DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 13

Mardi 5 juillet 2005
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information sur le suivi des propositions de la Délégation sur l'internet haut débit, la gestion de l'eau, le traitement des déchets et les contrats de plan Etat-régions (M. Emile Blessig, rapporteur)

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport du Président Emile Blessig sur le suivi des propositions de la Délégation sur l'internet haut débit, la gestion de l'eau, le traitement des déchets et les contrats de plan Etat-régions.

Le Président Emile Blessig a exposé que, depuis le début de la législature, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire s'était attachée à aborder l'ensemble de ses domaines de compétence. Au cours des précédentes sessions, elle a élaboré des rapports d'information, assortis de propositions, sur le développement de la téléphonie mobile et de l'internet haut débit sur le territoire (rapport d'information n° 443), sur la modernisation de la gestion de l'eau (n° 1170), sur le stockage, le traitement et l'élimination des déchets (n° 1169), sur la désindustrialisation du territoire (n° 1625), sur les conséquences de la réforme des fonds structurels (n° 701). Durant la session 2004-2005, la Délégation a élaboré deux rapports d'information, sur la réforme des contrats de plan Etat-régions (n° 1836) et sur les instruments du développement durable (n° 2248).

A mi-législature, la Délégation a souhaité se préoccuper de l'évolution des dossiers qu'elle a traités et du sort des propositions qu'elle a faites. Elle prend ainsi sa part dans le développement par l'Assemblée nationale de ses missions de contrôle et de suivi. Il s'agit aussi pour elle d'affirmer sa fonction d'organe parlementaire de dialogue et d'échange, qu'elle exerce à travers les audiences de ses rapporteurs, ses auditions plénières, dont les comptes rendus sont publiés, et enfin, à partir des éléments ainsi recueillis, les propositions de solutions de la part de ses rapporteurs et de ses membres. A travers ses travaux de suivi, la Délégation peut ainsi faire vivre le dialogue sur les domaines de ses compétences et développer, remanier, faire avancer les propositions qu'elle formule.

Au cours de la session ordinaire de 2004-2005, la Délégation est ainsi revenue sur quatre dossiers, l'équipement des territoires en internet haut débit, la gestion de l'eau, le traitement des déchets et les contrats de plan Etat-régions. Lors de sa réunion du mercredi 22 juin 2005, elle a décidé de confier à son président, ès qualités, un rapport d'information présentant ces travaux de suivi.

Le Président Emile Blessig a alors présenté les travaux de suivi relatifs au déploiement de l'internet haut débit. La Délégation est tout à fait préoccupée par le risque d'une « fracture numérique », entre des territoires disposant de l'accès au haut débit, et d'autres qui en seraient durablement privés. Elle surveille donc avec attention l'évolution de cette « fracture », et elle est particulièrement attentive à ce que la politique gouvernementale veille à la réduire et à prendre en compte les difficultés des territoires enclavés. C'est à cette fin qu'elle a entendu, le 27 octobre 2004, M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), aujourd'hui devenue Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

L'exposé du président de l'ART a fait apparaître une très forte évolution de la géographie de l'accès au haut débit, d'ici 2007, sous l'effet de trois facteurs. Il s'agit d'abord de l'apparition de nouvelles technologies. Le RE-ADSL permet d'accroître le rayon de diffusion de l'ADSL haut débit autour des centraux téléphoniques. La technologie hertzienne WiMax permet de couvrir les zones les plus éloignées des centraux répartiteurs ; à la date de l'audition de son président, l'ART avait déjà entrepris de dégager des fréquences pour les liaisons WiMax, à attribuer dès 2005. Il s'agit ensuite des conditions juridiques, avec l'entrée en vigueur de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui donne désormais compétence à celles-ci, dans certaines conditions, pour construire des réseaux de transmission à haut débit. Il apparaît que, convenablement utilisé, cet article est d'une grande utilité pour prévenir ou réduire la « fracture numérique ». Soit les collectivités développent effectivement des réseaux, soit, devant cette concurrence naissante, les opérateurs, et notamment France-Télécom, accélèrent leur calendrier d'équipement et modifient leur politique tarifaire. La politique des opérateurs, et notamment de France-Télécom, est le troisième facteur. L'opérateur historique a déclaré en effet vouloir, avant la fin de l'année 2006, accroître le nombre de ses centraux répartiteurs et équiper l'ensemble de ceux-ci pour le haut débit ; les motivations de l'opérateur sont sans doute à la fois, comme l'a exposé le président de l'ART, des raisons de cohérence de son offre et de lutte contre la concurrence. Au bout du compte, M. Paul Champsaur a exposé que 95 % à 98 % de la population et 95 % du territoire bâti pourraient avoir accès au haut débit à la fin de l'année 2006.

