COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

mercredi 19 novembre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Yves Coussain, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Marc Lafineur (n° 1159) sur la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM (2002) 711 final/E-2176) (Mme Arlette GROSSKOST, rapporteure)



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- Examen du rapport d'information sur les activités agricoles et la protection de l'environnement (Mme Marcelle RAMONET, rapporteure) :


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La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Arlette Grosskost, la proposition de résolution de M. Marc Lafineur (n° 1159) sur la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM (2002) 711 final/E-2176).

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Arlette Grosskost, la proposition de résolution de M. Marc Lafineur (n° 1159) sur la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM (2002) 711 final/E-2176).

Mme Arlette Grosskost, rapporteure, a tout d'abord indiqué que cette proposition de règlement, émanant de la Commission européenne, avait pour objet d'améliorer le régime actuel de contrôle européen des concentrations entre entreprises.

Rappelant que le texte du règlement n° 4064/89 sur les concentrations, adopté le 21 décembre 1989 et modifié une première fois en 1997, était le fruit de nombreux compromis, notamment sur la question de la répartition des compétences entre les autorités nationales et la Commission, ainsi que celle des critères d'appréciation des concentrations, elle a remarqué qu'il n'était pas anodin que la réforme du règlement n° 4064/89 proposée actuellement par la Commission portât précisément sur ces questions.

Mme Arlette Grosskost a ainsi indiqué que le système actuel connaissait un certain nombre d'imperfections, concernant tant la répartition des compétences en matière de contrôle de la concurrence que la procédure.

Concernant la répartition des compétences entre les Etats de l'Union et la Commission européenne, la complexité des règles actuelles s'est avérée être une source de lenteur préjudiciable aux entreprises parties aux opérations de concentration, les mécanismes de renvoi imposant en effet à toutes les parties une importante perte de temps et d'efficacité administrative, tout en augmentant les coûts des opérations pour les entreprises. La réforme de 1997, qui cherchait à simplifier la procédure en évitant aux entreprises d'avoir à multiplier les notifications dans plusieurs Etats membres, a en réalité introduit complexité et lenteur dans la détermination de la dimension communautaire et n'a ainsi pas atteint son objectif.

Mme Arlette Grosskost a ensuite rappelé l'imperfection de la procédure actuelle tant du point de vue des délais que de la faiblesse des garanties procédurales.

Concernant les délais, les contraintes de temps sont nombreuses, tant en amont qu'en aval de la notification de l'opération de concentration. Mme Arlette Grosskost a donc jugé nécessaire d'assouplir le calendrier des notifications et celui du fait déterminant la notification d'une concentration. De même, elle a rappelé que les délais dont disposent les entreprises pour proposer des engagements de nature à rendre l'opération de concentration compatible avec le marché commun sont trop courts, les contraintes de temps étant par ailleurs fortement ressenties tout au long de la procédure.

En ce qui concerne la procédure, la rapporteure a déploré la faiblesse du rôle du Comité consultatif, car si la Commission doit tenir compte de l'avis émis par le comité, il est fréquent que la tenue de ce comité soit purement formelle, les Etats membres ne recevant pas, ou tardivement, les informations nécessaires à un réel examen de l'opération.

De manière globale, Mme Arlette Grosskost a estimé que les difficultés de procédure s'expliquaient par l'absence de réel contre-pouvoir : la Commission instruit les dossiers, puis décide. En outre, même lorsqu'elles sont contestables, les motivations de décisions de la Commission sont difficilement attaquables, sauf erreur manifeste d'appréciation.

La rapporteure a ensuite rappelé que, suite à l'adoption de son livre Vert du 11 décembre 2001 et à la consultation des Etats membres, du monde des affaires et de la communauté juridique, la Commission européenne avait estimé que le « contrôle communautaire des concentrations était très largement considéré comme un succès » mais que l'analyse montrerait « un certain nombre de faiblesses du système actuel, touchant non seulement les seuils de chiffre d'affaires, mais également d'autres aspects du règlement sur les concentrations ».

Mme Arlette Grosskost a ainsi précisé que l'objet de la réforme du règlement proposée par la Commission européenne était de combler ces lacunes et ainsi d'améliorer le fonctionnement du contrôle des concentrations dans la Communauté européenne. La rapporteure a indiqué que ces modifications concernaient la simplification du système de renvoi, l'amélioration de la notion de concentration et l'assouplissement du calendrier de la procédure du contrôle des concentrations.

Si les propositions de la Commission représentent une avancée réelle, Mme Arlette Grosskost a toutefois déploré leur insuffisance, concernant tant les questions de fond et de compétence que les questions de procédure.

En effet, concernant les mécanismes de renvoi, la nouvelle configuration présentée par la Commission a suscité des interrogations au sein même des institutions européennes et fait l'objet d'appréciations différentes de la part des organisations professionnelles et des autorités nationales.

Mme Arlette Grosskost a en outre regretté que la proposition de règlement ne renforce pas le rôle du comité consultatif et n'en fasse pas un organe réel de liaison entre la Commission et les Etats membres.

Concernant les questions de procédure, Mme Arlette Grosskost a relevé que c'était le domaine dans lequel les propositions de la Commission étaient les moins ambitieuses, alors même que la demande par les entreprises et les autorités nationales d'amélioration de la transparence de la procédure était forte.

En effet, les propositions de la Commission sont demeurées en deçà des besoins de réforme et la question du renforcement de la transparence de la procédure a été éludée.

Or, a souligné la rapporteure, le règlement communautaire se caractérise par de criants défauts, tels la confusion des fonctions par la Commission, qui est à la fois procureur et juge, et ainsi l'absence de contrôle du processus décisionnel, ou l'absence de réel droit des parties à une opération à obtenir toutes les informations transmises par les tiers dans la procédure et non couvertes par le secret des affaires.

Mme Arlette Grosskost a jugé cette absence de transparence de la procédure d'autant plus préoccupante qu'il n'existe à ce jour ni procédure de recours d'urgence spécifique aux opérations de concentration, ni chambre spécialisée dans les affaires de concurrence au sein du tribunal de première instance des communautés européennes.

Mme Arlette Grosskost a ensuite exposé le contenu de la proposition de résolution soumise à l'examen de la Commission. Elle a ainsi indiqué que cette proposition reprenait en un article unique les trois domaines de réflexion essentiels sur ce thème, c'est-à-dire les améliorations sur les questions de compétence, de fond et de procédure.

Concernant les questions de compétence, le texte de cette proposition approuve les améliorations du système de renvoi, souhaitant toutefois que le rôle du comité consultatif soit plus effectif et que, dans cette perspective, les avis du comité rendent compte des débats, notamment des positions divergentes.

Concernant les questions de fond, la proposition de résolution de la délégation de l'Union européenne souhaite apporter des modifications substantielles au texte de la Commission. Elle apporte ainsi son soutien à la proposition présentée au Conseil par les autorités françaises et espagnoles, visant à combiner la notion de position dominante à celle d'atteinte à la concurrence, afin notamment de permettre un contrôle plus efficace des oligopoles non collusifs. En outre, la Délégation à l'Union européenne estime indispensable de préciser que la Commission apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence, mais également que la Commission tient compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale.

La rapporteure s'est en outre associée pleinement à la volonté de la délégation d'instituer au sein du tribunal de première instance une chambre spécialisée dans les recours en matière de concurrence, voire en matière de concentration, ainsi que d'instaurer une procédure de recours d'urgence spécifique.

Pour conclure, Mme Arlette Grosskost a estimé qu'à l'heure de l'élargissement de l'Europe, il était plus que nécessaire de disposer d'un outil adéquat de contrôle des concentrations entre les entreprises de l'Union européenne, bientôt forte de 25 membres. Elle a souligné l'importance de l'enjeu, puisqu'il s'agit de tirer au mieux parti des capacités économiques de l'Union européenne actuelle et à venir, et ainsi de permettre aux entreprises d'atteindre une taille optimale pour faire face à la compétition mondiale, tout en évitant les situations de monopole ou d'oligopole, préjudiciables au fonctionnement sain de la concurrence.

Elle a ainsi proposé à la Commission d'adopter la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, qui prend acte des avancées proposées par la Commission européenne, mais aussi des limites du projet de règlement de cette même Commission.

Puis, la discussion s'est engagée sur les conclusions du rapport présenté par Mme Arlette Grosskost.

