COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 octobre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Louis GALLOIS, président de la SNCF

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La Commission a entendu M. Louis Gallois, président de la SNCF.

Le président Patrick Ollier s'est fait l'écho des informations parues dans la presse qui soulignent la détérioration de la situation économique de la SNCF au cours de l'année 2003, notamment en raison du mouvement social du printemps dernier. En tant qu'administrateur de la SNCF, il a indiqué avoir été frappé par deux chiffres qui parlent d'eux-mêmes : le passage aux 35 heures aurait coûté 250 millions d'euros en 2003 et le mouvement social du printemps dernier a lui aussi engendré une perte de 250 millions d'euros.

Abordant ensuite la question du service garanti, M. Patrick Ollier a souhaité obtenir des précisions sur l'avancée des négociations au sein de l'entreprise.

Il a conclu son propos en demandant à M. Louis Gallois comment la SNCF se préparait à l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire et quels enseignements avaient été tirés de la libéralisation du fret intervenue en mars dernier.

M. Louis Gallois a souhaité illustrer par quelques chiffres l'incidence du mouvement social de juin dernier sur les résultats de la SNCF. Les prévisions budgétaires saisonnalisées affichaient une perte courante pour le premier semestre 2003 de 144 millions d'euros et les premiers mois d'activité laissaient espérer un résultat plus favorable de - 35 millions d'euros. Le mouvement social a en fait conduit à un résultat de - 257 millions d'euros, ce qui signifie que le conflit social a coûté environ 222 millions d'euros.

M. Louis Gallois a souligné la particulière vulnérabilité de la SNCF face aux conflits sociaux ; en effet, toute grève entraîne une réduction immédiate de ses recettes, ce qui n'est pas le cas d'autres entreprises.

A la suite de ces pertes importantes, M. Louis Gallois a demandé la mise au point d'un plan d'économie qui devait rapporter au moins 100 millions d'euros. Il a expliqué que ce plan dénommé « Starter » consistait à réduire le montant des achats et à geler certaines embauches conduisant à 2 000 suppressions d'emplois s'ajoutant aux 1 200 prévues au budget 2003. Il a tenu à souligner que ce plan porterait d'abord sur les dépenses de fonctionnement alors que les frais de personnel représentent plus de 50 % des coûts.

Analysant les perspectives pour l'ensemble de l'année 2003, il a indiqué l'importance du facteur conjoncturel qui pénalise aussi bien les résultats du fret que du trafic voyageurs, l'ensemble des trafics ayant évolué en deçà des prévisions, les plus pénalisés étant l'Eurostar et le Thalys tandis que le trafic TGV se maintenait, mais là aussi, en dessous des attentes.

Il a fait part de ses doutes quant à la possibilité d'obtenir le retour à l'équilibre des comptes qu'il escomptait pour 2004, d'autant plus que le Gouvernement vient d'annoncer une hausse significative des péages pour les cinq ans à venir.

Il a ensuite indiqué que les postes responsables sur le moyen terme à titre principal des pertes de l'entreprise étaient certaines liaisons corail et le trafic fret. Il a annoncé qu'au cours du conseil d'administration du 22 octobre un plan de réorganisation du fret serait annoncé, cette branche devant à terme équilibrer ses comptes car les autres trafics de la SNCF ne génèrent pas assez de bénéfices pour compenser ce secteur déficitaire. Il a rappelé que l'entreprise devait établir des comptes du fret transparents et auditables, la Commission européenne voulant éviter toute forme de subventions croisées attentatoires à une concurrence loyale.

M. Louis Gallois a, par ailleurs, insisté sur les potentialités de la SNCF qui possède des atouts techniques considérables. Il a estimé en premier lieu que la SNCF devait jouer à plein la carte de l'Europe avec ce formidable atout qu'est le TGV mais aussi pour le fret en améliorant ses services à l'international comme le demandent les clients professionnels.

En second lieu, il a souligné que la régionalisation des transports régionaux avait entraîné une remarquable dynamique qui devait être poursuivie par la mise en œuvre de liaisons interrégionales et par le développement de l'intermodalité, notamment dans les zones périurbaines.

Le président Patrick Ollier a félicité le président de la SNCF pour son analyse prospective des enjeux européens du transport ferroviaire, estimant que celui-ci devait en même temps faire preuve de pédagogie afin de faire évoluer également les mentalités.

