COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 décembre 2004
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président,

puis de M. Yves Coussain, Vice-Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Patrick DEVEDJIAN, ministre délégué à l'Industrie, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales (n° 1384).


2

   
   

La Commission a entendu M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales (n° 1384).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'Industrie, a observé que la situation de la Poste était bien connue puisqu'en 1997 déjà, le rapport de Gérard Larcher, alors président de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, donnait l'alerte sur la situation des activités postales, profondément différentes de celles des autres grands réseaux de service public. En effet, contrairement à EDF et à France Télécom, dotées d'un outil de production très performant et riche d'un considérable capital technologique, la Poste se trouve dans une situation délicate. Alors que le marché postal se contracte, l'ouverture à la concurrence est engagée, et la libéralisation totale des services postaux se profile à l'horizon 2009.

Pour autant, il ne faut pas craindre cette ouverture mais y voir une chance tant pour l'économie française que pour la Poste elle-même. A Lisbonne, en 2000, les Quinze se sont fixés pour objectif de faire de l'économie de l'Union la première économie de la connaissance d'ici 2010. A cette fin, ils ont souhaité poursuivre la libéralisation des échanges tant immatériels que matériels. C'est dans ce cadre qu'a été adopté le fameux « paquet télécom », transposé cette année en droit interne par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Les Etats membres en ont également appelé à la poursuite de la libéralisation dans le secteur des transports et dans celui des services postaux. Cette concurrence accrue devra s'accompagner d'indispensables gains de productivité chez les opérateurs du secteur pour nourrir et soutenir la croissance économique européenne. C'est à quoi tend la transposition des directives postales.

Ce projet de loi donne aussi l'occasion tant attendue de se pencher sur l'avenir de l'entreprise. Comme chacun le sait, le Gouvernement a signé l'année dernière avec la Poste un nouveau contrat de plan qui lui fixe des objectifs ambitieux en termes d'amélioration de la qualité des services, de modernisation de l'outil et, plus généralement, d'amélioration de sa compétitivité. Le rapport que la Cour des comptes a consacré à la Poste en 2003 a montré que, depuis sa transformation en établissement public en 1990, l'entreprise a réalisé des efforts d'adaptation très importants. Malgré cela, l'écart s'est creusé entre elle et les postes allemande et néerlandaise, dont la qualité de service s'est régulièrement améliorée. Ainsi assurent-elles plus de 90 % de distribution du courrier à J+1, contre 75 % en France. La Poste doit donc améliorer sa compétitivité pour affronter une concurrence qui ne cesse de s'aiguiser. Un sursaut est nécessaire avant les dernières étapes de la libéralisation, en 2009.

Le débat parlementaire donne aussi l'occasion de traduire sur le plan législatif les progrès permis par le contrat de plan : l'allègement de charges sur les bas salaires si longtemps réclamé, l'extension de la gamme des services financiers et son corollaire, leur filialisation, et enfin la création d'un fonds national destiné à financer la présence postale territoriale.

Pour permettre à la Poste de relever ces défis, il faut réformer en profondeur une législation qui, outre qu'elle est souvent obsolète, est l'objet de contentieux avec l'Union européenne. En premier lieu, le projet de loi permet de transposer la deuxième directive postale, adoptée le 15 octobre 2001 par le Conseil des ministres européens des postes. Que prévoit-elle ? Que, depuis le 1er janvier 2003, toute correspondance de plus de 100 grammes ou d'un prix supérieur à trois fois le tarif de base peut être librement distribuée en France, et que ces limites seront abaissées à 50 grammes et à deux fois et demi le tarif de base en 2006. Ensuite, le Parlement européen et le Conseil des ministres devront se prononcer, en 2007, pour confirmer l'achèvement du marché intérieur des services postaux à l'horizon 2009. Il est donc probable qu'à cette date, le secteur sera complètement libéralisé. Aussi le projet a-t-il pour objectif de concilier l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence et la fourniture, par la Poste, du service universel postal, qui consiste à assurer la distribution des correspondances jusqu'à 2 kg et des colis postaux jusqu'à 20 kg, en tout point du territoire, six jours sur sept - alors que la directive prévoit une distribution cinq jours sur sept seulement : le Gouvernement fait donc mieux.