Mme Chantal Brunel, s'exprimant au nom du groupe UMP, a apporté son soutien a la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne. Elle s'est plus particulièrement associée à deux réserves émises par la délégation et par la rapporteure, la première, relative aux droits de la défense, qui lui semblent supposer un délai d'instruction plus long, la deuxième portant sur la notion de position dominante, dont la définition et l'appréciation doivent prendre en compte, non seulement les parts de marché, mais aussi le maintien de l'emploi et des entreprises dans un monde ouvert et, plus largement, les critères de compétitivité de l'industrie européenne face à la mondialisation et aux populations et marchés gigantesques de la Chine ou de l'Inde.

M. Daniel Paul, s'exprimant au nom du groupe communiste et républicain, a jugé passablement cocasse le fait de discuter d'une proposition de résolution visant à mieux encadrer le contrôle communautaire de la concentration des entreprises au moment où le projet de Constitution européenne définit un marché ouvert aux règles de la concurrence maximale. Il a cependant estimé qu'il n'était pas inopportun d'envisager de revoir les règles de concentration des entreprises, à condition de le faire sérieusement, ce qui supposerait d'assurer une information réelle du Parlement européen et non pas des seuls gouvernements des États membres, de préciser les critères d'appréciation des opérations de concentration en prenant explicitement en compte la valeur ajoutée et le maintien des emplois induits par l'opération de concentration examinée, de définir des règles de concurrence à l'échelle non seulement européenne mais aussi mondiale en tenant compte des grandes régions économiques. Il s'est également interrogé sur les conséquences de l'entrée dans l'Union européenne de 10 nouveaux membres, dont Chypre ou la Slovaquie par exemple, en matière de concentration dans tous les secteurs et toutes les branches de l'économie. Il a enfin estimé qu'il conviendrait de dépasser les seuls critères techniques et technocratiques, afin de donner aux salariés des entreprises ou des groupes concernés la place qui leur revient, par la consultation de leurs instances sociales et d'éviter ainsi les pertes d'emplois.

M. Jean Gaubert, s'exprimant au nom du groupe socialiste, s'est déclaré en accord avec les critiques des rapporteurs de la délégation comme de la commission sur le mode de fonctionnement du contrôle communautaire des concentrations. Il a souligné que ces critiques pouvaient s'étendre au rôle même de la Commission chaque fois qu'elle est à la fois juge et procureur, ce qui se produit dans d'autres domaines que celui de la concurrence et que les propositions de réforme, quoiqu'imparfaites, devaient être appréciées dans un esprit de compromis. Il a cependant fait remarquer que cette question traduisait une contradiction classique du libéralisme qui souhaite s'affranchir de règles tout en en fixant par ailleurs, en fonction de ses besoins. Il a, en outre, regretté l'imprécision juridique de la notion de « contribution au progrès économique » ou de prise en compte de la compétitivité des entreprises au regard de la concurrence internationale auxquelles fait appel la proposition de résolution. Il a enfin regretté que la réforme proposée n'associe pas au travail d'instruction des opérations de contrôle les instances sociales des entreprises concernées.

Prenant acte du large consensus sur la question, et en réponse aux différents intervenants, Mme Arlette Grosskost s'est associée aux critiques portant sur le caractère technocratique des discussions, malheureusement inévitable.

En effet, depuis l'origine et notamment l'adoption des articles 81, 82, 85 et 86 du traité, la question de la concurrence entre entreprises a été malheureusement l'objet de débats purement techniques éloignés de la réalité économique européenne et internationale.

Toutefois, la situation actuelle de la réglementation est telle que l'absence d'un vote sur la proposition de résolution et in fine sur le projet de règlement serait contreproductive. Observant que les propositions de la Commission constituent une avancée, certes limitée, mais réelle, Mme Arlette Grosskost a jugé qu'il fallait soutenir cette avancée et rester vigilant pour l'avenir .

La Commission a alors adopté sans modification la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne.

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La Commission a ensuite examiné le rapport d'information de Mme Marcelle Ramonet sur les activités agricoles et la protection de l'environnement.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a en préalable rappelé que la création de la mission d'information sur les activités agricoles et la protection de l'environnement résultait d'une initiative du président Patrick Ollier ; elle a souligné l'importance de la question étudiée, notant que la préservation d'un secteur économique essentiel et les attentes sociales en matière de protection de l'environnement pouvaient apparaître parfois antinomiques.

Puis, elle a souligné que la mission d'information avait souhaité placer ses travaux sous l'angle du développement durable, dans la perspective de la Charte de l'environnement et de la stratégie nationale du développement durable. Elle a indiqué que la mission avait axé sa réflexion sur les moyens permettant de concilier le maintien d'une activité agricole rentable et la préservation, voire l'amélioration de notre environnement, et que son intervention serait plus particulièrement concentrée sur les propositions de la mission.

La rapporteure a tout d'abord fait observer l'évolution du rôle de l'agriculture, qui doit désormais répondre à de nouvelles attentes environnementales, telles que l'entretien des paysages, la prévention des risques naturels, la lutte contre l'effet de serre, l'épandage des boues des stations d'épuration ou encore la production d'énergies renouvelables. Elle a fait remarquer que parallèlement, certaines activités agricoles pouvaient être mises en cause au nom de la préservation des milieux naturels, par exemple avec la mise en place difficile de Natura 2000, tandis que l'agriculture devait répondre aux attentes paradoxales des consommateurs, citant ainsi la protection des écosystèmes par les pratiques agricoles, l'amélioration de la qualité des productions et un niveau des prix acceptable socialement.

Puis, la rapporteure a attiré l'attention sur l'influence indéniable de certaines pratiques agricoles sur l'environnement, citant en premier lieu les pollutions diffuses agricoles. Evoquant la pollution diffuse par les nitrates, elle a souligné que celles-ci dépendaient étroitement des cultures pratiquées et des modalités d'élevage, d'où de grandes inégalités régionales, les régions d'agriculture intensive étant les plus touchées. Après avoir fait observer que, contrairement à certaines idées reçues, ce sont les engrais azotés qui sont la principale source d'azote, tandis que pour l'azote d'origine organique, les rejets proviennent à 75 % des bovins et à seulement 8 % des porcins, elle a souligné les effets néfastes de cette pollution, qui se traduit notamment par l'eutrophisation des cours d'eau et du littoral.

La rapporteure a ensuite abordé la pollution diffuse par les produits phytosanitaires, déplorant que selon le bilan annuel 2002 des pesticides dans les cours d'eau, établi par l'Institut français de l'environnement (IFEN), dans 40 % des cas, la présence de pesticides ait entraîné une qualité moyenne, médiocre ou mauvaise des cours d'eau.

Elle a en revanche souligné que l'impact des activités agricoles sur l'environnement était beaucoup plus mesuré dans le domaine des autres pollutions diffuses, l'agriculture n'étant responsable que de 25 % des rejets de phosphore dans les eaux et ne contribuant qu'à 18 % aux émissions de gaz à effet de serre, qui sont en réalité principalement imputables aux secteurs des transports et du résidentiel tertiaire.

La rapporteure a fait observer que l'autre impact majeur des activités agricoles sur l'environnement concernait la modification du régime des eaux du fait de l'irrigation, une grande majorité des superficies irriguées correspondant, grosso modo, aux zones dans lesquelles la ressource en eau est déséquilibrée. Elle a enfin signalé l'atteinte à la biodiversité causée par certaines pratiques agricoles.

Mme Marcelle Ramonet a ensuite fait part des incertitudes qui existent sur certains points. Ainsi en est-il, a-t-elle précisé, de l'impact de l'agriculture sur la biodiversité, qui est certes reconnu aujourd'hui, mais reste très difficile à apprécier ; elle a également indiqué que les politiques publiques avaient parfois assigné aux agriculteurs des objectifs fluctuants au cours du temps, par exemple concernant le retournement des prairies, encouragé puis condamné par la politique agricole commune (PAC). Elle a enfin signalé que les agriculteurs devaient en outre faire face à des incertitudes scientifiques conduisant à douter de l'innocuité de certaines pratiques, pourtant autorisées, comme l'épandage des boues des stations d'épuration. Elle a sur ce point jugé indispensable de mettre un terme à cette insécurité en développant une démarche qualité, par une certification des boues, et en instaurant un Fonds national de garantie, alimenté par les cotisations des producteurs de boues, permettant d'indemniser les victimes en cas de préjudice lié à l'épandage.

