DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 7

Mercredi 20 novembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président, puis de M.  Jean Launay, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Rapport d'information sur la couverture du territoire en téléphonie mobile et internet haut débit (M. Nicolas Forissier, Rapporteur) :

- Audition de M. Eric Jacoty, directeur de la stratégie et du développement de CEGETEL et de Mme Marie-Georges Boulay, directrice de la réglementation et des relations extérieures
de CEGETEL

- Audition de M Nicolas Jacquet, délégué général de la DATAR

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Audition de M. Eric Jacoty,
Directeur de la stratégie et du développement de CEGETEL

et de Mme Marie-Georges Boulay,
Directrice de la réglementation et des relations extérieures
de CEGETEL

M. Emile Blessig, président, a indiqué que la position de CEGETEL était importante pour la Délégation dans la mesure où il s'agit du premier opérateur privé dans le domaine des technologies de la communication et de l'information. Chacun sait que l'ensemble du secteur travaille dans un contexte financier tendu. Pourtant malgré cette conjoncture difficile, la Délégation a le souci d'assurer l'équipement du territoire.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait le travail de la Délégation. Il a fait part de ses craintes quant à un accroissement de la fracture numérique qui risque de conduire à terme à des délocalisations d'entreprises vers des zones géographiques bien desservies en technologies de l'information. Il a ensuite interrogé Mme Boulay et M. Jacoty sur les thèmes suivants :

Le schéma de services collectifs est-il encore opportun ?

Quel est l'avis de CEGETEL sur l'accord du 23 septembre dernier ?

En ce qui concerne les zones mal couvertes, le chiffre est-il de 5 000 à 6 000 communes, ou plus ?

France Télécom entrave-t-elle le développement d'internet en France ?

Le prix de l'internet bas débit est-il trop élevé, notamment en raison du financement du service universel ?

Faut il modifier l'article L 1511-6 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités territoriales d'être opératrices en internet ?

Que penser d'une séparation des fonctions d'opérateur et de gestionnaire des lignes au sein de France Télécom ?

Mme Marie-Georges Boulay, directrice de la réglementation et des relations extérieures de CEGETEL, a rappelé brièvement la place du groupe CEGETEL dans la téléphonie fixe et la téléphonie mobile ainsi que dans la gestion du réseau télématique des professionnels de la santé. Elle a indiqué que le groupe CEGETEL atteindrait un équilibre d'exploitation en 2001 et s'attendait à un excédent d'exploitation pour 2002. Elle a estimé que le schéma de service collectif n'était guère pertinent, tant les technologies évoluent rapidement. Dans le domaine de la téléphonie mobile, SFR continue d'investir 5 millions d'euros dans son réseau d'infrastructures et a respecté le cahier des charges qui lui était imparti par le Gouvernement bien au-delà de ses obligations, avec actuellement une couverture de 84 % du territoire et de 98 % de la population.

Bien que le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de Limoges, en 2001, ait constitué un échec, SFR a poursuivi son travail avec le ministère de l'Industrie pour identifier les sites non couverts. En 2001, le principe retenu était celui de la mutualisation, qui permettait une couverture rapide, en échange d'une diminution du prix de la licence UMTS.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a souligné qu'il s'agissait d'un marché entre le Gouvernement et les seuls opérateurs qui avaient accepté l'UMTS (SFR et Orange).

Mme Marie-Georges Boulay a répondu que l'accord n'avait jamais exclu le troisième opérateur.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a rétorqué que l'Autorité de régulation des communications (ART) n'avait pas approuvé cet accord au nom des règles de la concurrence.

Mme Marie-Georges Boulay a ensuite abordé la question des zones non couvertes, estimant que le décalage entre l'étude du cabinet Sagatel et celle de l'ART partait d'un postulat différent.

M. Eric Jacoty, directeur de la stratégie et du développement de CEGETEL, a souligné les efforts financiers de CEGETEL lorsque l'Etat souhaitait lui-même se désengager. En juillet 2001, la mutualisation constituait la meilleure solution car deux opérateurs seulement étaient parties à l'accord. L'itinérance locale ne pouvait être rentable en ce cas. La méthodologie de quantification des zones non couvertes préconisée par l'ART est une extrapolation. Il est donc difficile d'avancer un chiffre précis des zones non couvertes même si une fourchette de 5 000 à 6 000 communes apparaît probable. L'accord du 23 septembre dernier prévoit l'itinérance locale à trois opérateurs. Il s'écoulera un certain temps pour l'expérimentation de cette technique. SFR conduira cette expérimentation dans la commune de Saint-Christophe, dans la Creuse.

