COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 28 juin 2005
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian ESTROSI, ministre délégué à l'aménagement du territoire

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La Commission a entendu M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.

Le Président Patrick Ollier s'est réjoui d'accueillir M. Christian Estrosi pour la première fois depuis sa nomination comme ministre délégué à l'aménagement du territoire et a rappelé leur long combat commun pour défendre les zones de montagne. La Commission a souhaité entendre le ministre non seulement sur les objectifs généraux, mais aussi sur les instruments de la politique d'aménagement du territoire : comment, en particulier, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) sera-t-elle rendue plus opérationnelle, et comment le Gouvernement entend-il redonner vie aux grandes ambitions de la loi d'orientation de 1995, brutalement stoppées par la loi Voynet ? Il ne s'agit pas de tout reconstruire dès aujourd'hui, mais de donner une meilleure lisibilité à la politique d'aménagement du territoire, notamment dans le cadre du prochain comité interministériel pour l'aménagement du territoire (CIADT).

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, s'est dit heureux de ce premier échange avec ceux qu'il est encore enclin à appeler ses collègues, après avoir siégé dix-sept ans à leurs côtés et a indiqué vouloir ne pas se laisser enfermer dans sa nouvelle fonction et demeurer porteur des attentes des citoyens, d'où la nécessité de contacts réguliers avec ceux qui sont à leur contact.

Il a jugé particulièrement important que l'aménagement du territoire ne soit plus rattaché au ministère de l'équipement mais à celui de l'intérieur, qui est, par essence, celui des territoires. Le décret d'attribution du ministre de l'intérieur précise ainsi que le ministre de l'aménagement du territoire exerce, par délégation, les pouvoirs relatifs à l'aménagement du territoire et à l'action régionale dévolus au Premier ministre par le décret du 14 février 1963. On retrouve là la logique qui avait prévalu de 1993 à 1995, période au cours de laquelle avait été adopté un très grand texte sur l'aménagement du territoire, dont le président Patrick Ollier avait été le rapporteur et qui avait donné lieu à des débats passionnés. Une seule partie de ce texte a été appliquée et il reste beaucoup de décrets à prendre. On pourrait en particulier reprendre l'idée qu'aucune habitation, sur aucun territoire, ne doit se trouver à plus de 50 km ou de 45 minutes d'une autoroute, d'un aéroport ou d'une gare.

Sur le plan institutionnel, les premiers interlocuteurs de la politique d'aménagement du territoire sur le terrain sont naturellement les élus, dont le rôle est encore accru par la décentralisation, tant en son acte I qu'en son acte II. Ainsi, le grand chantier des services publics en milieu rural renvoie en grande partie au rôle des intercommunalités. Il faut valoriser la densité du réseau des mairies pour apporter aux citoyens les services de proximité qu'ils sont en droit d'attendre.

Par ailleurs, regrouper intérieur et aménagement du territoire resserre encore le lien avec les représentants de l'État dans les régions et les départements. Même si la Constitution fait des préfets les représentants de chacun des ministres, la nouvelle organisation les incitera sans doute à mieux mettre en valeur l'aménagement du territoire. On peut aussi évoquer de ce point de vue la personnalité du ministre d'État : il est bon de pouvoir compter sur son énergie pour obtenir des arbitrages favorables de Matignon et de Bercy, face à ceux qui rechignent traditionnellement à entendre les appels de la DATAR.

Dans son expérience d'élu local, le ministre a indiqué avoir toujours été passionné par l'aménagement du territoire, par les questions relatives à la mer, à la montagne, aux zones urbaines et rurales. Ayant observé depuis longtemps les fractures territoriales et l'incompréhension entre habitants des villes et des campagnes et fort de ses propres expériences, le ministre a déclaré vouloir s'inspirer des expériences réussies pour mener une politique nationale et être à l'écoute des parlementaires. Se voulant un praticien de l'aménagement du territoire sur le terrain plutôt qu'un idéologue, il a indiqué s'attacher à mettre en œuvre une politique tenant le plus grand compte de la diversité des territoires. Tous ont leurs atouts qu'il faut valoriser. Tous ont leurs difficultés, même ceux qui paraissent de prime abord les mieux armés dans la compétition internationale ; il faut les aider à les surmonter, surtout quand il faut rebondir après le traumatisme d'une délocalisation, après l'épreuve d'un sinistre industriel.