La rapporteure a ensuite indiqué qu'à partir du constat dressé sur les relations complexes qu'entretiennent agriculture et environnement, la mission avait souhaité étudier plus précisément les politiques mises en place visant à mieux concilier pratiques agricoles et préservation de l'environnement.

En premier lieu, a-t-elle souligné, on constate que les contraintes communautaires et leur déclinaison nationale ont conduit à une superposition des règles et à des disparités de traitement.

Rappelant que les zones vulnérables couvraient presque la moitié du territoire national et étaient essentiellement concentrées dans le Grand Ouest et le Bassin parisien, elle a précisé que dans ces zones, les « programmes d'action » étaient arrêtés par le préfet de département et, qu'au sein de ces zones vulnérables, étaient définies des « zones en excédent structurel » (ZES), dans lesquelles des « actions renforcées » peuvent être exigées à l'échelle du canton.

La rapporteure a estimé que ces normes généraient parfois des effets pervers et restaient perfectibles, la distinction binaire entre les zones vulnérables et les autres étant parfois inéquitable car les petites exploitations peu polluantes sont fortement contraintes dès lors qu'elles sont en zone vulnérable et surtout en ZES, alors que des exploitations qui rejettent davantage d'azote échappent à de nombreuses prescriptions si elles sont implantées ailleurs. Elle a jugé qu'en outre, la limitation du nombre d'animaux dans les ZES restait un instrument imparfait, l'importance des rejets azotés variant en fonction des espèces.

Puis, la rapporteure a indiqué qu'à son sens, le dispositif national mis au point, avec l'accord de la Commission européenne, pour soutenir la réduction des pollutions causées par les effluents d'élevage, ne donnait pas, lui non plus, entière satisfaction et restait contesté. Après avoir rappelé que le premier programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA), lancé à la fin de l'année 1993, avait concerné 50 000 exploitations pour un coût total d'environ 1,5 milliard d'euros, le financement ayant été assuré pour un tiers par l'Etat et les collectivités locales, pour un tiers par les agences de l'eau, le tiers restant étant financé par les agriculteurs eux-mêmes, elle a souligné les multiples critiques émises à son encontre : un coût deux fois supérieur aux prévisions, une concentration excessive sur les plus grandes exploitations et une orientation trop favorable aux investissements de compétitivité.

Elle a précisé que ces imperfections avaient conduit à la fin de l'année 2000 à suspendre ce programme, remplacé deux ans plus tard par le programme de maîtrise des pollutions liées aux effluents d'élevage (PMPLEE), au financement similaire. Elle a indiqué que le PMPLEE était concentré, à la demande de la Commission européenne, à 80 % dans les zones vulnérables, au sein desquelles il s'adresse à tous les élevages indépendamment de leur taille, l'agriculteur étant tenu de présenter un projet agronomique pour obtenir les soutiens. Elle a rappelé qu'en dehors des zones vulnérables, seules les exploitations soumises au régime d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement et les élevages bovins de plus de 90 UGB (unités de gros bétail) étaient éligibles au PMPLEE.

La rapporteure a jugé que malgré ces efforts, les griefs étaient nombreux. Notamment, a-t-elle souligné, le financement d'une part fixe du programme par des agences de l'eau dont les moyens sont inégaux conduit à des disparités territoriales dans l'octroi des soutiens.

Puis, la rapporteure a abordé le dispositif normatif relatif aux produits phytosanitaires, le jugeant bien encadré, notamment concernant le système d'autorisation de mise sur le marché. Elle a néanmoins déploré l'insuffisance des préconisations données aux utilisateurs et l'absence de gestion coordonnée des risques par les diverses administrations en jeu (agriculture, santé et environnement).

Elle a indiqué que l'ensemble de ces réglementations prenait place dans un contexte communautaire de plus en plus rigoureux s'agissant des normes environnementales et a mentionné à cet égard les impératifs de qualité des eaux s'imposant à la France en application de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

Puis, abordant la législation nationale, la rapporteure a jugé que celle-ci était ambitieuse mais d'application délicate. Elle a tout d'abord signalé que le régime des installations classées, qui va au-delà des exigences communautaires, impose des règles relativement contraignantes qui ne sont que partiellement respectées. Elle a estimé que cette situation était au moins en partie imputable à la complexité et au foisonnement des règles édictées, et nécessitait que soient prises des mesures correctives, allant dans le sens de la simplification des normes et de l'information des exploitants agricoles.

Par ailleurs, elle a déploré que le régime de protection des captages soit inutilement lourd, ce qui explique en grande partie ses insuffisances et a indiqué qu'elle proposait donc de supprimer la procédure d'inscription au bureau des hypothèques des servitudes résultant des périmètres de protection des captages, afin d'accélérer leur mise en œuvre.

Puis, Mme Marcelle Ramonet a fait observé que parmi les instruments mis en œuvre pour concilier agriculture et environnement, il convenait également d'évoquer la contribution financière des agriculteurs, dont elle a souligné qu'elle était loin d'être négligeable, contrairement aux idées reçues.

Elle a précisé que les agriculteurs contribuaient tout d'abord au financement de la politique de l'eau avec les redevances acquittées aux agences de bassin. Notant que sur la période 1997-2002, le ratio « aides / redevances » de l'agriculture était supérieur à 6, elle a souligné que la contribution financière des agriculteurs ne pouvait être résumée aux redevances qu'ils acquittent, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qu'ils paient lors de l'achat de produits antiparasitaires à usage agricole ayant en effet généré un produit de 42,9 millions d'euros en 2002.

La rapporteure a indiqué que par ailleurs, la taxe générale sur les activités polluantes constituait une contribution dont l'efficacité est controversée, jugeant injustifiable, sur le plan écologique, d'affecter son produit au financement des 35 heures, puis au budget général de l'Etat. Elle a précisé qu'en conséquence, elle proposait d'affecter aux agences de l'eau le produit de la TGAP assise sur les produits antiparasitaires, afin de revenir à l'esprit initial de la fiscalité écologique.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a ensuite évoqué les mesures d'accompagnement existantes, jugeant que certaines devaient être encouragées. Citant en premier lieu les contrats territoriaux d'exploitation (CTE) et les contrats d'agriculture durable (CAD), elle a estimé que le dispositif des CTE avait paradoxalement pâti de la forte adhésion des professionnels, du fait d'une régulation budgétaire insuffisante ; en effet, a-t-elle souligné, l'aide moyenne s'est élevée à 44 000 euros par CTE, soit le double des prévisions, de fortes inégalités entre départements ont été mises en évidence et l'importance du volet économique ainsi que la diversité des mesures proposées n'ont pas permis d'enregistrer des bénéfices écologiques importants. Rappelant que ces dysfonctionnements avaient conduit à suspendre le dispositif le 6 août 2002, elle a noté que les CAD, qui ont pris le relais des CTE, en reprenaient la logique contractuelle tout en tirant les leçons des difficultés rencontrées : modalités de déclaration simplifiées, coût moyen fixé dans chaque département à 27 000 euros par contrat, volet économique et social devenant facultatif, et volet agri-environnemental recentré sur un nombre limité d'enjeux territoriaux.

La rapporteure a ensuite souligné que les mesures agri-environnementales permettaient elles aussi d'accompagner les efforts écologiques des agriculteurs, dans un cadre plus souple, et devaient donc être encouragées. Signalant que le dispositif des contrats agri-environnementaux, qui permettaient aux agriculteurs de s'engager à l'échelle d'une parcelle plutôt que d'une exploitation, était aujourd'hui poursuivi par le biais des « engagements agroenvironnementaux », pris pour une durée minimale de cinq ans, elle a jugé essentiel d'encourager ce type d'engagements par une rémunération attractive, même lorsqu'un CTE ou un CAD n'a pas été conclu par l'exploitant.

Elle a également souhaité que ce soutien soit doublé du maintien à un bon niveau de la prime herbagère agri-environnementale (PHAE) et a estimé que la revalorisation de son montant, à hauteur de 70 %, constituait déjà un signal fort en faveur de l'élevage extensif et du maintien des prairies, mais devait être poursuivie.

Enfin, la rapporteure a rappelé que des pratiques conventionnelles avaient été mises en place depuis une dizaine d'années à l'initiative des organisations agricoles pour diffuser les bonnes pratiques, citant notamment Ferti-mieux, Irri-mieux, Phyto-mieux et le programme Agri-confiance. Elle a souhaité que ces démarches soient reconnues à leur juste valeur et étendues avec le soutien des chambres d'agriculture.

