DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 12

Mercredi 22 juin 2005
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président,
puis de M. Serge Poignant, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. Emile Blessig sur le traitement, le stockage et l'élimination des déchets sur le territoire

2

- Informations relatives à la Délégation

8

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu une communication de M. Emile Blessig sur le traitement, le stockage et l'élimination des déchets sur le territoire.

M. Emile Blessig, rapporteur, a rappelé les grands axes du rapport d'information (n° 1169) intitulé « Déchets, état d'urgence », qu'il avait présenté à la Délégation en octobre 2003. Ce rapport faisait apparaître que la gestion des déchets ménagers était bien un enjeu d'aménagement du territoire ; cette gestion est marquée par la persistance de pratiques de société qui conduisent à une hausse continue de la production de déchets ; le rapport dressait un bilan mitigé de la mise en œuvre de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement, et mettait en évidence la saturation à proche échéance des capacités de stockage et de traitement des déchets. Face à cette situation, trois propositions étaient faites : restaurer la confiance des citoyens, mettre en place des formes de financement incitatives et responsabiliser les acteurs de la filière de traitement des déchets.

La communication aujourd'hui faite par le rapporteur consiste en un point, au regard des propositions de ce rapport, de l'action de l'Etat, et plus particulièrement du ministère de l'écologie et du développement durable, où le rapporteur a rencontré notamment le directeur de la prévention des pollutions et des risques et le sous-directeur des produits et déchets.

M.  Emile Blessig a alors exposé que la loi du 13 juillet 1992 disposait qu'à échéance de 10 ans seuls seraient enfouis les déchets ultimes, les autres étant recyclés. On pouvait donc s'attendre à une importante loi sur les déchets, tenant compte des évolutions des dix dernières années. Il semble cependant que le ministère préfère désormais déployer une politique des déchets qui n'utilise la procédure législative que ponctuellement, pour les dispositions où il faut effectivement modifier la loi. Une consultation publique pour définir de nouvelles orientations est actuellement en cours sur internet ; les contributions, spontanées ou organisées, sont recueillies par voie électronique ou postale. On attend entre 50 et 100 réponses dites « structurées ». Des réunions seront ensuite organisées avec les industriels, les élus, les associations.

Ajoutant que le rapport d'information qu'il avait présenté soulignait les difficultés, pour la collecte et le traitement, dues aux partages de compétences entre des collectivités locales autonomes, et la confusion pour les citoyens qui en résultait, M. Emile Blessig a exposé que le ministère reconnaissait que la dichotomie entre une compétence d'élaboration qui est passée de l'Etat aux départements, et une compétence de mise en œuvre à la répartition peu claire était un point faible, dans la mesure notamment où la collectivité de planification n'a pas autorité sur les collectivités gestionnaires. Il admet aussi que cette organisation rend très complexe l'évaluation de la mise en œuvre des plans. Pour autant, il n'est pas envisagé de réorganiser par une loi le dispositif de compétences.

S'agissant de la gestion elle-même, on considère au ministère que la séparation des déchets ménagers et des déchets assimilés n'est pas tellement pertinente. Il pourrait être bienvenu de regrouper plus de tâches à l'échelon départemental. En revanche, il est souhaité que le traitement des déchets dangereux soit conservé au niveau régional, par cohérence avec l'existence de 14 centres seulement, et le fait que ce nombre soit suffisant.

La restauration de la confiance des citoyens, a poursuivi le rapporteur, reste une tâche à aborder. Aujourd'hui, les collectifs opposés à des projets d'implantation sont très bien organisés, avec des argumentaires souvent très détaillés. Il faudrait travailler très en amont des projets afin de développer une connaissance partagée de la problématique par un grand nombre de citoyens. La contribution à ce titre de scientifiques pourrait être très utile. En même temps, les communes d'implantation, et les territoires environnants, ont l'impression d'être laissés pour compte par les décisions relatives aux installations de traitement. Dans ces conditions, il est très difficile pour les équipes municipales élues d'accepter l'implantation d'un incinérateur : lorsqu'elles rendent compte de leur mandat, ces décisions sont souvent mises par les citoyens au débit de leur gestion. Par conséquent, le débat n'est plus technique mais est devenu politique au sens premier du terme. Par ailleurs, alors que le commissariat général du Plan avait dressé un état plutôt alarmant des capacités d'incinération et d'enfouissement, la situation n'a pas évolué depuis.