Quatre grands chantiers illustrent la contribution de l'aménagement du territoire à cette bataille de l'emploi que doit livrer le gouvernement : les pôles de compétitivité ; l'accompagnement des mutations économiques ; la défense des intérêts de la France à Bruxelles ; les services publics en milieu rural.

La démarche des pôles de compétitivité, qu'avait lancée M. Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'économie, a suscité une extraordinaire mobilisation puisqu'il y a aujourd'hui 105 candidats. Certes, il avait été annoncé que 15 projets seraient retenus, mais cela ne signifie pas que les 90 autres seront laissés de côté. Les projets seront analysés par un groupe de travail interministériel qui bénéficiera de l'avis d'un groupe de personnalités qualifiées présidé par Mme Anne Duthilleul, présidente d'ERAP.

Des décisions seront prises à l'occasion du CIADT que le Premier ministre réunira le 11 ou le 12 juillet et qui fera connaître la première liste des pôles sélectionnés. Le calendrier prévisionnel sera donc tenu. Par ailleurs, si 750 millions ont été prévus pour 15 pôles, au vu du nombre et de la qualité des projets présentés, le nombre de dossiers sélectionnés et les financements seront augmentés. Il serait en effet dommage de se priver de toutes les chances de succès.

En accompagnant les initiatives des acteurs économiques et scientifiques, les pôles permettront d'accroître la compétitivité de l'économie française et de renforcer l'attractivité du territoire national, contribuant à y ancrer les moteurs de la croissance et de l'emploi.

Il n'est pas facile d'évaluer avec précision l'ampleur des mutations économiques, notamment des délocalisations, mais il faut être bien conscient que l'avenir de l'économie, des institutions et d'une partie des emplois est en jeu. Ce n'est donc pas sans raison que les Français expriment leur inquiétude face à ces restructurations industrielles et à leurs conséquences douloureuses. La politique d'aménagement du territoire doit être au cœur des actions à mener pour que ce phénomène ne fragilise pas outre mesure certains territoires et ne prive par les acteurs publics de toute confiance dans leur capacité collective à bâtir leur avenir économique.

Il faut d'abord mieux anticiper les mutations sur les bassins d'emploi. Cette action est confiée à la mission interministérielle sur les mutations économiques. Le projet de fusion de la MIME et de la DATAR - qui a besoin d'être rénovée, dynamisée et confortée dans sa position au service des élus, des territoires et des projets doit être l'occasion de développer le pôle industriel et de réformer quelque peu le fonctionnement de cette grande et belle maison.

S'agissant de la défense des intérêts de la France à Bruxelles dans un contexte européen difficile, on peut s'inquiéter à la fois du devenir des aides à finalité régionale et de celui des fonds européens. Si on suivait les propositions de la Commission, plus aucune région française métropolitaine ne pourrait bénéficier d'aides publiques de quelque nature que ce soit, dès lors que l'entreprise concernée aurait plus de 250 salariés. Or, ces aides permettent chaque année d'accompagner la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, notamment dans les zones en crise ou susceptibles de le devenir. Prétendre que la France connaîtrait partout sur son territoire une situation économique si florissante qu'elle n'aurait plus besoin de telles aides est un défi à la réalité et au bon sens.

Quant aux fonds européens qui, contrairement à une idée reçue, sont désormais consommés à une telle allure qu'on entend certains élus se plaindre qu'il n'y en a plus assez, il faut veiller à ce que la nouvelle génération de fonds, à partir de 2007, bénéficie d'une enveloppe suffisante pour apporter un soutien efficace aux projets des territoires. Il est faux de prétendre que le Gouvernement ne fait pas tout à Bruxelles pour que les fonds structurels soient abondés. On atteint maintenant, grâce à la simplification des procédures, 74 % de consommation des crédits de l'enveloppe 2000-2006, qui seront probablement consommés en totalité. Alors qu'il fallait avant se battre pour que les collectivités fassent appel aux fonds européens, elles ont désormais compris le mécanisme et elles y ont beaucoup recours.

M. Christian Estrosi a annoncé que le ministre d'État rencontrerait prochainement M. José Manuel Durão Barroso pour évoquer ces sujets et qu'il s'entretiendrait lui-même rapidement avec les commissaires Danuta Hubner et Nelly Kroes. Il ne faut pas, accepter de laisser le dossier de la réforme des aides entre les mains de la seule Commission et la France devrait demander qu'il soit traité en Conseil des ministres, d'autant qu'elle peut faire front commun avec l'Allemagne, l'Autriche et le Royaume-Uni et s'appuyer sur la mobilisation actuelle au sein du Parlement européen.

