DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 8

Mercredi 27 novembre 2002
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Présentation du rapport d'information sur la couverture du territoire en téléphonie mobile et internet haut débit (M. Nicolas Forissier, Rapporteur)

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M. Emile Blessig, président, a indiqué que le travail de la Délégation sur les technologies de l'information résultait d'une auto-saisine. Pendant la durée de son travail, la Délégation a déjà enregistré des avancées significatives qui ouvrent des perspectives nouvelles pour les collectivités locales. Les dix auditions auxquelles elle a procédé ont permis d'éclairer les risques liés à la fracture numérique. Il est à espérer que les conclusions du rapport de la Délégation soient utiles pour le Comité interministériel d'aménagement du territoire qui se tiendra le 12 décembre prochain.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a souligné que la présente réunion avait été précédée d'auditions de qualité. Ces auditions concluent à la nécessité de ne pas aggraver une fracture numérique déjà existante, qui porterait atteinte à l'aménagement du territoire.

Le Rapporteur a décrit les trois grandes parties de son rapport. Il a d'emblée conclu que le schéma de services collectifs sur les technologies nouvelles s'était révélé inopérant. Cet avis a été partagé par l'ensemble des personnalités entendues par la Délégation. Aussi a-t-il proposé que soit mis en place un conseil d'orientation auprès du Premier ministre, chargé d'un rôle d'impulsion des politiques des nouvelles technologies, plutôt que de se fonder sur un schéma inapplicable en raison de l'évolution des technologies.

S'agissant du téléphone mobile, M. Nicolas Forissier a rappelé que les opérateurs privés avaient largement répondu aux attentes des consommateurs, mais que ce succès avait accru l'exigence d'une bonne couverture sur les zones non desservies. La quantification initiale par le cabinet Sagatel de 1 480 communes non couvertes s'est révélée erronée. La méthodologie utilisée par l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) conclut à une fourchette oscillant entre 5 000 à 6 000 communes non couvertes ou mal couvertes. Enfin, une extrapolation opérée en zone rurale peut conduire à un chiffre de 15 000 communes dans cette situation. Or l'exactitude de la quantification s'avère cruciale pour chiffrer avec exactitude le montant des investissements ainsi que la dotation budgétaire de l'Etat afférent à ces investissements.

Le rôle de l'Etat reste nécessaire dans la mesure où le marché ne peut assurer à lui seul les exigences de l'aménagement du territoire, faute de rentabilité. Le Gouvernement actuel a mis en œuvre les mesures qui s'imposaient pour assurer la couverture du territoire par le téléphone mobile et il importe que le comité de pilotage ouvre une phase nouvelle permettant d'assurer l'objectif d'une couverture du territoire dans les deux ans à venir.

Le Rapporteur a ensuite abordé la question de l'internet. Il a d'emblée constaté que la France enregistrait un retard considérable dans ce secteur en raison de la cherté des matériels et des forfaits. Il a jugé que le modèle économique de l'internet en France était inadapté à un développement de ce secteur et a préconisé une réforme du calcul du service universel, afin de diminuer le tarif pesant sur les liaisons à bas débit. Il a estimé que la Délégation n'avait pas à entrer dans la polémique entre les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d'accès à internet sur cette réforme de service universel, mais il a considéré que si la Délégation, à l'instar du Président de la République, du précédent Gouvernement et de l'actuel Gouvernement, souhaitait favoriser l'émergence d'une société de l'information, il fallait d'urgence opérer cette réforme. La Délégation n'a pas proposé de réforme globale de France Telecom, dans la mesure où de nombreux enjeux industriels sont à prendre en considération, mais elle peu²t exiger plus de transparence, afin que la concurrence entre l'opérateur historique et les fournisseurs d'accès s'effectue dans de meilleures conditions. Il a indiqué qu'il proposerait la séparation comptable des fonctions d'opérateur et de gestionnaire de réseau de France Telecom. S'agissant des collectivités locales, il a souhaité que l'Etat ne se borne pas à déléguer la fonction d'expertise à la Caisse des dépôts mais qu'il fasse preuve de plus d'audace en autorisant lesdites collectivités à être opératrices, comme c'est le cas dans onze pays de la Communauté européenne.

M. Jean Launay a approuvé l'économie générale du rapport, ainsi que les propositions relatives à la réforme du service universel, à de meilleures conditions de concurrence et à la possibilité pour les collectivités locales d'être opératrices. Il s'est interrogé sur l'opportunité de créer un Conseil d'orientation des politiques des nouvelles technologies, considérant qu'il faudrait du temps pour mettre en place un tel conseil et que le Parlement, par le biais de ses commissions permanentes ou de ses délégations à l'aménagement du territoire, était en mesure de jouer ce rôle d'impulsion et d'analyse de la politique du Gouvernement. Il a jugé que la proposition la plus importante du rapport résidait dans la séparation comptable des activités de réseau et d'opérateur de France Telecom et a souhaité que la Délégation observe avec attention les conclusions du récent rapport du Conseil économique et social.