Le rapporteur a fait valoir que des pistes pourraient être explorées. Un texte législatif pourrait mettre en place un dispositif articulant de façon cohérente les normes d'intérêt général, de façon à pouvoir restaurer la confiance, et sortir du blocage. La composition des commissions locales d'information et de concertation (CLIC) devrait être revue et, comme le rapport d'information le proposait, elles devraient pouvoir nommer des experts indépendants. Enfin, il faudrait que les territoires qui acceptent de recevoir des centres d'incinération puissent en percevoir les retombées, à l'exemple des grands équipements industriels : en acceptant de tels équipements, ces territoires rendent bel et bien un service à la collectivité, puisque le lieu de traitement ou d'enfouissement des déchets n'est pas celui de production de ces derniers.

Devant ces propositions, le ministère reconnaît que les communes d'accueil, ou de transit, ne reçoivent pas la rémunération du service rendu. Une proposition de rémunération de 1 € par tonne qu'il a formulé est un chiffre de principe, qui ne reflète pas une position normative. M. Emile Blessig a alors fait valoir que l'évolution dans ce domaine devrait commencer par la substitution, à la notion de taxe, de celle de rémunération d'un service rendu. Ensuite, des éléments objectifs de calcul de la rémunération de ce service doivent être trouvés. Evaluer le prix du service à partir du coût du traitement si le centre d'incinération n'existait pas est une piste à explorer. En tout état de cause, il faudra trouver et mettre en œuvre des clés de calcul incitatives si l'on veut que des territoires acceptent des implantations, de plus en plus indispensables compte tenu de la saturation des installations actuelles.

Le ministère est aussi favorable au développement de procédures de concertation et de démocratie participative pour l'instruction des dossiers. Il rappelle qu'il a poussé au développement de la concertation au sein des CLIC. Il met aussi en oeuvre des politiques de partage de l'information. Il insiste auprès des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) pour que les projets d'implantation soient consultables sur leurs sites. Il envisage également de faire mettre sur ces sites les rapports de suite des inspections. Ces éléments sont tout à fait intéressants pour la restauration de la confiance. On l'a vu, il a aussi entrepris de recourir plus systématiquement à des outils de type internet pour mieux organiser la concertation ; les méthodes restent cependant à affiner. En revanche, le ministère considère que le contrôle lui-même ne relève pas de la démocratie participative, ce qui peut se comprendre.

M. Emile Blessig a ensuite rappelé que le coût de collecte et de traitement des déchets a été multiplié par deux en dix ans. Il n'y a pas d'éléments permettant de penser que cette pente de croissance a été cassée. Or la hausse des coûts est de plus en plus mal supportée par le citoyen, au point qu'elle pourrait donner lieu à de véritables ruptures.

Le ministère analyse ainsi la hausse des coûts. Trois facteurs y contribuent. Le premier est la hausse forte du coût de la collecte, liée notamment à la collecte sélective, qui implique plus de tournées. Le deuxième est la hausse du coût du traitement. La mise aux normes des centres techniques d'enfouissement a eu des coûts considérables. Il apparaît que cette hausse a eu pour cause non pas la mise en œuvre de normes plus sévères que celles de l'Union européenne, mais bien la résorption du retard français, qui était très grand. La France n'impose des normes plus sévères que l'Union européenne que dans de rares cas ponctuels, par exemple lorsque, dans une zone, la présence simultanée de plusieurs facteurs de rejets polluants sature la capacité admissible. En ce cas, un effort supplémentaire est demandé, mais il est partagé entre toutes les activités concernées. Le troisième facteur est un effet de présentation. La mise en place de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) au niveau des communautés d'agglomération aboutit à faire apparaître dans la TEOM la totalité du coût d'enlèvement et de traitement, alors qu'une partie de celui-ci était parfois intégrée dans les budgets communaux. Une des difficultés est que les trois facteurs de hausse surviennent en même temps, et parallèlement à la demande d'un effort supplémentaire de comportement des usagers, pour le tri.

