DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 9

Mercredi 13 avril 2005
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président,
puis de M. Max Roustan, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information sur les instruments de la politique de développement durable (MM. Jean-Pierre Dufau et Emile Blessig, rapporteurs)

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport d'information de MM. Jean-Pierre Dufau et Emile Blessig sur les instruments de la politique de développement durable.

M. Emile Blessig, rapporteur, a d'abord exposé qu'aujourd'hui, le développement durable était une notion très présente dans le débat politique. Elle figure dans l'intitulé même de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. Elle s'impose avec une très grande force.

En même temps, il est parfois très difficile de savoir quels sont les critères objectifs qui donnent, ou non, une dimension de développement durable à une politique.

Or, si le développement durable est un impératif, les critères de sa mise en oeuvre doivent être cernés et décrits ; si le concept n'est pas transcriptible dans les politiques, il faut aussi le reconnaître.

A cette fin, les rapporteurs sont d'abord remontés aux origines du concept. Celui-ci a une histoire : il est issu de conférences et de déclarations internationales, il a été inséré dans des traités. Il a une formulation précise. Elle a été faite en 1987, quand le rapport « Notre avenir à tous » de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier ministre de Norvège, au nom de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, l'a défini comme « un développement qui assure la satisfaction des besoins d'une génération sans compromettre ceux des générations postérieures ». Cette formulation explique la puissance et l'attractivité du concept.

Les rapporteurs n'ont pas cherché à établir ce que devrait être le contenu d'une politique de développement durable : comment deux députés pourraient-ils définir l'ensemble des éléments concrets d'une politique répondant à de tels critères ? Comment penser aussi qu'il n'y a qu'une seule voie pour réaliser chacun d'eux ?

Ils ont en revanche considéré qu'ils pourraient faire œuvre utile en définissant des instruments susceptibles d'améliorer la prise en compte de la dimension de durabilité dans les politiques publiques, qu'il s'agisse d'instruments de mesure ou d'instruments d'action, et parmi ceux-ci, d'instruments administratifs ou d'outils juridiques.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a ensuite exposé que, pour que le caractère durable d'une politique puisse être établi, il fallait pouvoir le mesurer. Il faut donc des instruments de mesure, des indicateurs. Ceux-ci doivent être répartis sur de nombreux domaines : le développement durable n'est pas une extension de la protection de l'environnement ; au contraire, il synthétise développement économique, protection sociale, environnement. Dès lors, la construction d'un ensemble d'indicateurs du développement durable impose une réflexion stratégique sur le choix et la hiérarchisation de ceux-ci. Pour en définir les éléments, le rôle de l'Etat, de par ses compétences, est prééminent, même si des sociétés privées se targuent de pouvoir construire des instruments de mesure du développement durable.

Ensuite, il faut différencier deux séries d'indicateurs. Il y a d'une part les indicateurs de situation, qui mesurent l'état d'un domaine d'intervention. Il y a ensuite les indicateurs d'action, qui évaluent les politiques conduites, l'objectif étant de faire progresser la situation. Ces deux séries d'indicateurs doivent être territorialisées : pour mesurer l'action à conduire par l'Etat et ses résultats, il faut des indicateurs qui mesurent la situation du pays et l'action de l'Etat. Pour mesurer celles d'une région, il faut des indicateurs qui mesurent l'état des lieux dans la région, car il peut être variable d'une région à l'autre, et l'action de la région. Enfin, les indicateurs doivent aussi être adaptés aux compétences des acteurs : il y a des compétences qui ne s'exercent qu'au niveau national ; d'autres ne s'exercent qu'au niveau régional ou local.

Un travail d'élaboration d'indicateurs a été entrepris par les services de l'Etat ; il s'agit d'un ensemble de 45 indicateurs nationaux du développement durable. Ce travail, présenté dans le rapport « indicateurs nationaux du développement durable, lesquels retenir ? », est très appréciable. Il porte en effet sur l'ensemble des domaines du développement durable. Il est assez analytique, et permet une ouverture du débat au-delà du cercle des spécialistes et experts : le développement durable est l'affaire de tous. Il est évolutif : si le débat conclut en ce sens, le dispositif pourra évoluer. Enfin, il est conçu pour être relié aux travaux d'Eurostat, et donc susceptible d'être relié à un système d'indicateurs européens. Les rapporteurs proposent donc à la Délégation d'approuver la construction de ce dispositif d'indicateurs.

