DÉLÉGATION

À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT

DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 10

Mercredi 19 mai 2004
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

   

I. - Informations relatives à la Délégation

II. - Audition de M. Nicolas Jacquet, délégué de la DATAR, sur la réforme des contrats de plan Etat-régions

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I.- Informations relatives à la Délégation

- M. Max Roustan a été désigné vice-président de la Délégation, en remplacement de M. Nicolas Forissier.

- La Délégation a désigné MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay rapporteurs, sur la réforme des contrats de plan Etat-régions.

II.- Audition de M. Nicolas Jacquet, délégué de la DATAR, sur la réforme des contrats de plan Etat-régions

M. Emile Blessig, président, a indiqué que la Délégation abordait, avec l'audition de M. Nicolas Jacquet, délégué de la DATAR, la question délicate de la réforme des contrats de plan Etat-régions (CPER).
M. le Premier ministre, par lettre du 1er mars 2004, a demandé à la Délégation de lui soumettre ses réflexions sur l'avenir des CPER. Des demandes similaires ont été adressées à la Délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, au Conseil économique et social ainsi qu'aux associations représentant les collectivités territoriales.

Les interrogations liminaires de la Délégation portent sur les CPER comme expression de la cohérence nationale ; la possibilité qu'ils soient un instrument de péréquation ; leur lien avec la nouvelle loi organique sur les lois de finances ; enfin, la Délégation souhaite savoir si l'on peut exiger des budgets des régions une cohérence avec les contrats de plan.

M. Nicolas Jacquet, délégué de la DATAR, a rappelé que le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 18 décembre 2003 avait établi les lignes directrices d'une réforme des CPER, mais le Gouvernement souhaite obtenir l'avis des organes cités par le président Blessig. Les CPER constituent actuellement une masse financière considérable de 35 milliards d'euros, financée à parité par l'Etat et les régions. Cette dotation équivaut à 20 % du budget d'investissement civil de l'Etat et à 25 % des budgets d'investissement des régions. Les priorités concernent la politique des transports, l'environnement et la recherche. Le taux d'exécution s'établissait à 45,7 % des dotations à la fin de 2003.

Si les CPER sont fortement appréciés en tant qu'outils de dialogue entre l'Etat et les collectivités locales, ils sont de plus en plus critiqués en raison d'une finalité devenue progressivement peu lisible. Aujourd'hui, près de vingt ministères participent à ces contrats afin, dans certains cas, de rechercher le cofinancement de collectivités locales pour leurs actions. Le seul ministère de l'agriculture a plus de cinquante lignes budgétaires liées aux CPER. L'autre critique se rapporte à la dispersion des financements et à l'inadaptation financière croissante du cadre budgétaire classique : l'annualité n'est pas adaptée à l'évolution des cycles économiques et elle ne permet pas à l'Etat de tenir ses engagements sur le long terme. Enfin, les CPER ne sont pas établis dans une logique de péréquation alors que la récente réforme de la Constitution place la péréquation au cœur des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Il est nécessaire de réformer les CPER pour tenir compte de la nouvelle étape de la décentralisation. L'autonomie croissante des collectivités locales exige le maintien d'un outil contractuel qui les rapproche de l'Etat, ce dernier étant en charge de la cohérence nationale des différentes politiques et de la solidarité entre les territoires et entre les citoyens. Le CIAT du 18 décembre 2003 a considéré qu'il fallait poursuivre la démarche de la contractualisation tout en tenant compte de l'évolution prévisible des politiques régionales européennes et de la nécessité de restreindre les CPER à des politiques structurantes : recherche, infrastructures de transports et de télécommunications, économie immatérielle... Par ailleurs, se pose une série de questions sur la péréquation entre régions, la recherche d'un cadre budgétaire autre qu'annuel et la nature de la négociation entre Etat et régions. Cette réforme doit permettre à l'Etat comme aux régions de mettre en place une stratégie concertée de développement économique et social.

