DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 19

Mercredi 4 juin 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la gestion des déchets et de l'eau

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M. Emile Blessig, président, a indiqué que la notion de développement durable était difficile à mettre en oeuvre dans un cadre parlementaire. Elle souffre d'une absence de définition claire. Néanmoins, la Délégation a souhaité se saisir de deux sujets - la gestion des déchets ménagers et la politique de l'eau - qui sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Remerciant la ministre d'avoir accepté cette audition, il a souhaité connaître les priorités du gouvernement en matière de développement durable afin que le travail de la Délégation puisse relayer utilement cette action.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a déclaré que l'écologie et le développement durable comportaient de nombreux aspects relatifs à l'aménagement du territoire. Elle a indiqué que son action au sein du ministère avait jusqu'à présent reposé sur trois piliers : la rédaction de la charte de l'environnement, qui sera présentée au Conseil des ministres le 25 juin prochain et qui fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour du Parlement à l'automne ; l'établissement de la stratégie nationale de développement durable dont l'un des volets est consacré au territoire ; enfin, l'élaboration d'un projet de loi sur les risques naturels et technologiques. Sur l'ensemble de ces points, elle s'est félicitée de l'apport permanent d'idées et de propositions par les parlementaires, qu'il s'agisse des députés siégeant dans les commissions permanentes ou dans les délégations. Les rapports d'information sur le loup, la chasse et les oiseaux migrateurs ou prochainement les parcs nationaux ont ainsi été extrêmement utiles au travail du gouvernement.

La ministre a ensuite évoqué les quatre priorités de son action pour les mois à venir : la politique de l'eau, la gestion des déchets, la lutte contre le bruit et la mise en place de la voiture propre. En ce qui concerne cette dernière, il s'agit d'une priorité du Premier ministre qui s'inscrit dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre.

M. Emile Blessig, président, abordant le thème des déchets, a demandé si un calendrier était déjà prévu pour la modification de la loi du 13 juillet 1992 relative aux déchets. Il s'est inquiété de la saturation graduelle des centres techniques d'enfouissement et des incinérateurs et a relevé que le gouvernement semblait attendre des solutions en confiant des compétences nouvelles aux départements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a admis que la loi de 1992 précitée avait permis d'accomplir de considérables progrès dans la collecte des déchets et dans le tri sélectif. Cependant, le renouvellement des capacités d'élimination a été négligé et il est possible de progresser encore dans le tri sélectif et dans le recyclage des matériaux. Le gouvernement a décidé la fermeture ou la remise aux normes de 36 incinérateurs qui étaient dangereux, montrant ainsi sa volonté de respecter les normes européennes et nationales quant à la qualité écologique des installations classées. Les collectivités publiques se heurtent actuellement à l'augmentation du coût de la collecte et à l'épuisement des capacités de traitement alors que la production de déchets par les ménages ne cesse d'augmenter. En conséquence, le gouvernement vient d'établir un plan comportant cinq priorités :

- minimiser l'impact des installations sur la santé et l'environnement : le gouvernement mettra aux normes l'ensemble des installations classées pour respecter l'échéance communautaire de 2005. Les décharges illégales, qui sont désormais marginales, seront fermées. Un plan national d'élimination des déchets radioactifs autres que les combustibles nucléaires sera mis en place pour juin 2004.

- agir sur la quantité de déchets produits. Le gouvernement admet qu'il s'agit d'une action de longue haleine qui joue sur le comportement des consommateurs. L'ADEME a vocation à jouer un rôle central en la matière et l'Etat doit, pour sa part, être exemplaire en s'engageant à réduire de 5 % dès 2004 les déchets qu'il produit.

- associer plus étroitement les collectivités locales : les plans départementaux d'élimination des déchets sont actuellement lettre morte dans la mesure où ils sont élaborés par l'Etat. Le projet de loi de décentralisation confierait aux conseils généraux la compétence en matière de déchets - sauf en Ile de France - et les autoriserait à lever une taxe départementale dans la limite de 4 euros par tonne.

- faire progresser la valorisation : un projet de loi sur les déchets sera déposé en 2004 et visera à mieux valoriser les déchets organiques.

- conduire une véritable politique d'information. L'acceptation des installations classées par les citoyens est au coeur de la nouvelle politique d'élimination des déchets. L'ADEME a vocation à être le vecteur de cette politique. Pour l'heure, le gouvernement enregistrera en septembre 2003 les propositions du Conseil national des déchets. Il soumettra en octobre un plan national de réduction de la production de déchets et présentera au Parlement en 2004 un projet de loi réformant la loi de 1992 précitée.

M. Emile Blessig, président, a demandé si le département demeurait le cadre territorial de gestion le plus adéquat ou si le gouvernement admettait des coopérations interdépartementales. Il a ensuite souligné les difficultés d'implantation de nouvelles installations et a estimé que l'approfondissement du contrôle démocratique de leur implantation et de leur fonctionnement pouvait favoriser une meilleure acceptation par les citoyens. Il a enfin noté la relative incohérence du dispositif fiscal sur les déchets qui entrave la mise en place d'une véritable solidarité entre les territoires.

