DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 16

Mardi 25 mars 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mmes Pascale Coton, présidente, et Dominique Bourgeais, membre, de la commission Equité entre hommes et femmes de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

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- Audition de Mmes Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et Geneviève Bel, présidente de la CGPME des Yvelines

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- Audition de Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la Confédération générale du Travail - Force ouvrière (CGT-FO)

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mmes Pascale Coton, présidente, et Dominique Bourgeais, membre, de la commission Equité entre hommes et femmes de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La Délégation a le plaisir de recevoir aujourd'hui Mmes Pascale Coton, présidente, et Dominique Bourgeais, membre, de la commission Équité entre hommes et femmes de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Mme Dominique Bourgeais est également membre du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.

Je rappelle que la "loi Génisson" de mai 2001 impose l'obligation de négocier au niveau des entreprises, comme au niveau des branches, des objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que les mesures permettant de les atteindre.

Comment ressentez-vous aujourd'hui la "loi Génisson" et comment sont vécues les négociations sur l'égalité professionnelle dans les entreprises ? Quels sont les premiers retours que vous en avez eu de la part de ceux qui sont obligés de les appliquer ? S'il y avait des corrections et des améliorations à apporter, quelles seraient-elles ? Enfin, selon vous, comment aujourd'hui, l'égalité professionnelle est-elle mise en oeuvre dans la fonction publique ?

Mme Pascale Coton : En dépit des lois qui se sont succédé - 1983 et 2001 - et des accords interprofessionnels qui ont pu être signés, de réelles inégalités professionnelles persistent entre hommes et femmes. Nous ne sommes pas là pour refaire ce constat connu de tous.

Rappelons brièvement que le poids du chômage, une exposition forte à la précarité, des difficultés d'accès à la formation, la fragilité des déroulements de carrière, la persistance d'un fort écart salarial, la dégradation des conditions de travail, le temps partiel imposé, le manque de modes de garde pour les enfants, pour les enfants handicapés ou pour les ascendants à charge - bien souvent c'est la femme qui a ces responsabilités -, tous ces facteurs touchent particulièrement les femmes.

Cette situation impose aujourd'hui une nouvelle impulsion dans la mise en œuvre de mesures permettant de garantir enfin, dans la pratique, une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

A cet égard, nous apprécions l'audition qui nous est proposée aujourd'hui. Elle marque une étape importante, même si les partenaires sociaux que nous sommes ont depuis longtemps travaillé sur le sujet avec leurs partenaires syndicaux et patronaux.

L'implication de notre syndicat CFTC sur le sujet est bien connue et originale : nous pensons que l'égalité professionnelle ne doit pas consister à retirer aux femmes les avantages qu'une discrimination positive bien comprise leur a permis d'acquérir. Ainsi, la CFTC n'avait pas signé l'accord interprofessionnel de 1989, partant du principe que le travail de nuit n'est bon pour personne et qu'il n'était pas opportun de l'étendre aux femmes au nom de l'égalité professionnelle. De même, pour nous, l'égalité n'est pas la similitude et l'ignorer serait se tromper de chemin.

Le rôle de l'État nous semble absolument irremplaçable dans ce facteur d'égalité professionnelle. Au vu de l'énumération que je viens de faire des facteurs qui affectent à l'évidence beaucoup plus les femmes, il appartient aux partenaires sociaux de porter la question de l'égalité professionnelle dans les entreprises et dans les branches. C'est une question d'équité sociale mais aussi de compétitivité. Nous y reviendrons. Cependant, l'occasion nous est offerte aujourd'hui de rappeler l'importance que revêt la question de l'égalité professionnelle dès les bancs de l'école. Pour nous, cela relève avant tout d'un combat culturel.

Je voudrais soulever un premier point : les filières. Trop de femmes sont cantonnées dans des filières professionnelles dont elles ne sortiront jamais et qui sont de véritables ornières. Une secrétaire peut bien faire tout ou partie du travail de son chef de service et même avoir le titre de secrétaire de direction, la filière dans laquelle elle se trouve l'empêchera bien souvent de parvenir au statut de cadre.

Il y a là une réflexion à mener dès les établissements de formation initiale sur les filières.

De même, la présentation des métiers organisée au sein de l'Éducation nationale doit permettre d'élargir les choix professionnels des jeunes filles vers les métiers porteurs d'avenir dans tous les groupes socioprofessionnels. Cela concerne notamment les filières scientifiques.

