COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 juin 2004
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613)



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- Information relative à la commission :

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La Commission a entendu M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).

Le président Patrick Ollier a rappelé qu'il avait eu l'occasion, en accompagnant le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la centrale nucléaire de Chinon, de constater le manque d'information de beaucoup d'agents des entreprises.

Il a donc estimé extrêmement important de dissiper des inquiétudes infondées et c'est pourquoi il a indiqué qu'il serait très attentif aux éléments d'information qui seront apportés par le ministre. Il a, en particulier, jugé important d'indiquer clairement les conséquences du projet sur les retraites du personnel et de montrer que le projet de loi ne modifie en rien le statut des personnels.

Puis, il s'est déclaré soucieux de veiller à la pérennité du service public de l'énergie et a souhaité que sur le point, qu'il a jugé essentiel, de la part de l'Etat dans le capital, le ministre précise le niveau qu'il estime souhaitable et indique s'il serait prêt à aller au-delà du chiffre de 70 % qu'il avait récemment évoqué.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a tout d'abord rappelé que le dossier des entreprises électriques et gazières était sans doute celui qui l'avait le plus occupé depuis son arrivée au ministère. Il a estimé nécessaire sur ce sujet, compte tenu de l'importance des enjeux que sont l'indépendance énergétique du pays, le service public et l'avenir de deux très belles entreprises, de laisser de côté tout esprit polémique.

Indiquant qu'il souhaitait en conséquence partir de faits, il a souligné que le premier d'entre eux était l'ouverture du marché à la concurrence, à hauteur de 70 % au 1er juillet 2004, une évaluation devant être réalisée sur la pertinence d'une ouverture totale en 2007.

Il a donc estimé que, face aux évolutions majeures que connaît le secteur de l'énergie, l'immobilisme n'était pas possible, ce dont conviennent tous les connaisseurs du sujet y compris les organisations syndicales.

Il a également rappelé que la Commission européenne avait une exigence relative à EDF et à GDF. Il a précisé que ces entreprises étaient des établissements publics accomplissant des missions de service public et qu'elles bénéficiaient de ce fait d'une garantie de l'Etat y compris pour leurs activités en concurrence, ce qui réduit le coût de leur endettement et ce que la Commission considère comme une rupture d'égalité vis-à-vis de leurs concurrents.

Il a indiqué qu'en conséquence, la Commission européenne demandait la fin de cette garantie de l'Etat liée au statut d'établissement public.

Il a donc expliqué que la solution envisagée n'était pas idéologique, mais pragmatique, et consistait à transformer l'entreprise en société anonyme, d'abord de façon à permettre aux entreprises de se développer en Europe et ensuite, pour répondre à la Commission, en soulignant que celle-ci ne demandait effectivement ni privatisation, ni ouverture de capital, mais simplement la suppression de cet avantage concurrentiel.

Il a, par ailleurs, rappelé que la situation financière d'EDF n'était pas bonne et que l'ensemble des acteurs de l'entreprise en convenait. Il a souligné qu'EDF avait réalisé de très importants investissements pour se développer à l'étranger et que la majorité précédente avait été conséquente en les autorisant, puisque ce développement international est nécessaire pour compenser les pertes de parts de marché en France rendues inéluctables par l'ouverture à la concurrence acceptée à Barcelone.

Il a toutefois rappelé que si la majorité précédente avait laissé, à raison, l'entreprise investir ainsi 16 milliards d'euros, elle ne lui avait pas donné un centime pour financer ces opérations alors qu'il aurait fallu au contraire soit renforcer, par une dotation de l'Etat, les fonds propres de l'entreprise, soit ouvrir son capital pour lui permettre d'acquérir des positions par échange de titres. Il a d'ailleurs regretté que, depuis 22 ans, aucun gouvernement n'ait jamais apporté « d'argent frais » à l'entreprise.

Puis, il a souligné qu'il comprenait parfaitement l'inquiétude des femmes et des hommes d'EDF et GDF : entrés dans une entreprise nationalisée en situation de monopole en 1946, ils se trouvent aujourd'hui au cœur d'un système concurrentiel qui pèse sur les choix, la profitabilité et la situation de l'entreprise.

Il a donc jugé que ce constat impliquait de trouver des solutions et donc de prendre des décisions, ce que s'efforce de faire le gouvernement :

- en faisant le choix du nucléaire, avec le soutien de toutes les organisations syndicales, excepté la CFDT, et en rompant avec l'absence de choix clair de la précédente majorité. Il a indiqué que notre pays dispose actuellement de 58 centrales nucléaires qui devront être renouvelées, ce qu'il convient de prévoir, le projet industriel d'EDF étant enraciné dans le projet industriel nucléaire national, puisqu'il permet la fourniture d'une énergie à un coût compétitif par rapport aux autres pays européens.

Il a rappelé que le choix de l'EPR était désormais fait et que le premier site serait choisi dans quelques semaines.

- en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une privatisation. La comparaison avec France Télécom, souvent faite, n'est pas pertinente car le secteur des télécommunications n'a rien à voir avec l'indépendance énergétique et cette entreprise, à la différence d'EDF, n'exploite pas le parc nucléaire du pays.

Il a d'ailleurs estimé qu'il lui paraissait difficile qu'un investisseur privé puisse, un jour, racheter le parc nucléaire français compte tenu des sommes en jeu et des durées de retour sur investissement.