Mme Marie-Georges Boulay a indiqué que SFR n'était pas opposée à des contraintes locales mais qu'elle ne souhaitait pas être soumise à des obligations au plan national, dans la mesure où il s'agit d'un élément de concurrence avec les autres opérateurs. SFR a la volonté de développer la qualité de son réseau, y compris dans les zones où il n'y a pas d'aide publique.

M. Jacques Le Nay s'est interrogé sur la multiplicité des équipements d'infrastructure, notamment les antennes, là où les réseaux des trois opérateurs étaient bien implantés.

M. Eric Jacoty a affirmé que l'itinérance comme la mutualisation se fondaient sur le même nombre de pylônes, ce qui induisait des coûts à peu près identiques pour les pouvoirs publics comme pour les opérateurs.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a demandé si les opérateurs avaient la même volonté que le Gouvernement pour achever la couverture du pays par le téléphone mobile.

M. Eric Jacoty a souligné le soutien qu'apportait SFR à l'action du Gouvernement. SFR a transmis à l'ART une liste de 200 sites pour une première tranche de mise en service et escompte couvrir les zones blanches au plus tard dans deux ans, sous réserve que la dotation de l'Etat soit acceptée par la Commission européenne.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, s'est interrogé sur l'attitude de SFR dans le cas où les zones blanches à couvrir seraient plus nombreuses qu'initialement prévues.

M. Eric Jacoty a affirmé que SFR savait réagir aux impératifs du marché et aux obligations de couverture territoriale. Elle déploiera ainsi 2 000 sites supplémentaires sur ses fonds propres dans les mois à venir, avec le souci de renforcer la qualité de ses services.

Mme Marie-Georges Boulay a ensuite jugé que l'ouverture à la concurrence dans le domaine d'internet permettait le développement de cette technologie au bénéfice des consommateurs. Elle a cependant opéré le constat que l'accès au bas débit et au haut débit constituait un monopole de fait de France Télécom, ce qui induisait des tarifs élevés pour les liaisons louées ainsi qu'un retard dans le dégroupage des boucles locales. Or, il existe de réels besoins pour l'accès au haut débit, notamment pour les entreprises. CEGETEL a des ambitions en ce domaine et a choisi la technologie DSL pour le déploiement de son réseau.

Elle a ensuite estimé qu'il n'était guère de l'intérêt des collectivités locales d'être opérateur car les risques financiers sont considérables et la gestion de services internet obéit à une logique d'entreprise. Elles peuvent, en revanche, jouer un rôle d'incitation. En réponse à une question liminaire de M. Nicolas Forissier, elle a jugé que les tarifs de France Télécom, notamment pour le dégroupage, manquaient de transparence. Il en est de même pour les coûts induits par le service universel, malgré les efforts louables de l'ART en faveur de plus de transparence.

Mme Marie-Georges Boulay a enfin indiqué que CEGETEL était favorable au principe du service universel mais ne souhaitait pas que l'assiette de son calcul en soit modifiée.

M. Emile Blessig, président, a remercié Mme Marie-Georges Boulay et M. Eric Jacoty d'avoir participé à cette audition.

Audition de M. Nicolas Jacquet,
Délégué général de la DATAR

M. Jean Launay, président, a rappelé que la DATAR était l'auteur du schéma de services collectifs qui est à l'origine des travaux de la Délégation.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a interrogé M. Nicolas Jacquet sur le rôle de la DATAR en matière de technologies de la communication. Il a souhaité connaître son avis sur la pertinence du schéma de services collectifs, qui avait été contesté par l'ensemble des personnes auditionnées par la Délégation. Par ailleurs, l'accord du 23 septembre entre l'Etat et les opérateurs a-t-il une traduction budgétaire ? Faut-il en outre permettre aux collectivités locales d'être opérateurs en internet ? Faut-il investir massivement sur le haut débit, ou assurer d'abord le développement du bas débit ? Que penser enfin d'une éventuelle séparation, au sein de France Telecom, des activités de réseau et d'opérateur ?

