DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 11

Mardi 25 mai 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Marc CENSI, maire de Rodez, président de la Communauté d'agglomération de Rodez, président de l'Assemblée des communautés de France, sur la réforme des contrats de plan Etats-régions.

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M. Emile Blessig, président, a indiqué que l'audition de M. Marc Censi intéressait particulièrement la Délégation car outre ses actuelles fonctions il avait présidé la Région Midi-Pyrénées. Parallèlement, il poursuit un travail de doctrine sur l'architecture de nos institutions locales. La Délégation souhaite connaître l'avis de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) sur la déclinaison des contrats de plan Etat-régions (CPER) à l'échelon infrarégional. L'intercommunalité constitue une réalité pour 81 % de nos communes et l'ADCF a sans doute des revendications et des craintes quant à la réforme des CPER. Par ailleurs, la Délégation souhaite recueillir l'opinion de l'ADCF sur la limitation des CPER à quelques politiques structurantes ; sur la possibilité que chaque région contracte avec l'Etat sur des politiques de son choix, même si, en ce cas, l'objectif de cohérence nationale disparaît ; enfin, sur la conciliation de la péréquation avec une politique visant à maintenir des pôles régionaux de niveau mondial. En d'autres termes, peut-on faire des CPER à la fois un outil de cohérence et un instrument de péréquation ?

M. Marc Censi, maire de Rodez, président de la Communauté d'agglomération de Rodez, président de l'Assemblée des communautés de France, a indiqué que les CPER présentaient nombre de défauts et que leur évolution était nécessaire compte tenu du développement de l'intercommunalité et de l'approfondissement de la décentralisation. Pour autant, ces défauts ne doivent pas masquer l'intérêt d'une politique contractuelle.

A l'origine, les CPER devaient harmoniser la politique de l'Etat en régions, gérer les fonds européens et exprimer la solidarité nationale à travers une volonté péréquatrice. C'est en cours de route que l'Etat a enclenché une démarche de décentralisation contractuelle en partageant certaines de ses compétences avec les collectivités territoriales. L'aspect positif réside dans la coordination de politiques territoriales infrarégionales, avec l'émergence des pays, des parcs naturels régionaux ou des contrats d'agglomération. En revanche, l'Etat a souvent remis en cause sa parole et ses financements par des ruptures unilatérales contre lesquelles les collectivités locales ne pouvaient rien. Il a également opéré des transferts de charges exorbitants, notamment dans les domaines des universités et des routes nationales. L'effet de péréquation est enfin difficile à calculer.

La réforme des CPER est d'autant plus nécessaire que la France touchera très peu de fonds européens à partir de 2006, mais de ce fait l'Etat se trouve en position de devoir remplacer l'Union européenne pour venir en aide aux régions. Dans le cas où la décentralisation se traduirait par de réels transferts de compétences, la nécessité d'une contractualisation est moindre. Mais dans la mesure où le résultat final de la décentralisation n'est pas connu et que l'Etat conserve d'importantes compétences, comme les universités ou la santé, l'obligation de contractualiser demeure.

M. Marc Censi a ensuite estimé que la couverture générale du territoire par les structures intercommunales avait modifié les démarches de développement local. A la relation ancienne liant les départements et les communes se substitue graduellement un pôle de travail entre structures intercommunales et régions. Les communautés de commune et d'agglomération et les régions deviennent les forces motrices des CPER. Elles agissent sur des territoires fonctionnels, hors des limites institutionnelles traditionnelles.

Il convient de maintenir des politiques de contractualisation car la région devient le niveau de cohérence des politiques territoriales. Mais comme il n'existe pas de tutelle d'une collectivité locale sur une autre, seul l'Etat peut être le garant de cette cohérence grâce à la contractualisation. Il faut cependant qu'il respecte ses engagements financiers, sauf à mettre en péril sa crédibilité. Par ailleurs, la fonction de péréquation trouve toute sa place dans une France où les disparités infrarégionales sont nombreuses.

L'un des grands problèmes liés aux CPER est la cohérence de différents calendriers. Le temps des mandats électifs ne coïncide pas avec le temps nécessaire à la mise en oeuvre des projets. Un schéma d'urbanisme s'effectue ainsi sur dix à douze ans, ce qui ne coïncide pas avec l'annualité des budgets et la durée des mandats électifs locaux. L'ADCF suggère de travailler sur les CPER en trois étapes : la première consisterait à réfléchir sur le schéma régional ; la seconde, à négocier les contrats en début de mandat ; la troisième, en une évaluation des CPER à mi-parcours avec la révision éventuelle de leur maquette financière. Cette possibilité de révision devrait aller de pair avec une éventuelle fongibilité des lignes budgétaires.