Eu égard à l'ampleur des bouleversements ainsi décrits et à la rapidité des évolutions qu'ils induisent, la Délégation a alors considéré que la création d'une mission d'information destinée à caractériser l'évolution de la « fracture numérique » et à proposer des solutions pour sa réduction ne se justifierait, le cas échéant, qu'une fois la situation nouvelle stabilisée. Les comptes rendus d'auditions d'une mission d'information conduite par la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire du Sénat permettent de vérifier que le déploiement du haut débit se poursuit conformément aux descriptions faites par le président de l'ART lors de son audition du 27 octobre 2004.

La Délégation entend bien cependant suivre ce dossier. Dès qu'un premier bilan de la politique d'appui financier de l'Etat aux collectivités les plus menacées par la « fracture numérique », notamment à travers le fonds de soutien au déploiement du haut débit, mis en place l'an dernier, pourra être établi, elle ne manquera pas de se le faire présenter. De même, elle continuera à suivre de près l'évolution des conditions du déploiement du haut débit, à travers des auditions du président de l'ARCEP.

Le Président Emile Blessig a ensuite présenté les travaux de suivi relatifs à la gestion de l'eau. Dans son rapport sur la modernisation de la gestion de l'eau, en octobre 2003, M. Jean Launay avait présenté des propositions sur le pilotage et le financement de la politique de l'eau, et notamment sur le rôle des départements et des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Le Gouvernement ayant défendu devant le Sénat le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, la Délégation a confié une communication à M. Jean Launay sur la prise en compte par ce projet de loi des propositions formulées en octobre 2003. Dans cette communication, présentée lors de la réunion du mercredi 11 mai 2005, M. Jean Launay analyse au regard de ces propositions le dispositif proposé par le projet de loi après sa première lecture par le Sénat. Ce dispositif, qui comporte une présence accrue des élus dans les comités de bassin, et l'inscription dans la loi du système de redevances, lui est apparu être fonctionnel et aller dans le bon sens. Le rapporteur note aussi avec satisfaction la reconnaissance accrue du rôle des départements et des EPTB. M. Jean Launay souligne cependant que le projet de loi ne comporte aucune garantie sur le financement de l'amélioration de la desserte en eau et de sa qualité. Il s'inquiète des charges qui pourront échoir aux départements du fait de la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Il souhaite l'affectation au profit des départements, pour leur politique de l'eau, de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés.

Lors de cette réunion, une intervention de M. Max Roustan a amené également la Délégation à débattre des plans de prévention des risques d'inondations (PPRI). Ceux-ci paraissent parfois comporter des contraintes et des restrictions disproportionnées par rapport aux risques. M. Max Roustan a indiqué que lui-même et plusieurs de ses collègues allaient proposer des dispositions législatives afin de restaurer cette proportionnalité, sous la forme d'une proposition de loi déjà déposée sous le numéro 2189 et par des amendements au projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, lorsqu'il viendra en discussion. En réponse, M. Jean Launay a fait part des solutions adoptées dans son département, qui ont permis aux collectivités territoriales et aux établissements publics territoriaux de bassin de retrouver une capacité de proposition et de négociation avec l'Etat pour la prévention des inondations.

Au bout du compte, il apparaît que ce travail de suivi sur l'eau pourra, par les débats dont il a été le cadre, et les orientations et solutions qui y ont été formulées, nourrir avec profit le débat législatif, lorsqu'il aura lieu, qu'il s'agisse du pilotage et du financement de la politique de l'eau ou de la prévention des inondations.