Cependant, le dispositif se limite à des indicateurs de situation, et à des indicateurs nationaux ; il y manque d'une part des indicateurs d'action, de l'autre des indicateurs territoriaux. Les rapporteurs ont donc élaboré quatre propositions.

· Pour une bonne prise en charge des enjeux du développement durable dans les territoires, les 45 indicateurs nationaux du développement durable devraient être déclinés à l'échelon de chaque territoire pour lequel cette déclinaison est pertinente, et notamment au niveau régional.

· L'effort en faveur du développement durable doit pouvoir être mesuré. Un dispositif d'indicateurs d'action aura à compléter le dispositif d'indicateurs de situation.

· L'action locale en matière de développement durable comporte aussi des éléments spécifiques. Des indicateurs de situation et d'action locales, spécialement destinés à les mesurer, devront être forgés en complément.

· Enfin, l'Observatoire des territoires, nouvellement créé, regroupe sur un seul site, d'accès gratuit, toutes les données disponibles produites pour un territoire par les services de l'Etat. C'est un appui nouveau de l'Etat à la gestion décentralisée des territoires. La prise en compte du développement durable suppose la présence sur ce site des déclinaisons territoriales des indicateurs nationaux du développement durable.

M. Emile Blessig, rapporteur, a ensuite exposé que, pour mettre en œuvre une politique de développement durable, il fallait un dispositif d'action.

Le dispositif actuel a été mis en place en 2003. Il instaure un comité interministériel pour le développement durable, un délégué interministériel au développement durable, et enfin un conseil national du développement durable, instance consultative représentant la société civile. L'ensemble élabore et surveille la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable.

Les rapporteurs considèrent que ce dispositif est perfectible dans son organisation comme dans son fonctionnement. Cependant, il a le mérite d'exister. Il correspond aussi à un mode d'organisation que l'Etat connaît bien, et son caractère interministériel est adapté à la nature du développement durable. C'est aussi le troisième dispositif à être mis en place depuis le Sommet de Rio en 1992. Or la remise à plat du dispositif à chaque alternance est coûteuse en temps, en énergie, et se retourne contre la politique de développement durable.

Sur ces bases, les rapporteurs formulent deux propositions.

· Si le contenu de la politique de développement durable a très logiquement vocation à se renouveler, le dispositif de formulation de la politique de développement durable doit, quant à lui, être pérennisé. Il pourra ainsi progresser continûment, en développant son organisation, ses méthodes, ses relations internes et ses réseaux de correspondants.

· Pour une meilleure prise en compte des problématiques du développement durable au sein des services de l'Etat, la délégation interministérielle au développement durable devra rapidement cesser d'être rattachée au ministère de l'écologie et du développement durable, même par délégation du Premier ministre, pour être placée directement sous l'autorité de celui-ci.

Développant les motifs de cette dernière proposition, M. Emile Blessig a indiqué qu'il fallait que les priorités de l'action politique se traduisent dans les structures. Si le développement durable est devenu un élément privilégié de l'action publique, les conséquences doivent en être tirées. A terme, la situation actuelle du délégué interministériel au développement durable n'est pas compatible avec la nature même du développement durable.

M. Emile Blessig a alors exposé que, pour les rapporteurs, aménagement du territoire et développement durable ne sont pas dissociables ; le développement durable devient l'objectif fondamental de l'aménagement du territoire.

Or, l'outil d'intervention stratégique de l'Etat pour l'aménagement du territoire est la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR. C'est par ce canal qu'il oriente la politique d'équipement des collectivités locales et s'inscrit dans le développement durable des territoires.

De l'avis des rapporteurs, l'utilisation d'un autre canal pour la mise en œuvre de ces orientations dans le domaine du développement durable serait préjudiciable à la cohérence de la politique territoriale de l'Etat ; la réorientation au profit du développement durable des démarches d'orientation stratégique de l'Etat dans les territoires suppose au contraire que le canal d'action reste le même.

Les rapporteurs font donc les deux propositions suivantes.

· La DATAR doit rester l'outil unique de mise en œuvre des orientations stratégiques de l'Etat auprès des territoires, sur la base des données du développement durable.