M. François Brottes a rappelé qu'il s'agissait d'un « amendement Brottes »...

M. Patrick Devedjian a observé que c'était un amendement coûteux, comme le sont habituellement les amendements Brottes, mais que le Gouvernement l'assumait, en espérant que son auteur ne se montrerait pas ingrat...

M. François Brottes s'est déclaré certain que le ministre délégué ne serait pas déçu...

M. Patrick Devedjian a poursuivi son exposé en soulignant que, pour accompagner la libéralisation du secteur postal, la pratique et le droit européen montraient la nécessité d'installer un régulateur indépendant. Le conflit intervenu entre les entreprises françaises de routage et la Poste a montré les limites de l'organisation française actuelle, qui attribue au ministre chargé des postes la double fonction de régulateur du secteur et de tutelle de l'entreprise, activités difficilement conciliables. Les entreprises du secteur et la Commission européenne estiment que le Gouvernement n'est pas le mieux placé pour exercer le rôle d'arbitre indépendant voulu par la directive, puisqu'il est en quelque sorte, pour employer une métaphore sportive, à la fois l'entraîneur et l'arbitre. C'est pourquoi, dès 2002, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a souhaité mettre au point un dispositif de régulation cohérent et complet, à l'instar de ce qu'ont déjà réalisé douze des Quinze et l'ensemble des nouveaux Etats membres.

L'alternative consistait soit à créer un régulateur spécifique, soit à élargir les compétences du régulateur existant. Comme l'ont fait huit des onze pays européens qui disposaient d'un régulateur indépendant, le Gouvernement a décidé d'élargir le périmètre de compétence de l'ART, qui deviendrait, selon le nom que les sénateurs ont souhaité lui donner, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Cette solution présente l'avantage de pouvoir être mise en œuvre très rapidement. A ce jour, l'ART comporte des services administratifs et un collège de cinq membres, que le projet voté par le Sénat a prévu de porter à six. L'Autorité créera un service consacré aux activités postales ; le ministre délégué a précisé qu'elle régulerait seulement le marché des envois de correspondances.

En proposant la création de cette nouvelle instance de régulation, le Gouvernement a pour premier objectif de garantir la bonne fourniture par la Poste du service universel. A l'avenir, un décret précisera les caractéristiques des services que la Poste doit offrir ; il appartiendra au régulateur de veiller à ce qu'elle respecte ses obligations, notamment pour ce qui est de la qualité de service. Le deuxième objectif est de définir un régime juridique clair et les conditions d'exercice de l'ensemble des opérateurs, en veillant à l'équité de la concurrence. Le dernier objectif est de garantir la pérennité du service universel en veillant particulièrement à son financement.

Pour y parvenir, le projet de loi comporte plusieurs dispositions nouvelles. En premier lieu, l'exercice d'une activité de distribution de correspondances par des concurrents de la Poste est soumis à un régime d'autorisation ; les autorisations seront délivrées par le régulateur pour dix ans et seront renouvelables mais incessibles, si bien qu'elles n'auront pas de valeur marchande. L'octroi d'une autorisation sera assorti d'exigences de qualité, de respect de la confidentialité des envois et de protection des consommateurs. Par ailleurs, l'ARCEP sera amenée à jouer un rôle majeur dans le règlement des différends dans le secteur postal, mais aussi en matière de régulation tarifaire, puisqu'elle homologuera les tarifs des services réservés.