Le Président Emile Blessig a ensuite rappelé que le Premier ministre avait lancé, le 1er mars 2004, une consultation sur la réforme des contrats de plan Etat-régions. Dans ce cadre, la Délégation avait chargé MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay de préparer un rapport, dont elle a adopté les conclusions le mardi 12 octobre 2004 (rapport n° 1836). Ces deux rapporteurs, l'un rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire à la commission des finances, l'autre rapporteur pour avis de ces crédits à la commission des affaires économiques, ont abouti aux conclusions suivantes. Pour eux, il faut que la réforme préserve le caractère global des contrats de plan : elle doit ensuite les recentrer sur un petit nombre de politiques structurantes ; il faut améliorer leur gestion financière, par l'instauration d'une fongibilité des crédits et l'élaboration d'un outil informatique adapté ; la péréquation qui y serait insérée doit être qualitative ; enfin il faut aller vers des contrats de neuf ans, avec une clause de réaménagement tous les trois ans. La Délégation a fait siennes ces propositions.

Le processus s'est poursuivi, et, en mars 2005 une synthèse des propositions des dix instances sollicitées, effectuée par deux inspecteurs généraux, des finances et de l'administration, a été remise au Premier ministre.

La Délégation a, là encore, souhaité rester saisie du dossier. Elle a donc chargé les auteurs du rapport d'analyser les propositions ainsi faites au regard de leurs propres propositions. Les rapporteurs, dans une communication faite devant la Délégation le 1er juin 2005, ont pu constater une large convergence des propositions des inspecteurs généraux et de celles de la Délégation. Les inspecteurs généraux proposent eux aussi de conserver aux contrats de plan leur caractère global, et de les resserrer autour de politiques structurantes. Ils fournissent même des orientations pour la détermination de ces politiques, ainsi que pour concilier capacité d'orientation de l'Etat et initiative régionale, dans le respect de l'autonomie des collectivités locales. Ils reprennent les propositions des rapporteurs sur l'élaboration d'un outil de gestion informatique. Enfin, ils se prononcent pour des contrats d'une durée longue En revanche, les inspecteurs généraux considèrent que rendre fongibles les crédits ne serait pas conforme aux règles de présentation du projet de loi de finances au Parlement ; ils proposent cependant d'autres mesures pour pallier les conséquences de cette non fongibilité. Ils ont aussi proposé de fixer à sept ans, et non neuf, avec révision à mi-parcours, la durée des contrats de plan. Les rapporteurs ont cependant considéré que les divergences étaient suffisamment limitées, par rapport à l'ensemble des points consensuels, pour que le dispositif retenu puisse faire l'objet d'un accord global de la Délégation ; c'est cette position qu'ils ont finalement adoptée.

Le président Emile Blessig a enfin exposé qu'il avait lui-même présenté, le mercredi 22 juin 2005, une communication sur le devenir des propositions qu'il avait formulées en octobre 2003 dans son rapport sur la gestion des déchets ménagers. Le rapport mettait notamment en évidence la hausse continue de la production des déchets et la saturation à proche échéance des capacités de stockage et de traitement des déchets. Face à cette situation, trois propositions étaient faites : restaurer la confiance des citoyens, qui est indispensable pour permettre l'implantation de nouvelles installations de traitement, mettre en place des formes de financement incitatives pour les communes d'implantation et responsabiliser les acteurs de la filière de traitement des déchets, de façon notamment à diminuer la production du volume des déchets.

Il ressort des entretiens qu'il a conduits que le Gouvernement va sans doute renoncer à une grande loi sur les déchets, au profit d'actions plus ciblées. En effet, s'il est conscient des difficultés posées par l'organisation actuelle de la collecte et du traitement des déchets, il ne voit guère de possibilité d'y introduire des bouleversements majeurs. Le ministère de l'écologie et du développement durable est par ailleurs favorable au développement de la concertation et de l'information, indispensables à la confiance. Il fait des efforts en ce sens. Il n'est pas opposé non plus à l'instauration de redevances pour service rendu en faveur des communes d'implantation des incinérateurs ou des centres techniques d'enfouissement. Il ressort aussi de ces entretiens que la hausse des coûts n'est pas due à l'application des normes plus sévères que celle de l'Union européenne : la France était très en retard, et la mise aux normes a coûté cher. S'agissant de la responsabilisation des acteurs, le ministère a engagé des actions sur le courrier non adressé et les sacs de caisse. Pour le rapporteur, il ne s'agit là cependant que d'actions limitées par rapport à une politique de diminution de la production des déchets, seule de nature à permettre une réduction durable des coûts, qui reste à définir et à mettre en oeuvre. Enfin, le rapporteur a présenté les divers volets de la réforme du contrôle des installations classées, essentielle et attendue depuis longtemps.