Dans la perspective de l'examen du deuxième paquet ferroviaire le 21 octobre 2003 par le Parlement et du conseil d'administration de la SNCF du 22 octobre 2003, M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis, a rappelé l'intérêt porté par les élus locaux aux questions d'infrastructures exprimé au cours du débat sur les infrastructures publiques. Il a souhaité connaître les orientations que le président de la SNCF entendait suivre au sujet du fret ferroviaire suite aux propositions formulées par le rapport de MM. Haenel et Gerbaud.

Il a remarqué que les propos de M. Louis Gallois étaient empreints de gravité car la situation économique de l'entreprise est délicate.

Il s'est en outre interrogé sur les chiffres annoncés par le président de la SNCF concernant le montant des péages ferroviaires, compte tenu du fait que le ministre a annoncé des chiffres différents lors de son audition par la Commission. Il a estimé que cet élément était fondamental dans la mesure où le péage pouvait représenter jusqu'à 40 % du prix du billet pour les passagers. En outre, il a demandé des informations sur la dette de RFF, ainsi que l'avis du président de la SNCF sur la création d'un observatoire européen permettant d'évaluer les dispositifs de péages ferroviaires mis en œuvre par nos voisins, dispositif qui se révélera très utile pour assurer une concurrence loyale entre les acteurs ferroviaires européens.

Mme Odile Saugues, après avoir regretté que la situation de l'entreprise SNCF ait été abordée par le biais du coût des 35 heures et des grèves du printemps 2003 et estimé que les salariés de l'entreprise publique savaient montrer un haut niveau de responsabilité dans les circonstances difficiles, a jugé que la question des péages ferroviaires et celle de la réorganisation du fret étaient beaucoup plus importantes et suscitaient une grande inquiétude chez les salariés de l'entreprise. Elle s'est félicitée du fait que le TGV soit la meilleure des liaisons à bas coûts en France, sans pour autant qu'il soit à l'origine, comme dans le secteur des transports aériens, de plaintes en concurrence déloyale.

Elle a par ailleurs tenu à poser les questions suivantes :

- quel est le bilan de la transposition du premier paquet ferroviaire ?

- l'anticipation de la date limite de l'application du deuxième paquet ferroviaire, de 2008 à 2006, aura-t-elle des conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ?

- est-il envisagé de créer un fonds d'intervention permettant de financer les liaisons les moins rentables dans le cadre de la réorganisation des dessertes régionales ?

- quelles conséquences doivent être tirées du fait que la SNCF n'aurait pas été en mesure d'acheminer suffisamment de paille du nord de la France pour faire face aux difficultés causées par la canicule de cet été ?

- quelle est la portée du principe de continuité du service public, souvent évoqué au moment des grèves, mais jamais lorsque l'on projette de supprimer des lignes peu rentables comme la liaison de nuit entre Paris, Clermont-Ferrand et Aurillac ?

- quelle est l'opinion du président de la SNCF sur l'annonce, par le Gouvernement, de la vente de terrains appartenant à la SNCF pour relancer la construction de logements dans la région parisienne ?

- à quelles fins la SNCF a-t-elle décidé d'attaquer British Airways pour concurrence déloyale ?

M. François Sauvadet a, tout d'abord, salué au nom de son groupe la franchise du président de la SNCF en particulier sur la question du coût des grèves du printemps dernier. Il a estimé que la transparence était essentielle dans une démocratie et qu'il était légitime que les clients de la SNCF et les contribuables connaissent le coût qu'ils supportent du fait des mouvements sociaux. Puis, rappelant que le groupe UDF souhaitait, afin de concilier le respect du droit de grève, qui est un droit fondamental, et les attentes légitimes des clients, la mise en place d'un service garanti, sujet sur lequel une proposition de loi serait prochainement déposée par M. Christian Blanc, il a souhaité que M. Louis Gallois donne son sentiment sur cette question.

Il a ensuite demandé que le président de la SNCF précise également les perspectives envisagées pour le développement de nouvelles liaisons TGV et notamment pour le TGV Est et pour le TGV Rhin-Rhône.