Enfin, la rapporteure a souligné que l'évolution de la PAC tendait à relativiser l'objectif de production au profit de considérations plus écologiques. Elle a jugé que les exigences environnementales seraient en effet valorisées avec le « découplage » partiel des aides à la production agricole, leur « modulation », c'est-à-dire la dégressivité des aides directes dépassant un certain montant, et l'apparition d'une « éco-conditionnalité » des aides. Elle a en outre fait observer que les aides au développement rural, cofinancées par l'Union européenne et les Etats membres, seraient renforcées et a jugé que les agriculteurs français pourraient en retirer le plus grand profit lors des négociations commerciales internationales, les partenaires de l'Union européenne estimant que ces aides faussent moins la concurrence internationale que les aides à la production.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a indiqué qu'au vu du constat dressé par la mission d'information concernant les instruments permettant de concilier agriculture et environnement, il était apparu désormais nécessaire de conjuguer une intervention publique rénovée et une implication volontaire du monde agricole.

Elle a considéré qu'à cet égard, le préalable indispensable consistait à clarifier l'environnement juridique des agriculteurs. En effet, a-t-elle souligné, repenser fondamentalement les modes de production constituerait une solution qui se heurte à la réalité économique. Attirant l'attention sur les critiques émises à l'encontre de la PAC, accusée d'être à l'origine de l'intensification de la production du fait de la structure des prix, elle a jugé qu'aussi séduisant que puisse être le modèle d'une agriculture extensive, pratiquant des prix rémunérateurs et maîtrisant les volumes de production, la réalité économique s'imposait néanmoins à notre agriculture qui doit, si elle ne veut pas disparaître, être compétitive sur les marchés internationaux, qui sont ouverts.

C'est pourquoi elle a jugé en premier lieu indispensable de stabiliser et clarifier l'environnement juridique des agriculteurs : la profession agricole étant placée dans un contexte d'incertitude concernant l'impact environnemental de certaines pratiques (les mélanges ou l'épandage des boues par exemple), auquel s'ajoutent des politiques publiques fluctuantes, il est en effet difficile aux agriculteurs de se lancer, sans visibilité aucune, dans une stratégie d'investissements environnementaux de long terme.

Elle a également souhaité une amélioration des contrôles et du suivi pour mieux assurer le respect des normes environnementales existantes, grâce à la mise en place, pour chaque exploitation, de contrôles complets avec une coordination et une mise en réseau des structures administratives concernées, selon une périodicité régulière, afin de rationaliser l'action publique.

La rapporteure a ensuite abordé la nécessaire adaptation des soutiens financiers consacrés à la maîtrise des effluents, pour tenir compte de la diversité économique des élevages. Elle a ainsi jugé indispensable d'accroître, dans les zones vulnérables, l'efficience écologique de la répartition des aides du PMPLEE. Notant qu'il serait difficile de le renégocier fondamentalement avec la Commission européenne, qui a accepté un montant fixé à 1,3 milliard d'euros pour la période 2000-2006, elle a tout d'abord proposé de différencier, en fonction de la taille des exploitations, la part maximale que les aides PMPLEE peuvent représenter au sein des investissements requis pour maîtriser la pollution azotée, de façon à aider davantage les élevages modestes, dont les capacités d'auto-financement sont plus faibles. Elle a jugé que le taux maximal de subvention publique pourrait par exemple être deux fois plus élevé pour les exploitations comportant moins de 90 UGB que pour les autres.

Elle a également jugé souhaitable d'opter, lors du diagnostic effectué au titre du PMPLEE sur chaque exploitation, pour des pratiques et aménagements ne nécessitant pas un investissement matériel lourd, à moins que celui-ci ne soit indispensable : les économies ainsi dégagées permettraient d'accroître, par une révision du barème des aides, les soutiens à la construction de stations de traitement des effluents d'élevage et de compostage dans les ZES. Elle a également souhaité que soit favorisée la mise en commun d'équipements destinés à l'épandage des effluents pour mutualiser les moyens des petites exploitations et répartir entre elles la charge de ces investissements matériels.

La rapporteure a par ailleurs estimé nécessaire de mettre en place une politique spécifique de soutien à la maîtrise des effluents pour les exploitations modestes, suggérant la mise en place d'un système de prêts bonifiés ou de crédit d'impôt destinés à favoriser l'acquisition d'équipements de base, tels que les installations de stockage strictement nécessaires et le matériel d'épandage, pour les élevages de moins de 90 UGB, même en dehors des zones vulnérables. Elle a signalé qu'un tel dispositif complémentaire devrait être évidemment élaboré en concertation avec la Commission européenne, afin d'éviter que celle-ci n'y voie une aide publique déguisée et a souhaité que cet effort soit effectué en priorité aux abords des captages d'eau, dans les zones humides ou encore dans les territoires classés « Natura 2000 ».

Enfin, elle a plaidé en faveur d'une simplification des modalités administratives d'obtention des aides prévues dans le cadre du PMPLEE, en dispensant les exploitations de moins de 90 unités de gros bétail (UGB) de certaines déclarations, redondantes ou peu utiles à l'administration.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a ensuite insisté sur la nécessité d'inciter à une gestion maîtrisée des intrants, sa première proposition concernant l'instauration d'une redevance sur les intrants azotés au bénéfice des agences de l'eau et du transport de compost, dans le cadre de la prochaine réforme de la politique de l'eau.

Elle a jugé que l'instauration d'une redevance sur les excédents d'azote devait en effet être résolument écartée, en raison de sa complexité et de sa lourdeur, qui en font un instrument ingérable pour les plus petites exploitations. Elle s'est également déclarée réservée quant à l'instauration d'une redevance de pollutions diffuses « à l'hectare », suggérée récemment par M. Jean-Claude Flory dans son rapport remis au Premier ministre sur la question des redevances des agences de l'eau. Elle a jugé que ce système semblait simple mais poserait de véritables problèmes d'application, notamment parce qu'il prévoit d'assujettir les élevages hors-sol à la redevance pour pollution industrielle, ce qui mettrait en péril l'équilibre économique de filières déjà très fragilisées, comme l'élevage porcin ou avicole. Elle a également souligné que ce système ne permettrait pas de distinguer les « bonnes » et les « mauvaises » pratiques, les agriculteurs étant taxés de manière uniforme, quels que soient les efforts qu'ils fournissent pour adopter des pratiques respectueuses de l'environnement.

Elle a indiqué qu'en conséquence, la solution d'une redevance sur les intrants azotés semblait finalement la plus intéressante, puisqu'elle permettrait de taxer la source des pollutions azotées, son produit pouvant être consacré au traitement des effluents. Elle a précisé qu'elle proposait l'imposition des seuls engrais minéraux au sein des fertilisants, une taxation des composts pouvant avoir un impact environnemental très négatif, puisqu'elle découragerait le traitement des effluents d'élevage ; elle a proposé que les boues des stations d'épuration soient elles aussi exonérées de cette redevance, pour ne pas faire peser une charge supplémentaire sur les stations d'épuration. S'agissant des aliments pour bétail, elle a admis que la question du taux de la redevance serait évidemment cruciale, afin de ne pas augmenter de manière insupportable les coûts de production de certaines filières qui sont déjà aujourd'hui en difficulté, comme la production porcine ou de volailles. Elle a néanmoins jugé que cette difficulté pouvait être surmontée, en concertation avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles, par exemple en tenant compte, dans la définition du taux, de la destination de l'aliment, grâce à un « coefficient d'usage », variable selon les filières. Elle a souhaité que les premiers bénéficiaires de cette redevance soient les agences de l'eau, dotées ainsi de fonds supplémentaires pour mener leur politique d'aide dans le domaine de l'eau et a proposé qu'en outre, une partie du produit de cette redevance soit également affectée à un fonds spécifique permettant de financer le transport de compost de régions en excédent structurel vers des régions nécessitant un apport en fertilisation azotée.

Elle a indiqué que sa deuxième proposition visant à mieux gérer les intrants consistait évidemment à réaffecter le produit de la TGAP « phyto » aux agences de l'eau, pour mettre un terme au détournement dont fait l'objet cette imposition et a signalé qu'elle proposait également de réviser et mettre à jour régulièrement la liste « positive » des mélanges de produits phytosanitaires.

La rapporteure a ensuite insisté sur la nécessaire promotion de l'engagement collectif des agriculteurs en faveur de pratiques respectueuses de l'environnement. Elle a jugé que cet objectif pouvait être atteint en renforçant d'abord les partenariats entre le monde agricole et les acteurs publics, plaidant en faveur du maintien du concours financier spécifique accordé aux agriculteurs qui acceptent de prendre des engagements agri-environnementaux, même s'ils n'ont pas signé de CTE ou de CAD.

