Titre

La Commission a adopté un amendement de coordination du Président Patrick Ollier, visant à modifier le titre de la proposition de résolution.

Puis, la Commission a adopté la proposition de résolution (n° 684), ainsi modifiée et intitulée.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Proriol, le projet de loi modifiant la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications (n° 677).

M. Jean Proriol, rapporteur, a signalé qu'il avait l'honneur de présenter un projet de loi minuscule sur un problème gigantesque, son côté minuscule tenant à ce qu'il ne visait qu'à ajouter deux mots dans la loi : la conjonction  « ou » et l'adverbe « indirectement », ce qui en ferait probablement le texte le plus court de toute la législature, son côté gigantesque venant de ce qu'il concernait la dette de 68 milliards d'euros de France Télécom.

Il a observé que les conditions dans lesquelles ces côtés respectivement « minuscule » et « gigantesque » s'articulaient nécessitaient une explication un peu complexe.

Il a rappelé d'abord que, parmi les mesures annoncées le 5 décembre 2002 par le Gouvernement et la direction de France Télécom pour permettre à l'entreprise de faire face à sa dette, figurait une augmentation de capital, de 15 milliards d'euros, et que, compte tenu de la part détenue directement par l'Etat dans le capital de l'entreprise, à savoir 55,4 %, et de la part des 8,5 % d'autocontrôle, l'Etat devrait logiquement contribuer à hauteur de 60 %, soit pour environ 9 milliards, à cette augmentation de capital.

Il a souligné cependant qu'un apport direct de l'Etat pouvait soulever une difficulté au regard des règles européennes d'intervention en faveur des entreprises publiques, et notamment de l'article 87 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté européenne, interdisant les aides publiques « qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence » ; que le Gouvernement avait en conséquence retenu l'idée de confier la gestion de la participation de l'Etat dans France Télécom à un établissement holding public, en l'occurrence l'ERAP, ce transfert devant en effet permettre une séparation comptable nette de toutes les opérations publiques effectuées en direction de France Télécom, et d'assurer de ce fait une totale transparence de celles-ci.

Il a expliqué que l'ERAP avait une longue pratique de la gestion des participations de l'Etat dans les entreprises, puisqu'elle avait géré depuis l'origine jusqu'en 1996 le capital détenu par l'Etat dans le groupe Elf, puis des participations de l'Etat dans des entreprises du secteur nucléaire comme la Cogema, et Areva depuis la restructuration du secteur nucléaire français en septembre 2001.

Il a précisé qu'Areva regroupait depuis cette date les anciennes activités de la Cogema, de Framatome et de CEA-Industrie ; qu'elle était détenue majoritairement (à hauteur de 79 %) par le CEA, et seulement à hauteur de 3,2 % par l'ERAP ; qu'aujourd'hui, l'ERAP n'avait en charge que cette petite participation dans Areva.

Il a indiqué que, dès lors que l'ERAP aurait récupéré la gestion de la part de l'Etat dans France Télécom, la contribution publique à l'augmentation de capital qui serait ultérieurement décidée par France Télécom le moment venu, pourrait s'effectuer, avec toute la transparence nécessaire, selon la règle de « l'investisseur avisé ».

Il a expliqué que cette règle de « l'investisseur avisé » était l'aune à laquelle la Commission européenne d'abord, et la Cour de Justice des Communautés européennes ensuite s'il y avait litige, appréciait les aides des Etats aux entreprises ; que cette règle signifiait que ces aides de l'Etat devaient être telles que, dans des circonstances similaires, un investisseur privé aurait été amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance, eu égard notamment aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à la date desdits apports.

Il a rappelé que le 16 mai 2002, dans son arrêt « Stardust Marine », la Cour de Justice des Communautés européennes avait d'ailleurs annulé une décision de la Commission européenne qui avait injustement condamné la France pour une aide à une entreprise, en vertu du fait que la Commission avait incorrectement appliqué ce critère de « l'investisseur avisé ».

Revenant au dispositif devant permettre à France Télécom de bénéficier du concours de l'ERAP au titre de l'augmentation de capital, il a décrit les trois étapes juridiques de sa mise en place :

- tout d'abord, le décret n° 2002-1409 du 2 décembre 2002 a modifié le décret n° 65-1117 du 17 décembre 1965 portant organisation administrative et financière de l'ERAP, afin de permettre à l'ERAP de prendre des participations dans des entreprises appartenant au secteur des télécommunications ;

- ensuite, l'article 80 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 a accordé à l'ERAP, pour ses futurs emprunts contractés dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Télécom, le bénéfice, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros en principal ; cette garantie a été rendue indispensable par le fait que l'ERAP n'avait pas d'activité industrielle visible et reconnue, puisqu'il ne s'agissait que d'une structure de portage financier, employant tout au plus cinq personnes ;

- enfin, le dépôt à l'Assemblée nationale du présent projet de loi sur la modalité de détention par l'Etat du capital social de France Télécom constitue le troisième volet juridique de la préparation de l'augmentation de capital, puisqu'il modifiait l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, afin de permettre une détention « indirecte » par l'Etat de la majorité du capital de France Télécom.