Puis, il a rappelé que les clients de la SNCF pour le fret jugent son coût trop élevé et qu'ils avaient été confrontés, à propos des transports de paille, à des durées de trajet excessives, chaque transport prenant environ dix jours, et à un nombre de trains disponibles insuffisants, les chiffres de dix puis de trois trains ayant été évoqués. Il a souhaité que le président de la SNCF précise si ces informations étaient exactes et indique les mesures envisagées pour rendre le fret ferroviaire plus compétitif ce qui implique de renforcer la réactivité et la souplesse de l'entreprise.

M. Daniel Paul s'est déclaré presque scandalisé par les perspectives d'augmentation des péages ferroviaires, augmentation qui conduirait à accroître les charges que la SNCF est contrainte de supporter alors même qu'il est, par ailleurs, demandé à cette entreprise de mieux prendre en compte les réalités économiques. Il a également souligné qu'une telle augmentation aura pour effet de fausser la concurrence entre le fret ferroviaire et le transport routier, le paiement des péages ferroviaires s'imposant à la SNCF alors que les camions peuvent éviter de payer les péages autoroutiers en empruntant les routes nationales.

Il a ensuite rappelé l'importance des enjeux attachés au développement du fret ferroviaire en évoquant l'exemple du port du Havre appelé à recevoir trois fois plus de conteneurs au cours des années à venir, évolution qui, si rien n'est fait, se traduira mécaniquement par un triplement du nombre de camions partant de ce port pour livrer les centres de consommation. Dans ce contexte, il a jugé que le fait de laisser la SNCF assurer et financer seule le développement du fret ferroviaire constituait une erreur.

Puis, il a rappelé que la situation économique générale pesait également sur l'activité et donc sur les résultats de la SNCF.

Il a ensuite souhaité que le président de la SNCF donne son sentiment sur la pertinence du maintien du statut actuel de Réseau ferré de France. Il lui a également demandé d'indiquer si la situation financière de la SNCF et les restrictions budgétaires de l'Etat pesaient sur la réalisation des projets d'infrastructures envisagés et notamment sur le projet de contournement par le Nord de la région parisienne permettant de relier les ports de la Seine et l'Est de la France. Enfin, il a souhaité savoir s'il était exact qu'il était envisagé, dans le cadre du plan « Starter », de ne plus assurer le tri des trains au Havre et à Rouen mais de trier les trains provenant de ces ports à Villeneuve-Saint-Georges.

M. Pierre Cohen s'est, tout d'abord, déclaré très heureux que la majorité ait souhaité ouvrir le dossier du bilan des 35 heures et confiant dans le résultat de l'évaluation envisagée.

Il a ensuite indiqué avoir été choqué d'entendre le président de la SNCF dire que ses agents faisaient la grève pour que cela coûte à l'entreprise alors que leur motivation est la défense du service public.

Il a, en revanche, jugé courageux le fait que le président de la SNCF ait également interpellé l'Etat en souhaitant que celui-ci assume ses responsabilités en définissant clairement et en finançant dans un cadre contractualisé les missions de service public imparties à l'entreprise. Il a, en effet, estimé illégitime que le coût de ces missions soit indéfiniment assumé par des entreprises publiques et a jugé que ce raisonnement valait non seulement pour la SNCF mais également pour La Poste, par exemple.

Puis, il s'est félicité de voir reconnu le succès de la régionalisation du transport ferroviaire de passagers, rappelant qu'elle avait été rendue possible par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ce qui met en évidence la possibilité d'avancées concrètes en matière de décentralisation sans qu'il soit besoin de grande loi à ce sujet.

Enfin, il a estimé que le développement du fret ferroviaire était une nécessité répondant à un véritable besoin social de maîtrise du transport routier et qu'en conséquence, il ne pouvait être évoqué sous le seul angle de la compétitivité du transport ferroviaire, comme l'avait fait M. François Sauvadet. Il a jugé que le développement du fret ferroviaire aurait nécessairement un coût qu'il appartiendra à la collectivité de supporter et a estimé qu'il serait nécessaire de mieux traiter cette question dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

M. Georges Mothron s'est interrogé sur le devenir du projet de ligne « tangentielle » dans le Nord de Paris, visant à relier directement des banlieues entre elles. Il a rappelé qu'une concertation était en cours à ce sujet entre les collectivités locales concernées - dont la ville d'Argenteuil - et les entreprises RFF et SNCF, et que le recours à un dispositif technique nouveau de voies « modifiables » sur lesquelles circuleraient des trains de nouvelle génération de type TRAM était envisagé. Il a demandé où en était l'idée d'une conversion d'une partie des équipements de fret en moyens de transport pour les voyageurs, et dans quel délai interviendrait la mise en place du projet visant à éloigner les grands axes de circulation du fret de la région parisienne.

