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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 8

Mardi 30 mai 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'action culturelle en faveur des territoires.

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- Information relative à la Délégation.

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'action culturelle en faveur des territoires.

Le président Emile Blessig a exposé que l'audition par la Délégation du ministre de la culture et de la communication venait en conclusion d'un cycle de travaux sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires, qui allait prochainement donner lieu au dépôt d'un rapport d'information. Il a demandé quel était désormais, après l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui décentralise l'action culturelle, le positionnement du ministère de la culture et de la communication pour l'animation et le développement de la vie culturelle des territoires. Le ministère considère-t-il qu'il a une responsabilité dans le maillage culturel du territoire ? Envisage-t-il de développer une action de mise en cohérence de l'action désormais confiée aux départements ? Envisage-t-il aussi, notamment en matière de patrimoine, de développer plus et mieux qu'aujourd'hui les actions contractuelles, soit à travers les contrats de projet-Etat-région, et notamment leurs volets territoriaux, soit à travers des conventionnements spécifiques ?

M.  Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, s'est déclaré honoré et heureux de clôturer le cycle de réflexion de la Délégation sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires. Quand on s'intéresse à l'aménagement et au développement du territoire, on ne pense pas d'emblée à la culture ; on évoque plutôt les infrastructures, l'économie, l'industrie. En mettant la culture au coeur de sa réflexion, la Délégation a ouvert deux chantiers particulièrement importants ; l'action culturelle comme levier de développement des territoires est au coeur de l'action actuelle du ministère en faveur de l'attractivité de la France ; ensuite, le développement culturel des territoires et leur couverture numérique, thème cher à la Délégation, sont aussi deux enjeux qui vont de pair : ils sont au coeur d'une stratégie non seulement culturelle, mais aussi économique, sociale, politique, pour la France et l'ensemble de ses territoires.

Le ministre de la culture et de la communication a ensuite exposé que l'action culturelle diffuse était le poumon des politiques culturelles. L'action culturelle diffuse est celle qui est conduite spontanément dans les territoires par leurs habitants, en général dans un cadre associatif ou par des collectivités locales de petite taille. Elle peut paraître éloignée des grandes institutions nationales à réputation internationale, grands musées, scènes, monuments, festivals, bibliothèques, qui s'identifient trop souvent à la politique culturelle de l'État. Pourtant, on est sans doute là au coeur de la question de la pertinence des politiques culturelles, qu'elles soient nationales, territoriales, ou encore issues des initiatives de la société civile.

En effet, la vitalité de la politique culturelle n'est pas seulement le fait des grandes institutions. Élus locaux, acteurs et observateurs de la politique culturelle ont tous constaté le développement exponentiel de l'activité des associations culturelles, et aussi des enseignements de la danse, de la musique, du théâtre, sur l'ensemble du territoire. Ces développements s'appuient sur un mouvement très profond d'amateurs qui, depuis le milieu des années 1980, irrigue la vie des institutions locales, notamment dans les communes les plus petites, et constitue les nouveaux publics de la culture, plus éclairés, plus exigeants, plus impliqués, plus actifs, qui deviennent partenaires à part entière de la vie culturelle. Ils deviennent aussi les relais des politiques culturelles nationales, régionales, départementales et communales. Et ils sont les vecteurs de l'animation culturelle, du développement de l'éducation artistique, de la diffusion de nouvelles créations.

Ainsi, au premier abord, les musées de France sont constitués par quelques institutions phares. Pour autant, il faut constater une importance très réelle des musées ruraux, des musées des petites communes. Un musée sur quatre est situé dans une zone rurale ou dans une unité urbaine de moins de 5 000 habitants. Le développement des musées de société et des écomusées dans les années 1970 a contribué à cette situation. Ces musées rassemblent 14 % de la fréquentation totale ; leur fréquentation moyenne est plus élevée que celle des musées situés dans les villes de moins de 50 000 habitants. Le développement culturel en France est donc très largement dépendant des équipements répartis sur l'ensemble des territoires. Le dynamisme qui entoure ces équipements doit beaucoup à l'engagement des élus et de la population. Il est le fruit d'une participation forte des habitants, du bénévolat. Il faut ainsi rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, en consacrant leur temps sans compter à ces établissements culturels, animent la vitalité culturelle des territoires.

