DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 10

Mercredi 15 janvier 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Patrice Magnier, conseiller d'Etat, président de l'Instance d'évaluation des fonds structurels européens et des politiques régionales, sur les fonds structurels européens et les contrats de plan Etat-régions

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M. Emile Blessig, président, a indiqué que le travail de la délégation visait à évaluer les raisons de la sous-consommation des fonds structurels ainsi que les conséquences de l'élargissement européen sur l'enveloppe de fonds structurels dont disposeraient la France métropolitaine et les départements d'outre-mer après 2006.

M. Patrice Magnier, conseiller d'Etat, président de l'Instance d'évaluation des fonds structurels européens et des politiques régionales, a souligné que la mission de l'Instance d'évaluation lui avait été confiée par le ministère des Finances et par le ministère des Affaires européennes. Le gouvernement souhaitait en effet s'assurer du bon emploi des fonds structurels dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, et évaluer les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne. L'Instance d'évaluation a été mise en place en février 2002. Elle est composée de représentants des administrations d'Etat, d'élus et de fonctionnaires territoriaux, de professeurs d'universités et d'économistes. Ses études portent sur l'application de l'objectif 2. L'Instance se heurte actuellement à plusieurs difficultés. La principale est un problème de calendrier. Le temps que prennent les études et les évaluations est nécessairement long alors que le gouvernement est le plus souvent soumis à l'urgence politique. Par ailleurs, il est difficile d'avoir des données statistiques et financières qui soient probantes dans la mesure où les personnels des conseils généraux et régionaux sont actuellement absorbés par la révision à mi-parcours des documents de programmation. Ils n'ont guère de temps à consacrer à des analyses.

Le constat que l'on peut opérer est que la complémentarité entre les fonds structurels et les contrats de plan est au départ une bonne idée. Néanmoins, on ne dispose d'aucun instrument statistique ou à valeur scientifique permettant d'apprécier avec certitude les effets de la complémentarité. Les témoignages des élus et des responsables socio-économiques ne donnent que des indications, sans quantification précise. La sous-consommation des crédits structurels est une évidence dont les raisons sont connues - complexité des documents de programmation, lenteur des contrôles - mais elle ne peut dispenser l'Etat de certaines questions : les moyens financiers prévus ont-ils été dépensés à bon escient ? Le tissu économique et social était-il en mesure d'absorber les aides communautaires ? Les projets correspondaient-ils à de réels besoins ?

M. Patrice Magnier a estimé que l'articulation entre les fonds structurels et les contrats de plan constituait en fait une fausse bonne idée. Il ne s'agit pas d'exercices de même nature. Le contrat de plan est avant tout un acte de politique nationale, qui engendre des négociations et des compromis. Les deux tiers des crédits concernent les routes, le tiers restant étant généralement alloué aux universités. Les fonds structurels s'appliquent à des champs territoriaux définis, et non des secteurs d'activité. Il n'y a aucune corrélation des calendriers pour l'octroi des crédits. En outre, contrats de plan et fonds structurels sont soumis à leur propre procédure de gestion, de traitement informatique et d'évaluation. A ce stade d'analyse, il semblerait plus opportun de lancer des contrats de plan moins ambitieux, plus sectoriels, ciblés sur des domaines précis, et d'envisager la suppression du zonage pour les fonds structurels.

M. Philippe Folliot, rapporteur, a demandé de quels moyens budgétaires disposait l'Instance d'évaluation.

M. Patrice Magnier a indiqué que l'Instance disposait d'un crédit de 1,83 million de francs, qui ne serait pas intégralement dépensé.

M. Philippe Folliot, rapporteur, prenant acte des propos de M. Magnier sur la difficulté de certains territoires à absorber les crédits communautaires, a demandé si l'Instance d'évaluation avait néanmoins recensé des collectivités locales aptes à mettre en œuvre des projets.

M. Patrice Magnier a indiqué qu'un tel recensement n'avait pas été effectué mais qu'il était indéniable que nombre de collectivités locales ne disposait pas de porteurs de projets.