Elle a ensuite proposé que soient encouragés les soutiens financiers publics favorisant une extensification de la production agricole : se réjouissant de la récente augmentation de la prime herbagère agri-environnementale (PHAE) et des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), elle a souhaité que ce mouvement soit poursuivi et amplifié grâce à un effort budgétaire et fiscal particulier pour promouvoir l'élevage extensif et l'utilisation de surfaces en herbe dans l'alimentation des animaux.

Elle a ensuite souligné la nécessité de reconnaître et développer les initiatives prises par les professionnels du monde agricole, qu'il s'agisse des conventions mises en place par les organisations agricoles (telles que Phyto-mieux, Ferti-mieux, Irri-mieux) ou des opérations lancées par les producteurs de produits phytosanitaires, et a préconisé une généralisation des pratiques de collecte des emballages et déchets de produits phytosanitaires, en mettant le ramassage à la charge des distributeurs.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a ensuite signalé que la mission avait pu établir au fil de ses auditions une liste de pratiques agricoles relativement simples et dont les effets favorables sur l'environnement seraient incontestables, mais qui doivent être diffusées auprès de l'ensemble des professionnels et peuvent, ponctuellement, nécessiter un support réglementaire.

Elle a en premier lieu cité les pratiques concernant le fonctionnement général des exploitations. S'agissant des élevages, elle a souligné que la limitation du nombre d'animaux à un maximum de 1,8 UGB par hectare permettait de nourrir naturellement le bétail et d'éviter une concentration excessive de l'azote d'origine organique et a souhaité que l'élevage sur litière paillée soit favorisé lorsqu'il est techniquement possible, car il nécessite des investissements moins lourds que l'élevage sur caillebotis.

La rapporteure a ensuite mentionné les pratiques se rattachant à la gestion des intrants : améliorer l'alimentation des animaux, ce qui suppose de promouvoir l'utilisation de surfaces enherbées pour nourrir le bétail ; réduire progressivement les quantités de produits phytosanitaires utilisées, en évitant les traitements préventifs généraux, par exemple grâce à des « kits de diagnostic » permettant d'évaluer les besoins sanitaires des cultures et de n'utiliser les produits phytosanitaires que dans les quantités strictement nécessaires ; instaurer une obligation de contrôle régulier des pulvérisateurs et promouvoir la mise en place de plates-formes, éventuellement collectives, pour le remplissage et le nettoyage des pulvérisateurs. Elle a souligné qu'en outre, certaines technologies sophistiquées pouvaient apporter une aide nouvelle aux agriculteurs et a souhaité qu'à cet égard, l'agriculture de précision dans l'application des produits phytosanitaires, et en particulier des dispositifs de guidage par satellite (GPS) soit encouragée.

La rapporteure a par ailleurs signalé que certains aménagements préventifs de l'environnement pouvaient également limiter les éventuelles pollutions. Elle a ainsi cité la création de talus ou de bandes enherbées d'une largeur minimale de 10 mètres en aval des parcelles bordées d'eau, pour « filtrer » les rejets azotés et phosphatés et a proposé de rendre leur institution obligatoire, soulignant qu'elle ne priverait pas réellement les agriculteurs de terres utiles, puisqu'ils pourront comptabiliser ces espaces au titre de la jachère exigée dans le cadre de la PAC. Elle a en outre souhaité que l'effort public en faveur des prairies soit complété en soumettant à autorisation la suppression totale de haies, les suppressions partielles devant faire l'objet d'une compensation écologique sur chaque exploitation, par exemple en implantant une végétation comparable à un autre endroit. Enfin, elle a jugé judicieux d'accroître les efforts en matière de protection intégrée ou de désherbage mécanique, en prenant exemple sur ce qui existe déjà dans ce domaine pour l'agriculture biologique, pour limiter le recours aux pesticides.

La rapporteure a enfin souhaité que la gestion des effluents soit améliorée, tout d'abord en accompagnant financièrement, par un ciblage adapté des aides du PMPLEE, les exploitations ayant recours à une station de traitement et à des procédés innovants, afin que leur équilibre financier ne soit pas mis en péril. Elle a proposé que cet effort financier se double d'une étude approfondie sur le transport de composts issus du traitement des effluents d'élevage, qui pourraient être utilisés comme fertilisants organiques dans les zones déficitaires en azote, où les exploitants ont actuellement recours à des fertilisants minéraux. Elle a également suggéré que soient encouragées les cultures intermédiaires, et en particuliers les semis sous couverts, pour la couverture hivernale des sols sur lesquels l'épandage est réalisé, afin de « piéger les nitrates ». Enfin, elle a plaidé en faveur du développement de filières de recyclage des déchets non organiques des exploitations.

La rapporteure a ensuite jugé indispensable de renforcer les démarches spécifiques dépassant le cadre de l'agriculture conventionnelle. Elle a en premier lieu mentionné l'agriculture biologique, proposant d'en conforter le développement en simplifiant les procédures administratives d'obtention des labels, beaucoup plus complexes en France que chez nos voisins, ce qui conduit à importer leurs produits. Elle a néanmoins souligné que l'agriculture biologique, concernant prioritairement des agriculteurs « pionniers » et conduisant à diffuser des produits plus chers sur le marché ne pouvait être généralisée.

Aussi a-t-elle jugé que l'émergence d'une « agriculture raisonnée » était particulièrement prometteuse pour offrir des perspectives à l'ensemble des professionnels. Rappelant que ce nouveau modèle reposait sur un référentiel national de bonnes pratiques écologiques que les exploitations doivent respecter pour être « qualifiées », elle a souhaité que cette qualification soit étroitement encadrée et donne lieu à des contrôles réguliers et discriminants, afin d'accroître la crédibilité de cette nouvelle démarche. Elle a également suggéré la mise en place d'une chaîne de distribution spécifique et d'une identification harmonisée des produits issus de l'agriculture raisonnée, de façon à garantir au consommateur le respect d'exigences environnementales spécifiques. Enfin, elle a souhaité que soient intégrées des prescriptions environnementales aux cahiers des charges des signes de qualité, citant les critères qualité certifiés, les appellations d'origine contrôlée et le label rouge.

La rapporteure a enfin insisté sur la nécessité d'améliorer la diffusion des informations par les autres intervenants.

Elle a jugé que cela passait en premier lieu par une valorisation de la dimension environnementale dans les formations et a proposé, en matière de formation continue, que l'octroi de primes pour la mise en place de mesures agro-environnementales soit subordonné au suivi d'une formation professionnelle courte, afin de diffuser plus largement les « bonnes pratiques ».

Elle a également jugé nécessaire d'adapter la fonction de conseil, plusieurs points pouvant être réformés :

- le recours à la publicité pour les produits phytosanitaires, notamment dans la presse professionnelle doit ainsi être plus strictement encadré ;

- il faudrait également substituer au régime de l'agrément des distributeurs un système de certification reposant sur un référentiel de normes rigoureuses concernant la formation de leurs employés et les conseils que ceux-ci doivent obligatoirement fournir lors de la commercialisation des produits. Cette certification pourrait être étendue, à terme, à l'ensemble des intervenants dans le domaine du conseil (chambres d'agriculture, coopératives, instituts techniques, firmes privées).

Elle a enfin jugé nécessaire de rapprocher la recherche et le terrain et de diffuser les résultats d'expérimentations, par un effort de vulgarisation des travaux des organismes de recherche, un développement des efforts de communication et de pédagogie autour des réalisations agricoles les plus exemplaires, comme les réseaux de fermes pilotes qui testent de nouvelles pratiques, ou les expérimentations réalisées par des lycées agricoles, et un renforcement de l'effort de recherche en matière de pollution atmosphérique en milieu rural et d'impact sanitaire des activités agricoles.

En conclusion, la rapporteure a estimé que les agriculteurs devaient évidemment adapter certaines de leurs pratiques, soulignant que ce mouvement était en cours et devait être poursuivi. Elle a espéré qu'à cet égard, les propositions émises par la mission seraient prises en considération par le Gouvernement, afin de leur donner désormais une dimension concrète.

M. Jean Gaubert, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a tout d'abord estimé que, n'ayant pas disposé du rapport avant la réunion de commission, il était difficile de se forger une idée des conclusions de la mission, même si les précisions abondantes apportées par Mme Marcelle Ramonet l'avaient éclairé.