M. François Dosé s'est étonné que la mise en place d'un plan d'assainissement de l'exploitation comme « Starter » soit subordonnée à l'émergence d'une situation de crise, alors que les mesures de rationalisation de l'utilisation des moyens et de renforcement de la lutte contre la fraude qu'il comporte devraient être intégrées aux pratiques de gestion courante de l'établissement. Il a souhaité savoir où en était l'idée de développer un trafic de fret s'appuyant sur le TGV. Il s'est interrogé par ailleurs sur le statut effectif des expérimentations de branche secondaire prévues dans le cadre de la construction du TGV Est.

Il a enfin demandé des précisions sur la valeur des expérimentations décidées localement lorsqu'elles prévoient des dessertes en contradiction avec la DUP et il a souligné qu'une grande opacité juridique existait sur ces questions.

M. Michel Roumegoux a mis en avant trois aspects critiques du succès d'une ligne de transport de voyageurs : les horaires de passage, la durée du voyage, les tarifs. Il a en particulier incriminé la durée du voyage passée de 4h50 à 5h20 dans la baisse de fréquentation constatée sur la ligne Paris-Cahors. Il a signalé que des tarifs trop élevés pouvaient être l'indice de charges de personnel excessives, ayant pour effet de remettre en cause la pérennité du service public. Il s'est interrogé sur la possibilité de récupérer des ressources par une gestion plus rigoureuse du patrimoine immobilier de la SNCF, dont une partie paraît à l'abandon. S'agissant du transport de fret, il a signalé que la SNCF semblait ne pas faire de réels efforts pour son développement, en n'exploitant pas réellement les possibilités ouvertes par le « ferroutage », et en refusant des commandes sous le prétexte des trop faibles quantités en jeu.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a signalé qu'elle n'adhérait pas, comme ses collègues du groupe socialiste, aux analyses du président Gallois concernant la grève, mais qu'elle avait noté avec satisfaction sa préoccupation concernant le maintien d'une desserte de proximité. Elle a souhaité ensuite connaître la position de la SNCF sur le dossier du train pendulaire à grande vitesse Paris-Orléans-Toulouse, dont la construction semblait acquise puisqu'elle avait été entérinée par le contrat de plan Etat-régions 2000-2006, mais vis-à-vis de laquelle le Gouvernement semble aujourd'hui incertain.

M. Lucien Guichon a dénoncé l'incertitude pesant aujourd'hui sur les délais d'acheminement du fret ferroviaire, qui expliquerait pour l'essentiel, selon lui, la désaffection des professionnels vis-à-vis de ce mode de transport. Il a indiqué qu'il avait lui-même pu constater cette dégradation de la situation en tant que client, et qu'il s'agissait d'une dérive récente. Il a en outre demandé si les grévistes du printemps 2003 avaient bien subi une retenue sur salaire.

M. Francis Saint-Léger s'est élevé contre la suppression du train de nuit Paris-Clermont-Aurillac-Bézier qu'il a jugée contradictoire avec des principes évidents d'aménagement du territoire et en a demandé les raisons.

M. Pierre Micaux a demandé où en était le projet, en suspens depuis une dizaine d'années, d'électrification de la ligne Paris-Troyes-Bâle.

En réponse aux divers intervenants, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a apporté les précisions suivantes :

- il convient de rappeler que la situation du fret ferroviaire s'est améliorée jusqu'en 2000, année exceptionnelle tant en ce qui concerne le trafic que l'équilibre économique de cette activité. Le fret ferroviaire n'est donc pas voué à un déclin inéluctable. Cette croissance a été largement liée à une augmentation du volume du trafic, qui n'a pas été accompagnée d'une baisse des coûts. Le fret ferroviaire a eu à subir un retournement conjoncturel en 2001 et 2002, caractérisé par une baisse du volume de trafic alliée à la poursuite de la progression des coûts et une dégradation de la qualité du service rendu consécutive à la forte croissance de l'activité en 2000. Dès l'année 2001, une réflexion a donc été engagée sur cette question, réflexion intensifiée en 2003 au vu de la conjoncture et de l'impact majeur des récents conflits sociaux sur les clients de l'activité fret de la SNCF.