M. Joël Beaugendre, rapporteur, a demandé des précisions sur l'objectif 1.

M. Patrice Magnier a rappelé que l'Instance d'évaluation ne s'était penchée que sur l'objectif 2. L'Instance n'a pas les moyens humains d'interroger les élus territoriaux d'outre-mer et il appartient à d'autres organes de l'Etat d'y évaluer les effets des fonds structurels.

M. Emile Blessig, président, a indiqué que cette évaluation constituait justement le cœur du travail actuel de la Délégation.

M. Philippe Folliot, rapporteur, a souhaité des précisions sur l'avenir des relations entre contrats de plan et fonds structurels.

M. Patrice Magnier a considéré à titre personnel que les contrats de plan n'étaient qu'une appellation. A l'avenir, la décentralisation les rendra obsolètes. Ces contrats se révèlent en outre dangereux pour l'Etat car ils conduisent à des conflits permanents avec les régions lorsque la situation budgétaire oblige à des économies. Ils constituent une machine administrative extrêmement lourde, qui devient inutile dès lors que la décentralisation affirme clairement les compétences de l'Etat et des collectivités locales. En revanche, les contrats sectoriels entre l'Etat et certaines régions demeurent une idée pertinente.

Les fonds structurels ont certainement conduit à des effets positifs, mais si l'on prend en compte leur coût administratif, on risque de constater qu'il a été hors de propos avec leur rendement. Si les actions structurelles devaient être prolongées au-delà de 2006, il sera nécessaire d'en modifier les procédures. La question se pose également sur leur application à de petits territoires. Ne vaudrait-il pas mieux les affecter à de grands projets comme le TGV Est, et en conséquence abandonner toute idée de zonage ?

M. Philippe Folliot, rapporteur, a considéré que les propositions de M. Magnier modifiaient la nature des crédits structurels. L'abandon du zonage sonnerait la fin d'une logique d'aménagement du territoire et renforcerait de facto la tendance à concentrer les investissements sur les départements et régions les plus riches et les plus capables d'apporter des contreparties financières nationales. Or, il existe en métropole de nombreuses régions en retard d'équipement.

M. Patrice Magnier a jugé qu'il ne fallait pas hésiter à remettre en cause les contrats de plan en tant qu'instrument d'aménagement du territoire.

M. Emile Blessig, président, a estimé que la politique d'aménagement du territoire s'était longtemps limitée à des actions de rééquilibrage entre Paris et la province. Désormais, il faut également opérer des rattrapages entre les différentes régions mais l'Etat ne sait pas quelle part consacrer à l'émergence de pôles d'excellence et au soutien de régions en retard de développement.

M. Patrice Magnier a indiqué qu'il avait été en poste dans les Alpes de Haute-Provence au début de sa carrière et qu'il avait parcouru des villages dont le peuplement avait été dix fois plus important au XIXème siècle. Il est évident qu'il existe des territoires où le renouvellement de la population ne peut s'effectuer dans les conditions économiques et sociales actuelles. L'Etat fait preuve d'irréalisme lorsqu'il refuse certaines évolutions inéluctables.

M. Jean Launay a rappelé qu'il était élu d'un département, le Lot, qui avait enrayé le déclin de sa population grâce à des politiques dynamiques de reconquête. Le Lot s'est ainsi appuyé sur la rénovation de son patrimoine pour relancer le tourisme.

M. Patrice Magnier, à l'appui des propos de M. Launay, a considéré que le développement des transports publics ou l'accès généralisé au haut débit pouvaient effectivement constituer des bases de développement.

M. Philippe Folliot, rapporteur, a considéré comme dangereuse toute systématisation. Tout territoire en déclin peut se relever dès lors qu'existe une volonté humaine. Les aides structurelles sont là pour les accompagner.

M. Patrice Magnier a estimé que pour soutenir les propos de M. Folliot, il faudrait être en mesure de quantifier les investissements qui auraient été lancés sans les fonds structurels. Une telle analyse est actuellement impossible à effectuer.

M. Emile Blessig, président, a remercié M. Patrice Magnier d'avoir participé à la réunion de la Délégation et a conclu de ses propos que le lien entre fonds structurels et contrats de plan semblait être un rendez-vous manqué dans la mesure où les conditions de leur convergence n'avaient jamais été réalisées.


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