En revanche, les tarifs du service universel non réservé seront soumis à un objectif tarifaire global déterminé par le ministre après avis de l'ARCEP. Dans le cas particulier des tarifs de la presse, le Gouvernement a souhaité maintenir le dispositif d'homologation ministériel en vigueur. L'ARCEP rendra des avis publics en matière tarifaire. Elle veillera aussi à ce que le financement de la mission de service universel postal soit assuré dans le respect des règles de concurrence, la possibilité lui étant donnée de faire vérifier les règles d'affectation des coûts de la Poste. Si elle venait à constater un déséquilibre dans le financement du service universel postal, elle aurait obligation de proposer au ministre des mesures pour y remédier. De plus, le projet prévoit que, trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, le Gouvernement devra faire un rapport au Parlement sur le financement du service universel, en étudiant notamment l'éventualité de créer un fonds de compensation alimenté par les opérateurs concurrents, ce que prévoient les directives. Enfin, l'ARCEP sera doté d'un large pouvoir de sanction.

Le ministre délégué s'est dit convaincu que le dispositif prévu permettrait de concilier la libéralisation du secteur et la fourniture du service public postal de qualité auquel le Gouvernement est très attaché.

Mais il convenait aussi de réduire les handicaps concurrentiels de la Poste en matière de charges sociales, de services financiers et de financement de sa contribution à l'aménagement du territoire. L'entreprise sera donc mise à égalité avec ses concurrents. Le ministre délégué a rappelé que le Gouvernement précédent avait imposé à la Poste la réduction du temps de travail sans lui permettre de bénéficier des aides prévues pour atténuer le surcoût énorme que cela représentait pour elle. La Poste devra entreprendre rapidement de grandes réorganisations d'ici à 2009, date à laquelle elle pourrait perdre tout monopole. Pour préparer cette échéance, le Gouvernement propose d'accorder à l'entreprise l'éligibilité aux « exonérations Fillon ». Cette mesure, dont le coût est estimé à 230 millions, permettra de replacer la Poste dans le droit commun. Elle est très attendue par l'entreprise et par son personnel.

S'agissant du réseau des bureaux de poste et des questions sous-jacentes d'aménagement du territoire, les solutions ne seront certainement pas dictées « d'en haut », car le ministre délégué ne croit qu'à la négociation sur le terrain. De longue date, la Poste bénéficie d'un abattement de taxe professionnelle justifié par sa contribution à l'aménagement du territoire. Le Gouvernement propose de compléter ce mécanisme par la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale qui permettra de financer une présence postale là où elle paraît prioritaire. Le contrat de plan a posé le principe d'un tel fonds ; la Poste et un groupe d'élus présidé par le sénateur Hérisson, président de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, travaillent actuellement à en définir le détail.

Un autre apport majeur du projet consiste en la création d'un établissement de crédit postal. La gamme des services financiers de la Poste s'est étoffée progressivement, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, autour du livret A. Elle comprend aujourd'hui à peu près tous les produits d'épargne et elle s'étend au crédit immobilier avec épargne préalable. La possibilité de créer un établissement financier obéissant aux règles bancaires parachève cette évolution ; elle permettra à la Poste de conserver sa clientèle qui, aujourd'hui, la quitte lorsqu'elle a besoin d'emprunter. Elle permettra aussi de développer l'activité du réseau des bureaux de poste. Elle devra naturellement s'exercer dans le respect de toutes les règles professionnelles et prudentielles.

Enfin, le projet de loi contient une mesure très attendue par tous les clients de la Poste, puisqu'elle concerne le régime de responsabilité des envois postaux. En effet, des dispositions très anciennes faisaient bénéficier la Poste d'une irresponsabilité de droit ; les tribunaux en écartent désormais l'application, considérant qu'elles ne sont pas conformes aux principes généraux du droit. Le Gouvernement propose donc d'adopter un nouveau dispositif répondant mieux aux attentes des consommateurs et applicable à l'ensemble du secteur postal. Les dispositions votées par le Sénat peuvent encore être améliorées ; le ministre délégué s'est dit ouvert aux propositions que pourrait faire la Commission à ce sujet.