Il a conclu sur le constat que ce texte visait donc uniquement à permettre à l'Etat de transférer à l'ERAP, établissement public national à caractère industriel et commercial, l'intégralité de sa participation dans le capital de France Télécom, afin que cet établissement pût participer, le moment venu, à une augmentation de ce capital dans des conditions respectueuses du droit européen ; que cette augmentation de capital ne modifierait en rien la part relative détenue « directement ou indirectement » par l'Etat dans le capital social de l'entreprise.

Il a observé que le caractère minuscule de ce projet de loi était l'indication que le Gouvernement souhaitait qu'il fût vite adopté, afin de mettre le plus rapidement possible l'entreprise France Télécom en position de profiter d'une évolution favorable de la bourse pour lancer, à une date qui serait d'ailleurs sans doute dévoilée au dernier moment pour éviter la spéculation, cette opération d'augmentation de capital dont elle avait besoin pour redresser sa structure financière.

M. Léonce Deprez, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est demandé si, au-delà de l'habileté du procédé retenu par le projet de loi pour le soutien au plan de redressement de France Télécom, le fait de confier la gestion de la participation de l'Etat à un établissement holding public ne risquait pas cependant de poser des difficultés au regard de la réglementation européenne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a pris acte, au nom du groupe socialiste, de la nécessité dans laquelle se trouvait l'Etat de concilier les exigences de la réglementation européenne et la volonté d'aider l'entreprise France Telecom à faire face à sa dette. Il s'est toutefois demandé si le choix de l'ERAP, comme instrument porteur des interventions publiques, était pertinent ; il a également fait remarquer que l'introduction, dans l'article unique, du terme « indirectement » laissait envisager, par son imprécision même, que la participation de l'Etat pourrait prendre des formes très diverses et trouver d'autres vecteurs que l'ERAP.

M. Jean Dionis du Séjour, après avoir rappelé que l'instant critique à l'origine des difficultés de France Telecom correspondait à l'acquisition d'Orange, l'entreprise s'étant vu interdire à ce moment là, contre toute logique financière, le recours à l'échange de titres, a souligné que son groupe apportait son soutien au plan de désendettement très ambitieux mis en place par la nouvelle direction de l'entreprise et le Gouvernement mais que, derrière la méthode choisie pour résorber la dette de France Telecom, se poserait inévitablement dans un deuxième temps, la question de l'évolution future de la composition du capital de l'entreprise.

En réponses aux différents intervenants, M. Jean Proriol a rappelé que le choix de l'ERAP comme support de l'aide de l'Etat à France Telecom s'appuyait sur des exemples antérieurs d'application du critère de « l'investisseur avisé », dont le bien fondé avait même été confirmé dans un cas récent par la Cour de justice des communautés européennes. Il a estimé que le Gouvernement précédent, en contraignant France Télécom à financer ses acquisitions par l'emprunt, avait effectivement contribué au développement de la dette, dont la gestion a été rendue encore plus difficile avec l'éclatement de la bulle spéculative des valeurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication. S'agissant du choix de l'instrument utilisé pour le volet financier du plan de redressement, il a souligné que l'ERAP avait donné toute satisfaction depuis sa création en 1965, qu'il se soit d'abord agi de son objet initial, la recherche pétrolière, ou ensuite des autres activités qu'elle avait prises en charge ; que le recours à cet établissement public avait permis jusque là une transparence totale de la gestion des participations publiques de l'Etat. Il a fait observer, en ce qui concerne l'éventualité d'autres montages rendus possibles par l'adverbe « indirectement », que le transfert à l'ERAP de la part de l'Etat dans France Télécom avait tout de même nécessité la publication d'un décret.

En conclusion, il a attiré l'attention sur le fait que le plan de résorption de la dette avait commencé de porter ses fruits, comme le montrait le non recours de France Telecom à l'avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros mis à sa disposition par l'ERAP, ou le résultat d'exploitation brut positif pour 2002 de 7 milliards d'euros. Il a noté que les collectivités locales pouvaient constater qu'elles étaient d'ailleurs, elles aussi, mises indirectement à contribution par les réductions drastiques de dépenses de l'opérateur public, celui-ci leur demandant maintenant de supporter le financement intégral de tout investissement nouveau, des études préalables pour l'enfouissement des lignes jusqu'à la fourniture de fourreaux individualisés.

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