Les écoles municipales jouent aussi un rôle considérable pour l'enracinement durable de la culture. Ainsi, les 3 700 écoles de musique, de danse et d'art dramatique publiques, c'est-à-dire soit municipales, soit associatives avec financement public, accueillaient 870 000 élèves, jeunes ou adultes, en 2002-2003. De jeunes Français peuvent ainsi s'initier à une pratique musicale diversifiée, individuelle et collective, et même envisager un avenir professionnel dans ce secteur, grâce notamment aux formations diplômantes mises en place dans la plupart des établissements qui relèvent d'un contrôle pédagogique du ministère. Ces écoles s'ouvrent de plus en plus, en cursus ou hors cursus, à la demande de pratiques émergentes. Elles sont l'un des emblèmes du nécessaire partenariat État-collectivités en faveur de l'accès de tous à la culture, qui demeure un objectif politique essentiel.

Le dynamisme des relations entre culture et tourisme en milieu rural est aussi majeur au plan économique et territorial. Le développement culturel local joue un rôle économique très important à travers le tourisme culturel. Les « pôles d'excellence rurale » dont les dossiers, souvent de grande qualité, sont en voie de finalisation à la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) font d'ores et déjà apparaître un très large intérêt pour le tourisme culturel et patrimonial, mais aussi pour les médiathèques.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a ensuite évoqué la question de la contractualisation. C'est une méthode pertinente. La décentralisation culturelle ne cesse de s'approfondir et l'engagement des collectivités territoriales dans la vie culturelle de se développer. Les collectivités territoriales participent budgétairement à l'offre culturelle et à l'accompagnement des initiatives sociales, citoyennes, culturelles. La dernière enquête sur leurs dépenses, dont les résultats seront bientôt publiés et qui porte sur l'année 2002, montre que leur effort financier en faveur de la culture se maintient à un niveau assez élevé. Ainsi, les communes de plus de 10 000 habitants ont consacré à la culture 4,1 milliards d'euros, soit une dépense moyenne de 143 euros par habitant et plus de 9 % de leur budget global. C'est un effort comparable à celui des années 1990, qui résultait d'une forte montée en puissance de l'engagement des communes dans le financement culturel. Les départements financent la culture à hauteur de 20 euros par habitant, soit 1,1 milliard d'euros et près de 3 % de leur budget. L'effort culturel des régions est de 2,4 % de leur budget (360 millions d'euros et 6 euros par habitant). Enfin le récent développement de l'intercommunalité peut se traduire par le développement de compétences culturelles qui ont pour effet parfois de redistribuer, mais aussi d'accroître l'engagement des collectivités en faveur de la culture. Ainsi, l'État et les collectivités participent conjointement au développement culturel.

La politique culturelle doit être le fruit de l'addition des énergies et non un objet de concurrence ou de rivalité. Dans la République française, à l'organisation décentralisée prévaut le principe de libre administration et de libre action des collectivités territoriales. C'est pourquoi la politique culturelle commune, partagée, se déploie dans le cadre de la contractualisation, du partenariat. Pour autant, que des régions, des départements, des communes, seules ou dans une logique intercommunale, développent des politiques culturelles territoriales autonomes est légitime. Celles-ci n'entrent pas en concurrence avec l'action de l'État, mais la complètent pour développer les modes d'accès à la culture, soutenir la création ou valoriser le patrimoine.

On peut cependant s'interroger sur l'inscription de ces politiques dans le temps, dans les dispositifs d'aménagement du territoire, et sur leur caractère durable. L'essentiel de la réponse réside dans le choix de la contractualisation. Avec les contrats de développement culturel, avec les labels, comme celui des villes et pays d'art et d'histoire, avec l'engagement de l'État dans les établissements publics de coopération culturelle (EPCC),  pour lesquels le Sénat a adopté le 28 mars 2006 une proposition de loi maintenant déposée devant l'Assemblée nationale, avec les réseaux d'enseignement artistique, avec les festivals et le subventionnement des compagnies et des lieux de spectacle vivant, avec la valorisation du patrimoine, la contractualisation permet d'inscrire l'action culturelle dans le temps et dans l'espace territorial, national et européen.