Le Gouvernement, a poursuivi le rapporteur, avait réuni un groupe de travail composé notamment d'élus, pour améliorer le financement du traitement. Il a, dit-il, transcrit dans la loi les propositions législatives faites par ce groupe. Il s'agit de la création d'un état spécial annexé au budget général, qui permet une meilleure lisibilité des comptes ; de la possibilité de recourir à la procédure d'opposition à tiers détenteur pour le recouvrement de la TEOM ;  de l'institution de participations à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) fixées par copropriétés et enfin de la modulation de la TEOM en fonction du service rendu et du coût, de façon à remédier aux inégalités, parfois difficilement justifiables, découlant du calcul de la TEOM à partir de bases fiscales foncières hétérogènes.

M. Emile Blessig a cependant relevé qu'il manquait un volet d'actions concernant la responsabilisation du citoyen et susceptibles d'endiguer la hausse des coûts. Les mesures adoptées sont en effet sans influence sur la hausse des coûts. Or, il est demandé au citoyen de plus en plus d'efforts, alors qu'il peut constater que ces efforts n'ont aucune répercussion sur les coûts, qui continuent à progresser de façon linéaire.

Le rapporteur a ensuite exposé qu'on considérait au ministère que la prévention, c'est-à-dire la réduction préventive du volume des déchets, était un chantier qui impliquait l'engagement de tous les partenaires, et donc un travail de sensibilisation, notamment à l'écoconception. Deux opérations de sensibilisation ont été lancées par le ministre précédent, sur les courriers non adressés (qui représentent 40 kg par foyer et par an) et sur les sacs de caisses. Elles ont eu un impact psychologique fort. Cet impact s'est traduit notamment dans la proposition de loi adoptée par le Parlement des enfants. Des actions sont aussi étudiées pour une prise de conscience en matière d'emballage, de façon à dissuader les tentatives de faire du « suremballage » un critère d'achat. Pour le ministère, cette prise de conscience est primordiale ; sans elle la voie réglementaire n'est pas efficace.

On peut cependant s'interroger sur les limites de ces mesures. Le rapport d'information avait souligné la corrélation entre croissance économique et croissance du volume de déchets en France, contrairement à certains pays voisins. Au-delà d'actions ciblées, l'obtention d'une décorrélation suppose une réflexion globale sur la production et la gestion des déchets, et sur la place des acteurs institutionnels, notamment l'Etat. L'effort du ministère tend du reste simplement vers une stabilisation d'ici 2008, et non une diminution.

M. Emile Blessig a alors abordé la lutte contre les émissions. L'impression au ministère est que le scénario catastrophe envisagé il y a deux ans n'est pas en train de se produire. Le seul contre-exemple cité est l'obligation de mettre les incinérateurs aux normes européennes avant le 28 décembre 2005. La France est très en retard. Le nombre d'incinérateurs est passé de 300 à 130. Pour autant, il y a des incinérateurs qui devront être arrêtés, du moins provisoirement. Les déchets qu'ils traitent devront l'être ailleurs. Or, il est de plus en plus difficile d'implanter des incinérateurs ainsi que des centres techniques d'enfouissement. Par ailleurs, le ministère a mis en place un registre national des émissions polluantes. Une partie de ce registre concourt à un registre européen, qui ne recouvre qu'une partie de la nomenclature du registre français. Enfin, on essaie de monter une filière pour les véhicules hors d'usage.