M. Jacques Le Nay, rapporteur, a souligné que le rythme des échéances et des mandats était fondamental. L'accomplissement des mandats électifs locaux ne coïncide pas avec la période des CPER ou celle des fonds européens.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, s'est interrogé sur l'articulation des structures intercommunales et des schémas régionaux d'aménagement du territoire. Malgré la péréquation entre régions, les CPER abondent largement les agglomérations. Cela induit un risque de renforcement de ces dernières au détriment des petites communes rurales.

M. Emile Blessig, président, a relevé que si les régions et les structures intercommunales devenaient les moteurs des CPER, les pays accomplissent également des fonctions d'aménagement en milieu rural, ce qui prouve que l'intercommunalité ne peut toujours constituer l'unité territoriale pertinente.

M. Marc Censi a considéré qu'il ne fallait plus guère tenir compte du rythme d'allocation des fonds européens car notre pays ne recevra plus que des dotations marginales à cet égard. En revanche, les agglomérations et les pays sont porteurs de projets. Plutôt que de les contraindre à contractualiser à échéances fixes, il serait plus intelligent de signer des conventions dans le cadre des CPER lorsque les projets sont prêts. De ce fait, il faut envisager la possibilité que les flux de crédits chevauchent les périodes de contrats, plutôt que d'imposer artificiellement des obligations aux élus locaux.

Le conflit entre le monde rural et le monde urbain est artificiel. Les territoires de développement sont à la fois urbains, périurbains et ruraux. La ville a une fonction d'animation, y compris en milieu rural et il n'existe pas de dichotomie à cet égard. Les CPER doivent avoir un objectif d'attractivité des territoires.

M. Jean-Pierre Dufau a jugé les propos de M. Marc Censi très intéressants car lorsque l'expression des territoires est libre, il est aisé de constater leur attachement à la notion de contrat. Puisque l'Etat prône la décentralisation, il lui faut nécessairement écouter les élus locaux. Il convient de ne pas trouver de faux prétextes pour supprimer les CPER. Compte tenu des strates administratives, les rythmes politiques ne pourront jamais coïncider. L'efficacité exige de faire de la région le pivot de la contractualisation avec l'Etat, quels que soient les sentiments départementalistes que certains élus peuvent avoir. Il convient de laisser aux territoires toute liberté pour s'organiser et contractualiser afin qu'ils maîtrisent leurs évolutions selon qu'ils soient plutôt portés vers les contrats d'agglomération ou l'aménagement rural. La réforme des CPER ne doit pas déboucher sur un schéma directif mais doit permettre une démarche d'écoute. L'avenir des CPER réside dans leurs objectifs. La contrainte budgétaire ne peut être avancée comme raison de leur réforme car le principe de la contractualisation ne peut être remis en cause, sauf à ne plus vouloir faire d'aménagement du territoire. C'est le déficit budgétaire de l'Etat qui est plutôt la cause des problèmes rencontrés par les CPER. Ces derniers doivent permettre de concilier la décentralisation avec le maintien des responsabilités de l'Etat sur les territoires, et éviter ainsi qu'elle se limite à un simple transfert de charges.

M. Marc Censi a considéré qu'il fallait utiliser à bon escient les crédits budgétaires qui se raréfient. Il s'est déclaré effrayé par le climat délétère qui règne entre élus locaux du fait de la concurrence entre les collectivités locales. Le fait d'avoir inscrit dans la Constitution que chaque niveau d'administration locale dispose d'une compétence générale en tous domaines, sans tutelle, crée la confusion, sans oublier le gaspillage d'argent public. Dès lors qu'il n'y a pas possibilité de tutelle, la contractualisation est le seul moyen de responsabiliser les partenaires et d'ouvrir la gestion territoriale à d'autres acteurs, comme les personnes siégeant au sein des établissements de pays.

M. Emile Blessig, président, a souligné les effets pervers de la clause de compétence générale.

M. Marc Censi a ensuite insisté sur la nécessité de mieux évaluer les CPER, d'autant que l'expérience tirée de la consommation des fonds structurels a donné à l'administration et aux élus l'habitude des expertises contradictoires. L'Etat doit demeurer le garant de l'aménagement du territoire dans plusieurs domaines, comme les infrastructures de transport ou les universités. L'Etat, en tant qu'arbitre, reste également le garant et l'arbitre de la péréquation à l'échelon infrarégional. Cela correspond à une tradition de notre pays.

M. Emile Blessig, président, a demandé si l'Etat pouvait à la fois être garant et partie au contrat.

M. Marc Censi a jugé que l'Etat était certes partie, mais qu'il devrait également assurer la bonne fin du contrat entre la région et l'échelon infrarégional.

M. Emile Blessig, président, a proposé que les CPER prévoient l'obligation pour les régions de mettre en oeuvre, à leur échelle, une politique d'aménagement infrarégional du territoire.

M. Marc Censi a souligné que le rôle de l'Etat , par son représentant, était de faire respecter les règles au niveau infrarégional. Ainsi, un projet devrait obéir au schéma d'aménagement régional. L'Etat pourrait moduler sa participation en fonction du respect du schéma régional par les collectivités locales.

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