L'égalité des territoires et l'organisation des services publics - ou plutôt des services « au public » - constituent une préoccupation majeure des citoyens. Le problème est réel, même s'il faut condamner l'exploitation politicienne qu'en font certains, car on a souvent plus besoin dans certaines parties de ce pays d'un médecin que d'un service public qui ne reçoit plus de public... De ce point de vue, il faut être conscient que tout schéma national est mortifère, dans la mesure où il ne prend pas en compte la diversité des territoires. Il faut donc imposer des synergies entre collectivités et services de l'État, comme cela a été fait pour les conseils généraux avec le transfert des compétences en matière de solidarité, car c'est bien le département qui est compétent pour l'ensemble des prestations versées au citoyen tout au long de sa vie.

Durant six mois, le Gouvernement va discuter avec tous les acteurs, en premier lieu avec les élus, afin que chacun dise ce qu'il attend du partenariat avec l'État, ce qui doit être supprimé car inutile, ce qui doit être modernisé. Tous les projets seront ensuite examinés au cours d'une grande conférence nationale, et des décisions seront prises. Il faut vraiment que le monde rural ait le sentiment qu'on s'intéresse autant à lui qu'aux agglomérations.

Si le contexte de la politique d'aménagement du territoire a bien changé depuis 1963, la nécessité d'une politique résolue de développement équilibré des territoires reste plus que jamais d'actualité, en particulier au vu des lignes de partage apparues lors du dernier référendum entre une France urbaine majoritairement confiante dans l'avenir et des territoires ruraux ou en crise industrielle emplis d'inquiétude, et qui se demandent quelles sont encore leurs chances de développement, quand ils ne désespèrent pas de pouvoir tout simplement continuer à exister.

Dans un rapport récent, un préfet écrivait que la « victoire du non semble avoir décomplexé la contestation systématique de l'action de l'État et des collectivités locales ». Celui qui est à la tête de ce ministère n'aura quant à lui aucun complexe pour porter la parole de l'État et pour soutenir les parlementaires dans leur mission de relais et de représentation des attentes des citoyens.

Le Président Patrick Ollier, avant de donner la parole au rapporteur pour avis du budget de l'aménagement du territoire et aux représentants des groupes, a souligné que l'égalité des chances passait par l'inégalité de traitement et que cela amenait à l'idée de fiscalité dérogatoire. Il a donc demandé au ministre s'il avait l'ambition de renouer avec la détermination qui avait conduit à la création des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU) afin d'aboutir à la fois à compenser les handicaps et à rétablir les équilibres, ce qui est bien la vocation d'une politique d'aménagement du territoire. Il a souligné qu'il fallait renforcer l'attractivité des territoires en maintenant ou en développant certains services au public afin d'offrir toutes les chances aux familles qui veulent s'installer.

M. Jacques Le Nay a demandé des précisions sur les pôles de compétitivité, souhaitant savoir si les pôles de compétences et d'excellence étaient abandonnés et si les projets pourraient être retenus indépendamment de leur taille.

Il s'est ensuite enquis du calendrier retenu pour la mise en œuvre de la nouvelle génération de contrats de plan État régions.

Enfin, évoquant les propos du ministre sur les services publics en milieu rural, il s'est demandé si la période de six mois réservée à la discussion avec les élus constituait un moratoire dans l'attente des conclusions de la Conférence nationale des services publics.

M. Jacques Bobe a souligné que la politique d'aménagement du territoire telle que la concevait le ministre ne pouvait qu'obtenir l'adhésion des membres du groupe UMP.

Evoquant tout d'abord le développement des services publics en milieu rural, il a indiqué que quatre départements avaient fait l'objet d'une expérimentation ces deux dernières années et demandé quelles seraient les suites données à cette expérience. Il a demandé par ailleurs des précisions sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux ZRR votées dans la loi sur le développement des territoires ruraux (DTR) et sur le maintien des services de proximité, ou plus exactement des services au public en regrettant que la loi d'orientation agricole n'ait pas été préparée parallèlement à celle sur les territoires ruraux.

Il a estimé que si la consommation accrue des fonds sociaux européens tenait sans doute à la simplification de la procédure, elle était également liée à la peur que ces crédits ne soient considérablement réduits dans la période 2007-2013.

Soulignant l'intérêt des pôles de compétitivité, il s'est enquis du calendrier et des modalités de mise en œuvre de ce dispositif.