Il a par ailleurs rappelé que le statut d'EPIC n'était pas davantage une garantie contre la privatisation que la fixation d'un seuil majoritaire de participation de l'Etat dans le capital puisque, dans tous les cas, une loi permettrait de décider cette privatisation aussi bien en partant d'un EPIC que d'une société majoritairement publique.

Il a indiqué qu'il avait trouvé à son arrivée au ministère un projet de loi prévoyant que l'Etat conserverait 51 % du capital. Ayant estimé cela insuffisant, notamment compte tenu du risque d'une minorité de blocage détenue par le secteur privé, il avait d'abord proposé une majorité de 60 à 66 % et que la CGC avait proposé 70 %.

Il a précisé que le Gouvernement était ouvert aux initiatives des parlementaires sur ce sujet et était prêt à ce que l'Etat conserve 70 % du capital afin d'éviter toute minorité de blocage et tout danger quant à l'autonomie de décision par rapport à l'Etat.

Il a rappelé que l'intention du Gouvernement n'était pas l'ouverture de capital mais le changement de forme juridique de l'entreprise, laissant la possibilité, pour l'avenir, d'une ouverture du capital.

Il a rappelé que celle-ci pourrait être une formidable opportunité pour les personnels actifs ou inactifs, qui représentent un peu moins d'un demi-million de personnes - quelques 200 000 jeunes inactifs et 150 000 actifs -, attachés à l'entreprise, de rentrer dans le capital de l'entreprise. Il a souligné qu'une telle mesure s'inscrirait tout à fait dans la philosophie gaulliste de la participation.

Il a précisé qu'en l'état actuel du droit, 10 % des titres cédés devaient être proposés aux salariés mais que le Gouvernement était prêt à porter ce chiffre à 15 %. Il a estimé que cette garantie, en plus du plancher des 70 % de participation pour l'Etat, devait contribuer à limiter les inquiétudes.

En imaginant par ailleurs, a-t-il ajouté, que les collectivités territoriales, ou leurs groupements - dont il ne demande pas l'intervention - ainsi que les partenaires étrangers d'EDF pourraient devenir actionnaires, on dispose d'un système permettant de préserver une entreprise nationale selon des modalités nouvelles.

Il a rappelé que le statut d'établissement public d'EDF et de Gaz de France freinait leur expansion dans la majorité des pays européens en constituant un facteur de suspicion, parfois à l'origine, comme en Italie ou en Espagne, de l'adoption de lois entravant fortement l'exercice des droits de vote attachés à des titres pourtant très chèrement acquis par EDF-GDF.

Il a ensuite indiqué qu'EDF-GDF resterait une entreprise intégrée, de la production, au transport et à la distribution-commercialisation, et que l'activité de transport serait filialisée en restant publique à 100 %, sous le nom de « GDF - Transport » et d'« EDF - Transport ».

Il a par ailleurs rappelé que l'entreprise ne serait plus tenue par le principe de spécialité, alors qu'aujourd'hui EDF ne peut pas vendre de gaz, ni GDF de l'électricité et aucune des deux des services. Or, a-t-il précisé, certaines entreprises clientes attendent une offre intégrée : l'abrogation de ce principe permettra aux deux opérateurs historiques d'offrir cette offre complète, comme leurs concurrents.

Il a indiqué qu'une structure commune aux deux entreprises comprenant environ 60 000 personnes serait, en outre, préservée, comme le souhaitaient les entreprises et les salariés.

Il a ensuite abordé la question de la fusion, dossier complexe et que l'on ne doit pas évoquer de façon manichéenne ou simpliste. Il a estimé que rien dans le projet de loi ne faisait obstacle à une fusion future. Par ailleurs, il a indiqué avoir demandé aux deux présidents de ces entreprises de réaliser une étude sur ce sujet et plus généralement sur celui des coopérations qui sera achevé en septembre.

Il a indiqué que, personnellement, il était réservé sur cette évolution pour deux raisons principales :

- le marché va bientôt être ouvert à la concurrence et deux partenaires qui de surcroît, se connaissent bien, l'occupent mieux qu'une seule entreprise, surtout lorsqu'elles disposent de réseaux complémentaires ;

- la fusion conduirait immédiatement le nouveau groupe à devoir répondre devant les autorités de l'Union européenne de l'accusation d'abus de position dominante et donc à devoir vendre des actifs en France. Or, le ministre d'Etat a rappelé qu'il s'était engagé à ne pas vendre d'actifs mais, au contraire, à procéder à une augmentation de capital.

Il a indiqué qu'à cet égard les 500 millions d'euros d'augmentation de capital ne seraient peut-être pas suffisants, mais qu'il s'agissait de la première augmentation de capital en 22 ans et d'un soutien suffisamment significatif pour que la Commission européenne ait, sur le champ, demandé de l'examiner.

Concernant les retraites, le ministre a rappelé que, jusqu'à aujourd'hui, EDF et GDF étaient leurs propres assureurs, ce qui mettait le système de retraite dans une situation d'une extrême fragilité, des retraites ne pouvant dépendre exclusivement des résultats financiers d'une entreprise, aussi profitable soit-elle.

Il a donc indiqué que, dans ce nouveau cadre, le projet de loi prévoyait un « adossement » au régime général d'assurance vieillesse afin de permettre aux entreprises de contribuer et de bénéficier de la solidarité interprofessionnelle.

Il a par ailleurs précisé que les électriciens et gaziers continueraient à cotiser 37 ans et demi.