La déconcentration des crédits du ministère pourrait avoir pour effet de rendre peu lisible la cohérence de l'aménagement culturel du territoire national. C'est pourquoi la proximité de l'intervention territoriale réalisée par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) est indispensable pour prendre en compte la réalité du terrain, les évolutions de la création, l'émergence de nouveaux territoires de l'art. Elle s'organise au plan national à travers l'élaboration de directives nationales d'orientation, qui fixent le cadre de leurs interventions, leurs priorités annuelles, en réalité souvent pluriannuelles, pour conforter la continuité de l'action publique de l'État. Les DRAC sont notamment appelées au financement de l'émergence des initiatives et des créations nouvelles qui nourrissent notre vitalité artistique. On peut citer le soutien apporté à la friche de la Belle-de-Mai à Marseille, à la casa musicale à Perpignan, à des projets à Bourges, Saint-Ouen, Meisenthal en Lorraine, Loos-en-Gohelle, Vieux-Condé, Sotteville-lès-Rouen... Ces exemples illustrent un seul et même message, qui est que l'État ne se désengage pas. Il ne cesse de s'engager pour que de nouveaux ferments de vie culturelle irriguent les territoires, dans leur diversité, agglomérations, communes moyennes, territoires ruraux. Au sein de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication, il appartient à la mission « nouveaux territoires de l'art » d'observer et d'être à l'écoute de ces démarches.

C'est la même stratégie et le même esprit de partenariat qui inspire l'ensemble des relations entre l'État et les collectivités territoriales, en particulier les régions, à travers la montée en puissance des pôles « culture» placés auprès des préfets de région. Les DRAC sont incitées à développer la concertation entre collectivités, mais aussi entre DRAC de régions limitrophes. L'État doit à la fois penser local et penser global, et ce non pas seul, mais en liaison avec l'ensemble des collectivités territoriales. Il lui revient, à travers les contrats de projets État-régions, de développer une véritable stratégie territoriale, à l'interface de l'Union européenne et de l'ensemble des responsables territoriaux. Ce grand chantier, que le ministre a à mener à bien, peut bien sûr impliquer un renouvellement de la contractualisation, une modification des missions assignées aux structures culturelles, une évolution de la charte de service public des établissements culturels.

Le ministre de la culture et de la communication a enfin évoqué la question de l'attractivité culturelle. Il s'agit d'une nouvelle stratégie à construire. La question de l'attractivité de la France est centrale. Avec la culture, qu'on ne peut séparer de la vie culturelle des Français, avec la force de l'alliance du patrimoine et de la création, la France dispose collectivement de ce que les économistes désignent comme un avantage absolu. Dans la compétition internationale pour la croissance économique et pour l'emploi, cet avantage, qui n'est pas exclusif, est essentiel. Reconnaître les atouts culturels de la France, ce n'est pas seulement favoriser les grands établissements culturels nationaux, le plus souvent parisiens par effet de centralisme historique, et donc concentrer les crédits. L'attractivité culturelle est globale, avant d'être locale. Elle n'implique donc pas nécessairement la concurrence des territoires, même si elle stimule une véritable émulation des différentes offres culturelles, induisant ainsi du développement culturel. Au total, ce mouvement bénéficie à l'ouverture de l'accès à la culture au plus grand nombre et à l'attractivité de l'ensemble des territoires de notre pays.