M. Jean Launay a relevé les disparités des coûts de transport des déchets entre départements peuplés et faiblement peuplés. Ne faudrait-il pas mettre en place une forme de péréquation ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a résolument affirmé la nécessité de confier aux départements la compétence de la gestion des déchets car ils constituent un échelon de responsabilité politique et de proximité avec les citoyens. Mais le gouvernement refuse l'idée de départements qui émettraient des déchets tandis que d'autres en seraient récipiendaires, d'autant que le transport des déchets constitue en lui-même un problème. Les coopérations départementales sont néanmoins possibles. Par ailleurs, l'information des citoyens est primordiale. Il faut donc rendre plus démocratique le fonctionnement des commissions locales. Le projet de loi qui sera déposé en 2004 contiendra effectivement un volet sur le contrôle démocratique des installations classées.

M. Emile Blessig, président, a demandé s'il était envisageable d'intégrer dans le prix des appareils électroniques le coût de leur élimination.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a répondu par l'affirmative.

Abordant la question de l'eau, M. Jean Launay, rapporteur, a interrogé la ministre sur les thèmes suivants : la dégradation de la qualité de l'eau, le traitement des pollutions d'origine agricole, la gestion quantitative de la ressource, l'organisation administrative de la politique de l'eau, le prix de l'eau avec l'établissement éventuel d'un prix unique et enfin le calendrier de la future loi sur l'eau. A cet égard, est-il envisagé que la loi prenne mieux en compte la notion de bassin versant ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a jugé que la directive établie par la Commission européenne rendait implicitement hommage au mode français de gestion de l'eau puisqu'elle se fonde sur une logique de bassin.

Le projet de loi sur l'eau sera sans doute déposé lors du premier semestre de 2004 et actualisera la loi de 1964. Le gouvernement ne peut et ne souhaite affirmer pour l'heure les priorités de cette loi dans la mesure où il consulte actuellement les agences de bassin, les élus locaux et les associations sur l'ensemble de la politique de l'eau. Cette politique a des effets sur nombre de secteurs économiques et sociaux comme l'urbanisation, la politique agricole ou la protection de l'environnement. La transposition de la directive européenne implique la réorganisation des services de l'Etat et le gouvernement souhaite créer auprès des préfets de région des pôles d'environnement chargés de coordonner les services de l'Etat et les administrations locales. L'existence de nombreux échelons intercommunaux rend difficile la mise en place d'une politique cohérente, surtout si l'on souhaite renforcer le rôle des élus et des établissements publics territoriaux de bassin. Le gouvernement est ouvert à toutes les propositions et se déclare prêt à travailler avec la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur ces questions.

M. Joël Beaugendre a rappelé que les départements d'outre-mer ne disposaient pas d'agences de l'eau et a demandé si le gouvernement comptait les inclure dans sa réflexion.

M. Emile Blessig, président, a considéré que les enjeux de la politique de l'eau s'étaient modifiés et qu'au triptyque traditionnel production, distribution, assainissement, s'était substituée une vision globale et territoriale de gestion de l'eau. Il n'apparaît pas logique de scinder une politique qu'il faudrait désormais envisager à l'échelon territorial.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a indiqué que les départements d'outre-mer étaient naturellement partie prenante de la réflexion nationale sur la politique de l'eau. Elle a ensuite relevé la croissance rapide des groupements intercommunaux. En 1999, 34 millions d'habitants faisaient partie d'un groupement intercommunal à fiscalité propre. Ce chiffre s'élevait à 48 millions d'habitants en 2002. 35 % de ces groupements ont en charge la gestion de l'eau, ce qui pose des problèmes pour les syndicats ruraux situés à la périphérie des agglomérations. Les départements ont donc établi des formes de péréquation mais ils ne peuvent juridiquement mettre en place une redevance afin d'assurer la péréquation du prix de l'eau. Le gouvernement réfléchit à une réforme de la fiscalité d'autant plus urgente qu'il lui faut accompagner la disparition du fonds national de développement des adductions d'eau.

M. André Chassaigne a relevé que les élus locaux étaient soumis à des normes de plus en plus drastiques quant à la qualité de l'eau, ce qui augmentait considérablement le coût de traitement. Les communes situées en zone rurale isolée ne peuvent assurer de tels coûts et ont l'impression d'être inexorablement poussées à privatiser le service de l'eau.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a jugé que le gouvernement était placé devant un chantier considérable, notamment en raison de l'habitat dispersé qui prévaut dans notre pays et des exigences des consommateurs. S'agissant du prix de l'eau, il existe certes des disparités dans la mesure où le mètre cube d'eau oscille entre 0,3 euro et 6 euros, mais l'eau n'est toutefois pas un bien d'un coût élevé. Elle reste accessible aux ménages les plus modestes.

M. Joël Beaugendre a approuvé les propos de M. Emile Blessig en faveur d'un schéma de cohérence global de la politique de l'eau, allant du captage à l'assainissement.

M. Serge Poignant a souhaité que les politiques de captage et d'assainissement soient mises en place au plus près des citoyens. Dans la région nantaise, la péréquation des prix est automatique à l'échelle de la communauté urbaine dans la mesure où les investissements y sont plus vite amortis. La problématique est différente en milieu rural.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a indiqué que le gouvernement réfléchissait à la mise en place d'un instrument financier permettant d'assurer la solidarité entre les territoires.

M. Emile Blessig, président, a remercié Mme la ministre d'avoir exposé sa politique devant la Délégation et a demandé si la mise en place d'un bilan écologique par les entreprises ne permettrait pas de faire progresser le développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a rappelé qu'il s'agissait d'un élément de la stratégie établie par le gouvernement.


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