Après le contrat de plan signé en 2003 avec la Poste, après la conclusion des accords Etat-presse-Poste sur le transport postal de presse, ce projet de loi constitue le troisième et le plus important pilier de la politique postale voulue par le Gouvernement. La réforme envisagée est particulièrement ambitieuse, puisqu'elle traite de tous les aspects du droit applicables à cette activité. Elle doit permettre à la Poste de s'adapter à l'ouverture progressive des marchés du secteur postal tout en garantissant un service public de qualité, sur l'ensemble du territoire, dans un cadre transparent permettant le développement d'une concurrence saine au bénéfice de l'économie française.

M. Jean Proriol, rapporteur, est revenu sur le retard pris tant pour examiner le projet de loi, - voté par le Sénat il y a bientôt un an - que pour transposer la directive. Comment s'étonner du contentieux avec la Commission européenne, alors que tous les membres de l'Union, à l'exception de la France et du Luxembourg, ont créé une Autorité autonome ? Il était grand temps de permettre à la Poste de lutter à armes égales avec ses concurrents, et notamment avec les postes allemande et néerlandaise, qui ont beaucoup d'avance sur elle.

Après s'être félicité de l'esprit d'ouverture dont le ministre délégué a fait preuve dans son exposé liminaire vis-à-vis des initiatives parlementaires, notamment s'agissant de la question de la responsabilité postale, le rapporteur a souligné que les obligations de service public devraient être précisées ; c'est d'ailleurs ce que souhaite le président de la Poste. Par ailleurs, est-il raisonnable de laisser subsister la taxe sur les imprimés non sollicités, que la Poste est tenue de payer alors même qu'elle n'est pas responsable de ces envois ? D'autre part, M. Jean-Paul Bailly a affirmé que l'entreprise n'avait pas l'intention d'engager une politique de repli de son implantation territoriale. Le ministre délégué pourrait-il préciser ce point ? Certes, de nombreux changements sont intervenus dans la localisation des bureaux de poste depuis trente ans, mais il est impératif de confirmer que les 17 000 points de contact postaux actuels demeureront.

Par ailleurs, comment cadrer la concurrence dans le secteur postal après l'entrée sur le marché français d'opérateurs étrangers dont on comprend d'emblée tout l'intérêt qu'ils trouveront à s'occuper de Paris, de Lyon et de Marseille, et tout le désintérêt relatif qu'ils risquent d'éprouver lorsqu'il s'agira de servir Concarneau, la Haute-Loire ou le Cantal, préférant laisser ces destinations exotiques à l'opérateur universel ?

Pour ce qui est de la médiation, est-il véritablement indispensable de conserver un dispositif au sein duquel coexisteront le Médiateur de la République, le médiateur du service universel postal, le médiateur de la Poste et l'ARCEP ? Ne pourrait-on simplifier cet échafaudage ? Enfin, s'agissant des procédures de contrôle des tarifs de la Poste, son président a plaidé pour un distinguo économique entre les envois en nombre et les envois égrenés plutôt que d'en rester à une distinction juridique entre secteur réservé et secteur concurrentiel. Qu'en sera-t-il ?

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a cru déceler chez le ministre délégué, qui l'a contestée, une certaine fascination pour la Poste allemande. Mais, pour juger valablement, il faut comparer ce qui peut l'être : les tarifs postaux allemands sont-ils inférieurs aux tarifs français ? Le nombre de bureaux de poste par habitant est-il plus élevé en Allemagne qu'en France ? La poste allemande est-elle contrainte de supporter le coût de l'aide à la presse et une taxe supplémentaire sur la publicité non adressée ? Enfin, le passage des avions est-il interdit la nuit en Allemagne aux mêmes horaires qu'en France ?

L'orateur s'est ensuite félicité que le projet arrive enfin devant l'Assemblée.