Un projet est donc en cours d'élaboration, non pour organiser le repli du fret ferroviaire, mais pour redonner des bases solides à la croissance de cette activité. Ce projet repose sur quatre axes.

Il s'agit en premier lieu d'améliorer la qualité du service rendu aux clients, qui attendent de la SNCF une plus grande régularité du transport des marchandises. Dans cette optique, il convient que l'activité fret ait la maîtrise du processus de transport, aujourd'hui caractérisé par la multiplicité des intervenants ce qui a pour conséquence qu'aucun d'entre eux ne se sente réellement responsable de la qualité du service rendu. La direction du fret sera désormais clairement chargée de cette responsabilité et sera équipée en conséquence.

Il conviendra également de distinguer d'une part, les trafics de longue distance, qui doivent répondre à une logique industrielle et être transformés en véritables « tapis roulants », par exemple sur une ligne reliant Le Havre à l'est de la France, et d'autre part les trafics de proximité autour de pôles économiques régionaux, et des gares de triage.

L'activité fret aura désormais la maîtrise de son parc de locomotives et des journées de service d'agents de conduite, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Elle aura également la maîtrise de sillons qui lui auront été accordés, ce qui aura évidemment un impact sur le trafic de voyageurs, aujourd'hui prioritaire.

L'amélioration de la qualité du service rendu aux clients nécessitera enfin de les informer en avance de la capacité de la SNCF à tirer leurs trains en cas de grèves.

En second lieu, il convient de faire du fret ferroviaire une activité économiquement équilibrée, afin que sa croissance soit saine. Aujourd'hui, le fret ferroviaire tire la SNCF « vers le bas » en raison du déficit enregistré par cette activité. On doit d'abord souligner que les frais généraux engagés pour le fret ferroviaire représentent 13 % du chiffre d'affaires généré par cette activité, ce qui est largement supérieur aux moyennes constatées dans les autres pays européens, qui se situent autour de 9 %.

Le retour à l'équilibre économique suppose également de moderniser le matériel roulant et d'en intensifier l'utilisation. A l'heure actuelle, les locomotives roulent en moyenne 32 heures par semaine ; il est indispensable d'accroître cette moyenne. Il convient également de moderniser ce matériel : la moyenne d'âge des locomotives diesels s'élève à 37 ans et certaines d'entre elles date des années 1950. Des investissements seront donc nécessaires ; ils devront être accompagnés d'un effort accru portant sur la productivité du personnel. C'est donc une action portant sur l'ensemble de l'appareil de production qui doit être menée ; elle devra notamment traiter du matériel roulant et des infrastructures.

Le troisième axe consiste à réorienter la politique commerciale de la SNCF. L'entreprise n'opère pas pour l'instant de réelle distinction selon la nature des marchandises transportées, car elle raisonne essentiellement en termes de « tonnes par kilomètre ». Cette approche n'est plus de mise. Il convient de distinguer les trafics selon leur contribution économique. L'entreprise doit être capable de s'engager sur différents niveaux de qualité de service selon les besoins des clients et de facturer en conséquence ; par ailleurs, il est inévitable que pour certains trafics, la SNCF soit amenée à exiger de ses clients un prix de transport plus élevé. On constate en effet que sur certaines liaisons et certains types de produits, les prix pratiqués par la SNCF sont inférieurs à ceux du transport routier et couvrent moins de la moitié du coût supporté par l'entreprise. Il est donc logique que dans de telles situations, la SNCF soit amenée à refuser de transporter les marchandises de certains clients qui n'acceptent pas des hausses de prix. La SNCF sera, à l'avenir, amenée à donner la priorité aux trafics apportant une contribution économique positive.

Enfin, le quatrième axe consiste à mieux accompagner en Europe les clients de l'activité fret de la SNCF. On constate aujourd'hui que pour les liaisons vers l'Italie et par exemple vers Milan, la SNCF ne peut assurer un suivi de ses trains que jusqu'à Modane et ne peut donc garantir la qualité du service rendu de bout en bout de la chaîne de transport ferroviaire. Pour remédier à cette insuffisance, il convient de créer des organisations communes intégrées avec nos voisins européens, qui permettraient d'assurer un service de qualité de bout en bout ;

- s'agissant des péages acquittés par la SNCF auprès de RFF, l'idée de créer un Observatoire européen permettrait de remédier à la grande opacité qui règne aujourd'hui, la France étant à cet égard un des Etats membres pratiquant la plus grande transparence. Pourtant, la Commission européenne ne manifeste pas d'enthousiasme vis-à-vis de cet observatoire, car elle ne souhaite probablement pas jouer le rôle de « juge-arbitre » entre les Etats membres sur cette question.