Cette présentation a aussi fait apparaître des points de convergence entre les membres de la Délégation. Ceux-ci s'accordent sur la nécessité d'une réflexion globale sur la production, le traitement et l'élimination des déchets, ainsi que sur l'urgence d'une action à la source sur la production des déchets : ainsi les fonds dégagés pour le traitement des emballages pourraient être tout aussi utiles s'ils étaient consacrés à leur réduction. Ils mettent enfin en évidence la nécessaire primauté du terrain pour la mise en place de solutions, le caractère performant ou non des modèles envisagés dépendant en réalité des conditions de fait des territoires.

En conclusion, le Président Emile Blessig a fait part de sa conviction que, par ces travaux, la Délégation a accompli un travail de suivi qui pourra être reconnu comme solide et utile pour faire progresser l'information de l'Assemblée nationale, conformément à la mission qui lui est impartie par l'article 6 sexies de l'ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

M. Jean Launay a insisté sur le caractère indispensable du travail de suivi ainsi effectué par la Délégation, que les questions traitées relèvent d'aménagement du territoire ou de développement durable, et souligné la nécessité de le faire connaître.

Il a ensuite observé que les travaux présentés établissaient souvent des constats difficiles pour les territoires défavorisés par leur faible densité de population ou leur relief, et faisaient apparaître le handicap supplémentaire que constituent pour eux les ressources limitées qu'ils peuvent dégager pour tenter de surmonter ces caractéristiques. La question des ressources, et notamment des ressources pérennes, pour le rééquilibrage des territoires est ainsi systématiquement présente.

Le Président Emile Blessig a répondu que la Délégation pouvait en effet aborder les questions de sa compétence sous les aspects des priorités d'aménagement du territoire, des moyens disponibles pour le développement des territoires, et enfin de l'équité entre les territoires, et donc de la péréquation.

Rappelant alors que la démarche traditionnelle d'aménagement du territoire consiste bien, pour les territoires en difficulté, à partir d'un diagnostic, à déterminer les mesures nécessaires pour remédier aux difficultés ou aux déséquilibres constatés, puis à en rechercher les moyens, il a observé que la recherche de ces moyens et capacités se heurtait régulièrement non seulement à la faiblesse des moyens financiers disponibles sur le territoire, mais aussi parfois à ses limites en termes de capacités humaines d'action et d'ingénierie territoriale.

Il a ensuite exposé que cette constatation pouvait conduire, à un horizon relativement court, à préférer aux démarches traditionnelles d'aménagement du territoire une démarche de développement durable, et qu'une telle évolution pourrait, le cas échéant, sans qu'il soit possible de conclure aujourd'hui, amener à réorganiser, voire inverser, certaines priorités d'intervention.

M. Jean Launay a répondu que cette inversion de l'approche n'offrait cependant pas forcément d'éléments susceptibles de remédier à la double pénalisation des territoires à la situation géographique difficile. Lorsque des échéanciers nationaux sont formulés, par exemple pour l'assainissement des eaux, ou les normes de traitement des déchets, les collectivités réussissent à rester en cohérence avec ceux-ci, mais seulement au prix d'un effort financier spécifique, qui peut être très important, induit par le relief difficile et la faible densité des populations. La conséquence en est l'application, sur des bases de ressources fiscales en général limitées, de taux d'imposition plus élevés que dans des territoires plus favorisés.

Lorsqu'il s'agit, sous la pression des populations, formulée au nom de l'équité, de mettre à niveau le service offert, comme dans le cas de l'internet haut débit, ces mêmes territoires, handicapés par leurs conditions géographiques et leurs ressources limitées, se trouvent parfois devoir financer très cher ce qui au même moment est mis à la disposition des habitants des zones plus denses à des tarifs beaucoup plus bas, du fait du recours à des technologies innovantes qui ne leur sont pas encore offertes.

Le Président Emile Blessig a conclu que la situation ainsi décrite rendait encore plus indispensable l'élaboration d'un dispositif sûr et détaillé d'indicateurs du développement des territoires, demandé par la Délégation, seul de nature à permettre de moduler avec efficacité et équité l'appui à l'équipement des territoires.

La Délégation a alors décidé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information sur le suivi des propositions de la Délégation sur l'internet haut débit, la gestion de l'eau, le traitement des déchets et les contrats de plan Etat-régions.


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