M. Patrick Devedjian a admis un retard de huit années, dont la responsabilité ne saurait être imputée au seul gouvernement actuel...

M. François Brottes a convenu que le retard était ancien. Il a pris acte de l'application des « exonérations Fillon » à la Poste, mesure constructive, mais il s'est étonné du silence du ministre délégué sur les aides à la presse. La Poste doit pourtant être libérée d'une contrainte qu'elle ne peut plus assumer en une période de concurrence exacerbée. Pour le choix du régulateur, chacun aura compris que le Gouvernement a choisi ce qu'il avait sous la main ; mieux aurait pourtant valu un régulateur spécifique. Quant au risque d'« écrémage », auquel le rapporteur a fait allusion, il est bien réel, si tous les opérateurs n'ont pas les mêmes contraintes de desserte territoriale. Pour ce qui est des services financiers de la Poste, le ministre délégué n'a pas expliqué comment mesurer l'écart entre les dispositions du projet de loi et le contrat de plan. Quelle est la position du Gouvernement ? Sachant que l'ouverture permise par le projet de loi semble a priori assez large ?

Sur le fond, qu'en sera-t-il de l'évolution du droit postal européen ? Pourquoi présenter la libéralisation totale comme inéluctable alors que rien n'est fixé ? Un choix politique devra être fait si l'on veut conserver un secteur réservé pour permettre la péréquation : quelle sera la position du Gouvernement à ce sujet, en 2007 ? Après tout, l'Union ne fera jamais que ce que les Etats membres décideront. Quant au fonds de compensation, comment sera-t-il alimenté et réparti ? Enfin, quelles sont les missions de service public que le Gouvernement souhaite voir affecter à la Poste ?

M. Frédéric Soulier s'est félicité, au nom du groupe UMP, de la présentation d'un texte qui constitue un élément essentiel du rétablissement de la Poste, au moment où le marché européen s'ouvre de plus en plus largement à la concurrence. D'ailleurs, le président de l'entreprise a souligné à quel point il lui était nécessaire de pouvoir passer d'une stratégie défensive à une stratégie commercialement offensive. Il reste à définir avec précision l'avenir des services publics en milieu rural, car toute décision de fermeture est lourde de conséquences. Or, ce démantèlement déjà engagé a été rendu inéluctable par un manque d'anticipation - c'est particulièrement vrai pour la Poste, mise en difficulté face à ses concurrents. En matière postale, on sait bien que le réseau urbain finance le réseau rural et que celui-ci risque d'être fragilisé par l'évolution prévisible. Puisqu'il est structurellement déficitaire, ne peut-on imaginer que le fonds postal de péréquation soit abondé par les régions ou les départements ? L'enjeu, ce serait une offre postale élargie, sur l'ensemble du territoire, avec une obligation de service public, selon le modèle du FIATA pour les services aériens. Les régions ne financent-elles pas déjà les TER ?

M. Antoine Herth a relevé que le Gouvernement entendait voir la Poste continuer de distribuer les correspondances six jours sur sept, et s'en est félicité. Mais qu'en est-il des délais de distribution ? Rien ne sert de distribuer tous les jours des colis si c'est tous les jours avec retard... Chaque parlementaire est très attentif à la modernisation de la Poste, mais s'inquiète aussi de la manière dont le réseau des points de vente évoluera, et de celle dont sera conduit le dialogue avec les élus locaux. S'agissant enfin du nouvel établissement de crédit postal, ne faut-il pas dire clairement que la Poste s'engage dans une activité bancaire comme le font les autres postes européennes ?