Il faut en outre souligner que les péages ne sont pas destinés à couvrir la dette historique de RFF, que le mode ferroviaire ne peut en tout état de cause, assumer. C'est aujourd'hui l'Etat qui supporte le poids du service de cette dette. D'ailleurs, la directive du Conseil 440/91 du 29 juillet 1991 concernant le développement des chemins de fer communautaires promouvait le désendettement du mode ferroviaire. Les péages ont en réalité vocation à couvrir le coût marginal d'utilisation des infrastructures. La SNCF estime que tel est déjà le cas, mais l'Etat considère qu'il faut augmenter le niveau de ces péages qui se situent pourtant à un niveau parmi les plus élevés en Europe ;

- M. Louis Gallois a indiqué qu'il n'avait pas abordé la question du coût de la législation relative aux trente-cinq heures de travail hebdomadaires car il n'avait pas à porter de jugement public sur une législation votée par la représentation nationale ;

- le TGV reste incontestablement le meilleur mode de transport à bas coût, mais il convient d'assurer des conditions de concurrence transparentes pour que la SNCF soit en mesure de rivaliser avec les compagnies aériennes à bas coût. A cet égard, le subventionnement par les aéroports des voyageurs à l'unité, ainsi que l'existence de publicités permettant aux compagnies aériennes d'annoncer des prix qui n'incluent ni les taxes d'aéroport, ni les frais annexes, faussent les règles du jeu aux dépens de la SNCF ;

- l'application du premier « paquet ferroviaire » n'a pas encore conduit concrètement à l'instauration d'une concurrence en France dans le secteur du fret ferroviaire, malgré l'ouverture internationale progressive du marché. Un certain nombre de candidats évaluent actuellement cette possibilité. S'agissant du second paquet ferroviaire, le Conseil européen n'a pas à ce jour modifié son point de vue, qui diffère de celui du Parlement européen. Ainsi, le Conseil européen reste défavorable à l'extension au transport de voyageurs de l'ouverture à la concurrence et poursuit ses discussions sur les dates d'ouverture à la concurrence pour le fret ferroviaire, mouvement inéluctable auquel la SNCF se prépare et dont elle souhaite tirer le meilleur. L'essentiel pour la SNCF est de disposer d'un calendrier stable des changements programmés, les dates de 2006 ou 2008 étant tour à tour invoquées pour l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire domestique, et de pouvoir mettre en œuvre ces changements de façon progressive. D'une manière générale, il conviendrait d'instruire suffisamment les dossiers avant la prise de décision, afin d'éviter les malentendus ou les revirements. A cet égard, la Direction de la SNCF a fait savoir à la Commission européenne, qui semblait l'ignorer, que la SNCF réalisait non pas 5 % mais plus de 20 % de son trafic voyageurs grandes lignes sur les liaisons internationales, le chiffre de 5 % étant valable pour des pays tels que l'Allemagne ou l'Italie, où l'impact d'une libéralisation de ce trafic serait donc différent ;

- la régionalisation du transport ferroviaire est un succès qu'il convient de conforter en développant et en modernisant l'offre, en diversifiant les services proposés et en favorisant des dynamiques intermodales et interrégionales, indispensables compte tenu de l'importance du trafic interrégional et dans la mesure où la circulation des trains ne peut pas s'effectuer dans les limites d'une seule région ;

- la création d'un fonds d'intervention en faveur des dessertes peu rentables assurées par les trains Corail a été évoquée hier au Conseil économique et social par le ministre en charge des transports. La SNCF n'a jamais exercé de chantage sur la suppression de ces dessertes, mais une réflexion sur la prise en charge des importants surcoûts nés de l'exploitation par la SNCF d'une douzaine de lignes fortement déficitaires est nécessaire. Les exigences d'aménagement du territoire doivent être prises en compte, mais l'article 6 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) prévoit que la SNCF propose ses services à un prix lui permettant d'équilibrer ses coûts ou, à défaut, bénéficie d'une compensation financière dans le cadre d'un contrat. Les réflexions engagées actuellement visent donc la possibilité de réunir les ressources nécessaires pour financer cette compensation ;