Ce n'est pas que ce choix ne soit pas offert aux filles, mais la barrière de la ségrégation sexuelle est telle que les filles ne se sentent pas l'âme à préparer un Bac déjà difficile en se retrouvant constamment confrontées à des garçons dans les classes et dans les cours ; elles préfèrent baisser les bras et choisir des filières où les filles sont plus nombreuses, ce qui leur semble plus facile.

Il est urgent aussi de promouvoir, de la maternelle à l'enseignement supérieur, une éducation basée sur le respect des filles et des femmes, que ce soit vis-à-vis des élèves, des enseignantes, des personnels de service et de toutes les femmes. La question se pose aujourd'hui au sein de l'Éducation nationale.

Comment se fait-il que des enfants, depuis l'âge de trois ans, apprennent constamment à dire non aux parents et refusent l'éducation à l'école ? Les enseignantes en souffrent énormément ; elles n'arrivent pas à "diriger" l'enfant qui n'a appris qu'à dire non.

Autre point que je voudrais souligner : le lien entre la conciliation des temps de vie et l'égalité professionnelle. La CFTC ne confond pas les deux sujets. L'égalité professionnelle est une question en soi. Il demeure que les difficultés rencontrées par les femmes pour concilier vie professionnelle et vie familiale sont à l'origine des écarts de rémunération entre hommes et femmes, des temps partiels imposés, de la sous-représentation des femmes aux postes de responsabilité, etc.

La CFTC a un slogan qui fait parfois sourire : "Les femmes, c'est comme l'oxygène, plus on monte et moins il y en a." C'est de plus en plus flagrant pour nous, à tout poste de responsabilités. C'est pourquoi, il appartient aux pouvoirs publics de mener une réflexion sur ces contraintes de conciliation qui restent évidemment des contraintes discriminantes pour les femmes.

La CFTC a accueilli positivement le congé paternité. Il faut continuer dans ce sens, même si la démarche reste timide, et mieux reconnaître le rôle parental des pères. C'est très important. Il faut également multiplier les possibilités de choix en développant les structures de garde des enfants, en créant un chèque congé parental d'une durée de trois ans utilisable de façon fractionnée et à la demande jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire de l'enfant. L'adolescent qui ne va pas bien a besoin de ses parents. Seules quelques entreprises et la fonction publique accordent des autorisations spéciales d'absence de onze jours dans l'année. Or, si l'on ne veut pas retrouver l'adolescent dans la rue, victime de violence ou inculquant lui-même la violence, l'un ou l'autre des parents devraient pouvoir être présent pendant un ou deux trimestres pour le remettre sur la bonne voie.

La CFTC est également favorable à une allocation unique de libre choix en lieu et place de la multiplicité des aides actuellement accordées. A l'heure actuelle, il n'existe aucune compensation financière de l'État pour certains modes de garde comme les crèches et les haltes-garderies.

La politique des transports collectifs doit également être englobée dans cette réflexion. En effet, les femmes étant de grandes utilisatrices de ces modes de transport - nationaux et territoriaux -, elles sont les premières à subir une discrimination indirecte lors de suppressions, modifications d'horaires ou inadéquation entre les horaires des bus et trains et les horaires de l'entreprise, des modes de garde des enfants ou ascendants... S'ajoute à cela l'insécurité vécue par les femmes lors de leurs déplacements.

Il faut calculer les temps de transport, à partir du moment où l'entreprise permet aux salariées de partir, lorsqu'elles ont fini leur journée de travail, jusqu'au moment où elles récupèrent leurs enfants. Dans les transports en commun, les seules que l'on voit courir sont les femmes qui ont des contraintes de délai pour récupérer leurs enfants. Changer les horaires de transport est une véritable catastrophe pour les mères de famille.

A la veille des négociations qui vont être menées sur la retraite, il importe également d'englober la perspective de l'égalité professionnelle dans nos réflexions, pour que les inégalités professionnelles ne viennent plus renforcer l'inégalité en matière de retraites.

Parmi les mesures de discrimination positive :

- il s'agit de valoriser pour la retraite la durée du congé maternité, même si celui-ci n'ouvre pas droit aux indemnités journalières. Si les femmes n'ont pas les indemnités journalières, parce qu'elles ne travaillent pas ou que leur salaire est inférieur au plafond, il faut qu'elles aient tout de même les trimestres de retraite correspondants. On a souvent dit que le service militaire d'une année ou de dix-huit mois était reconnu comme une aide à la nation et donc reconnu comme tel pour la retraite des hommes. Nous estimons que les femmes qui ont des enfants travaillent également pour la nation et doivent donc être reconnues dans leur retraite.