S'agissant enfin de la couverture numérique du territoire, il a constaté qu'il restait beaucoup de zones blanches, le problème existant également pour le haut débit, et il a demandé si l'objectif du gouvernement d'achever la couverture en 2006-2007 serait atteint.

M. François Brottes s'est réjoui de retrouver chez le ministre la fougue qu'il avait connue chez le député mais s'est demandé s'il était là pour faire de la « calinothérapie » ou pour tordre le cou à ces logiques impitoyables qui font que tous les gouvernements ont tendance à mépriser cyniquement les territoires.

Quant à la loi Pasqua, chère au président Patrick Ollier, elle date d'avant l'Acte II de la décentralisation et l'abandon par l'État d'entités, jugées non rentables, placées sous sa responsabilité. Elle date aussi d'avant les directives européennes sectorielles qui, au nom de la mise en concurrence, aboutissent à sacrifier des pans entiers de territoires non rentables et condamnés au désespoir. Comment redresser la barre alors que ce mouvement semble aujourd'hui inéluctable ?

M. François Brottes a ensuite évoqué une série de questions :

Le moratoire de six mois, censé permettre de mener des discussions avant de prendre des décisions, concernera-t-il aussi l'école, et sera-t-il suffisant à enrayer la dégradation du service ? Ainsi, la fermeture de centre de dépannage GDF-EDF oblige à attendre une journée le rétablissement du service, qui jusqu'ici ne prenait qu'une heure ; de même, de nombreuses boîtes jaunes disparaissent au motif qu'on n'y déposait pas assez de courrier. Et que dire du fait scandaleux qu'on paie plus cher l'accès à l'Internet là où on n'a pas le haut débit ? Tout cela ne relève-t-il pas du service au public ? Les incitations ne suffisant pas à remédier à la pénurie de médecins, ne faudra-t-il pas un jour en venir à une cartographie comme pour les pharmacies ?

Il s'est donc demandé quels étaient les moyens dont disposait le ministre pour infléchir réellement et rapidement les logiques destructrices des grandes administrations, des grandes entreprises, parfois encore publiques et des grands opérateurs, auxquelles ses prédécesseurs n'ont pas su s'opposer.

Le ministre délégué a relevé que le président Patrick Ollier avait évoqué le problème de la fiscalité dérogatoire et de la compensation des handicaps à travers des politiques que certains considèrent comme inégalitaires. La mise en place des pôles de compétitivité est bien liée à une fiscalité dérogatoire qui va de pair avec le label qui leur sera accordé. Cela signifie que le gouvernement est déjà décidé à aller vers une fiscalité de ce type.

La loi sur le développement des territoires ruraux a prévu le maintien et même l'extension du dispositif d'allégements d'impôts et de charges au profit de ces zones. Cette action se poursuivra, mais il faudra, avec le concours de cette commission et des délégations à l'aménagement du territoire des deux Assemblées, faire l'inventaire de ce qui a fonctionné et qui a été appliqué dans les ZRR, comme de ce qui n'a pas été appliqué, notamment en raison des résistances de Bercy. Si des dispositions méritent d'être prises, elles le seront, et l'objectif est d'adresser avant la fin de l'année à tous les maires concernés une liste d'indications et un mode d'emploi.

S'agissant des pôles de compétitivité, il est vrai qu'on a évoqué pendant un moment de pôles de compétences et d'excellence, mais il semble inopportun de constituer des « sous-pôles » qui feraient perdre de l'attractivité à des territoires qui apparaîtraient ainsi comme de deuxième catégorie.

Ce dispositif a bien sûr un coût, et 750 millions avaient été programmés sur trois ans, mais le Gouvernement recherche, en particulier auprès de l'Agence de l'innovation industrielle, des financements complémentaires pour un nombre de pôles supérieur. Tous les pôles ne seront pas identiques, certains auront une dimension internationale, mais il paraît souhaitable de pouvoir leur offrir le même label.

En ce qui concerne les contrats de plan, on a un peu l'impression d'arriver au bout du processus en termes d'efficacité. On a eu, depuis l'origine, des contrats de durée variable, qui ont été presque systématiquement prolongés parce qu'on n'avait pas consommé tous les crédits. Tel sera le cas une fois de plus. Toutefois une durée de cinq à sept ans paraît idéale et c'est sur cette base que seront engagées les négociations pour les nouveaux contrats. Il ne faut s'interdire aucune piste, et poursuivre la réflexion, pour aller par exemple vers des contrats à la carte, discutés au cas par cas avec un conseil régional, un conseil général, un groupement intercommunal ou une commune. Ainsi, on voit bien que la région n'est pas l'échelon adapté pour les contrats de ville et qu'on peut même aboutir ainsi à une répartition inéquitable entre les villes qui en sont dotées et celles qui ne le sont pas. Qui, dans ce cas, est mieux placé pour en discuter que le maire ou le président de l'intercommunalité ?