M. Philippe Folliot s'est interrogé sur l'articulation des CPER et des fonds communautaires.

M. Michel Raison a demandé sur quels critères objectifs l'Etat pourrait fonder sa politique de péréquation et de modulation de sa participation dans le cadre des CPER. Il a considéré comme pertinent le projet visant à raccourcir la durée des contrats, afin que l'Etat respecte ses engagements financiers.

M. Jacques Le Nay a noté que l'Union européenne avait une forte influence sur les CPER et a demandé au Délégué s'il avait des informations sur la future politique régionale européenne.

M. André Chassaigne a considéré que la réforme des CPER devra prendre en compte, de manière très forte, la péréquation. La loi de décentralisation encadrera les relations entre l'Etat et les collectivités locales, par le biais des ressources propres et de la totalité des ressources des collectivités locales. Il doit en être de même pour l'ensemble des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales, qui devront respecter l'exigence constitutionnelle de péréquation. Il a ensuite demandé des précisions sur les relations entre les CPER et les contrats de site.

M. Nicolas Jacquet a observé qu'en raison du déclin de la planification, le terme de contrat de plan était dépassé et qu'il valait mieux parler de contractualisation des relations entre Etat et collectivités territoriales. L'objectif est de faire coïncider les stratégies de l'Etat et des régions. A titre d'exemple, les régions deviennent compétentes en matière de formation professionnelle alors que l'Etat conserve parallèlement la politique universitaire. Il faut à l'évidence combiner ces deux compétences pour définir une véritable politique de formation initiale et continue. Sans doute faut-il aussi modifier la durée des contrats en la modulant selon les secteurs ou les régions. Certains domaines nécessitent des durées plus courtes quand d'autres n'ont d'efficacité que sur une plus longue durée.

M. Philippe Folliot a estimé que des contrats plus courts seraient en contradiction avec la stratégie prospective des territoires, dont l'horizon est de quinze à vingt ans.

M. Nicolas Jacquet a admis la nécessité d'un cadre stratégique. Pour l'heure, les CPER ne peuvent jouer un rôle de péréquation puisque s'élevant à 2,5 milliards d'euros par an pour la part de l'Etat, ils ne représentent qu'à peine 5 % des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales.

M. André Chassaigne a au contraire estimé que la péréquation était déjà une réalité au travers de l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.

M. Nicolas Jacquet a considéré que les dotations de l'Etat n'obéissaient pas pour l'instant à l'objectif de péréquation, à l'exception du fonds social de la région Ile-de-France, qui prélève 150 millions d'euros sur les communes les plus riches au profit des communes les plus pauvres.

M. Emile Blessig, président, a considéré qu'il fallait choisir entre deux logiques : concevoir une péréquation financière dans chaque CPER ou améliorer l'efficacité des outils de contractualisation, en considérant que la péréquation constitue un problème à part...

M. Nicolas Jacquet a admis que la détermination du bon niveau de péréquation constituait un exercice délicat. Ainsi, une région qui comptabilise un nombre modeste de chercheurs peut théoriquement disposer de l'appui de l'Etat pour développer des politiques de recherche. Les CPER définiront sans doute de nouveaux outils de péréquation dont l'objectif sera d'aider les territoires à définir leurs faiblesses et à créer de la richesse. Sans doute faut-il des logiques sectorielles intégrant de la péréquation. Quant à l'exécution des contrats, il est rare que les CPER soient achevés à la date convenue entre les parties. L'exécution des budgets nationaux s'avère de plus en plus difficile et il reste à opérer la connexion avec les fonds européens.

M. Jean-Pierre Dufau a jugé qu'il fallait distinguer les dotations de fonctionnement des crédits d'investissement. L'effet démultiplicateur n'est pas le même. Or, l'investissement public des collectivités locales a été d'un soutien considérable pour la croissance économique ces dernières années et il convient de maintenir cet élément paritaire de développement. Par ailleurs, la limitation éventuelle des CPER à quelques secteurs risque de favoriser certaines régions par rapport à d'autres, en se substituant à une politique d'aménagement de l'ensemble du territoire. Il convient en outre de veiller à ce que l'Etat demeure le garant de la cohérence nationale, y compris dans le cadre des relations avec l'Union européenne. Cette logique s'oppose aux thèses prônant une contractualisation directe entre les régions et l'Union européenne.