M. Nicolas Forissier, rapporteur, a ensuite détaillé l'ensemble de ses propositions. Il a jugé souhaitable que l'Etat remplisse d'une part ses obligations d'aménagement du territoire, d'autre part qu'il soit en mesure d'accompagner les efforts du marché pour stimuler l'émergence des nouvelles technologies. Il s'agit d'une priorité nationale comme l'a rappelé M. Jacques Chirac, Président de la République, le 13 avril 2002. Or l'Etat ne dispose pas d'un outil lui permettant de coordonner les différents acteurs du secteur des nouvelles technologies. Aussi est-il proposé, sur le modèle du Conseil de la politique économique, d'instituer auprès du Premier ministre un Conseil d'orientation de la politique des nouvelles technologies. Ce conseil serait composé des ministres des finances, de l'industrie et de l'aménagement du territoire, d'un représentant de la DATAR, d'un représentant de l'ART, de représentants des entreprises publiques et privées travaillant dans ce secteur et de parlementaires. Il ne s'agirait pas d'une structure administrative, mais d'une instance d'impulsion dans un domaine devenu stratégique pour l'ensemble de la société.

Le dossier de la téléphonie mobile ne pourra être considéré comme résolu qu'aux conditions suivantes :

- conduire une étude, financée par le Gouvernement, permettant de connaître avec exactitude, dans l'ensemble des départements, l'état de la couverture en téléphonie mobile. Aucune politique, aucun financement n'a de crédibilité en l'absence d'une quantification précise des zones géographiques sur lesquelles il faudra investir. Il s'agit d'une question d'honnêteté à l'égard de nos concitoyens d'une part, des collectivités locales d'autre part, dans la mesure où il leur est demandé un effort financier. L'Etat doit s'attendre, compte tenu des résultats prévisibles d'une étude complémentaire, à devoir porter au budget général une dotation supérieure à celle de 44 millions d'euros inscrite dans la loi de finances pour 2003 ;

- s'assurer que les expérimentations techniques pour l'itinérance locale s'effectuent dans des délais raisonnables, afin que les sites non couverts actuellement disposent d'une desserte au plus tard à la fin de 2004 ;

- ordonnancer les crédits votés par le Parlement dans la loi de finances pour 2003, qui représentent la part de l'Etat : 30 millions inscrits au FNADT et 14 millions inscrits au budget du ministère de l'industrie ;

- mettre en œuvre au sein de l'administration française la réforme d'instruction des dossiers des fonds structurels, afin que les collectivités locales puissent utiliser ces fonds pour la part de leurs investissements en téléphonie mobile.

S'agissant de l'internet, il est nécessaire de prendre les mesures permettant de diffuser plus largement les technologies de l'information et de la communication. Les principales mesures à prendre sont les suivantes :

- réduire la TVA à 5,5 % sur les PC, les imprimantes et les logiciels ;

- instaurer une prime de 100 à 300 € dédiée à l'achat des PC, selon le revenu des ménages ;

- intégrer l'achat d'un ordinateur dans les bourses d'études pour les étudiants ;

- assurer le prêt ou le don de matériel usagé par les collectivités locales (dans le cadre par exemple du projet de développement des TIC de la Caisse des Dépôts) aux ménages disposant de faibles revenus ;

- réformer le calcul du service universel pour favoriser le bas débit en accès illimité ;

- assurer une plus grande concurrence sur le moyen et le haut débit. Il est indéniable que les conditions de transparence tarifaire et de concurrence seraient nettement améliorées par la séparation comptable des activités de réseau et de service de France Telecom ;

- autoriser les collectivités locales à être opérateurs. Une telle réforme comporte un risque financier, car être opérateur en télécommunications est un métier qui exige des capitaux et des ressources humaines. Il revient au législateur de déterminer les modalités d'exercice de ce principe : taille minimale de la collectivité locale, règles comptables, structure juridique (avec, le cas échéant la modification de la législation sur les sociétés d'économie mixte pour permettre à des opérateurs privés d'y être majoritaires), ouverture et mutualisation des réseaux... Mais l'Etat ne peut refuser aux collectivités locales un droit dont disposent les collectivités locales de onze pays de l'Union européenne.

En réponse à M. Jean Launay, le Rapporteur a ensuite précisé que le conseil d'orientation dont il proposait la création avait pour objectif de doter l'Etat d'une instance d'impulsion qui lui fait actuellement défaut. Un tel conseil serait plus approprié qu'un schéma de service collectif devenu obsolète.

La Délégation a ensuite autorisé la publication du rapport relatif à la desserte du territoire par la téléphonie mobile et par internet en haut débit.


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