Il faut aussi s'assurer que le plan est exécuté pendant toute sa durée dans les meilleures conditions. S'agissant de la voirie nationale, dont une grande partie vient d'être départementalisée, il semble logique que la négociation ait lieu directement entre l'État et le département, à l'exception de la partie qui conserve une vocation nationale. Si l'université, la recherche, le développement économique doivent conserver une dimension nationale, pourquoi, s'agissant des politiques territoriales, ne pas contractualiser avec une intercommunalité ? Aucune piste n'est fermée, le débat doit être le plus large possible avec tous les acteurs de l'aménagement du territoire : parlementaires, associations des maires, des départements et des régions.

S'agissant de l'expérimentation conduite dans quatre départements, dont la Charente, pourquoi changerait-on ce qui fonctionne ? Le ministre s'est déclaré attaché aux expérimentations, et a souhaité qu'on généralise celles qui marchent et qu'on abandonne celles qui ne marchent pas. Cela étant, ce n'est pas parce qu'une expérience comme celle de la Poste se déroule bien qu'il faut tout attendre de l'État. En visite récemment avec M. Nicolas Sarkozy dans un village près de Vitré, le ministre s'est entretenu avec une personne qui avait dans un premier temps refusé de reprendre une épicerie et qui a accepté quand on lui a confié aussi l'activité postale. Aujourd'hui, non seulement l'épicerie est économiquement viable, mais elle a multiplié par deux le chiffre d'affaires de la Poste, ouverte sept jours sur sept, de 6 heures à 23 heures. Là où on dispose de telles solutions innovantes, pourquoi s'en priver ?

Naturellement, la question du devenir des fonds européens est liée aux perspectives financières de l'Union, et l'on peut donc regretter que l'intransigeance britannique n'ait pas permis de trouver un accord pour la période 2007-2013. Le ministre a indiqué qu'il veillerait à ce que l'objectif 2 ne soit pas la variable d'ajustement des négociations en cours.

S'agissant de la couverture numérique du territoire, le gouvernement précédent a débloqué des situations très complexes. Il faut poursuivre cette politique et l'amplifier car les nouvelles technologies sont un outil de désenclavement très important. Soulignant qu'il était confronté dans sa propre circonscription aux mêmes difficultés que nombre de députés, avec des médecins qui s'en vont et des hôpitaux ruraux menacés de fermeture, le ministre a indiqué avoir réuni les responsables de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH), du Centre hospitalier universitaire (CHU), du centre anti-cancer et de la faculté de médecine, pour qu'ils se mettent d'accord sur une mise en réseau à haut débit financée grâce aux fonds européens. Une convention a ensuite été passée avec les médecins libéraux ruraux, qui se retrouvent ainsi, dans les faits, médecins publics. Les hôpitaux ruraux ont été sauvés et les médecins ont pu, grâce au réseau, réaliser par télémédecine et téléradio des expertises, des diagnostics et des soins postopératoires, en liaison avec des professeurs du CHU.

Le haut débit, ce n'est pas seulement l'ADSL, ce peut être aussi la délivrance de cartes grises de proximité dans une maison de service public, ce qui fait économiser deux heures de trajet et autant d'attente. Dans un bassin de 3 500 emplois où un tel service a été ouvert il y a six mois, on délivre désormais 70 cartes grises par mois. Et il y a, en la matière, une très forte demande des entreprises et des spécialistes, en particulier pour le télétravail et pour les activités tertiaires. Trois cents sites auront été désenclavés d'ici la fin de l'année. Pour le téléphone mobile, le mouvement doit se poursuivre au même rythme, mais il faut pour cela que les collectivités prennent aussi leurs responsabilités.

Le gouvernement n'utilise pas le mot « moratoire » qu'a employé M. François Brottes, car il a une connotation négative. A l'issue du débat de six mois entre tous les acteurs et des conclusions qui en seront tirées par le Gouvernement, un certain nombre d'activités seront non seulement poursuivies mais aussi modernisées. Rien ne sera fait contre la population.