Il a ensuite déploré les conditions de travail de la mission au cours des dernières semaines, les multiples déplacements de la dernière réunion de la mission rendant difficile son suivi. Il a regretté l'absence de comptes-rendus réguliers des réunions, même s'il a reconnu que les membres de la mission auraient pu être plus présents.

Il a félicité le président et la rapporteure pour leur travail de fond, sérieux et intéressant, même s'il a estimé que le rapport ressemblait un peu à un catalogue. Il a indiqué par ailleurs qu'il avait la désagréable impression que l'on « enfonçait des portes ouvertes », les propositions faisant état de pratiques déjà habituelles dans de nombreuses régions. Il a considéré que le rapport donnait l'impression que rien n'avait été fait jusqu'à maintenant, alors qu'il proposait surtout de généraliser ou de rendre obligatoires des bonnes pratiques déjà mises en œuvre dans de nombreuses régions.

Il a estimé que le rappel de l'origine exacte des pollutions était d'un grand intérêt, car la pollution est un problème global qui n'est pas uniquement lié aux productions animales, et a regretté que l'on ait longtemps stigmatisé ces productions, ce qui n'avait pas contribué à faire avancer le débat et avait figé les positions.

Il a ensuite indiqué qu'il fallait effectivement combattre l'idée reçue selon laquelle la compétitivité d'une exploitation serait liée à la taille et à la quantité de sa production. En effet, a-t-il souligné, la productivité, qui est difficile à calculer dans l'agriculture, n'est pas le seul gage de revenus viables et certaines petites exploitations ayant développé des créneaux moins productifs peuvent se révéler aussi rentables que de grandes structures.

S'agissant de simplification, il s'est déclaré d'accord avec les conclusions du rapport, même s'il a estimé qu'il conviendrait d'aller plus loin en matière de simplification des contrôles, notamment pour les élevages. Il a jugé que les contrôles approfondis ayant largement démontré leur inefficacité, le croisement de fichiers d'abattage des animaux, plus simple, serait sans doute plus efficace et a regretté que l'on se contente souvent en la matière de superposer de nouvelles couches réglementaires sans procéder au « nettoyage » des couches précédentes.

Il s'est ensuite inquiété de la proposition de la mission visant à supprimer l'inscription au bureau des hypothèques des servitudes instituées à proximité des captages, estimant qu'une telle mesure risquait de nuire gravement à la transmission des informations relatives à l'exploitation lors d'une reprise.

Il s'est félicité d'un certain nombre de propositions. Ainsi, il a jugé que s'agissant des bandes enherbées, tout comme des haies, les expériences étaient tout à fait satisfaisantes et qu'il convenait effectivement de les rendre obligatoires. Il a néanmoins souligné que les haies perdaient toute efficacité sans talus et que ces derniers étaient par ailleurs un outil très efficace dans la lutte contre les inondations ; il a à cet égard cité le cas de la Bretagne, où la disparition des talus est allée de pair, ces dernières années, avec la multiplication des inondations.

Evoquant l'amélioration des instruments financiers, il a jugé que la mutualisation des moyens devait effectivement être développée, mais a fait remarquer qu'existaient déjà des coopératives d'utilisation du matériel agricole (CUMA), qui devraient certes être plus nombreuses, la mécanisation à outrance entraînant souvent le déséquilibre financier de l'exploitation.

A l'inverse, a-t-il estimé, les prêts bonifiés ne sont pas une panacée, les taux du marché étant déjà bas et l'aide de l'Etat d'autant plus réduite. De même, il a souligné que les crédits d'impôt ne sont utilisables que par les exploitants imposables, ce qui n'est pas le cas de ceux qui éprouvent le plus de difficultés, c'est-à-dire des plus petites structures.

Il a rappelé que des systèmes de défiscalisation très incitatifs en matière environnementale existaient déjà et a estimé qu'il conviendrait donc de réfléchir de manière plus approfondie à leur possible extension.

Il s'est réjoui que la TGAP soit citée par le rapport de la mission, après avoir été décriée au cours des dernières années et a également fait part de son appréciation positive de l'écoconditionnalité des aides de la PAC, dont il a jugé qu'elle était un bon outil, même si elle a souvent été décriée.

Puis, abordant la gestion des produits phytosanitaires, il a jugé que la certification était une idée intéressante, mais a souligné que c'était avant tout le mode de rémunération des vendeurs qui posait problème et a regretté que ce point ne soit pas abordé dans le rapport. Il a estimé que, y compris dans les coopératives, tant que les vendeurs seraient rémunérés en fonction du nombre de kilogrammes de produits vendus, ils ne pourraient pas inciter leurs clients à en utiliser moins. Une réflexion approfondie lui a donc semblé nécessaire sur ce point, pour éviter que le revenu du « conseilleur » ne dépende des ventes qu'il a réalisées.

Après avoir fait observer que l'enfouissement des lisiers était heureusement une méthode aujourd'hui très répandue, il a estimé que l'idée selon laquelle l'élevage sur litière paillée serait moins coûteux que l'élevage sur caillebotis devait être nuancée, car une bonne paille et un système performant de ventilation mécanique coûtent cher. Il a rappelé qu'en l'absence de ventilation efficace, les inhalations d'ammoniaque par les animaux sont importantes et la viande de médiocre qualité.

Il a conclu en indiquant que, même si le travail de fond réalisé par la mission devait être salué, n'ayant pas encore pu analyser le rapport, le groupe socialiste s'abstiendrait.

S'exprimant au nom du groupe Député-e-s communistes et républicains, M. André Chassaigne s'est réjoui de la qualité du travail effectué par la mission et a fait part de ses regrets de n'avoir pu participer davantage à ses travaux.

Après avoir indiqué que ses remarques seraient beaucoup moins techniques que celles de M. Jean Gaubert, il a tout d'abord abordé le problème du périmètre de cette mission, en indiquant que, s'il est évident que l'agriculture a un impact sur l'environnement, il aurait été intéressant d'étudier comment l'évolution de l'environnement peut influencer les techniques agricoles. Il a pris pour exemple l'extension de la forêt dans le Massif Central qui a un impact négatif sur l'agriculture car elle conduit à enclaver les exploitations et se traduit par la multiplication de plants anarchiques à proximité de parcelles cultivées. Il a également regretté que le rapport ne traite pas de la question des organismes génétiquement modifiés (OGM) et de leur impact environnemental, notamment pour anticiper les difficultés qui ne manqueront pas de surgir pour rendre compatible l'utilisation des OGM et l'agriculture biologique.

Abordant le problème de la modulation des aides, il a estimé très important que les petites exploitations soient plus soutenues que les grandes, mais il a insisté pour que le relatif désengagement financier à l'égard de grandes exploitations ne se traduise pas par de moindres contraintes en termes de mise aux normes.

Il a ensuite déploré l'existence de certains jugements de valeur dans le rapport, notamment concernant les contrats d'agriculture durable (CAD) et les contrats territoriaux d'exploitation (CTE), soulignant qu'il était extrêmement dubitatif quant à l'avantage présumé que présenteraient les CAD par rapport aux CTE. De même, il a jugé déplacés les commentaires sur la nouvelle politique agricole commune dont on mesure aujourd'hui mal les implications, notamment pour ce qui concerne le découplage des aides dont les effets pervers sont dénoncés par de nombreuses organisations agricoles qui craignent que ce mécanisme n'ait des conséquences très négatives sur l'environnement.

En conclusion, il a indiqué qu'il lui paraissait essentiel de s'interroger sur le type d'agriculture qu'il convient d'encourager : est-ce une agriculture paysanne ou familiale qu'il convient de soutenir ou souhaite-on plutôt s'orienter vers une agriculture industrialisée et productiviste ?

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Michel Raison a tout d'abord observé que la mission avait un peu pâti du manque d'assiduité de beaucoup de ses membres alors que la rapporteure et le président avaient fourni un travail considérable.

Concernant la nécessité de recourir à la paille, il s'est déclaré réservé sur la proposition émise par la rapporteure, soulignant que cette technique pouvait requérir des investissements importants et entraîner des frais de main d'œuvre supplémentaires. Il a donc indiqué qu'il convenait d'être prudent concernant la généralisation de la proposition faite au point 22.

Il a ensuite jugé que le rapport présenté aux commissaires était loin « d'enfoncer des portes ouvertes », citant ainsi la proposition de rendre obligatoire l'implantation de bandes enherbées, dont la grande efficacité est techniquement reconnue. Il a jugé que leur généralisation aurait un impact très positif sur la qualité de l'eau, comme l'ont déjà démontré de multiples études scientifiques.