Il a rappelé en effet que la France n'était pas une page blanche et qu'EDF et GDF avaient une histoire, une identité et avaient réalisé des conquêtes sociales sur lesquelles on ne pouvait pas juste tirer un trait.

Puis, il a rendu hommage au sens des responsabilités des organisations syndicales. Rappelant que le « référendum » sur les retraites avait laissé un grand traumatisme, il a estimé qu'il était conforme à l'intérêt général que des organisations syndicales raisonnables et responsables, ce qui est notamment le cas de la CGT, soient fortes.

Il a indiqué qu'il avait été très marqué par sa visite à la centrale de Chinon, où, sur les 1 300 employés de la centrale, 1 100 étaient venus, l'empêchant d'abord de parler pendant plus de 10 minutes, non pas pour exprimer leur colère contre le projet, mais leur sentiment que, trop souvent, des décisions qui les concernent sont prises sans leur avis et surtout sans qu'aucune explication ne leur soit donnée. Il a estimé que cela soulignait malheureusement le fossé existant entre les « dirigeants » au sens large et les salariés et qu'il convenait de le combler. Il a enfin rappelé qu'après 1 heure 45 de discussion, il était parti avec le sentiment d'une meilleure compréhension réciproque.

Il a conclu qu'il ne présentait pas ce projet de loi en s'en excusant mais qu'il le revendiquait, afin de porter une authentique politique industrielle pour la France et de donner à ces entreprises la chance de devenir des champions européens.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a jugé le projet de loi conséquent, cohérent et équilibré.

Il a, tout d'abord, estimé que le texte était conséquent parce qu'il tient compte de l'histoire des entreprises et de l'histoire nationale, parce qu'il tire les conséquences de l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité et parce qu'il tire les enseignements des expériences étrangères à un moment où suffisamment de recul permet de juger sereinement des bilans réels de l'immobilisme choisi par certains Etats comme de l'ouverture à la concurrence débridée décidée par d'autres.

Il a ensuite jugé le projet de loi cohérent parce qu'il préserve le caractère intégré des entreprises publiques, intégration dont la nécessité constitue une des principales leçons des échecs des groupes purement producteurs, comme British Energy, ou purement fournisseur, comme Enron.

Il a enfin qualifié le projet de loi d'équilibré dans la mesure où, en préservant le statut des personnels et le service public auquel sont attachés les usagers, il s'inscrit pleinement dans notre histoire en définissant une troisième voie entre l'étatisme et le libéralisme effréné qui pourra constituer un exemple pour d'autres Etats.

Il a ensuite posé plusieurs questions au ministre d'Etat. Rappelant que le réseau de transport constituait l'épine dorsale du système électrique, il a souhaité savoir quelles garanties d'indépendance pourraient être données à son gestionnaire.

En ce qui concerne la fusion, il a jugé souhaitable que le ministre d'Etat puisse indiquer quel était le bilan de la fusion d'EON et de Ruhrgas en Allemagne qui a donné naissance à un groupe de taille comparable à l'ensemble EDF-GDF.

Il a ensuite rappelé que des interrogations existaient sur le champ d'application du statut des industries électriques et gazières et a souhaité savoir si celui-ci s'appliquait à la commercialisation, rappelant à cette occasion que cette fonction mal prise en compte dans notre droit pouvait également soulever des difficultés pour l'application, notamment aux entreprises non nationalisées, de la réforme du financement des retraites.

Enfin, il a indiqué qu'un service commun était préservé en ce qui concerne la distribution mais que les inquiétudes étaient fortes quant au recours à la sous-traitance, en particulier dans ce secteur d'activité. Il a donc souhaité savoir selon quelles modalités le maintien de compétences au sein des entreprises et l'encadrement du recours à la sous-traitance pourraient être organisés.

M. Daniel Paul a indiqué que son groupe ne partageait pas l'enthousiasme du rapporteur et du ministre concernant ce projet de loi.

Après avoir précisé que les députés communistes étaient en accord avec certains points du projet de loi relatif aux orientations énergétiques, il a jugé que la simultanéité des deux textes portait en germe des dangers pour le pays et souligné que l'énergie n'était pas un bien comme les autres et que l'on ne pouvait donc privatiser EDF-GDF comme l'on privatise une entreprise « ordinaire ».

Après avoir rappelé qu'il n'avait pas accueilli avec enthousiasme les conclusions du sommet de Barcelone, il a posé les questions suivantes :

- Pourquoi le Gouvernement ne s'est pas livré à un bilan de la libéralisation de l'énergie, que ce soit en matière de production ou de distribution, réalisée dans d'autres pays ayant connu une vague de privatisations comme l'Etat de Californie, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie avant de proposer un tel texte ?

- L'ouverture du capital n'a-t-elle pas toujours débouché sur la privatisation et y a-t-il beaucoup d'exemples de la « troisième voie » évoquée par le rapporteur ?

- Les Français sont-ils réellement en accord avec le projet du Gouvernement alors que selon un récent sondage, 50 % d'entre eux disent partager les préoccupations des agents d'EDF-GDF ?

- Pourquoi ne pas avoir attendu la réalisation de l'étude sur la fusion en septembre pour présenter le projet de loi ?

- L'entrée des collectivités locales dans le capital des entreprises est-elle réellement une garantie de leur non-privatisation, alors que l'exemple de la Compagnie nationale du Rhône, dont une partie du capital était détenue par des collectivités locales telles que les villes de Paris et de Lyon illustre le contraire ?