Comme le montrent plusieurs études réalisées par le ministère, le lien entre développement culturel, vitalité économique et attractivité culturelle est très dense. Si l'on met en relation les indicateurs de développement économique et les indicateurs de développement culturel par région, on constate de multiples corrélations : les indicateurs de richesse (PIB par habitant, emploi, qualifications, dépenses des collectivités territoriale... ) et les indicateurs d'attractivité (variables démographiques, nombre d'étudiants... ) sont liés aux indicateurs de développement culturel (emploi culturel, dépenses culturelles... ). C'est bien sûr vrai pour les grandes collectivités territoriales, mais cette logique se diffuse, en sorte que le développement culturel est un facteur de richesse pour l'ensemble des territoires. Et cette liaison vertueuse repose largement sur la culture « diffuse » et sur le dynamisme associatif. Celui-ci est réel, puisqu'un Français sur deux de 15 ans et plus appartient à une association et que les associations culturelles sont parmi les plus fréquentées. Ce mouvement d'adhésion associative est amplifié par la sociabilité, par les «affinités électives», qui reposent sur la culture, le territoire, le goût, les pratiques culturelles et artistiques.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a enfin évoqué la couverture numérique du territoire. Renforcer le développement culturel, c'est aussi s'assurer que, sur l'ensemble du territoire, l'accès y est garanti. La couverture numérique est donc une exigence légitime. Le lancement de la TNT a été un immense succès : 50% de la population y a accès et deux millions et demi de foyers se sont équipés. Il faut maintenant réussir le basculement de l'analogique vers le numérique et ouvrir ainsi la voie aux services de l'avenir. En étroite liaison, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), les administrations et les acteurs privés se mobilisent pour accélérer ce calendrier de déploiement. L'objectif est que 85 % des Français aient accès à cette offre dès le printemps prochain, grâce à un maillage de 110 émetteurs. D'ici 2010 c'est l'ensemble du territoire qui devra bénéficier de cette couverture. L'année suivante, la migration de la télévision analogique vers la télévision numérique devra permettre de libérer les ressources pour que chacun puisse aussi accéder à la télévision en mobilité et pour que la télévision à haute définition puisse se développer. Tel est l'objet du projet de loi actuellement en préparation et qui devrait être présenté en conseil des ministres avant la fin du mois de juillet. La TNT est aussi une chance formidable pour les télévisions locales.

La diffusion des techniques numériques, dont d'abord l'internet, transforme profondément l'accès à la culture et, au-delà, à la création culturelle numérique. On estime que près de la moitié des jeunes créent des contenus. Dans le monde numérique, on retrouve évidemment cette tendance à l'expansion des pratiques et des publics amateurs, décuplée par les moyens utilisés. Atteindre les objectifs de couverture, c'est permettre le déploiement sur ces techniques d'une vitalité de création et d'accès qui ne peut être fonction de l'éloignement, de la géographie. Le numérique est une chance de renouvellement, de développement et d'égalité d'accès à la culture pour tous. À une échelle nouvelle plus large, la couverture numérique est de nature sans doute à prolonger l'expérience qu'on a connue avec la radio. Les radios associatives, les radios locales jouent depuis près d'un quart de siècle un rôle essentiel pour le pluralisme et la diversité culturelle, pour l'expression culturelle locale. Le développement de ces radios s'est appuyé sur une articulation régulière entre l'action nationale - celle du CSA qui autorise plus d'un demi-millier de radios de cette nature sur tous les territoires, celle de l'État qui les soutient grâce au Fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont les crédits ont presque doublé en quinze ans - et celle des collectivités locales. Il faut tirer parti de ces partenariats, de cette complémentarité pour le développement culturel des territoires.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, faisant valoir que les rapporteurs avaient rencontré les élus locaux et les acteurs bénévoles dont le ministre avait salué les initiatives, a souligné que tous constataient, pour le regretter, que l'attractivité des territoires ruraux se construisait exclusivement avec les moyens  de ces territoires ; les DRAC sont loin ; les acteurs locaux, même publics, se sentent bien seuls. De plus, les efforts des collectivités, aussi importants qu'ils soient, sont limités par la modestie des ressources dont elles disposent. Autrement dit, les départements les plus pauvres sont aussi les plus défavorisés dans le domaine de la culture.

Or, cela ressort des déplacements des rapporteurs, les exigences des populations sont les mêmes à la campagne et en ville. Les néo-ruraux ne comprennent par qu'ils ne puissent pas accéder aux mêmes services qu'en ville. En même temps, ce ne sont pas des services élitistes qu'ils demandent : ce sont des écoles de musique, un soutien aux festivals organisés par eux-mêmes, la restauration du petit patrimoine... Cependant, ce n'est pas ce que subventionnent les DRAC.