Sur ce point, le rapporteur s'est une fois de plus interrogé sur la politique de multiplication des filières, qui prend acte des déchets produits, et met chaque fois des opérateurs spécialistes, bien organisés, très peu nombreux, et couvrant chacun à la fois l'ensemble des filières et le territoire national, face à des collectivités ou des établissements publics territorialisés et aux compétences limitées. D'autres voies pourraient sans doute être explorées.

Enfin, M. Emile Blessig a évoqué la situation du dispositif de contrôle. Le ministère considère que la situation du contrôle n'est pas satisfaisante : il rappelle que la Cour des comptes avait pointé dès avant l'affaire AZF les faiblesses des contrôles d'Etat. A la suite de l'épidémie de légionellose, il a été décidé de contrôler toutes les tours aéroréfrigérantes ; on croyait qu'il y en avait 6 000 à 7 000, on en a découvert 14 000. Du fait de la réduction de leur nombre, les incinérateurs les plus importants sont désormais visités une fois par an. Mais il faut aussi mieux contrôler les petits. De graves désordres récents sont provenus de tels petits incinérateurs.

Une réorganisation du contrôle est donc en cours. Elle est fondée sur trois actions. La première est l'augmentation des moyens. Le ministère insiste sur son caractère indispensable. La stratégie nationale de développement durable planifie une hausse de 400 postes de 2004 à 2007. Sur ces 400 postes, 150 ont été pourvus ; le ministère insiste pour que le plan aille à son terme et que l'ensemble des postes soient créés. La deuxième est la révision des listes d'installations classées : il n'est pas certain que toutes les installations aujourd'hui classées méritent ce classement, et la mobilisation de moyens administratifs qu'il implique. Inversement, il faut pouvoir bien suivre toutes les installations effectivement classées. La troisième est la mise en place d'un contrôle technique par des organismes indépendants agréés. La création d'un tel dispositif, déjà opératoire pour les tours aéroréfrigérantes, permettra à l'exploitant de suivre régulièrement la situation de son installation et d'y remédier, hors de toute intervention de la puissance publique. Les inspections seront aussi facilitées : lors de la visite des inspecteurs, l'exploitant pourra leur remettre les rapports de contrôle de l'organisme agréé. Pour autant, l'action de l'inspection, pour la définition des cadres, la validation des cahiers des charges, le contrôle final des installations, reste indispensable, ainsi que son renforcement à ces fins.

Le rapporteur a jugé intéressante cette réforme du contrôle : en effet, de la qualité du système de contrôle dépend la confiance du citoyen, et donc la possibilité de sortir de la situation actuelle de blocage et de saturation des capacités de traitement.

Remerciant le rapporteur, M. Jean Launay a considéré que la communication présentée faisait bien apparaître les difficultés non seulement de l'Etat mais aussi des collectivités en matière de gestion des déchets ainsi que la difficulté de choisir entre légiférer et adapter les modalités de l'action.

Il a ensuite insisté sur les différences de situations entre collectivités en fonction de leur taille, et jugé que l'évolution de ces situations dépendait de l'action effectivement menée par elles, sur leur territoire. Il a relaté l'expérience du département du Lot. Celui-ci comprend 160 000 habitants, soit l'équivalent de la population d'une grande ville, mais avec des densités et des distances très différentes. Le conseil général a impulsé la création d'un syndicat départemental d'élimination des déchets. Celui-ci fédère l'ensemble des syndicats organisant les collectes primaires. De ce fait, il a pu développer une politique d'ensemble des déchets. Ainsi, il a développé la collecte sélective et aussi son traitement. Il a ouvert trois centres de tri, ainsi qu'une déchetterie par canton. Sa position fait enfin de lui le point d'entrée et l'interlocuteur incontournable pour le lancement de toute filière spécialisée.

M. Jean Launay a ensuite exposé qu'il fallait qu'une politique de responsabilité citoyenne soit mise en place. Sa première manifestation pourrait concerner la dénomination de la taxe. Les termes de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) imprègnent dans l'esprit du public l'idée que le service mis en place se limite à un service d'enlèvement. Or, l'essentiel du service rémunéré par la TEOM concerne bien le traitement ; et c'est bien le traitement qui justifie le développement de la collecte sélective.