- Quelle est la valeur d'EDF compte tenu des charges futures très lourdes, telles que le démantèlement des centrales ou l'adossement des retraites, pesant sur l'entreprise ?

M. Jacques Masdeu-Arus, s'exprimant au nom du groupe UMP, a estimé que l'Assemblée était saisie d'un projet de loi dont l'adoption était impérative puisque l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, dont une nouvelle étape interviendra dès le 1er juillet 2004, l'impose.

Cette réalité posée, il a estimé que le débat pourrait s'arrêter là mais qu'il appartenait au Parlement d'examiner le projet de loi, en y apportant, si nécessaire, quelques compléments.

Il a estimé que la réforme était indispensable et que le groupe UMP était aux côtés du Gouvernement pour que celle-ci soit la plus profitable possible, d'une part, pour les Français, usagers du service public, qui sont en droit d'attendre une fourniture d'énergie de qualité et au prix le plus compétitif et, d'autre part, pour les entreprises EDF et GDF, qui face à la concurrence, doivent avoir les moyens financiers et humains de leurs missions.

Il s'est donc déclaré favorable à la transformation des deux établissements publics en sociétés anonymes avec la garantie très importante que la participation de l'Etat ne pourra descendre en dessous de 70 % du capital donnée aux personnels par le ministre d'Etat.

Il a rappelé que ce changement de statut permettrait à EDF et à GDF de se mettre en conformité avec les règles du marché et ainsi de ne plus risquer les sanctions de Bruxelles. Il a noté qu'il mettrait également fin au principe de spécialité ce qui permettra à EDF et à GDF d'élargir leurs domaines d'intervention et de faire des offres « multi-énergies » à l'instar de leurs concurrents.

Abordant enfin le statut du personnel de ces entreprises, il a indiqué que le choix du Gouvernement était de le maintenir et même de le conforter puisque la création d'une caisse de retraite spéciale pour les personnels des industries électriques et gazières est proposée ce qui permettra de soulager EDF et GDF d'une part de leurs dettes sociales. Il a toutefois rappelé que la question du statut des salariés et des retraités d'EDF et de GDF était d'une importance économique telle qu'elle ne saurait être évitée indéfiniment pour des considérations politiques.

Il a conclu en indiquant que le groupe UMP se prononcerait favorablement sur ce projet de loi qui navigue entre une nécessaire évolution et un prudent statu quo.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a déclaré qu'il n'entendait pas faire de déclaration de principe, mais qu'il essayerait en revanche d'obtenir des réponses claires sur un certain nombre de points précis.

Il a noté que le présent projet de loi constituait une manœuvre délicate pour M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a en effet estimé que le projet opérait un mélange des genres et des enjeux dans la mesure où il contenait non seulement la transposition de directives communautaires, dont il a reconnu la nécessité, mais aussi le traitement du problème des retraites des agents des industries électriques et gazières, qu'il a estimé distinct du précédent, et enfin la question du changement de statut des établissements publics que constituent EDF et Gaz de France. Il a souligné que selon lui, les trois questions n'étaient pas forcément liées.

Concernant le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, il s'est demandé si le ministre avait étudié un scénario alternatif. Invitant ses collègues à prendre acte du fait qu'EDF est une très belle entreprise et estimant que c'est grâce à son statut qu'EDF a pu réaliser les investissements considérables liés notamment au développement du parc nucléaire, il a jugé qu'il conviendrait notamment d'envisager une modification du principe de spécialité auquel EDF et GDF sont aujourd'hui assujettis.

Exprimant sa satisfaction de voir l'Etat apporter à l'entreprise 500 millions d'euros, il s'est demandé si le ministre avait envisagé la possibilité d'aller au-delà de cette somme. Il a ainsi jugé cohérent un scénario dans lequel l'Etat, qui a beaucoup profité de l'entreprise, emprunterait pour alimenter ses besoins en fonds propres au moment où elle en a besoin.

Puis, il a souhaité savoir si le Gouvernement serait disposé, au cas où les syndicats en feraient la demande, à leur accorder, pour faire connaître leur position, les mêmes moyens que ceux consacrés par la direction d'EDF à la campagne de promotion du projet de loi engagée par celle-ci.

Il a ensuite demandé quelles seraient les incidences du changement de statut sur le réseau de distribution des collectivités territoriales, notamment les communes, qui en sont propriétaires et au sujet desquelles le présent projet de loi contient des dispositions.

Quant au problème de la fusion des deux entreprises, il a rappelé avoir vainement plaidé, au cours de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie, en faveur de la remise d'un rapport au Parlement sur le sujet, et a jugé opportun d'attendre le résultat de l'étude qui a été demandée par le ministre avant d'examiner le projet de loi.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur le contenu des contrats de service public prévus par l'article premier du présent projet de loi, soulignant que cet article ne précisait pas quelles étaient les exigences de service public imposées à EDF, à GDF et à leurs filiales.

Il a également demandé des précisions au sujet de la mise en œuvre du principe de péréquation tarifaire inscrit au même article, dans un contexte où le marché sera libre.

Il a en outre émis des doutes quant aux moyens de se prémunir contre les éventuels dépôts de bilan des opérateurs qui vont entrer sur le marché. Il a rappelé à ce sujet que l'article 14 du projet de loi contraindrait notamment les opérateurs historiques à reprendre les engagements de retraites des personnels de ces nouveaux entrants en cas de défaillance.

Puis il a interrogé le ministre sur la part, en volume, de la contribution tarifaire sur les prestations d'acheminement créée par le projet de loi.