· A terme, la délégation interministérielle au développement durable et la DATAR devront être fusionnées.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a alors exposé que c'est la société dans son ensemble qui est confrontée aux défis du développement durable. Au-delà du dispositif administratif existant, c'est donc l'ensemble du pays qui doit se saisir du développement durable. Le développement durable est déjà plus présent dans les règles de notre pays que la conscience qu'en a le citoyen. La participation de la France à l'Union européenne a fait entrer dans le droit français des références au développement durable, concernant notamment le principe de précaution. La Charte de l'environnement, insérée dans la Constitution, est en réalité une véritable charte du développement durable : le Conseil constitutionnel devra désormais tenir compte de ses dispositions dans les décisions qu'il rend sur la constitutionnalité des lois.

Il y a ainsi un fossé entre les orientations de l'Etat et le travail des élus, d'une part, et la prise en compte par le citoyen, de l'autre. Le développement durable pâtit d'un très préjudiciable déficit d'information. Il faut donc qu'un débat public s'organise de façon à ce que les citoyens deviennent non pas des clients, des ayants droit, mais des acteurs des politiques de mise en œuvre du développement durable.

Des actions spécifiques doivent donc être conduites à des fins de sensibilisation, d'information, d'éducation, et de responsabilisation. Trois propositions sont faites par les rapporteurs dans ce domaine.

· L'insertion du développement durable dans le cursus scolaire doit être poursuivie, amplifiée et développée tout au long de la scolarité et de la formation professionnelle.

· La mise en place d'événements autour du développement durable, tels que la semaine du développement durable, doit être poursuivie et leur conception améliorée.

· L'Etat et les collectivités locales, en partenariat avec la recherche, devront engager régulièrement des actions de sensibilisation, d'information et de débat pour rendre les citoyens acteurs du développement durable.

M. Emile Blessig, rapporteur, a ajouté que, si le développement durable était devenu une priorité politique, alors se posait, au delà de la question du déficit d'information des citoyens, un problème de déficit démocratique. Celui-ci est sans doute lié à l'origine internationale du développement durable. Cependant, avec l'adoption de la Charte de l'environnement, le Parlement a fait entrer dans la Constitution les références du développement durable, telles qu'elles se sont forgées dans les enceintes internationales. La question de la conformité des politiques publiques aux principes du développement durable fait donc désormais partie du débat législatif. Dès lors, le développement durable entre dans le débat parlementaire. Comme dans d'autre pays, il faut donner sa place au Parlement dans l'élaboration et le contrôle de la politique de développement durable.

A cette fin, deux propositions sont faites par les rapporteurs.

· Au-delà des 45 indicateurs existants, l'avenir et l'évaluation régulière du développement durable constituent un enjeu politique. Un débat sur le caractère « durable » de l'action publique du Gouvernement devra être régulièrement organisé devant le Parlement.

· Plus concrètement, lorsqu'il présente un projet de loi au Parlement, le Gouvernement devra exposer l'impact des mesures proposées sur la durabilité du développement.

Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs.

M. Patrick Lemasle s'est inquiété des conséquences sur le ministère de l'écologie et du développement durable du transfert proposé de la délégation interministérielle au développement durable sous l'autorité directe du Premier ministre ; amputé de cette compétence, quel champ d'action restera-t-il à ce ministère ?

Il a ensuite demandé si une fusion entre la délégation interministérielle au développement durable et la DATAR ne risquait pas d'être préjudiciable au développement durable.

M. Emile Blessig, rapporteur, a répondu que l'environnement était un pan de l'action publique. Le ministère chargé de l'environnement est le ministère spécialisé dans la gestion de ce domaine. En revanche, le développement durable repose bien sur trois piliers, économique, social et environnemental ; il a de ce fait un caractère interministériel, et relève donc de l'action globale du Gouvernement.

Si le développement durable est une priorité de l'action gouvernementale, il est souhaitable, pour la cohérence de son action, que la délégation interministérielle au développement durable soit placée sous l'autorité du Premier ministre.

La mise en place d'une politique d'aménagement du territoire a été l'une des innovations des années 1960. Aujourd'hui, les problématiques du développement durable tendent à l'emporter : les politiques d'aménagement du territoire doivent donc acquérir un caractère « durable ». Ce n'est pas l'ensemble de la politique de développement durable qu'il est proposé de confier à la DATAR, mais seulement sa mise en œuvre au sein des territoires : les rapporteurs souhaitent que les acteurs locaux n'aient qu'un seul interlocuteur de l'Etat pour la mise en œuvre de sa politique d'aménagement du territoire.