- il s'agit d'étendre l'accès à la majoration d'assurance pour enfants (clause de deux ans de retraite par enfant dans le privé et de un an dans le public).

Parmi les mesures mixtes mais qui bénéficieront indirectement davantage aux femmes sans léser les hommes compte tenu des inégalités de revenus :

- étendre l'accès à l'allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF). Les conditions actuelles sont : un revenu du ménage inférieur à un plafond, un enfant à charge de moins de trois ans et avoir eu trois enfants et plus ;

- améliorer les plafonds et le mode de calcul des pensions de réversion.

En ce qui concerne le rôle primordial de la négociation dans les entreprises et dans les branches, la CFTC déplore que la question de l'égalité professionnelle ne soit prise en compte dans les textes qu'à l'occasion de la refonte ou de la conclusion de nouvelles conventions collectives. Des progrès ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire, notamment à se convaincre qu'il s'agit à la fois d'une question d'équité sociale et de compétitivité de l'entreprise.

En introduisant plus de mixité dans les branches et les entreprises, en ouvrant tous les secteurs d'activités aux femmes, on tirera un plein parti de leurs compétences (exemple des travaux de soudure dans la métallurgie exigeant plus de minutie, des postes en enseignement supérieur et dans la recherche, insuffisamment ouverts aux femmes).

Pour sa part, la CFTC fait en sorte d'inclure davantage de femmes dans les équipes de négociations, afin d'introduire une mixité des points de vue. Cela nous paraît un préalable simple, mais nécessaire : les équipes doivent tendre à être au maximum le reflet de l'entreprise, de la société. Ainsi, la CFTC a présenté 36 % de femmes sur les listes prud'homales dont près de 40 % de femmes têtes de liste.

Prenons encore l'exemple du rapport annuel de situation comparée face à l'emploi et à la formation des hommes et des femmes dans l'entreprise. Ce rapport est obligatoire selon la loi, mais seules 50 % des entreprises concernées l'établissent. Il faudrait que d'une année à l'autre, la lecture de ce bilan social entraîne des répercussions en termes de politique de formation et de gestion prévisionnelle des emplois.

Dans la négociation interprofessionnelle, lorsqu'elle s'ouvrira, nous pointerons par ailleurs des actions prioritaires.

En ce qui concerne la formation professionnelle, le retour à l'emploi des femmes après un congé maternité ou après un congé parental se passe - on le sait - dans des conditions souvent discriminantes. La formation à l'issue du congé parental devrait être prévue dès l'élaboration du plan de formation, qui peut parfois précéder de façon décisive le retour effectif de la salariée dans l'entreprise.

Lorsque la femme qui a arrêté de travailler pendant un certain temps dans le cadre d'un congé maternité ou d'un congé parental, revient dans l'entreprise, il faut lui représenter l'entreprise, lui expliquer où cette dernière en est, notamment au niveau des nouvelles technologies, de façon à éviter une réadaptation difficile. Il conviendrait également que, pendant son congé parental ou son congé maternité, la femme puisse rester intégrée au sein de l'entreprise ; qu'il y ait un lien, quelqu'un qui soit responsable dans l'entreprise pour aller la voir une fois par mois, lui téléphoner, lui expliquer comment fonctionne l'entreprise pendant son absence. De cette façon, à son retour, elle se sentira réellement intégrée dans l'entreprise.

Nous aimerions également que cette personne puisse bénéficier, à son retour, d'une période d'adaptation de trois ou quatre jours, où elle sera parrainée par la même personne dans l'entreprise, qu'elle puisse faire moins que les 35 heures hebdomadaires afin de pouvoir réorganiser son temps (temps de trajet, mode de récupération de son enfant) ; que ses engagements professionnels vis-à-vis de l'entreprise soient moins lourds et que l'on ne lui demande pas d'être performante à cent pour cent aussitôt après le congé maternité, qu'on lui donne le temps de s'insérer. Il en va de même pour le père qui choisit de prendre un congé parental ou pour l'homme qui revient après une longue maladie ou un accident du travail : il devrait pouvoir également bénéficier d'un temps de réadaptation et éviter un "parachutage" intensif dans l'entreprise.

En ce qui concerne la rémunération, il faut corriger l'anomalie dans certaines branches qui fait que les taux horaires à temps partiels sont inférieurs aux taux horaires à temps complet.

Pour réévaluer les politiques de rémunération dans la perspective de l'égalité, il faut également identifier au sein de ces négociations de branche les postes exacts pour arriver à des critères de valeur égale.