En conclusion, il a souligné que le maintien du caractère à 100 % public des gestionnaires des réseaux de transport annoncé par le ministre ne lui paraissait pas possible, dès lors qu'EDF ou GDF participerait à leur capital et que ces sociétés ne seraient plus publiques à 100 %. Il s'est, en outre, interrogé sur la question de savoir si les autres opérateurs n'allaient pas exiger de participer au capital de ces sociétés dont ils utilisent les services.

S'exprimant au nom du groupe UDF, M. Jean Dionis du Séjour a apporté son soutien au changement de statut, se disant convaincu de la cohérence de celui-ci avec l'ouverture du marché professionnel à la concurrence et avec la nécessité de supprimer les avantages concurrentiels qui existent actuellement, tels que la garantie de l'Etat à EDF.

Il a réaffirmé son soutien à la construction européenne dans sa dimension politique, mais aussi économique, et notamment à la construction d'un marché énergétique européen. Il a plaidé en faveur de l'ouverture des marchés énergétiques à la concurrence sous réserve de préserver le rôle du régulateur, la Commission de régulation de l'énergie, et de développer des services universels.

Rejoignant l'analyse du ministre selon laquelle EDF est dans une situation de fragilité financière, notamment eu égard à la nécessité de provisionner les retraites de son personnel, il a approuvé le choix stratégique du maintien d'un groupe intégré autour des trois métiers de producteur, de transporteur et de distributeur.

Il a néanmoins souligné les contradictions possibles entre cette intégration et les dispositions des directives transposées par le présent projet de loi, ces directives prévoyant expressément une séparation entre les fonctions de transporteur et de producteur d'énergie. Il s'est interrogé sur la nécessité de développer des mécanismes permettant de prévenir les conflits d'intérêt.

Il s'est ensuite interrogé sur la conformité avec le droit commun des dispositions de l'article 4 du projet de loi relatives aux statuts des gestionnaires des réseaux de transport. Puis, il a regretté que le développement du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, qui a un réel savoir-faire, soit limité à l'Union européenne.

Abordant le dernier alinéa de l'article 6, dont il a jugé la portée incertaine, il s'est interrogé sur la question de savoir si le gestionnaire du réseau de transport d'électricité allait développer un second réseau national de télécommunications.

Puis, M. Jean Dionis du Séjour a estimé qu'en ce qui concerne le statut du personnel des entreprises EDF et Gaz de France, il convenait de concilier deux principes : le respect de l'histoire des deux entreprises et de la parole donnée au personnel, d'une part, et le respect de l'équité entre les Français d'autre part. Rappelant que la récente réforme des retraites n'avait pas modifié les régimes spéciaux mais qu'il avait alors été prévu de régler la question en même temps que celle de la modernisation des entreprises concernées , il a jugé nécessaire de concilier ces deux principes notamment en s'assurant que le régime de retraite des nouveaux salariés converge avec le régime général.

Evoquant la garantie de l'Etat à la caisse nationale des industries électriques et gazières, prévue à l'article 23, il a demandé au ministre si elle serait rémunérée et, le cas échéant, à quel prix.

Enfin, M. Jean Dionis du Séjour a demandé au ministre son point de vue sur la distinction actuelle entre la haute tension qui relève d'EDF et la basse tension qui relève des collectivités territoriales. Notant que cette distinction était en grande partie une fiction, le tout étant largement maîtrisé par EDF, il a estimé qu'elle soulevait la question, à ses yeux fondamentale, de la fourniture de la puissance adéquate en chaque point du territoire français.

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté les précisions suivantes :

- la Commission européenne ne s'est pas saisie du projet de fusion entre Eon et Ruhrgaz, dans la mesure où ces entreprises réalisaient moins du tiers de leur chiffre d'affaires hors d'Allemagne. Ce n'est pas le cas pour EDF qui réalise plus d'un tiers de son chiffre d'affaires hors de France. Il a, en outre, indiqué que le groupe résultant de cette fusion ne contrôlait que 50 % du marché allemand alors qu'EDF et GDF contrôlent environ 90 % du marché français. Pour ramener la part de marché d'un ensemble EDF-GDF à un niveau comparable à celle du groupe Eon-Ruhrgaz, des sacrifices très importants seraient donc nécessaires ;

- l'indépendance et la neutralité de la future société gérant le réseau de transport d'électricité seront assurées par son statut même de filiale d'Électricité de France, alors que Réseau de transport d'électricité (RTE) n'est actuellement qu'un service de l'établissement public ; en outre, les dispositions des lois n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et du service public de l'énergie relatives à l'accès des tiers aux réseaux et notamment au rôle de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en matière de tarifs sont maintenues ;

- les contrats entre l'Etat et les entreprises comprendront des objectifs chiffrés notamment dans le domaine de l'enfouissement des lignes et de la recherche, dans la mesure où un objectif clairement défini est le seul moyen d'aboutir à des résultats concrets dans ce domaine ;

- les obligations de service public prévues par le présent projet de loi, ainsi que les lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003 précitées, incluent la péréquation des tarifs assurant à toutes les catégories de clients des tarifs identiques quelle que soit leur localisation géographique sur le territoire métropolitain, la qualité de l'énergie et des mesures sociales matérialisant le fait que l'énergie ne doit pas être un secteur soumis aux seules lois du marché ;