- s'agissant du transport de la paille, la SNCF réalise des efforts considérables, en étroite liaison avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), présidée par M. Jean-Michel Lemétayer. La SNCF est en relation constante avec les organisations agricoles par le biais de groupes de travail et a mis à disposition des exploitants 500 wagons, qui ont déjà permis de transporter 10 000 tonnes de fourrage, ce chiffre devant être porté à 20 000 au mois d'octobre. Cette mobilisation, qui n'a pas d'équivalent dans d'autres modes de transport, est d'autant plus lourde pour la SNCF que l'essentiel de son parc de wagons est impropre à un transport sécurisé de la paille, comme en témoigne un récent incendie ayant conduit au blocage du trafic ferroviaire. Quant aux tarifs pratiqués, ils visent à couvrir les coûts de la SNCF ; il ne serait pas possible d'aller plus loin sans prise en charge externe de la baisse du prix. Le procès permanent fait sur cette question à la SNCF, accusée de ne pas réellement mobiliser ses moyens alors qu'elle contribue au transport du fourrage dans des conditions très difficiles à gérer, ne correspond pas à la réalité et désespère les cheminots, qui sont très impliqués ;

- les conditions de valorisation des terrains de la SNCF pour la construction de logements sont en cours d'examen ;

- s'agissant du service garanti, la meilleure solution serait de résoudre, à l'intérieur de l'entreprise, les problèmes soulevés par les conflits sociaux pour les usagers. Des discussions sont en cours depuis plusieurs années à ce sujet entre partenaires sociaux et ont conduit à la signature d'un protocole d'accord par trois syndicats minoritaires, représentant 14 % du corps électoral des cheminots. Aucune organisation syndicale n'y ayant vu une atteinte au droit de grève, la SNCF a décidé de mettre en œuvre ce protocole d'accord malgré l'absence de majorité syndicale en sa faveur, afin d'accroître l'anticipation des conflits sociaux. On peut souhaiter que les syndicats, après en avoir constaté les aspects bénéfiques, s'inscriront dans ce cadre et utiliseront la demande de concertation immédiate permettant la prévention des conflits. La notion de service prévisible doit permettre à la SNCF de s'engager sur les circulations de trains auprès des clients sur la base d'une bonne appréciation de l'ampleur du mouvement social, notamment grâce à l'interrogation des syndicats. Ce dispositif permettra donc à la SNCF de mettre en place ses plans de transport à un niveau adapté, en anticipant les éventuelles difficultés. Il est naturel qu'une impatience s'exprime au niveau politique mais il reste préférable de progresser sur la voie d'une action interne à la SNCF plutôt que sur une intervention de l'extérieur. Cela dit, il faut que les progrès internes apparaissent suffisamment sensibles ;

- concernant l'avenir du TGV, la SNCF a une règle et s'y tient : elle ne s'exprime pas publiquement sur ses préférences d'investissement en matière de lignes TGV avant la prise de décision politique. Elle n'est ni le payeur direct, ni le décideur. Dans le cadre du futur CIADT, dans quelques mois, un schéma de développement de la grande vitesse sera présenté. L'entreprise a bien entendu donné son avis sur les éléments de ce schéma ;

- s'agissant du ferroutage, la route roulante entre Aiton-Bourgneuf, près de Saint-Jean de Maurienne, et Turin, va être mise en service début novembre, avec 4 mois de retard, les Italiens ayant voulu demander une autorisation à la Commission européenne. Les wagons utilisés seront novateurs puisqu'ils permettent un chargement latéral beaucoup plus efficace ;

- le fret émanant du port du Havre constitue un enjeu décisif pour la SNCF compte tenu de l'importance du trafic prévisible mais l'évacuation des caisses est aujourd'hui encore trop difficile. C'est notamment le cas vers le Nord (vers Amiens), mais surtout vers Paris, puisque le Havre est en quelque sorte le « port de Paris ». Il est donc nécessaire de renforcer les capacités sur la ligne Paris-Mantes, d'étudier les possibilités de détournement vers le Nord et d'investir rapidement dans des locomotives diesels plus performantes, ces investissements devant également permettre d'optimiser les liaisons vers l'Est ;