M. Louis Giscard d'Estaing a considéré que les CPER souffraient d'une série de péchés originels. Leur champ très large a ainsi permis à l'Etat d'associer des régions et d'obtenir de leur part des cofinancements dans des domaines qui ne relevaient pas de la compétence régionale, comme les universités, la recherche ou les routes nationales. Il s'agit d'un dévoiement des compétences auquel il est nécessaire de remédier en redéfinissant le champ de la contractualisation. Il ne faut pas hésiter à concevoir une contractualisation à la carte, laissant les régions libres de choisir les domaines dans lesquels elles souhaitent l'aide de l'Etat. Il est enfin nécessaire de régler la question des crédits d'études qui ralentissent la mise en œuvre des programmes.

Mme Martine Lignières-Cassou a considéré que le diagnostic de fragilité de M. Nicolas Jacquet sur les pays et agglomérations constituait une analyse erronée. Elle a plutôt estimé que les pays, comme les agglomérations et les régions, avaient besoin de réflexion stratégique.

M. Nicolas Jacquet a indiqué que les contrats de sites utilisaient bien une partie des crédits des CPER. Ces derniers ne sont d'ailleurs pas le seul mode de contractualisation entre l'Etat et les régions. Il en existe d'autres, notamment dans le cadre de la politique de sécurité publique. Il s'agit de déterminer si l'Etat inscrit sa politique régionale dans un seul document ou si chaque ministère conduit sa propre politique contractuelle, ce qui risque d'induire, dans ce dernier cas, un risque de désordre politique et administratif. C'est pour cette raison que l'Etat souhaite que les CPER mettent en place des politiques structurantes. La question centrale réside dans le contenu de ces politiques.

M. Emile Blessig, président, a considéré que les CPER étaient perçus, dans un passé récent, par les collectivités locales, comme un effet d'aubaine. Or, la contractualisation doit permettre à l'Etat et aux régions d'organiser l'espace en se fondant sur une stratégie pluriannuelle. L'Etat est sans doute en droit d'exiger des collectivités locales un effort de réflexion analogue à la démarche de constitution des pays. La contrepartie locale d'un contrat n'est pas seulement financière. Elle est politique. Sur la base de ce raisonnement, peut-on introduire un élément de subsidiarité dans la politique d'aménagement du territoire ?

M Nicolas Jacquet a estimé que les CPER pouvaient laisser place à la subsidiarité. Il a cependant jugé que le fait de consacrer des dotations, au sein des CPER, aux pays ou aux agglomérations, risquait d'affaiblir les politiques structurantes en raison de l'état des finances publiques.

Mme Martine Lignières-Cassou a relevé le décalage entre l'objet de la réforme des CPER et la montée en puissance des agglomérations.

M. Nicolas Jacquet a rappelé que le CIAT de décembre 2003 avait mis l'accent sur les métropoles car la plupart des agglomérations, à l'exception de Paris, n'atteignent pas la moyenne européenne dans la plupart des fonctions assurées en milieu urbain. Mais si l'Etat affirme prioritairement une politique en faveur des métropoles, il lui est impossible d'opérer la péréquation entre territoires, compte tenu de son endettement. S'agissant des modalités de contractualisation, il est envisageable de les moduler selon les thèmes et les durées. Ainsi en est-il du transport ferroviaire dont les programmes se réalisent en moyenne en quinze ans, soit une période largement supérieure à la durée de vie d'un CPER.

M. Emile Blessig, président a remercié M. Nicolas Jacquet pour son intervention et a considéré que la Délégation se trouvait face à des priorités contradictoires : permettre aux régions en situation difficile de retrouver leur vitalité économique et maintenir au plus haut niveau Paris et certaines métropoles de province. De telles politiques nécessitent des dotations publiques alors que le budget de l'Etat n'est pas indéfiniment extensible.


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