- le statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG), définis par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, s'applique aux entreprises de production, de transport et de distribution, et donc de fourniture, d'électricité et de gaz ; les activités de sous-traitance sont comprises dans le champ de ce statut lorsqu'elles sont indissociablement et exclusivement liées à l'une de ces activités. La sous-traitance dans le secteur du nucléaire est effectivement une question difficile, sur laquelle le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions du Parlement. Néanmoins, il est courant et légitime que des salariés extérieurs travaillent sur le site d'une centrale nucléaire, par exemple lorsqu'il s'agit de salariés d'un constructeur d'équipements. En conséquence, il est évident que la garantie offerte à ces différentes catégories de personnel ne peut pas être identique à celle dont bénéficient les salariés d'Électricité de France, même si l'on pourrait imaginer un tronc commun de garanties sociales sur lequel le Gouvernement pense qu'il faut effectivement travailler ;

- le projet de loi relatif aux orientations de la politique énergétique, qui vient d'être voté en première lecture à l'Assemblée nationale, permettra effectivement de dessiner les grandes tendances de la politique énergétique nationale de demain, notamment dans le secteur du nucléaire. A ce titre, il faut se féliciter du soutien conjoint du courant gaulliste et plus largement de l'UMP et du parti communiste en faveur hier de la mise en place de la filière nucléaire française et aujourd'hui du lancement de l'EPR ;

- les possibilités de fusion entre Électricité de France et Gaz de France seront étudiées par les deux entreprises pour septembre mais le report de l'examen du projet de loi n'est pas envisageable compte tenu des échéances de l'ouverture à la concurrence au 1er juillet. Si l'opposition souhaite cette fusion, elle aurait pu l'engager lorsqu'elle était aux affaires ;

- la Compagnie nationale du Rhône, qui n'est qu'une entreprise de production, et EDF, qui exploite des réseaux, relèvent de situations tout à fait différentes, ce qui pourrait justifier une implication plus forte des collectivités locales dans EDF par rapport à la CNR ;

- la valeur de l'entreprise Électricité de France est parfois estimée entre 30 et 50 milliards d'euros mais beaucoup d'incertitudes entourent ce chiffre ;

- un bilan de l'évolution du marché de l'énergie en Europe sera réalisé avant 2007 ainsi que l'a obtenu de ses collègues européens l'actuelle majorité et comme l'avait en effet demandé la précédente majorité, qui aurait pu, d'ailleurs, demander des garanties similaires à Barcelone avant l'ouverture du marché aux professionnels ;

- la simultanéité de la discussion au Parlement du projet de loi d'orientation de la politique énergétique et du présent projet de loi permet d'aborder l'ensemble des problématiques du secteur de l'énergie et correspond d'ailleurs à une demande des syndicats eux-mêmes. L'ordre de présentation a également son importance puisqu'il est logique de fixer d'abord le cadre de la politique énergétique pour donner ensuite à nos entreprises les moyens de la mettre en œuvre ;

- la contribution tarifaire prévue par l'article 16 du projet de loi devrait s'élever à environ 5 % des tarifs mais sera compensée par une baisse à due concurrence de ceux-ci ;

- les syndicats sont favorables à la préservation d'une solidarité entre les entreprises de la branche en matière de retraites comme en témoigne l'accord social de janvier 2003. Des négociations doivent encore être menées pour déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre de cette garantie ;

- le capital de la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité sera détenu en totalité par Électricité de France, société publique, et le cas échéant par l'Etat ou d'autres organismes du secteur public, ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il n'y aura pas de capitaux privés dans cette société ;

- la séparation des réseaux de transport, prévue par le présent projet de loi, sera sans conséquences sur le fait que les collectivités territoriales sont propriétaires de leurs réseaux. Le Gouvernement est en effet attaché au système des concessions ;

- le présent projet de loi traite effectivement de manière globale les problèmes liés au régime de retraite, à leur statut et à la transposition des directives communautaires car ces problèmes ont tous pour cause l'ouverture du marché à la concurrence. Ceci fait de ce projet de loi un texte complet et équilibré. L'opposition aurait d'ailleurs certainement critiqué le fait que le Gouvernement décide de traiter de manière indépendante ces questions ;

- la multiplicité des questions techniques posées par M. François Brottes montre qu'il est difficile de contester le projet de loi, sinon sur quelques points précis. La manifestation des personnels d'Électricité de France et Gaz de France de la semaine passée montre par ailleurs que la mobilisation a été forte en faveur de la défense du service public et non contre la privatisation des deux établissements publics, dans la mesure où le Gouvernement semble avoir convaincu les partenaires sociaux que son intention n'était pas de privatiser les deux entreprises ;

- le changement du statut d'Électricité de France aura, entre autres effets, celui de permettre à cette entreprise de pouvoir mener ses propres négociations salariales ce qui est nécessaire à l'autonomie de gestion de l'entreprise et sera à l'avantage du personnel ;

- chacun connaît la sensibilité politique personnelle et le parcours professionnel de M. François Roussely, président d'EDF, dont le remplacement aurait sans nul doute conduit l'opposition à dénoncer une chasse aux sorcières. Si quelqu'un ayant eu un tel parcours croit à ce point au projet de loi qu'il estime opportun de faire partager ses convictions, on voit mal pourquoi le Gouvernement le lui interdirait ;