Il est donc apparu aux rapporteurs que l'État devrait compenser les handicaps de ces territoires. En effet, non seulement ils sont pauvres, mais leur configuration est cause de charges spécifiquement élevées. Le coût des transports par exemple est considérable ; pour une école de musique rurale de montagne, les frais de déplacement des professeurs peuvent constituer un poste supérieur à celui du paiement des heures de cours ; les collectivités locales s'épuisent à lutter contre ces contraintes. De même, les coûts de transport pour les festivals éteignent rapidement les initiatives. Il y a ainsi une disparité des conditions d'aménagement du territoire qui paraît devoir être compensée. On a évoqué, pour y remédier, la procédure des contrats de projet Etat-régions. Cependant, les régions refusent de financer les dépenses de transport. Si l'État le faisait, on progresserait plus vite vers un aménagement du territoire plus harmonieux.

M. Jean Launay, rapporteur, a d'abord indiqué que les rapporteurs avaient eu l'intuition que le projet de travail qu'il avait proposé à la Délégation avait un lien fort avec l'aménagement du territoire, et son analyse sous l'angle du développement durable ; le ministre a du reste évoqué ce point. Les rapporteurs ont eu également l'intuition que le dynamisme associatif et le volontarisme des autorités publiques locales, communautés de communes et départements, étaient tels qu'il y avait là sans doute un véritable de levier de développement économique. Ainsi, les rapporteurs ne se sont pas situés sous l'angle du misérabilisme rural : c'est parce qu'ils ont constaté cet activisme et ce volontarisme dans le domaine culturel qu'ils ont pensé qu'il pouvait contribuer au désenclavement des territoires et à leur dynamisme.

Les rapporteurs ont aussi constaté qu'il existe peu d'instruments statistiques pour mesurer ce mouvement et rendre compte de ses effets ; les statistiques citées par le ministre ne prennent pas en compte les villes de moins de 10 000 habitants, alors que la moitié de la population y vit, et qu'il s'y mène des activités et des investissements culturels. Les rapporteurs espèrent que leur travail permettra de sensibiliser l'État sur le fait qu'il y a des besoins et des réalisations importants à prendre en compte.

Le message concernant la péréquation en matière de transport a été formulé de façon récurrente auprès des rapporteurs. Ceux-ci l'ont bien reçu. Il faut regretter qu'on se contente de parler régulièrement de péréquation ; il faut commencer à l'organiser. Même déconcentré et délocalisé, un État fort et respecté doit la prendre en charge.

Les rapporteurs se sont aussi attachés à la notion de réseau. Ils ont constaté à quel point associations et collectivités faisaient preuve d'une ingéniosité fantastique pour pallier à la faiblesse de leurs moyens, en organisant la cogestion de projets, ou la mutualisation de frais de fonctionnement. Les acteurs locaux manifestent un besoin énorme de reconnaissance de ces efforts. Ces réseaux spontanés doivent être doublés par une capacité, au niveau national, à les soutenir et à les organiser ; l'exemple des villes et pays d'art et d'histoire montre que cela peut être fait. En revanche, on peut avoir une inquiétude sur l'ambiguïté qu'il pourrait y avoir à continuer à labelliser avec une enveloppe budgétaire bloquée.

La troisième notion à laquelle les rapporteurs se sont attachés est celle de contrat. La question est d'une part de savoir comment les impulser, mais aussi d'autre part de savoir les faire vivre dans la durée : il y a besoins d'une lisibilité à moyen terme des contrats proposés.

S'agissant du transfert du patrimoine monumental de l'Etat, la difficulté est que la décentralisation n'a pas toujours été très bien vécue par les collectivités locales, même si chaque fois, l'État a exposé qu'il compensait à l'euro près le transfert par des ressources. La question du transfert des châteaux sera sans doute plus facile à traiter lorsque la nouvelle étape de décentralisation sera intégrée, et au fur et à mesure de la prise de conscience qu'il y a des possibilités, grâce à ces transferts, de synergies entre petit et grand patrimoine, et de dynamisme sur les territoires. Par ailleurs les explications sur les moyens devraient être clarifiées. Si l'Etat expose que les moyens manquent pour ouvrir tel musée, c'est une difficulté décourageante : si l'on considère que l'ouverture du patrimoine crée du développement général, il faut assumer les coûts de cette ouverture. Aujourd'hui les responsables des actions sur le terrain y réfléchissent.