Approuvant ces propos, M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a ajouté que la promotion du développement durable devait être globale : le développement durable, c'est la synthèse de trois piliers, et d'une démarche de gouvernance. Confier le développement durable au ministère de l'écologie et du développement durable, c'est mettre l'accent sur l'environnement. Pour les rapporteurs, il s'agit d'un risque majeur. En effet, l'analyse des 45 indicateurs le montre, les indicateurs les plus significatifs, indice de développement humain, espérance de vie sans incapacité, mortalité évitable, indices d'exclusion (taux de chômage de longue durée et proportion d'enfants élevés dans des familles pauvres) ne concernent pas d'abord l'environnement, mais bien le pilier économique et le pilier social.

Se félicitant du travail présenté, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s'est déclarée d'accord pour souligner que la formule avait pris le pas sur le concept. A galvauder la notion de développement durable, on en vide le sens, alors qu'il s'agit d'un enjeu vital.

Elle a ensuite exposé que, eu égard au caractère transversal du développement durable, la proposition de rattacher directement au Premier ministre le délégué interministériel au développement durable ne suscitait pas d'objection de sa part.

Exposant ensuite que les collectivités locales n'avaient pas forcément conscience qu'elles traitaient quotidiennement de développement durable, (en achetant ou non, pour les cantines scolaires, de la viande certifiée, par exemple), elle a demandé si la Délégation ne pouvait pas réfléchir à la mise en place d'outils, tels que des chartes de cohérence, qui replacent en permanence le développement durable à l'esprit des élus locaux, ou encore de dispositifs incitatifs qui permettent aux collectivités locales de conduire des démarches de développement durable en cohérence avec l'Etat.

M. Emile Blessig, rapporteur, a répondu que le développement d'outils de prise en charge du développement durable par les collectivités locales était en effet essentiel.

Il s'agit d'abord des instruments de mesure. L'absence de déclinaison régionale des indicateurs nationaux du développement durable est une grave lacune. En l'absence d'outil de référence pour définir les agendas 21, il y a autant de profils d'agendas 21 locaux que de collectivités locales qui déclarent s'en doter. Ce travail de cohérence est du ressort de l'Etat.

Des outils pour l'action sont également indispensables. Ils peuvent être élaborés par les collectivités elles-mêmes. Au cours des entretiens auxquels ils ont procédé, les rapporteurs ont pu prendre connaissance de tels outils. Ils ont jugé d'un très grand intérêt celui qu'a élaboré la région Rhône-Alpes. Afin de le diffuser, ils ont décidé d'insérer en annexe au rapport d'information les documents de méthode qui le constituent.

La question des dispositifs incitatifs rejoint les préoccupations exposées par la Délégation dans son précédent rapport d'information, sur les contrats de plan Etat-région. Les contrats de plan pourraient comporter des dispositions d'incitation à des politiques de développement durable. La Délégation pourrait conclure en ce sens. Le préalable est cependant que des instruments de mesure des politiques de développement durable soient mis en place.

Soulignant le caractère transversal du développement durable, M. Jean-Pierre Dufau a attiré l'attention sur le risque des approches fragmentées : elles peuvent amener à la mise en exergue d'actions sectorielles, brillamment présentées, d'entreprises ou de collectivités locales, qui s'en trouvent ainsi valorisées alors que leur action d'ensemble peut être très médiocre, voire peu flatteuse dans certains domaines.

M. Max Roustan, président, a insisté sur la nécessité pour les collectivités locales d'avoir à leur disposition des échelles de critères en référence auxquelles elles puissent construire leur action et la mesurer. Autrement, l'effort à faire pour insérer dans leurs politiques les préoccupations de développement durable est d'une ampleur décourageante.

M. Louis Giscard d'Estaing a fait observer que le traitement institutionnel du développement durable et de l'aménagement du territoire révélait une vraie difficulté, puisque ces domaines d'action, qui sont tous deux de nature interministérielle, sont alternativement rattachés, soit au même ministère, soit à des ministères différents. Mettant en avant leur nécessaire stabilisation institutionnelle, il a approuvé la proposition faite par les rapporteurs de les fusionner dans une même organisation interministérielle.

Rappelant ensuite qu'un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances avait prôné une fusion entre la DATAR et le commissariat général du Plan, il a suggéré que la fusion entre la délégation interministérielle au développement durable et la DATAR puisse aller jusqu'à intégrer au sein de cet ensemble le commissariat général du Plan, placé lui aussi sous l'autorité du Premier ministre. Les capacités de prospective territoriale de l'Etat seraient ainsi rationalisées.