- en matière de péréquation tarifaire, il est prévu un tarif identique de l'électricité pour les clients non éligibles ou n'ayant pas fait jouer leur éligibilité. Pour les clients éligibles, la péréquation tarifaire est appliquée pour les tarifs de transport et de distribution d'électricité. En outre, Électricité de France continuera d'appliquer des tarifs identiques pour les petits consommateurs sur tout le territoire. Enfin, les autres fournisseurs d'électricité seront tenus de communiquer aux clients éligibles souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovolt-ampère un barème de prix qui doit être identique pour l'ensemble des clients éligibles de cette catégorie raccordés au réseau électrique métropolitain continental ;

- le soutien de M. Jacques Masdeu-Arus est très apprécié. Si la presse fait état d'appréciations divergentes au sein de la majorité sur le présent projet de loi, le Parlement est naturellement le lieu où ces divergences pourront s'exprimer librement car le Gouvernement entend rester ouvert à toutes les propositions avec comme conviction centrale que l'immobilisme est impossible. Le Gouvernement recherchera le consensus car l'avenir d'EDF et de GDF ne doit pas être un enjeu partisan ;

- le projet de loi est en effet un texte européen, comme l'a rappelé M. Jean Dionis du Séjour, et il est étonnant que ceux qui se disent aujourd'hui, en pleine campagne pour les élections européennes, des Européens convaincus, refusent de le voter. On ne peut pas à la fois dire que l'Europe est positive pour la France et refuser ensuite de se conformer à nos obligations européennes, d'autant que la question d'EDF est pour la Commission européenne un test de l'engagement européen de la France au même titre que le respect des engagements budgétaires. Il est possible, à l'instar du Parti communiste qui considère que l'Europe est trop libérale, de refuser par cohérence de voter le texte, mais se dire européen et refuser ce qui vient de l'Europe n'a pas de sens ;

- concernant le statut du personnel, il peut, en effet, demeurer une contradiction entre le principe d'égalité de traitement des Français et le maintien des régimes spéciaux. C'est là un débat qu'il faut affronter avec pragmatisme et non de façon intellectuelle car la différence entre le responsable politique et le théoricien est la prise en compte du principe de réalité. Or, ici, la réalité, c'est l'histoire sociale des entreprises. On peut juger que cette situation aboutit non à des injustices mais à des inégalités, mais force est de constater qu'elles existent. Face à un acquis social, le courage de l'homme politique est de le respecter et d'engager le changement. La droite républicaine et le centre proposent aujourd'hui à l'entreprise de garantir son histoire sociale tout en préparant son avenir et en lui proposant un grand changement : les syndicats et les personnels verront qui porte un vrai projet social et un vrai projet d'avenir. Ce débat, passionnant pour notre pays, sur le rythme du changement, est un débat, en tout cas, que nous devons avoir ;

- le président du conseil d'administration d'EDF-Transport sera protégé par le fait qu'il ne pourra être révoqué qu'après avis de la CRE. L'activité de cette société est un monopole, elle doit donc être contrôlée dans l'intérêt même du consommateur français qui n'a d'autres choix qu'EDF-Transport pour faire transporter son électricité. Le projet de loi propose donc de limiter les activités d'EDF-Transport à l'espace européen et au secteur régulé pour protéger le consommateur. La valorisation du réseau prévu inclut effectivement la possibilité de développer un réseau de télécommunications ;

- la garantie de l'Etat pour les droits passés couvre l'hypothèse purement théorique d'une faillite des entreprises publiques ; elle ne coûtera donc rien à l'Etat ;

- s'agissant de la qualité des réseaux énergétiques et des investissements d'EDF dans le réseau de distribution, il convient de rappeler que le projet de loi d'orientation sur l'énergie soumet les opérateurs à une obligation de résultat sur la qualité du courant électrique, le Sénat envisageant d'ailleurs d'instituer des pénalités si elle n'est pas respectée.

M. Pierre Cohen a précisé que l'étonnement du groupe socialiste portait moins sur les fonds alloués aux syndicats d'EDF ou consacrés par sa direction à des campagnes de communication que sur le calendrier retenu. Il a jugé choquant la promotion du projet de loi avant même sa discussion par le Parlement qui semble dès lors dessaisi, après avoir vu ses débats écourtés lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Il a considéré que le propos du ministre, très construit, se référait à l'histoire syndicale et politique en rappelant les contributions de toutes les familles de pensée - à l'exception de la famille libérale - à la construction d'EDF. Il a estimé que si le ministre, dont il n'a pas contesté la sincérité, entendait démontrer que le projet de loi ne s'inscrivait pas dans une volonté de privatisation, il reflétait néanmoins une logique rendant inéluctable, à terme, cette privatisation. Il s'est déclaré, à ce sujet, convaincu que les faits démentiraient ultérieurement l'ensemble des propos du ministre, comme le montrait l'exemple des télécommunications.

M. Jean-Pierre Nicolas a estimé que ce projet de loi constituait, après celui relatif à l'énergie, un levier d'action important pour assurer l'avenir d'EDF et conforter la position de la France au niveau européen.

Il a considéré qu'il devait garantir à la fois le développement d'EDF, le statut de son personnel et le bon fonctionnement du service public, tout en permettant à l'entreprise d'honorer ses engagements financiers, ce dernier objectif semblant moins difficile à atteindre. Il a ainsi rappelé que le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relatif à la situation financière des entreprises publiques avait mis en évidence, en juillet 2003, la précarité de la situation financière d'EDF et a souhaité que soit démontrée l'absence de risque de faillite de la future société anonyme.

Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur la délimitation et le poids respectif des activités concurrentielles et des activités régulées avant de proposer d'engager la réflexion sur la mise en place de gestionnaires de réseaux de distribution mixtes.