Réévaluer les politiques de rémunération consistera également à prendre en compte l'ensemble de la rémunération et non seulement le salaire.

L'attribution des primes répond parfois à des critères discriminants ; ainsi les manutentionnaires - souvent des hommes - bénéficient d'une prime de pénibilité que personne ne songera à leur contester. Mais la personne qui est aide-soignante, en gériatrie par exemple, n'en bénéficie pas, alors que son travail comporte à l'évidence le port de charges lourdes que sont les malades. Il n'est mentionné nulle part, dans son contrat ou sur sa fiche de paie, qu'elle effectue un travail pénible.

En conclusion, la CFTC est pleinement disposée à s'engager dans une démarche de négociation interprofessionnelle sur ce sujet. L'accord interprofessionnel de 1989 posait déjà les bonnes questions. La question de la modestie de ses retombées doit être posée. Pour la CFTC, ce peu d'impact pose deux questions : quelle publicité a-t-il été donné à cet accord ? Quelle évaluation en a-t-il été fait ? Deux questions qu'il nous appartiendra de traiter le jour venu au cours des négociations, en se donnant des méthodologies et des priorités sur la réduction des écarts de situation entre les hommes et les femmes.

Au premier rang de ces priorités, selon la CFTC, vient la question des salaires. Il est impensable que la France continue à être la lanterne rouge de l'Europe en matière d'écarts de rémunération. C'est une question de fierté nationale et d'image de société démocratique moderne que nous voulons donner.

Nous avons bien noté les propos de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, souhaitant donner l'autonomie aux femmes, notamment par la rémunération. Dans le tourbillon de notre société, dès que le couple ne va pas, c'est toujours la femme qui prend à sa charge le souci psychologique, l'aide aux enfants, les frais financiers, le déménagement, les changements d'école. Si elle avait la possibilité d'être autonome dans ses choix de vie, elle ne serait pas obligée de "subir" l'homme qui partage sa vie et qui parfois ne l'aide pas à avoir cette autonomie. Je rappelle chiffre : tous les cinq jours, une femme meurt en France sous les coups de son mari. Si elle était plus indépendante financièrement, elle oserait peut-être se permettre de partir et d'avoir une vie plus autonome.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je ne comprends pas bien le lien entre le manque d'autonomie financière d'une femme et le fait que la femme suive toujours le mari ou le compagnon.

Mme Pascale Coton : C'est un constat auprès des femmes que nous avons rencontrées.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je suis surprise par le terme "d'indépendance". C'est un choix de couple.

Mme Pascale Coton : La rémunération ne doit pas être un frein quand une femme veut partir lorsque les choses ne vont plus dans son couple. Les femmes que nous avons rencontrées nous disent souvent que si, financièrement, elles pouvaient s'assumer davantage, elles n'auraient pas la vie qu'elles mènent. Quand elles comparent leur salaire à leurs homologues masculins dans l'entreprise, elles constatent, en moyenne, un écart de 20 à 25 % en leur défaveur.

Encore aujourd'hui, une collègue qui travaille dans une filiale de France Télécom est allée voir son patron en lui disant que dans le bureau d'à côté, un homme qui fait le même travail, qui est rentré 8 jours après elle dans l'entreprise, gagne 2 500 francs de plus. Elle lui a demandé ce que cela signifiait. La réponse a été qu'au niveau du bilan social de l'entreprise, il y a des cadres supérieurs qui sont des femmes, que cela faisait la moyenne.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est pas une réponse. Elle ne devrait pas se laisser faire.

Mme Pascale Coton : C'est la réponse qui lui a été faite ce matin. Nous allons bien évidemment lui monter un dossier pour aller aux conseils de prud'hommes. Je pense qu'elle gagnera sans problème.

Cela étant, la femme qui, psychologiquement, peut se battre le fera, mais celle qui ne peut pas le faire en raison d'un environnement défavorable, ne prendra pas le temps de le faire. C'est pourquoi nous signalons à nos syndicats et associations de familles que beaucoup de femmes sont dans la détresse, mais qu'elles n'ont pas le temps ou le courage de franchir certains pas.

Mme Hélène Mignon : Elles ont peur des conséquences.

Mme Marcelle Ramonet : Il est essentiel d'intervenir sur les rémunérations, mais quand on parle de 25 % d'écart, c'est l'extrême. La moyenne nationale des différences de salaire entre les hommes et les femmes est de 11 %. S'il est essentiel de se battre sur ce point, on ne peut pas dire que les femmes restent systématiquement dans leur foyer parce que l'écart de salaire ne leur permet pas de partir. Ce n'est pas le problème.