Il s'est également réjoui que soit proposée la généralisation du contrôle des pulvérisateurs, dont il a jugé qu'elle permettrait de réaliser de réels progrès en terme d'environnement.

Concernant la TGAP, il a rappelé que les critiques émises ne concernaient pas la taxe en elle-même mais son affectation au budget de l'Etat, qui a nui à son efficacité. Il a jugé que ce dispositif deviendrait efficace si la TGAP était transformée en redevance, utilisée pour financer des mesures environnementales. Il a conclu son propos en souhaitant que le système de mise aux normes des bâtiments d'élevage soit amélioré, cette question lui paraissant essentielle, même si elle est indiscutablement très complexe.

M. Philippe Tourtelier, rappelant que l'agriculture représentait 18 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre, a souligné l'importance de ce sujet et a jugé nécessaire de mener un travail approfondi.

Tout en se félicitant de la qualité du travail réalisé par la mission, notamment dans la description de la situation actuelle, il a néanmoins regretté le manque de lisibilité des propositions émises, qu'il a imputé à l'absence de véritable volonté politique quant au devenir de l'agriculture.

Il a ainsi déploré que le rapport n'aborde pas le rôle de l'Etat dans le contrôle des pratiques agricoles et a souligné la nécessité de faire évoluer les techniques de contrôle. Il a ainsi rejoint la proposition de M. Jean Gaubert visant à instaurer un croisement des fichiers disponibles, et a regretté la multiplication des plans d'épandage qui se superposent sans qu'aucune autorité ne vienne rationaliser ces pratiques, ainsi que la non application de multiples décisions de justice faute de décision préfectorale. Il a jugé que ce dernier exemple conduisait à décrédibiliser l'agriculture et à démotiver les agriculteurs qui font l'effort de se lancer dans des pratiques respectueuses de l'environnement. Il a donc émis le vœu qu'une réflexion soit menée sur le rôle de l'Etat pour faire respecter les lois et règlements.

Abordant la question des moyens, il a regretté que le gel des CTE pour mettre en place des CAD se traduise en pratique par l'inaction depuis un an, la dynamique ayant été complètement stoppée. Il s'est en outre interrogé sur la capacité budgétaire à mettre en œuvre les mesures proposées par la rapporteure.

Il a conclu en regrettant que le rapport n'ose pas aller jusqu'à la proposition d'un nouveau mode de production, jugeant qu'il aurait dû affirmer sans ambiguïté la nécessité d'un changement de direction de l'agriculture française, de simples adaptations marginales étant insuffisantes pour parvenir à une agriculture respectueuse de l'environnement.

Il a enfin souligné la nécessité de réfléchir aux conséquences de la future politique agricole commune pour l'agriculture française.

M. Yves Simon a tout d'abord souligné la nécessité d'être prudent sur certaines propositions qui seront difficiles à mettre en œuvre, concernant par exemple la formation en écologie d'agriculteurs exerçant depuis de longues années.

Il approuvé la proposition concernant la généralisation des bandes enherbées pour protéger la ressource en eau, mais a souligné la nécessité d'accompagner cette mesure de propositions complémentaires concernant les captages, jugeant qu'il fallait imposer des contraintes aux groupements d'irrigants qui opèrent des prélèvements trop importants sur les nappes phréatiques.

Abordant la question des boues des stations d'épuration, il a regretté que le rapport n'aborde pas plus précisément la question de leur utilisation et de leur traitement, soulignant la pression exercée par la grande distribution sur les agriculteurs et l'extrême sensibilité des consommateurs dans ce domaine. Concernant la généralisation du recours à la paille dans les élevages, il a indiqué partager les réserves exprimées par M. Michel Raison et a souligné que son utilisation pouvait dans certains cas comporter des inconvénients majeurs.

Evoquant la proposition de développer le recours à des chartes conclues avec les collectivités publiques, il a souligné que des initiatives étaient déjà prises dans ce domaine mais a alerté les commissaires sur la réduction des moyens octroyés par l'Etat en leur faveur, citant ainsi les dotations allouées aux parcs naturels régionaux.

En conclusion, il a émis le vœu que la gestion de l'agriculture ne devienne pas trop technocratique dans l'avenir, certaines mesures comme l'extensification qui semblaient présenter toutes les garanties de rationalité s'étant avérées quelques années plus tard fort discutables au regard des exigences de rentabilité des exploitations. Il a donc estimé que rien ne remplacerait l'expérience des agriculteurs.

M. Michel Roumegoux a tout d'abord estimé qu'il convenait de mieux définir les productions sur lesquelles on pouvait accepter l'épandage de boues, les collectivités qui s'équipent de stations d'épuration devant disposer d'une perspective claire en la matière, le coût de l'installation variant de un à dix selon les possibilités d'épandage des boues.

Il a ensuite déploré que la question de l'équarrissage ne soit pas abordée dans le rapport. Observant qu'aucune filière de récupération n'existe à ce jour, alors que les carcasses d'animaux contiennent des protéines qui pourraient être mieux utilisées et que de nombreux pays souffrent de malnutrition dans le monde, il a regretté que l'on ne tire pas parti des carcasses d'animaux. Il s'est en outre déclaré consterné par la contamination de carcasses saines par des produits vétérinaires et par les conditions lamentables de stockage des farines animales, dont on sait par ailleurs qu'il sera très difficile de les brûler dans leur totalité. Il a estimé que, si les consommateurs étaient à juste titre sensibles sur ce dossier, il était possible de recycler sans risque ces déchets.

En réponse aux différents intervenants, M. Antoine Herth, président, a apporté les précisions suivantes :

- une mission d'information n'est pas une commission d'enquête et ne diffuse donc pas de compte-rendu. Il est donc nécessaire que les membres de la mission participent régulièrement aux réunions de travail et à cet égard, on peut déplorer le manque de participation à la réunion au cours de laquelle la rapporteure et le président ont présenté leurs conclusions ;

- certes, à première vue, le rapport peut donner la fausse impression qu'il s'agit d'un catalogue, car il aborde de nombreux sujets. Toutefois, il n'aborde pas toutes les thématiques, et notamment pas la filière de l'agriculture biologique, puisque des travaux étaient en cours sur le sujet. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) en sont également exclus, car traiter cette question dans le rapport aurait implicitement supposé que ceux-ci doivent être considérés comme des « polluants », ce qui n'est pas forcément le cas. La préservation et l'entretien des paysages n'ont pas non plus été abordés, et on peut le regretter, suite aux incendies qui ont ravagé le sud de la France ;

- effectivement, en matière environnementale, les réglementations ont tendance à se superposer, à se complexifier de plus en plus, voire à se contredire. Dans ce cadre, la mission se réjouit de l'introduction de la notion « d'écoconditionnalité » dans la PAC, non pas pour ses effets, que l'on ne connaît pas encore, mais parce qu'elle délivre un message plus clair en matière de politique agricole européenne et plus cohérent avec nos objectifs nationaux. Elle doit maintenant trouver un écho auprès des collectivités locales ;

- la mission a évité le piège qui aurait consisté à se focaliser sur une région, la Bretagne, et a abordé la question de manière transversale, chaque territoire ayant ses propres enjeux. Les collectivités territoriales doivent ensuite définir plus finement leur politique agri-environnementale en fonction des spécificités locales ;

- une autre difficulté a été surmontée, celle qui aurait consisté à n'aborder la question que sous l'angle des exploitations agricoles. En effet, toute la filière doit être concernée par la problématique environnementale, en amont, comme en aval, mais également horizontalement, en matière de recherche comme de formation et de conseil de tous les acteurs. Des sessions de formation d'une demi-journée sur la bonne utilisation des produits phytosanitaires peuvent ainsi être utiles aux exploitants, quels que soient leur âge et leur formation ;

- la mission n'a pas abordé la question de l'équarrissage. A titre personnel, le président a considéré que, l'alimentation des animaux de compagnie étant constituée d'un tiers de produits français et de deux tiers de produits importés, ces derniers faisaient sans doute l'objet de contrôles d'équarrissage moins poussés, ce qui pourrait constituer une piste de réflexion.