Dans cette même idée d'une politique d'ensemble et d'une responsabilité citoyenne, le département du Lot a distribué des composteurs individuels dans les foyers. Les déchets compostables représentent un poids important. La distribution des composteurs et la généralisation de leur usage, possible dans le Lot du fait de la configuration rurale du département, permettent la diminution du poids des déchets à traiter, et sont donc sources d'économies dans le traitement.

M. Jean Launay a ensuite exposé qu'il partageait plutôt le pragmatisme du ministère. L'élaboration de plans d'élimination des déchets lisibles et fonctionnels suppose, avant tout, des négociations poussées entre collectivités, et beaucoup de travail. Là où cela est fait, la progression est perceptible.

Il a ensuite souhaité que, pour des raisons d'adhésion citoyenne, la plus grande transparence possible soit instaurée sur les filières. S'agissant des sacs de caisse, il a signalé que M. Christophe Caresche et les membres du groupe socialiste préparaient une proposition de loi instituant une redevance sur ces sacs. Enfin, il a demandé des précisions sur la notion de « réponse structurée » et souhaité savoir si l'impact de la hausse des coûts du tri sélectif n'était pas de nature à mettre en cause cette réforme.

M. Emile Blessig, rapporteur, a répondu que le ministère entendait par « réponses structurées » celles qui ne relevaient pas seulement de mouvements d'humeur des internautes, mais s'attachaient à répondre à un questionnaire qui est complexe. Le nombre limité de réponses ainsi attendues, ainsi que leur origine, nombre d'entre elles émanant de groupes d'intérêts organisés, montrent les limites de ce type de démarche pour la restauration de la confiance du citoyen. D'autres méthodes devront sans doute être développées.

Le ministère n'a pas fourni de chiffres précis concernant le coût du tri sélectif. En tout état de cause, les conditions actuelles de développement de cette action ne responsabiliseront pas le citoyen puisque celui-ci voit le coût de traitement et le montant de la taxe continuer à s'envoler parallèlement à l'accroissement de son effort, et ce alors même que, facile à pratiquer en milieu rural, le tri sélectif est beaucoup plus exigeant pour le citoyen en milieu urbain dense.

Enfin, la multiplication des filières ne saurait être considérée comme la mise en œuvre d'une approche globale.

M. Jean-Pierre Dufau a exposé que le traitement des déchets avait constamment été appréhendé sous le double aspect d'un problème technique relevant d'une compétence des élus. Ceux-ci se sont donc attachés à trouver les meilleures solutions techniques pour rendre le service demandé par les usagers, appréhendés comme des clients. Le prix du service a été la simple résultante de cette démarche. On a ainsi manqué la dimension politique du débat, et un fossé s'est progressivement créé entre la réalité des tâches de traitement commandées et accomplies, et la perception du dossier par le citoyen. Le citoyen n'est informé, consulté ou associé que sur les projets sectoriels d'action, comme le tri sélectif. En aucun cas il n'est saisi de la problématique et des projets de réponse d'ensemble.

Il faut au contraire développer, avec les citoyens, des réflexions globales qui déclinent l'ensemble des phases, depuis la production des déchets jusqu'au traitement final ; le prix doit être le résultat de la formulation citoyenne de la politique d'ensemble. Doivent nécessairement faire partie de cette réflexion à la fois la question des normes, dont les principes de fixation échappent au citoyen, et celle de la production des déchets : si les déchets sont un marché, la conséquence est que la croissance du volume des déchets est bonne pour le marché.

Dans ces perspectives, il n'est pas certain qu'il faille redéfinir de grandes orientations par une loi. Une politique pragmatique, où la loi a sa place, est sans doute adaptée.

M. Serge Poignant, président, a considéré que ce qui manquait le plus dans ce domaine était sans doute la volonté. Si loi il doit y avoir, c'est pour fixer une volonté forte.