S'agissant des écoles, le ministre voit surtout des classes qui ferment et des classes qui rouvrent. Cela doit faire partie du débat et les responsables locaux doivent être capables de dire si conserver une école qui n'a plus que trois élèves a un sens et s'il ne vaudrait pas mieux, en termes d'efficacité et de coût, améliorer l'école au niveau intercommunal. C'est quand on recrée de l'activité qu'on a besoin de rouvrir une école. Et c'est bien ainsi qu'on viendra à bout des logiques passées.

M. Marcel Dehoux a insisté à nouveau sur l'importance, alors que l'ensemble des crédits européens actuels seront vraisemblablement consommés, des négociations européennes pour la période 2007-2013 estimant difficile de satisfaire tous les besoins avec un budget européen limité à 1,06 % du PIB.

Rappelant que la Corse et le Hainaut français, régions où le taux de chômage dépasse 15 % et où le produit intérieur brut n'atteint que 75 % de la moyenne nationale, bénéficiaient de l'objectif 1, il a jugé souhaitable que cette région, qui va de Valenciennes à Maubeuge, puisse rester dans une zone de convergence, ce que M. Daniel Hoeffel avait obtenu en son temps, au nom de la continuité territoriale avec le Hainaut belge.

Il a demandé si le CIADT du 11 ou du 12 juillet, essentiellement consacré aux pôles de compétitivité, comporterait également un volet territorial.

M. Jean Proriol, se félicitant du caractère concret des propos du ministre, les a comparés au document édité par la DATAR, intitulé « Territoires 2030 ». Evoquant certains des termes utilisés dans cet ouvrage tels que le « polycentrisme manié », le « polycentrisme intégré », la « banane bleue », les « grappes de raisins », les « réseaux de villes », le « monocentrisme des fonctions urbaines », le « monocentrisme à l'échelle européenne » et, pour finir, la « justice socio-spatiale », il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de le ranger dans la bibliothèque des ouvrages dépassés.

Il a demandé des informations sur les zonages liés à la prime à l'aménagement du territoire (PAT) et au programme Interreg.

Il s'est également interrogé sur l'avenir des grands schémas de services collectifs et sur l'articulation de l'action du ministère avec le schéma régional de développement et d'aménagement du territoire.

Il a souhaité obtenir des précisions sur le CIADT, en particulier sur les infrastructures pour lesquelles des crédits sont attendus, d'autant que des gels étaient précédemment intervenus.

Estimant que le véritable problème des régions rurales était démographique, il a demandé si l'aménagement du territoire ne passait pas par une politique de repeuplement comme celle à laquelle s'emploient certaines régions et quelle aide la DATAR pourrait y apporter.

M. François Dosé s'est dit attaché à la problématique territoriale à l'origine de son engagement en politique, à travers les groupes d'action municipaux.

Il a souligné que certains territoires souffraient de la faiblesse de leurs ressources humaines en raison de l'évolution démographique et du manque de responsables et évoqué avec nostalgie la bataille du curé et de l'instituteur qui n'existe plus car il n'y a plus personne... Constatant que des postes étaient budgétés dans les maisons de retraite, les collèges ou les tribunaux mais qu'il n'y avait personne pour les occuper, il a souhaité qu'un jour l'État intervienne en apportant un soutien financier.

S'agissant des ressources financières, il a appelé à la vigilance afin que les plus pauvres ne financent pas seuls leur maison de santé quand il n'y a plus de médecins. Il a rappelé que les fonds européens compensaient souvent le désengagement financier de l'État, comme c'est le cas pour les monuments historiques.

Abordant la question des méthodes, il a estimé qu'il fallait s'interroger sur la mise en réseau quand il y a apport de l'État, pour la santé comme pour l'éducation.

M. Lionnel Luca, rendant hommage au pragmatisme et à la volonté du ministre dans leur département commun, a déploré l'étiolement des outils d'aménagement du territoire dû au fatalisme et au manque de moyens qui ont conduit à privilégier une logique d'abandon, si ce n'est de capitulation, souvent avec l'Europe comme alibi, ce qui explique en partie certaines réactions populaires. Dans ces conditions, il a jugé particulièrement important de défendre les acquis et de s'opposer à la réduction du budget européen.

Estimant qu'il ne saurait y avoir d'aménagement du territoire si l'État n'est pas capable de moderniser son comportement de façon pragmatique, il a déclaré qu'il ne fallait pas chercher à maintenir une école pour le principe, mais soutenir les initiatives locales qui permettent d'attirer des résidents, et qu'il fallait aussi savoir conduire des projets déficitaires s'ils représentent un investissement pour l'avenir. Ainsi, les infrastructures routières ne seront rentables qu'à long terme, alors que certains concessionnaires ne recherchent qu'une rentabilité immédiate.