M. Jacques Bobe a dit avoir entendu le président de la Poste garantir le maintien des 17 000 points de contact, en conservant leur nombre dans chaque département. C'est bien, mais qu'en sera-t-il de la répartition, dans chaque département, entre villes et campagnes ? Il faut veiller à un équilibre convenable sans retenir pour seul critère celui de l'évolution démographique. Par ailleurs, M. Jean-Paul Bailly a estimé souhaitable que la Poste s'appuie, pour dessiner son réseau, sur les intercommunalités ; cela ne manquera pas de poser problème, car le nombre de ces collectivités est très inégal selon les régions. Quel est l'avis du Gouvernement sur ce point ? S'agissant enfin des services financiers de la Poste, il convient d'expliquer clairement que l'on s'apprête à constituer un nouveau réseau bancaire, alors que la France est le pays qui compte déjà le plus grand nombre de guichets bancaires. A tout le moins, il est nécessaire de garantir une étanchéité absolue entre l'activité bancaire et l'activité postale, pour éviter que le secteur postal ne devienne une simple annexe d'un groupe tout entier tendu vers le service bancaire.

Répondant aux intervenants, M. Patrick Devedjian est revenu sur la question de la présence postale. La répartition actuelle des quelque 17 000 points d'accès aux services postaux date, pour l'essentiel, d'avant 1914, époque où les réalités démographiques de la France étaient fort différentes.

Ce n'est pas par fascination envers la Poste allemande, comme semble le croire M. François Brottes, que la comparaison est nécessaire, mais parce qu'il faut analyser les forces et les faiblesses des concurrents : lorsque la Deutsche Post viendra offrir ses services sur le territoire français, elle le fera avec les atouts qui sont les siens. C'est justement pour faire face à cette concurrence annoncée que l'Etat a signé avec la Poste un contrat de plan comportant l'objectif de faire parvenir 85 % du courrier à « J+1 » - ce qui n'interdit pas de rêver à égaler les 90 % dont se targue la Poste allemande, dans des conditions bien différentes il est vrai, puisque le taux de présence postale en Allemagne est d'un point pour 6490 habitants, au lieu d'un pour 3530 en France.

Il faut savoir que, sur les 17 000 points de présence postale en France, 6 500 sont ouverts moins de quatre heures par jour, et 3 700 moins de deux heures. Aussi faut-il se réjouir chaque fois qu'un contrat est signé entre la Poste, une collectivité locale et un petit commerce rural : c'est une chance pour le service public, et aussi une chance pour l'aménagement du territoire. En tout état de cause, aucune transformation de bureau n'aura lieu sans l'accord exprès des élus locaux.

L'écrémage redouté - à juste titre - par certains pourra être évité par le fonds de compensation, qu'alimenteront justement les contributions des concurrents de la Poste, et qui rendra la concurrence plus équilibrée.

Le périmètre du service universel sera au moins aussi large que ce que prévoit la directive de 1997 en son article 3 : il s'agira d'« une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tous points du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ». Cela n'interdit nullement que le courrier soit distribué, comme actuellement, six jours par semaine, au lieu des cinq obligatoires aux termes de la directive...

S'agissant du médiateur du service universel postal, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée et de sa commission. Il est vrai qu'il y a le Médiateur de la République d'un côté, le régulateur postal de l'autre, et que l'on peut se demander quelle place il reste, au milieu, pour le médiateur du service universel postal...

Pour ce qui est de la taxe sur les imprimés non sollicités, il paraît tout à fait envisageable d'en exempter les publipostages, dans la mesure où il s'agit certes d'envois en nombre, mais personnalisés.

Quant au retard pris par la transposition de la directive, l'ordre du jour encombré de l'Assemblée en explique une partie, mais une partie seulement, et l'on peut observer, sans polémique aucune, qu'il n'est pas de gouvernement qui n'ait à se reprocher quelque transposition tardive. Mais en l'espèce il était urgent d'agir, car la France faisait l'objet de poursuites.

