DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 13

Mercredi 7 juillet 2004
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Max Roustan, vice-président

SOMMAIRE

 

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Réforme des contrats de plan Etat-régions (MM. Jacques Le Nay et Louis Giscard d'Estaing, rapporteurs) :

- Audition de M. Alain Rousset, Président de la région Aquitaine, Président de l'Association des régions de France.

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M. Alain Rousset, Président de la région Aquitaine, Président de l'Association des régions de France, a exposé que le système des contrats de plans Etat-régions (CPER) était un excellent système et que son principe devait être sauvegardé. La contractualisation assure la meilleure cohérence possible des politiques publiques ; les contrats de plan, qui en sont à leur quatrième exercice, sont conduits désormais dans le contexte d'une forte expérience acquise. La plupart des régions ont mis en place des procédures de planification infra-régionale, qui permettent de décliner les orientations des contrats de plan Etat-régions. Le système des contrats de plan est donc un excellent outil de mise en cohérence des actions de l'Etat, des régions et des autres collectivités locales.

Les contrats de plan sont certes aussi un instrument de formalisation des choix de l'Etat. Cependant, dès lors qu'ils concernent des compétences partagées entre l'Etat et les régions, il n'y a là rien à redire. Avec l'expérience, on s'aperçoit que les régions qui ont peu contractualisé sont en retard pour la réalisation de leurs programmes de grands équipements pour lesquels les compétences sont partagées sur celles qui ont beaucoup contractualisé. La seule réserve concerne la présence dans les contrats de plan de projets qui relèvent de compétences intégralement dévolues aux collectivités locales. Sauf lorsque l'Etat lance une action nationale dont il transfère la maîtrise d'ouvrage aux régions (comme dans le cas du plan médiathèques), ces projets ne doivent pas figurer au sein des contrats de plan.

La durée actuelle des contrats de plan, de six ans, est une durée adaptée. Il faut du temps pour conduire les études d'un projet important, d'une grande infrastructure, avant d'en lancer la réalisation. Cette périodicité a aussi l'avantage de correspondre au rythme de redéfinition des orientations des crédits européens et à celle des mandatures régionales. Elle est ainsi un facteur supplémentaire de cohérence.

L'Assemblée des régions de France est ainsi favorable au principe des contrats de plan, pour l'exercice des compétences partagées entre l'Etat et les régions, et avec une durée d'au moins six ans.

M. Jacques Le Nay, rapporteur, a demandé si la durée actuelle des contrats de plan n'était pas facteur de difficultés pour la détermination des crédits nécessaires. En effet, la première phase d'un projet, celui de son élaboration, est peu consommatrice de crédits, au contraire de la phase de réalisation ; de plus, les crédits nécessaires en phase de réalisation sont souvent sous-estimés en phase d'étude, et cela peut conduire à affecter des ressources insuffisantes à la réalisation. Ne faudrait-il pas que les contrats soient moins longs et portent alternativement sur une phase de réflexion et une phase de réalisation ?

M. Alain Rousset a répondu qu'une segmentation des contrats de plan Etat-régions ne s'imposait en aucun cas. Il est d'ores et déjà habituel que les études d'un projet soient réalisées dans le cadre d'un contrat de plan, et sa réalisation pendant le contrat de plan suivant. Certaines études, comme celle de la création d'une nouvelle ligne de TGV, peuvent durer plus de trois ans. Une réduction à trois ans de la durée des contrats de plan aboutirait à détruire cet outil.