En réponse aux différents intervenants, Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a tout d'abord indiqué que certaines interrogations de M. Jean Gaubert seront satisfaites par la lecture du rapport, la présentation faite en réunion ne pouvant être exhaustive tant les sujets sont variés, et regretté que M. Jean Gaubert n'ait pas plus assidûment assisté aux travaux de la mission car sa connaissance approfondie du secteur aurait largement enrichi les débats.

Puis elle a apporté les précisions suivantes :

- la mission propose une meilleure diffusion de bonnes pratiques agricoles qui, certes, existent déjà dans un certain nombre de cas, mais ne sont pas appliquées partout et doivent donc être diffusées. Elle formule également d'autres propositions, comme la création d'une redevance concernant les intrants azotés et une importante modulation des aides du PMPLEE pour tenir compte de la fragilité des exploitations modestes ;

- les servitudes instituées aux abords des captages figurant obligatoirement en annexe des plans locaux d'urbanisme, il n'est pas nécessaire de les inscrire au bureau des hypothèques, d'autant qu'il s'agit d'une procédure longue. Il reviendra donc à l'agriculteur de s'informer en consultant ce document ;

- les intérêts bonifiés et le crédit d'impôt, qui permet de réduire l'imposition des exploitants mais aussi, à défaut, de leur verser directement les sommes concernées, constituent des outils d'aide à l'autofinancement des exploitations ;

- la question de la vente des produits phytosanitaires est complexe. La mission s'est orientée vers la certification des acteurs chargés de leur commercialisation, cette solution semblant la plus solide juridiquement, car les modalités de rémunération des vendeurs relèvent de la liberté contractuelle et sont donc propres à chaque entreprise.

M. Antoine Herth, président, a ajouté que les coopératives avaient engagé une démarche de certification dans cet esprit, afin que l'acte commercial ne soit pas uniquement rémunéré en fonction des volumes, en adoptant une vraie démarche environnementale de sensibilisation, portant dans un premier temps sur le seul secteur coopératif mais pouvant inciter par la suite les entreprises privées à faire de même.

La rapporteure a ensuite précisé les points suivants :

- l'impact de l'évolution des espaces sur les pratiques agricoles, évoqué par M. André Chassaigne, est abordé dans le rapport d'information, essentiellement dans le cadre de la problématique relative au réseau « Natura 2000 ». Les effets de la déprise agricole sont également évoqués ;

- la mission a décidé dès le début de ses travaux de ne pas aborder la question des organismes génétiquement modifiés qui nécessite une étude spécifique ;

- il était logique de porter un jugement sur les contrats territoriaux d'exploitation (CTE) et les contrats d'agriculture durable (CAD). L'expérience acquise lors de la mise en place des CTE a d'ailleurs été utilisée pour formuler des propositions relatives aux CAD afin de les améliorer et, en particulier, de les simplifier ;

- la question des émissions du secteur agricole de gaz contribuant à l'effet de serre n'a pas été négligée. L'accent a d'ailleurs été mis sur la nécessaire valorisation du biogaz. Il faut néanmoins garder à l'esprit que les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole sont très inférieures à celles du secteur des transports, d'une part, et à celles des secteurs industriel et tertiaire, d'autre part. Ce sont sur les émissions de ces secteurs que l'effort doit porter en priorité et, dans cette perspective, le rapport recommande notamment une politique plus ambitieuse de promotion des biocarburants ;

- on ne peut nier que le problème majeur aujourd'hui est celui des pollutions azotées diffuses et la réflexion s'est concentrée sur cette question. Il est difficile, dans le contexte concurrentiel de marchés ouverts, de bouleverser les productions. Il serait séduisant, intellectuellement, d'accroître très fortement la production effectuée selon les principes de l'agriculture biologique. Dans l'immédiat, la priorité consiste surtout à faire appliquer la réglementation en matière de lutte contre les pollutions ;

- le rapport préconise la limitation du nombre de documents devant être transmis à l'administration par les exploitants d'exploitations d'une taille inférieure à 90 UGB, certains des documents aujourd'hui exigés étant redondants et tous n'ayant pas la même utilité.

Puis, M. Antoine Herth a souligné l'importance de la question des contrôles qui est notamment déterminante pour permettre la mise en œuvre d'un système de taxe à l'hectare préconisé par M. Jean-Claude Flory dans le rapport relatif aux redevances des agences de l'eau qu'il a remis au Premier ministre. Il serait, en effet, nécessaire d'utiliser les demandes de subventions au titre de la PAC pour effectuer des contrôles dans le cadre de la mise en œuvre d'une autre politique, celle relative à la protection de l'environnement. Cette utilisation n'est juridiquement pas possible, sauf dans le cas des contrôles de la distribution d'aides attribuées dans le cadre de la PAC réformée sous conditions de bonnes pratiques environnementales. Un problème juridique se pose donc mais la vérification de l'exactitude des déclarations, en particulier en ce qui concerne le respect des plans d'épandage, est effectivement essentielle.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, estimant que le renforcement de la protection des captages était évidemment souhaitable a indiqué que le rapport préconisait, en conséquence, une simplification de la procédure applicable afin de la rendre plus effective. En ce qui concerne l'épandage des boues, elle a jugé nécessaire de certifier les boues pour garantir leur qualité afin que l'agriculteur ne puisse être mis en cause du fait de cette pratique, qui correspond à une vraie demande sociale.

M. Michel Roumegoux a souligné le risque d'une mise en cause future des exploitants épandant des boues dans des conditions ne mettant pas en péril la santé publique, si l'évolution des connaissances conduit à mettre en évidence un danger aujourd'hui inconnu. Il a souhaité que ce risque soit pris en charge par la collectivité et que les exploitants ne puissent être mis en cause dans cette hypothèse, faute de quoi il a estimé que l'épandage ne se développerait pas.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a rappelé que le rapport préconisait également la mise en place d'un fonds de garantie financé par les producteurs de boues.

M. Antoine Herth, président, a indiqué que la priorité devait être, d'abord, de limiter le risque en privilégiant le compostage, bien que cela puisse poser un problème juridique dans la mesure où un compost peut être considéré comme un produit commercialisable alors que les boues constituent juridiquement des déchets. Il a toutefois souligné qu'un tel système présentait l'immense avantage, d'une part, de permettre le recyclage des boues des stations d'épuration mais aussi d'y intégrer les « déchets verts » produits notamment par les collectivités locales et, d'autre part, de limiter le risque sanitaire microbiologique posé par les boues. Il a insisté sur l'intérêt de créer un fonds de garantie pour garantir une réelle sécurité juridique à cette pratique.

M. Michel Roumegoux a souligné que le risque sanitaire était évidemment potentiellement plus important en cas de concentration des substances qu'en cas de dilution. Il a rappelé l'importance de l'enjeu financier lié à l'épandage des boues des stations d'épuration puisque, selon l'ouverture ou non de cette possibilité, le coût des stations d'épuration varie du simple au quintuple.

M. Antoine Herth est revenu sur la question de l'utilisation des pailles pour l'élevage. Il a indiqué que si l'on intégrait tous les coûts directs et indirects de l'élevage sur caillebotis et si l'on prenait en compte la préoccupation du bien-être des animaux, portée par de nombreuses associations, le bilan économique de l'élevage sur paille ne serait pas forcément défavorable. Les références techniques en la matière restant toutefois insuffisantes, le rapport préconise la réalisation de fermes expérimentales. Ces dernières permettront de constater que l'élevage sur paille est plus conforme aux attentes de la société et aboutit à des effluents dont le traitement est plus facile que celui du lisier.

Il a par ailleurs souligné que si le rapport pouvait sembler « enfoncer des portes ouvertes » pour des spécialistes des questions traitées, c'est qu'il s'inscrivait dans une démarche pédagogique et visait à être un document de référence pour des personnes n'étant pas familières du sujet, notamment dans la perspective des futures discussions parlementaires.

M. Gérard Voisin a souligné la difficulté qui se pose en matière d'épandage des boues des stations d'épuration dans les départements où un plan départemental d'élimination des déchets ménagers est réalisé puis validé par l'autorité préfectorale. L'élimination des boues passe, en effet, par l'épandage, qu'il est parfois difficile de réaliser, ou par leur brûlage qui nécessite des installations très coûteuses. Il faut donc être vigilant s'agissant des décisions prises en matière d'épandage, qui ont un impact sur la mise en place d'unités de traitement des déchets.

Mme Marcelle Ramonet, rapporteure, a rappelé que tous les membres de la mission s'étaient longuement interrogés sur la question de l'épandage des boues des stations d'épuration. Elle a rappelé la nécessité de recourir à un système de certification.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.


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