Jusqu'où doivent aller les activités financières de la Poste ? On doit observer que le contrat de plan est en retrait sur la loi, l'objectif premier étant de permettre à la Poste de conserver sa clientèle. L'autorisation de distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable est un premier pas, dont il faudra mesurer les effets, et le Gouvernement a entendu d'autre part les craintes exprimées - fort normalement - par la Fédération bancaire française. Celle-ci avait longtemps protesté, du reste, contre les avantages dont bénéficiait la Poste par rapport aux banques classiques ; aussi devrait-elle se réjouir de la voir entrer dans le droit commun de la concurrence ! Quant à la séparation entre les activités financières de la Poste et ses activités postales, la loi bancaire la rend, de toute façon, obligatoire.

Quelle sera la position du Gouvernement dans la négociation européenne en vue de l'échéance de 2009 ? Pour répondre à la question de M. François Brottes, il faudrait déjà savoir qui gouvernera la France alors... Plus sérieusement, le rapport des forces au sein des Vingt-Cinq sera déterminant : on imagine mal, en effet, qu'un pays puisse brandir seul l'étendard de la révolte contre l'ouverture de la concurrence aux plis de moins de 50 grammes avec quelque chance de succès ! D'autre part, les choses se présenteront différemment selon que la Poste française aura fait, ou non, des progrès de productivité - et l'on voit mal pourquoi il faudrait être pessimiste sur ce point.

Concernant les aides à la presse, il est permis de se demander, au vu de la récente prise de contrôle de nombreux titres par de grands groupes capitalistiques, s'il est vraiment justifié de subventionner Dassault ou la Banque Rothschild. Du reste, la Poste a déjà accompli un gros effort de productivité dans la distribution de la presse, conformément à la logique de l'accord de juillet 2004, et l'aide repose aussi pour partie sur le budget de l'Etat.

M. François Brottes a objecté que 400 millions d'euros restaient à la charge de la Poste.

M. Jean Proriol, rapporteur, a signalé que le montant total à couvrir était de 1,2 milliard.

M. Patrick Devedjian, revenant sur le fonds de compensation, a rappelé la distinction entre ce fonds, alimenté par les concurrents de la Poste pour financer le service universel, et le fonds de péréquation, qui a une finalité d'aménagement du territoire et qu'alimentent des abattements sur les taxes locales, c'est-à-dire, in fine, les budgets des collectivités locales.

M. Jacques Bobe a posé à nouveau le problème des accords entre la Poste et des structures de coopération intercommunale. Celles-ci sont en effet très hétérogènes, y compris sur le plan juridique : toutes n'ont pas forcément la capacité juridique nécessaire pour contracter, les communautés de communes en particulier.

M. Patrick Devedjian a répondu que tout dépendait des compétences confiées à l'intercommunalité par les communes adhérentes. Cela dit, le cadre intercommunal est souvent plus approprié que celui d'une petite commune rurale isolée.

M. Gabriel Biancheri a observé que la charte adoptée par le Congrès de l'Association des maires de France prévoit explicitement cette possibilité, mais a redouté que les collectivités qui accorderaient une aide financière au service postal universel sur leur territoire n'encourent les foudres de la Commission européenne, saisie par des concurrents de la Poste.

M. Patrick Devedjian a répondu que la Commission européenne, jusqu'à présent, n'avait rien trouvé à redire à de telles interventions des collectivités, dès lors qu'elles étaient proportionnées à l'objectif. Il existe d'ailleurs une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes - l'arrêt Ferring du 22 novembre 2001 - sur le financement des services d'intérêt général.

M. Yves Coussain, président, a remercié le ministre délégué d'avoir apporté aux députés des réponses qui ne manqueront pas d'alimenter la discussion du projet de loi en séance publique puis il a indiqué que la mission d'information sur le dispositif public de soutien aux exportations dont la création avait été annoncée par le Président Patrick Ollier lors de l'audition par la Commission de M. François Loos, ministre délégué au Commerce extérieur, auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, serait confiée à MM. Alain Cousin et Jean Gaubert.

--____--


© Assemblée nationale