La question la plus cruciale est plutôt celle de la mise en place en temps et en heure des financements à la charge de l'Etat, en application des contrats de plan qu'il a conclus.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, s'est inquiété des retards pris dans l'exécution des actuels contrats de plan. Dès la première année d'exécution, 15 % des crédits alloués n'ont pas été dépensés Le même phénomène s'est reproduit en 2001 et 2002. Aucun mécanisme, notamment de report, n'a été mis en place pour sauvegarder les crédits ainsi laissés sans emploi. Il a demandé quelles solutions l'Assemblée des régions de France préconisait pour faire face à cette situation. Il a enfin souhaité connaître la position de l'Assemblée des régions de France sur le volet ferroviaire des actuels contrats de plan

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, a exposé que chacun devait assumer ses responsabilités dans la situation de l'exécution des contrats de plan. Lorsque les actuels contrats de plan ont été signés, il avait lui-même attiré l'attention sur les dépenses qu'allait engendrer pour l'Etat la politique qu'il suivait, notamment quant aux exonérations fiscales, à l'instauration des 35 heures, à l'ampleur du déficit de la SNCF et avait demandé la réalisation d'une étude d'impact sur les conséquences de ces choix sur les capacités de financement de l'Etat. Il est aujourd'hui clair que, eu égard aux obligations financières ainsi engendrées pour l'Etat, celui-ci ne pourra pas faire face en même temps aux engagements qu'il a pris lors de la signature des contrats de plan.

M. Pierre Méhaignerie a ensuite ajouté que la commission des finances allait mettre en place un Observatoire des finances locales : l'ensemble des données relatives au financement des contrats de plan sera ainsi accessible et clair.

M. Alain Rousset, a répondu qu'un défaut de financement des projet de 15 % en glissement n'était pas un souci. Il est inévitable que surviennent des difficultés de réalisation, y compris des difficultés techniques. Les retards ainsi induits ne remettent pas en cause la progression de la réalisation des projets.

En 1999 et 2000, l'octroi des financements a ainsi été perturbé par les chevauchements des contrats qui s'achevaient et des nouveaux contrats, ainsi que par la volonté du gouvernement de faire coïncider les termes des contrats de plan et les conditions d'ouverture des crédits européens. La concertation entre collectivités locales, mais aussi le débat entre l'Etat et les régions pour la maîtrise des crédits accordés par l'Union européenne ont aussi été à l'origine de retards. Pour autant, fin 2003, la région Aquitaine avait dépensé au titre du contrat de plan en cours 43 % des crédits provisionnés.

Le volume des surcoûts par rapport aux évaluations faites par les services de l'Etat a surpris ; cependant une procédure d'avenants avait été prévue dans cette hypothèse et cette situation n'a obéré ni la dépense ni la poursuite des projets.

La situation aujourd'hui est tout à fait nouvelle : en 2004, les chantiers sont purement et simplement arrêtés. En même temps, les entreprises se tournent vers les collectivités locales pour qu'elles leur évitent de déposer le bilan. Quelle que soient les raisons invoquées par l'Etat, il s'agit de la crise la plus grave dans l'histoire des contrats de plan.

La modernisation des équipements ferroviaires doit pouvoir être intégrée dans les contrats de plan. La seule réserve concerne les TGV : les projets relatifs aux lignes de TGV doivent rester de la compétence de l'Etat.

Les retards constatés jusqu'ici dans l'exécution des contrats de plan en cours ne remettent pas en cause le principe de leur poursuite. La crise de cette année est beaucoup plus grave pour leur bon achèvement. Cependant, cette rupture ne justifie pas de clore arbitrairement le principe des contrats actuels.

La crise des finances publiques et le système des contrats de plan relèvent de deux débats différents. Quant à trouver un mécanisme de sanctuarisation des crédits de l'Etat de façon à ce que les crédits non utilisés dans l'année ne soient pas perdus, on peut penser que le regroupement de crédits sur un ensemble de lignes budgétaires ramassées, et leur vote au sein d'une loi de programmation pluriannuelle pourrait représenter une solution.

Faisant remarquer qu'à partir de 2006, le montant des fonds structurels de l'Union européenne perçus par la France pourrait bien ne plus représenter que 20 % des montants actuels, M. Philippe Folliot a demandé si l'Assemblée des régions de France considérait que ce reliquat devrait être consacré à de grands projets structurants d'infrastructure ou s'il ne faudrait pas plutôt qu'il soit affecté aux zones les plus fragiles du territoire national.