M. Gilles Cocquempot, après avoir rappelé qu'un article relatif au Conseil national du littoral avait été ajouté à la loi sur le développement des territoires ruraux et que cela paraissait d'autant plus important que la France n'avait pas de véritable politique côtière, a souhaité savoir où en était l'installation de ce Conseil. Il s'est demandé si la France ne pouvait pas fédérer les pays qui s'intéressent à ce thème pour obtenir un programme d'intérêt communautaire dans le cadre du budget européen, regrettant que les questions concernant le littoral ne soient le plus souvent appréhendées que sous l'angle de l'environnement et du tourisme alors qu'il fallait s'intéresser également aux infrastructures et à l'économie.

M. Daniel Fidelin s'est réjoui de l'annonce de la publication d'une première liste de pôles de compétitivité, et a espéré que sa région y figurerait.

Quant aux contrats de plan, jugeant séduisante l'idée de contrats à la carte, il a suggéré la mise en œuvre de contrats département-région.

Il a également demandé dans quel délai serait menée la réflexion sur les infrastructures, essentielles à la réussite des pôles de compétitivité, qu'il s'agisse du train ou de l'avion, et regretté à cet égard que rien ne soit prévu pour l'ouest de la France dans le schéma national des aéroports.

M. Roland Chassain ayant rappelé qu'à la suite des inondations de 2003 le Gouvernement avait lancé le plan Rhône, a demandé quel était l'état d'avancement de ce projet et s'il ferait l'objet d'un prochain CIADT.

Le ministre délégué, répondant à M. Marcel Dehoux sur le maintien de l'objectif 1 pour les régions fragiles, a déclaré qu'il s'agissait d'un combat difficile mais crucial pour l'ensemble du territoire et qu'il s'attacherait à ce qu'on maintienne cet objectif à un niveau acceptable, mais aussi à ce que les critères territoriaux soient encore mieux pris en compte. Il a souligné que certains territoires cumulent les handicaps, comme la Corse qui présente à la fois les caractéristiques d'une zone insulaire, montagneuse et littorale.

Puis, il a apporté les précisions suivantes :

- en matière de zonage, il faut conserver les possibilités de la PAT, tout en étant conscient que l'éligibilité peut varier dans le temps et qu'une zone éligible hier ne le sera pas forcément demain ;

- le document cité par M. Jean Proriol est le symbole de ce dont plus personne ne veut ;

- s'agissant des programmes Interreg, on observe un certain nombre d'aberrations. Ainsi, alors que l'ensemble des Alpes était jusqu'ici couvert, de la mer jusqu'à l'Autriche, on a décidé de tracer une frontière entre Rhône-Alpes et PACA, tout ce qui est au nord de cette ligne faisant partie des Alpes, mais pas ce qui est au sud. Pourtant, la montagne et ses problèmes y sont bien les mêmes, et l'élevage ovin est bien pratiqué de la même façon au nord et au sud de cette zone. On ne peut donc accepter cette vision de Bruxelles qui va à l'encontre de la réalité géographique, du mode de vie et de l'organisation sociale ;

- en ce qui concerne le budget européen, il est évident que si l'on tombe à moins de 1 % du PNB de l'ensemble des pays de l'Union européenne, il n'y a aucune chance que les moyens soient reconduits. C'est pour cela qu'il est nécessaire de soutenir collectivement les propositions de la France ;

- les schémas de services collectifs sont, il faut le répéter, mortifères. Si on prend l'exemple du projet d'autoroute A51 Grenoble-Gap-Sisteron, alors que tous les élus locaux ont accepté qu'on ne fasse plus passer le tracé à l'est mais à l'ouest de Gap, l'existence même du schéma collectif empêche toute modification du tracé. C'est pour cela que la première décision du conseil des ministres en matière d'aménagement du territoire a été de supprimer le schéma transports, ce qui permettra de régler bien d'autres problèmes ;

- ce n'est pas à l'État de tout faire, comme a semblé le laisser entendre M. François Dosé, quand les choses ne fonctionnent pas. Pour sa part, le ministre considère que l'Etat doit seulement proposer les bons outils et que c'est ensuite aux acteurs locaux de savoir les utiliser au mieux. Fixer les principes d'en haut peut être source de blocage ;

- pour qu'il y ait des ressources humaines dans les territoires, il faut qu'ils soient attractifs : pour qu'un principal de collège accepte un poste dans une zone difficile, il faut qu'il sache qu'on fait tout pour sortir la zone de ses difficultés, mais aussi qu'il trouvera l'ADSL pour ses enfants et que sa femme pourra bénéficier d'un certain nombre de prestations à proximité.