M. Serge Poignant, approuvant le principe du transfert de la délégation interministérielle au développement durable sous l'autorité directe du Premier ministre, s'est néanmoins inquiété des difficultés qui pourraient naître de la réunion dans un même organisme de fonctionnaires de statut différent, qui ont jusqu'ici l'habitude de travailler séparément et de préparer sur un pied d'égalité, chacun pour sa structure, les projets à soumettre au comité interministériel du développement durable ou au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT).

M. Patrick Lemasle, tout en exposant son absence d'hostilité au rattachement de la délégation interministérielle au développement durable au Premier ministre, a fait observer qu'une délégation interministérielle n'avait pas la même force politique qu'un ministère et que le développement durable pourrait perdre de sa visibilité et de son caractère impératif en quittant le ministère de l'écologie et du développement durable.

Déplorant le trop grand morcellement de l'action administrative, M. Philippe Folliot a fait part de son accord pour étendre au commissariat général du Plan une fusion entre la DATAR et la délégation interministérielle au développement durable. Une action solide dans le domaine du développement durable suppose que l'Etat recentre ses moyens et affiche une forte volonté d'action.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a jugé que, si l'on voulait préserver la capacité de mobilisation que donne au développement durable son rattachement à un ministère, il conviendrait de le rattacher non pas au ministère chargé de l'environnement, solution qu'elle a jugé réductrice, mais au ministère en charge de l'aménagement du territoire, familier du traitement des questions transversales.

M. Emile Blessig, rapporteur, a souligné qu'il fallait bien distinguer l'élaboration des politiques de développement durable et leur mise en œuvre.

Si le développement durable est une des priorités du Gouvernement, alors sa transversalité impose que l'animation de son élaboration soit rattachée au Premier ministre. Sans impulsion répétée de celui-ci, le risque que la démarche s'effrite est réel.

La mise en œuvre du développement durable en revanche suppose un cadre simple, lisible et efficace. Or, l'actuel délégué interministériel au développement durable n'a en réalité aucun fonctionnaire placé sous ses ordres ; il ne fait qu'animer, dans le cadre du comité permanent des hauts fonctionnaires du développement durable, l'action de ces hauts fonctionnaires, nommés à ces fins dans chaque ministère. Alors que ses services devaient être d'abord constitué de la Mission interministérielle sur l'effet de serre (MIES) et de l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique (ONERC), la MIES vient d'être à nouveau dotée d'un président. Quant au ministère de l'écologie et du développement durable, il n'a ni les compétences ni le poids politique suffisant pour être chargé de la mise en œuvre des politiques de développement durable.

Au contraire, la DATAR est une institution installée, qui a une longue pratique de la mise en œuvre de politiques transversales dans les territoires.

En revanche, la DATAR n'a aucun titre à faire valoir pour que l'élaboration de la politique du développement durable lui soit confiée, d'où la nécessité d'une collaboration avec les organismes en charge de l'élaboration de cette politique.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a convenu que l'extension au commissariat général du Plan de la fusion de la délégation interministérielle au développement durable et de la DATAR, même si d'autres solutions pouvaient être recherchées, n'était pas incohérente avec les propositions des rapporteurs et méritait l'engagement d'une réflexion.

Approuvant ce propos, M. Emile Blessig, rapporteur, a cependant fait valoir qu'une réflexion sur le statut du commissariat général du Plan s'insérait plutôt dans une réflexion sur l'organisation de l'Etat.

Il a alors ajouté que les rapporteurs regrettaient l'absence de rôle du Parlement dans l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de développement durable. Une stratégie de développement durable est un projet politique, ce n'est pas un catalogue d'actions. Le Parlement doit donc se saisir du développement durable dans sa globalité. Les réflexions politiques actuelles laissent de côté des pans entiers de cette problématique : par exemple, la réflexion sur le développement durable en milieu urbain pourrait être développée.

M. Emile Blessig a alors proposé qu'une nouvelle proposition soit insérée dans les conclusions des rapporteurs.

· Les contrats de plan devront être utilisés comme outils incitatifs pour la déclinaison territoriale de la politique de développement durable.

Il a ensuite proposé à la Délégation de conclure également, en marge du champ d'investigation du rapport d'information, que :

· une réflexion pourra être menée sur l'intégration, dans le regroupement de la délégation interministérielle au développement durable et de la DATAR, du commissariat général du Plan.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, a approuvé ces propositions.

La Délégation a alors adopté, à l'unanimité, les conclusions présentées par les rapporteurs sur les instruments de la politique de développement durable.


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