M. Jean-Pierre Dufau a précisé que la situation actuelle était aggravée par l'utilisation qui avait été faite par l'Etat des crédits européens pour masquer l'insuffisance des crédits qu'il versait par rapport à ses engagements. Il a demandé comment, de ce fait, pourrait être préservée l'exécution du volet économique des contrats de plan Etat-régions.

M. Alain Rousset a répondu que l'Assemblée des régions de France s'était clairement exprimée en faveur d'un budget de l'Union européenne qui représente 1,4 % du PIB des Etats membres. Si ce budget doit être limité à 1 %, la question de l'affectation des crédits européens dans les contrats de plan tombe d'elle-même. Il doit être possible de sauvegarder environ la moitié du montant actuel des fonds structurels. En tout état de cause, la répartition future des aides à l'installation pose question.

L'Assemblée des régions de France a fait valoir auprès de l'Union européenne qu'une répartition en fonction de laquelle une entreprise qui s'installerait en Pologne pourrait recevoir une aide à l'installation de 40 % du coût de celle-ci, tandis qu'une entreprise s'installant dans un territoire français isolé ne percevrait rien ne serait pas convenable.

Enfin, les fonds FEDER doivent aller aux actions vers les territoires en difficulté. Le développement des infrastructures relève d'une autre politique européenne. Dans le nouveau régime, le financement sera accordé en fonction de la qualité des projets, l'ensemble du territoire étant désormais éligible.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur, a demandé si l'idée était que les financements européens subsistants soient concentrés sur un nombre limité de projets importants, ou s'il n'était pas préférable qu'ils viennent en appui à des initiatives plus nombreuses, même si elles seraient plus dispersées. Il a également signalé le coût parfois considérable du traitement des dossiers de financement par les fonds structurels (jusqu'à 85 000 euros), et insisté sur la nécessité de rendre plus lisibles ces financements.

M. Alain Rousset a jugé que le coût élevé du traitement des dossiers était dû à la multiplicité des instances, l'Etat, les régions, les départements et les communes intervenant chacun dans l'attribution des fonds européens.

La dissémination des fonds européens est trop grande : il faut les concentrer sur les actions pour le développement économique, l'environnement et l'insertion sociale. En revanche, les fonds européens ne doivent pas n'être attribués qu'à des grands projets. Les petites communes doivent pouvoir continuer à y avoir accès pour financer des projets structurants à leur échelle.

M. Daniel Garrigue a fait observer que les fluctuations d'une année sur l'autre dans les demandes de crédits adressées par les régions à l'Etat n'étaient sans doute pas sans conséquence sur les difficultés pour celui-ci à verser avec ponctualité les sommes dues et qu'une régulation prévisionnelle et pluriannuelle des demandes par les régions serait sans doute de nature à permettre un versement plus satisfaisant des crédits.

Faisant ensuite observer qu'une gestion directe des crédits européens par les régions dans l'avenir posait la question de la planification infrarégionale, il a demandé si le contrat de pays était un outil adapté à celle-ci.

M. Alain Rousset a répondu que l'ensemble des demandes financières des régions n'évoluait pas d'un seul mouvement ; en conséquence l'Etat doit pouvoir lui aussi organiser une répartition prospective des crédits à verser. En tout état de cause, l'absence d'ajustement parfait entre réalisations physiques et flux financiers est un inconvénient limité par rapport à l'établissement de schémas de développement clairs induit par les contrats de plan.

La préparation des nouveaux projets DOCUP se fera en concertation entre les acteurs qui auront à les porter. La conclusion de contrats de pays est un autre processus ; en revanche, l'existence de tels contrats, du fait notamment de la meilleure analyse des projets qu'ils impliquent, va dans le sens d'un meilleur usage des fonds publics.

Remerciant les intervenants, M. Max Roustan, président, a rappelé que la réflexion lancée par la délégation avait pour objectif l'amélioration et le bon fonctionnement de l'outil que constituait le contrat de plan et non sa remise en cause.


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