M. Serge Poignant a salué la qualité, pour le développement des territoires, de l'instrument constitué par le réseau et le label des villes et pays d'art et d'histoire. Il permet en effet de s'engager à la fois dans l'espace et le temps, ce qui est nouveau. Le développement dynamique de ce réseau pose cependant désormais la question des moyens. Les contrats de projet Etat-régions n'y suffiront pas. Il a donc demandé au ministre comment celui-ci pensait pouvoir soutenir financièrement ce développement.

M. Philippe Folliot, se félicitant des propos de ses collègues, a insisté sur l'intérêt du tourisme culturel pour le développement des territoires. Il a aussi exposé que des exemples existaient, à l'étranger, d'utilisation de grands sites pour le développement et la valorisation d'autres secteurs moins mis en valeur. Saluant l'exemple de l'implantation de collections du Louvre, le Louvre II, à Lens, il a demandé s'il était prévu de réaliser d'autres implantations de façon à fournir des bases solides pour le développement des territoires.

Le président Émile Blessig, citant le partenariat de la Cité des sciences avec la ville de Metz, a demandé si, dans ce domaine, il était aussi prévu de créer d'autres implantations.

Le ministre de la culture et de la communication a répondu qu'il se félicitait de l'émergence de la visibilité des besoins des territoires en matière culturelle. Cela fait clairement apparaître que la culture, ce n'est pas un domaine marginal et sympathique, et ainsi que le ministère de la culture est bien en charge d'un élément essentiel de l'attractivité du pays.

Les pays qui disposent de l'ensemble des éléments d'une telle attractivité sur leur territoire, vie culturelle dense, richesse du patrimoine, capacités de création reconnues, ne sont pas nombreux. C'est donc un objectif que de travailler à la valorisation de cette attractivité.

Les rapporteurs ajoutent un objectif d'égalité, avec la péréquation. Cela pose la question des rôles de chacun. L'Etat a la responsabilité des lieux phares. Pour les autres il lui revient de déclencher les initiatives territoriales et de les soutenir. Il ne s'agit pas de récuser ici le rôle de l'État en zone rurale. Il est vrai que l'Etat n'y intervient pas. C'est plutôt les conseils généraux qui assument cette tâche. Pour autant, dès lors qu'on lui en donnerait les moyens, le ministère de la culture et de la communication est tout à fait prêt à faire plus. Il faut insister sur la dimension stratégique de la culture pour le développement et sur la nécessaire égalité dans son accès. Il est vrai qu'il y a des zones où les jeunes ne peuvent accéder à la culture de façon satisfaisante, même s'il y a, en zone rurale notamment, des dispositifs pour remédier, au moins partiellement, à cette difficulté.

Il est vrai aussi que l'État se concentre sur les festivals les plus lourds. Les régions et les départements ont néanmoins un rôle à jouer sur leurs territoires.

L'accroissement de la labellisation des villes et pays d'art est d'histoire est lié à la qualité de l'offre. L'augmentation du nombre des membres de ce réseau implique donc tôt ou tard une hausse des crédits qui lui sont consacrés. La labellisation ne s'arrête cependant pas à ce seul réseau. Loin d'être attribué aux seuls musées nationaux, le label Musée de France l'est aussi à de petits musées sur le territoire. Il y a sans doute encore un autre label à inventer pour des lieux plus petits et plus précis.

Le concept de réseau est essentiel. Il faut en multiplier le nombre. Il faut essayer de créer des circuits autour d'un concept, circuits qui doivent pouvoir être soit nationaux soit même européens. Sur ce point le ministère travaille assidûment à la création d'un label européen du patrimoine. Le label patrimoine mondial attribué par l'UNESCO ne sera pas étendu continûment. Un label européen doit pouvoir distinguer du patrimoine de très grande qualité qui ne répondrait pas aux critères d'exception du label de l'UNESCO. On pourrait envisager aussi des labels européens thématiques, pour distinguer par exemple les places de villages authentiques, les marchés remarquables, labels qui seraient accompagnés de subventions.

Le ministre a ensuite exprimé sa fierté pour la réalisation d'une présentation permanente d'une partie des collections du Louvre à Lens. L'affaire n'a pas été facile, mais le symbole est de poids : c'est le premier musée mondial implanté dans une ville d'anciennes industries.