- concernant le contournement nord de Paris par Amiens, la SNCF est très demandeuse, notamment du fait des gains de temps attendus vers le Nord-Est, mais c'est à RFF qu'incombe cette décision ;

- la durée du programme Starter est de 6 mois ; il est destiné à réaliser des économies sur les achats, les recrutements et à dynamiser les recettes. Il sera clos le 1er janvier 2004. Il ne s'agit en aucun cas d'une évolution structurelle de l'entreprise visant à diminuer ou à fermer des infrastructures ;

- la grève vise à créer un rapport de force au sein de l'entreprise ; elle a donc bien un coût estimé pour une grève nationale à 20 millions d'euros par jour, et c'est la SNCF et non l'Etat qui assume ce coût. Chacun doit donc prendre ses responsabilités ;

- la SNCF ne peut se permettre un endettement supérieur à 7,5 milliards d'euros qui pourrait l'entraîner dans la dérive du surendettement. Elle doit donc dégager 1 milliard d'euros de capacité d'autofinancement chaque année et pour cela être bénéficiaire ; il convient bien sûr que ces bénéfices ne fassent pas l'objet de prélèvements répétés ;

- s'agissant de la tangentielle nord, l'hypothèse de « tram-train » est examinée avec attention sur la ligne Aulnay-Bondy, car la ligne existante est saturée, du fait d'une utilisation importante par le fret. Une liaison voyageurs assurée sur des voies parallèles constitue donc un sujet de réflexion intéressant, même s'il faut veiller à ce que cet examen ne retarde pas trop le chantier ;

- le TGV fret existe déjà pour la messagerie, trois rames étant en service pour la Poste. C'est un marché étroit, car les tarifs sont élevés, mais qui peut se développer dans l'avenir pour la messagerie et les petits colis. L'alliance Air France-KLM doit conduire à étudier les opportunités pour le fret ferroviaire express entre Roissy et Schiphol ;

- les problèmes de la desserte TGV de Bar-le-Duc feront l'objet d'une réponse écrite précise ;

- concernant l'avenir du POLT, la position de la SNCF est claire : elle a donné son accord sur le schéma actuel d'un TGV pendulaire, nécessitant de considérables investissements d'infrastructures. La SNCF s'inscrit toujours dans ce projet, s'il est maintenu dans sa configuration actuelle ;

- il est exact que le trajet Paris-Cahors par « le Capitole » s'effectue en 5h20 contre 4h50 auparavant, mais il faut rappeler que, dans le passé, la ligne était dégagée avant son passage. Par ailleurs, en région parisienne, le trafic s'est intensifié, notamment avec le RER C, alors que le trafic fret est en hausse sensible sur cet axe de délestage du sillon rhodanien, fortement saturé ;

- les personnels de la SNCF ne sont pas surpayés même s'ils ont des avantages spécifiques. L'entreprise est prête à un examen approfondi de ses rémunérations, ses 20 000 cadres notamment sont moins rémunérés que ceux du privé et de nombreuses catégories de personnels acceptant des conditions de travail que beaucoup de leurs concitoyens refusent - notamment travail de nuit, le week-end ou les jours fériés. Ces conditions entraînent d'ailleurs un certain nombre de difficultés de recrutement ;

- par ailleurs, contrairement à une idée largement répandue, les jours de grève ne sont jamais rémunérés à la SNCF et, d'ailleurs, les syndicats ne le demandent pas. M. Hervé Mariton, rapporteur des crédits des Transports à la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a d'ailleurs fait une enquête après les grèves de mai et juin 2003 et l'a constaté ;

- la ligne Paris-Clermont-Aurillac est très dense jusqu'à Clermont-Ferrand, mais les trains de nuit jusqu'à Aurillac ne transportaient plus que 12 personnes en semaine et 30 à 50 le week-end, ce qui justifie la décision de la SNCF d'interrompre la desserte de nuit, tout en intensifiant les dessertes de jour et en passant un accord avec la compagnie aérienne qui dessert Aurillac, afin de satisfaire ses clients abonnés qui voyageaient de nuit et pourront voyager en avion, pour un coût quasi-identique ;

- l'électrification de la ligne Paris-Troyes-Bâle est en cours : sur le tronçon Gretz-Troyes, le planning des travaux est prêt ; il reste maintenant à les financer. Une partie est disponible au titre du 12ème Plan.

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