Il faut aussi que les solutions techniques proposées laissent ouvertes des déclinaisons par territoires. Ainsi, dans les grandes villes, où les densités sont fortes, l'incinération avec valorisation énergétique est une solution de qualité. Dans le monde rural, la faible densité, l'éloignement des centres et les besoins supplémentaires en transport grèvent les performances de cette solution.

Les expériences conduites par les territoires, intercommunalités ou regroupement d'intercommunalités, doivent également être encouragées. Des évolutions de la fiscalité sont nécessaires. A l'heure actuelle, l'hétérogénéité des bases fiscales, qui sont des bases foncières, aboutit à ce que le lissage des taxes crée des incohérences. Pour y remédier, des dispositifs combinant taxe et redevance seraient sans doute souhaitables.

Enfin, la réflexion doit se faire de façon globalisée, et non par filières.

M. Jérôme Bignon a souligné que les progrès considérables faits en matière d'enlèvement et de traitement des ordures ménagères contrastaient avec la faiblesse de l'action menée sur la production à la source des déchets.

Cette insuffisance est cause à la fois de pollution et de coûts, ceux-ci dépassant le seul coût de traitement des déchets. Aujourd'hui, le citoyen doit payer deux fois l'emballage de son produit : une fois pour acheter le produit qu'il contient, une deuxième fois pour le détruire. Une action de sensibilisation des citoyens, faisant apparaître les gains qui pourraient résulter d'une diminution des déchets, pourrait avoir d'excellents résultats : les citoyens sont conscients de ce lien entre augmentation des déchets et hausse des coûts ; le succès de la mobilisation sur le sac de caisse est d'abord la concrétisation de la certitude qu'il y a trop d'emballages, trop de déchets.

Le seul moyen de mettre fin à la hausse continue du coût de traitement des déchets, c'est de produire moins de déchets. Autrement, le volume des déchets et leurs coûts de traitement vont augmenter inexorablement. S'inscrire dans la logique du développement durable, c'est agir à la source, pour produire moins d'emballages, et plus de produits recyclables.

M. Jérôme Bignon a ensuite exposé que, sur la réforme du contrôle des installations classées, le besoin en moyens publics était en réalité la résultante des deux autres points de la réforme, la révision des listes et le recours par les exploitants aux professionnels du contrôle.

M. Philippe Folliot a insisté sur le nécessaire travail pédagogique à entreprendre. L'exemple des Etats-Unis montre que la production de déchets en Europe a encore des marges de croissance : dans les conditions actuelles, un doublement du volume des déchets par habitant à échéance de 15 ans est possible.

L'action en matière de traitement des déchets doit d'abord être pragmatique : une loi qui se voudrait fondatrice pourrait, tout en poursuivant des objectifs louables, proposer des solutions inadéquates pour l'action à conduire sur le terrain. Celle-ci doit être territorialisée : une zone de montagne qui, plutôt que de trouver une solution de proximité, adhère à un grand syndicat de traitement, peut générer une circulation quotidienne de ses déchets sur près de 100 km par la route, avec l'impact à la fois sur l'environnement, le réseau routier et le coût du traitement que cela comporte.

M. Emile Blessig, rapporteur, s'est réjoui des points de convergence que la présente réunion permettait de faire apparaître : nécessité d'une réflexion globale, urgence d'une action à la source : ainsi, les fonds dégagés pour le traitement des emballages pourraient être tout aussi utiles s'ils étaient consacrés à leur réduction. Si deux options se font jour concernant le recours à la loi, les éléments de la présente réunion permettront d'enrichir les débats législatifs, que ceux-ci portent sur une loi d'organisation du traitement des déchets, ou sur les volets législatifs ponctuels d'une politique plus pragmatique.

*

Informations relatives à la Délégation

La Délégation a nommé :

le Président Emile Blessig rapporteur d'information sur le suivi des travaux et propositions de la Délégation sur l'internet haut débit, la gestion de l'eau, le traitement des déchets et les contrats de plan Etat-régions ;

M. Jean Launay et Mme Henriette Martinez rapporteurs d'information sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires.


© Assemblée nationale