De façon générale, les musées nationaux doivent ouvrir leurs coffres, et pas seulement pour des expositions temporaires. Leurs réserves doivent servir à enrichir, par des prêts à long terme, des musées en région, de façon à accroître leur attractivité et celle des territoires où ils sont implantés. Il faut mieux répartir le patrimoine de l'État sur le territoire. Cependant il n'y a pas encore de plan pour créer un Louvre III ou un Louvre IV en région.

Le ministre de la culture et de la communication a conclu ses propos en exposant que la France avait un capital entre les mains et qu'il n'était pas raisonnable de ne pas le valoriser : il n'est pas raisonnable de construire une salle moderne polyvalente pour des manifestations qui pourraient parfaitement être régulièrement organisées dans une salle parfois sous-utilisée du musée local. Le film Da Vinci Code a déjà enregistré 70 millions d'entrées ; c'est une base de valorisation fantastique pour le patrimoine où il a été tourné.

Le président Émile Blessig a alors exposé les préoccupations de la Délégation quant à l'apparition d'une fracture en matière de couverture du territoire en télévision numérique de terre (TNT). Les quatre premières phases, celles qui conduisent à l'équipement de 66 % de la population en octobre 2006, ne suscitent pas d'inquiétude. En revanche la cinquième phase, qui conduit à l'équipement de 85 % de la population, et la façon dont les 15 % restants seront desservis suscitent plusieurs interrogations.

La cinquième phase concerne en effet des territoires frontaliers, de la Belgique à la Méditerranée. Sur ces territoires, l'encombrement de l'espace hertzien, du fait qu'y cohabitent plusieurs faisceaux nationaux, empêche de faire coexister diffusion analogique et diffusion numérique. Au contraire de ce qui se passe dans le reste du territoire national, pour ouvrir le numérique, il faut fermer l'analogique. De plus, le calendrier dépend aussi de celui des Etats voisins : lorsqu'ils éteindront l'analogique, leurs chaînes ne seront plus disponibles pour les téléspectateurs français recevant la télévision selon cette définition. Se posent donc les questions des futures conclusions de l'actuelle conférence régionale des radiocommunications, du calendrier du basculement de l'analogique au numérique, et enfin de la production des adaptateurs destinés à permettre à la population de recevoir la télévision numérique.

Quant aux 15 % de téléspectateurs restants, il semble que la mise à leur disposition d'un bouquet satellitaire gratuit regroupant les chaînes gratuites de TNT suppose de prévoir par la loi une obligation d'antenne pour les transporteurs du signal ; le projet de loi annoncé prévoit-il une telle disposition ? De plus, il n'y a pas dans ces 15 % que des téléspectateurs isolés : on y trouve des villes entières, comme Gap ou Briançon.

Enfin, dans ce domaine on se heurte à une pluralité d'intervenants qui rend la compréhension du plan d'équipement extrêmement difficile.

Le ministre de la culture et de la communication a répondu que le principe retenu pour le basculement était un basculement région par région. L'opération est particulièrement compliquée à organiser dans les régions frontalières, marquée par l'encombrement de l'espace hertzien. Sur ce point, des notes techniques précises, concernant notamment l'Alsace, seront fournies à la Délégation.

L'objet du projet de loi en préparation est le développement de la très haute définition et de la télévision numérique personnelle, qui inclut notamment la télévision numérique sur portable. La mise en oeuvre de ces avancées suppose le passage au numérique de l'intégralité de l'espace hertzien terrestre et l'arrêt de la diffusion analogique. Le projet de loi a également pour objet de fixer les critères destinés à orienter les choix du Conseil supérieur de l'audiovisuel au cas ou la totalité des demandes des éditeurs de programmes ne pourrait être satisfaite.

Eu égard aux enjeux, veiller à l'égalité des territoires est essentiel. C'est la raison pour laquelle est envisagée l'utilisation de la technologie du satellite. Il ne faut pas que le progrès technologique permettant l'augmentation du nombre de chaînes apparaisse comme une privation de la liberté de recevoir gratuitement des programmes.

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Information relative à la Délégation

La Délégation a nommé M. Emile Blessig rapporteur d'information sur le déploiement de la couverture numérique sur le territoire (télévision numérique de terre, téléphonie mobile, internet haut débit).


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