Il a enfin salué le courage et la rapidité de l'action du Gouvernement auquel il a apporté son soutien.

M. Pierre Ducout a estimé qu'il n'existait pas de marché européen de l'énergie et a jugé que cette situation pourrait être durable. Il a rappelé que la France avait, sous la précédente législature, bien tenu ses engagements européens et qu'il fallait préserver les acquis obtenus dans ce domaine notamment quant à l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport d'électricité.

Puis, il a jugé qu'EDF, grâce à la production nucléaire, était placée dans une meilleure situation qu'on ne le disait habituellement pour faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, annoncée par tous les experts du fait de la raréfaction de l'offre et de la croissance de la demande d'énergie.

Il a souhaité obtenir des précisions sur l'idée évoquée au sein de la majorité de préserver un établissement public dans le cadre d'une holding.

Puis, il a indiqué qu'un certain nombre d'entreprises privées (telles que Suez, ENEL, RWE ou plusieurs clients d'EDF) semblaient aujourd'hui prêtes à investir dans le projet EPR alors que le ministre avait estimé impossible que des investisseurs privés s'engagent dans le nucléaire.

Il a ensuite estimé que si le Gouvernement souhaitait être véritablement vertueux vis-à-vis d'EDF, il devrait apporter à ses fonds propres non pas 500 millions d'euros mais plus d'un milliard pour couvrir l'amende versée à la Commission européenne.

Il a enfin indiqué que, pour l'appréciation des parts de marché d'un éventuel groupe fusionné, seule l'échelle européenne était pertinente.

M. Claude Gatignol a rappelé que le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur les énergies avait, à de multiples reprises, constaté que les réseaux de transport énergétique fonctionnaient d'autant mieux que leur gestionnaire bénéficiait d'une indépendance ou d'une autonomie suffisante. En revanche, il a estimé qu'une trop grande imbrication avec d'autres acteurs du marché pouvait soulever des difficultés, de sorte qu'il importe que le ministre précise comment cette indépendance pourra être assurée.

Il a ensuite remarqué que de grands investissements devraient être engagés au cours des prochaines années en faveur d'infrastructures de production électrique. Il a ajouté que des contacts internationaux lui avaient permis de constater l'intérêt de grands opérateurs européens pour ce type de projets. Il a donc souhaité obtenir, compte tenu du nouveau cadre dessiné par le projet de loi, des précisions sur le calendrier et sur le rôle de l'Etat pour fixer les modalités selon lesquelles ces investisseurs privés pourraient participer au financement d'un projet tel que l'EPR.

Mme Arlette Grosskost s'est interrogée sur les conditions dans lesquelles pourrait être garanti le contrôle public d'EDF en demandant si la piste du pacte d'actionnaires avait été explorée. Elle a signalé que la principale préoccupation qui ressortait de ses propres échanges avec les représentants des personnels était le risque de voir se développer la sous-traitance en particulier dans le domaine nucléaire.

En réponse aux différents intervenants, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, tout d'abord, pris acte de ce que la sincérité de son engagement à ne pas privatiser EDF n'était pas mise en cause et en a déduit que cela signifiait que le projet de loi comportait des garanties à cet égard. Quant à l'idée que le statut de société anonyme conduirait inéluctablement, à terme, à la privatisation, il l'a rejetée en expliquant qu'une privatisation ne pourrait être rendue possible, en tout état de cause, qu'à la suite du vote d'une loi, et que le maintien du statut d'établissement public ne constituait, en rien, à cet égard, un obstacle irrémédiable.

S'agissant de la situation des comptes d'EDF, il a refusé toute dramatisation, mais a appelé en revanche à la cohérence ceux qui réclament l'augmentation des effectifs et des rémunérations et, simultanément, la baisse des tarifs.

Puis, il a indiqué que le partage précis entre les activités régulées et les activités ouvertes à la concurrence avait été réalisé sous le contrôle du régulateur.

S'agissant de la création d'un gestionnaire des réseaux de distribution commun, il a rappelé les grandes divergences des organisations syndicales sur le sujet et le fait que les présidents des entreprises poursuivaient actuellement les concertations sur ce sujet.

Il s'est déclaré d'accord avec M. Pierre Ducout pour estimer que le développement d'EDF passait par le maintien d'une filière nucléaire puissante mais a jugé l'idée d'une holding coiffée par un établissement public indéfendable vis-à-vis de la Commission européenne.

Puis, il a considéré envisageable que des investisseurs privés participent au financement du projet EPR en citant le précédent de la centrale Super Phenix, mais a renvoyé l'ouverture de négociations éventuelles dans ce domaine au second semestre de l'année 2004. Il a jugé incohérent de ne pas développer la filière EPR en France tout en essayant de la commercialiser dans d'autres pays.

Il a rappelé que la séparation juridique et l'autonomie managériale de l'activité de transport d'électricité n'étaient en rien incompatibles avec la poursuite de cette gestion au sein d'une entreprise intégrée, des garanties d'indépendance étant apportées par le projet de loi.

Il a indiqué qu'une détention par l'Etat du capital d'EDF à hauteur de plus de 66 % interdisait par elle-même la constitution de toute minorité de blocage.

Il a estimé que la sous-traitance de certaines activités dans le secteur nucléaire constituait un problème réel et a jugé opportun de réfléchir à un tronc commun de règles permettant de rapprocher la situation des différents salariés concernés.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Jean-Claude Lenoir rapporteur pour le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).


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