Les collectivités locales doivent intervenir à cet égard. Ainsi, le conseil général des Alpes-Maritimes a signé avec France Télécom, au bénéfice de 23 communes, la charte des départements innovants qui permet de couvrir en téléphonie mobile 97 % de la population. Mais les 3 % restants sont sur 40 % du territoire, qui n'intéressent ni France Télécom ni d'autres opérateurs. Dans ces conditions, au lieu de se débattre dans les problèmes techniques, le conseil général a tout intérêt à subventionner à 100 % les communes concernées pour leur permettre de s'équiper elles-mêmes et de choisir la meilleure solution technique. Encore faut-il que le maire saisisse la chance qui lui est offerte ;

- dire que les fonds européens s'étaient substitués aux crédits d'État, c'est oublier un peu vite que la France participe au budget de l'Union et essaie d'obtenir un juste retour ;

- les infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires, dont a parlé M Daniel Fidelin, sont évidemment essentielles au désenclavement. C'est pourquoi il paraît nécessaire de reprendre l'idée, contenue dans la loi Pasqua, des 45 minutes et des 50 km. Le Premier ministre a annoncé que le produit de la vente des actifs des sociétés d'autoroutes serait utilisé pour financer un grand projet d'infrastructures sans écarter l'idée de partenariats public-privé ;

- s'agissant des zones côtières, le Gouvernement s'oriente vers un renforcement des moyens du Conservatoire du littoral. Outre une dotation supplémentaire de 8 millions, le remboursement du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les travaux effectués par les communes et l'examen des modalités de mise en place de servitudes, le CIADT a arrêté le principe d'une mise à l'étude de ressources pérennes. Le groupe de travail interministériel piloté par la DATAR a remis ses conclusions en avril dernier. Parmi les propositions, le principe d'une ressource pérenne reposant sur la taxe additionnelle aux taxes locales et sur une taxe spéciale d'équipement a été privilégié. La décision est à l'arbitrage du Premier ministre. Dans le débat européen actuel, le ministre est favorable au développement de politiques harmonisées. Enfin, le projet de décret relatif au Conseil national du littoral sera soumis à l'examen interministériel dans les prochains jours ;

- en matière de contrats de plan, la souplesse préconisée par M. Daniel Fidelin est bienvenue. Il ne faut rien interdire, ni entre l'État et la région, ni entre l'État et le département, ni entre l'État et l'intercommunalité, ni entre l'État et la commune, ni même entre la région et le département, la région et l'intercommunalité ou le département et l'intercommunalité. Les Alpes-Maritimes ont reçu une Marianne d'or pour avoir été les premiers à signer un contrat de plan département-intercommunalité sur six ans. Tout ce qui permet de planifier, de contractualiser, de donner plus de lisibilité, de mieux contrôler la fiscalité locale, va dans le bon sens ;

- l'aménagement de l'Ouest peut compter sur le soutien du ministre si de nouvelles infrastructures doivent être planifiées. Il est disposé à en parler avec le ministre de l'équipement et des transports. Cela sera d'autant plus facile que l'aménagement du territoire est désormais rattaché à l'intérieur, lequel décide et planifie tandis que l'équipement construit ;

- si le prochain CIADT est essentiellement consacré aux pôles de compétitivité, un certain nombre de dossiers territoriaux y seront traités, tel le plan Rhône dont s'est inquiété M. Roland Chassain, et il est notamment prévu de donner mandat au préfet du Rhône à ce propos.

Il faut relancer le débat sur l'usage des voies navigables et il ne faut pas s'interdire de réfléchir à nouveau au projet Rhin-Rhône, abandonné en 1997 et dont on voit bien l'intérêt non seulement pour répondre aux difficultés transfrontalières et à la fermeture du tunnel du Fréjus, mais aussi par rapport aux enjeux de l'intermodalité et du ferroutage.

Le Président Patrick Ollier a souligné avoir lui-même, en tant qu'administrateur de l'agence de financement des investissements terrestres, demandé une relance du projet Rhin-Rhône, abandonné par Mme Dominique Voynet au seul motif qu'il posait des problèmes aux Verts de sa circonscription. Il a déploré que le seul projet de voie fluviale en cours aujourd'hui soit celui de Seine-Nord.

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