M. Nicolas Jacquet, délégué général de la DATAR, a indiqué préalablement que les activités de téléphonie et d'internet ressortaient essentiellement de l'économie de marché et que la politique d'aménagement du territoire se limitait à corriger les inégalités dans certaines zones géographiques. La crise financière que traverse le secteur des télécommunications est un facteur important de ce débat. Le rôle de l'Etat, particulièrement de la DATAR, est d'émettre des prévisions à long terme sur l'évolution des technologies. Il est certes difficile d'effectuer de telles prévisions dans un secteur aussi évolutif mais la DATAR considère les nouvelles technologies comme un enjeu primordial pour le territoire dans la mesure où il s'agit d'une grande infrastructure de transport. La DATAR intervient en ce domaine depuis les années 90, notamment pour l'implantation des nouvelles technologies dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Le fond national d'aménagement du territoire (FNADT) est ainsi mobilisé à hauteur de 10 millions d'euros sur la télésanté et la révision des contrats de plan à mi-parcours pourrait permettre de renforcer cette politique.

M. Nicolas Jacquet a rappelé la volonté du Premier Ministre de doter le territoire français en technologies de l'information. Le rôle de la DATAR est notamment de travailler sur la cohérence des actions portant sur le développement de l'internet. Quant au téléphone mobile, la DATAR et le ministère de l'Industrie vont déléguer aux préfets de région la gestion de crédits relatifs à l'équipement de pylônes. Grâce à cette gestion décentralisée, les équipements seront implantés selon des logiques locales, qui peuvent être la couverture d'un maximum de population ou la desserte de zones touristiques. Le paradoxe de l'aménagement du territoire est que les zones actuellement les plus difficiles d'accès seront désormais les mieux desservies grâce à l'aide publique.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a jugé étrange une politique par laquelle l'on fait contribuer les collectivités locales les plus pauvres dans un domaine où la correction des inégalités devrait être de la compétence exclusive de l'Etat. Ce dernier aurait pu utiliser une partie des 8 milliards de francs issus de la vente de licences UMTS pour la couverture du pays en téléphonie mobile.

M. Nicolas Jacquet a considéré que la téléphonie mobile était une question quasiment résolue. Il s'est en revanche inquiété du retard de la France en matière d'équipement informatique, qu'il s'agisse de la pénétration des ordinateurs dans les ménages ou de l'accès à l'internet. Il a jugé que le véritable enjeu, pour l'aménagement du territoire, portait sur l'internet plutôt que la téléphonie mobile. Il a rappelé que certains pays avaient des politiques très volontaristes sur le haut débit, et que l'objectif de la DATAR était de répandre cette technologie. L'ADSL couvre largement la population française et la DATAR n'a pas de remarque particulière à faire sur l'attitude de France Télécom. Les enjeux du débat sont connus et il est difficile de demander à une entreprise qui traverse une situation financière difficile de renoncer aux investissements qu'elle a assurés dans le passé.

En réponse au Rapporteur, M. Nicolas Jacquet a ensuite précisé que le financement de l'Etat sur le téléphone mobile s'élevait à 44 millions d'euros, à raison de 30 millions d'euros inscrits au FNADT, et 14 millions d'euros au budget du ministère de l'industrie.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, s'est élevé contre une politique qui met à la charge des collectivités locales les plus défavorisées une partie des investissements.

M. Nicolas Jacquet a indiqué que le rôle de l'Etat consistait essentiellement en cette matière à fixer les règles de droit et à apporter ses concours financiers. Il a toutefois précisé que l'Etat ne pourrait systématiquement abonder les initiatives des collectivités locales lorsque ces dernières ne s'inscrivaient pas dans une démarche de cohérence. Il a enfin, en réponse au Rapporteur, indiqué qu'il ne fallait pas attendre de miracles sur l'UMTS dans la mesure où les anticipations sur ce marché ont été largement erronées et que la technologie est à peine validée. L'UMTS exige par ailleurs la construction de pylônes supplémentaires qui seront difficiles à implanter en zones rurales.

M. Jean Launay, Vice-Président, a remercié M. Nicolas Jacquet d'avoir participé à cette audition.


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