Mme Dominique Bourgeais : Les écarts de salaire vont jusqu'à 27 %. Les 11 % sont les écarts inexpliqués. Entre 11 et 27 %, cela s'explique par les temps partiels, sauf que nous constatons qu'ils sont plus imposés que choisis. Par exemple, dans les chaînes de distribution de vêtements, 27 heures de travail sont considérées comme un temps complet. Cela ne permet ni autonomie, ni indépendance.

Au niveau du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, l'année dernière, notre groupe de travail s'est occupé de la réduction des écarts de rémunération. On a commencé à parler des classifications et des problèmes de conventions collectives. On a souligné la question de la prime de pénibilité. Elle ne sera jamais accordée à une femme. En revanche, autant il existe des primes de pénibilité, autant il n'existe pas de prime de précision. Alors que l'on reconnaît que l'on embauche des femmes dans certains secteurs d'activités parce qu'elles sont plus précises, plus minutieuses, plus attentionnées, parce que ce sont des qualités "naturellement" attribuées aux femmes, les employeurs et les conventions estiment que ce n'est pas rémunéré, puisque c'est naturel.

Nous estimons au niveau syndical qu'il y a vraiment quelque chose à faire. On pourrait également dire que la force physique, puisqu'elle est naturelle, n'a pas lieu d'être rémunérée. Ou alors on la rémunère pour tout le monde, à chaque fois que le travail le requiert, comme pour les personnes âgées ou autres ; et il doit en être de même au niveau de la minutie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : En ce qui concerne la "loi Génisson", vous disiez que près de 50 % des entreprises établissent leur bilan social. A partir du moment où il est présenté, c'est là, effectivement, qu'on peut agir et faire évoluer les choses.

Mme Dominique Bourgeais : En principe.

Mon entreprise publie chaque année un rapport annuel et j'en discute avec beaucoup de collègues autour de moi dans d'autres entreprises - Pascale Coton est du secteur public, moi du secteur privé -. Cela fait sept ans que j'interviens chaque année, ne serait-ce que dans la formulation...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il ya de nouveaux indicateurs pour le rapport de situation comparée.

Mme Dominique Bourgeais : Oui, mais nous n'avons pas encore de résultats. Dans la mesure où la loi date de mai 2001, le temps de mettre en place les indicateurs et d'avoir de nouveaux chiffres....

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les décrets d'application sont sortis entre septembre et novembre 2001. Normalement, aujourd'hui, vous devriez commencer les négociations.

Mme Dominique Bourgeais : Oui, mais le rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes de 2002 n'est pas bouclé dans les entreprises. Ils ne nous a pas encore été présenté alors qu'on est fin mars 2003.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Dès que ce rapport sera réalisé, il y aura une réalité sur laquelle on pourra agir.

Mme Dominique Bourgeais : Tout dépend.  On fait dire beaucoup de choses aux statistiques, aux chiffres. Tout dépend de la façon de les présenter. Dans l'entreprise, les salariés ne peuvent pas vérifier les chiffres qui sont donnés. Ces chiffres nous indiquent le pourcentage de femmes dans tels postes, les différents échelons, et les promotions accordées, mais rien ne permet de déterminer, quelle catégorie a acquis les promotions, si ce sont les cadres supérieurs, les agents, etc. ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La "loi Génisson" devrait vous permettre d'avoir ces précisions.

J'ai souvent entendu dire qu'il était difficile d'obtenir les chiffres. Mais, c'est à vous ensuite de les interpréter. C'est là qu'intervient le travail de négociation des syndicats. Le bilan chiffré qui doit être réalisé permet de constater les écarts de situation. Ensuite les syndicats doivent interpréter les données et dialoguer avec les chefs d'entreprises.

Mme Dominique Bourgeais : Mais, par exemple, dans mon entreprise, le directeur commence tous les ans la négociation ainsi : "Nous sommes ici pour négocier. Je vous rappelle que négocier ne signifie pas conclure". Le chef d'entreprise ouvre la négociation parce qu'elle est légale et obligatoire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Sur les premiers bilans que vous auriez pu avoir, quels sont vos commentaires ?

Mme Dominique Bourgeais : On se heurte beaucoup à un problème de mentalité. La formation devrait être un moyen d'agir pour permettre une évolution de carrière, pour permettre l'acquisition de compétences supplémentaires.

Or, dans beaucoup d'entreprises, les formations sont données en adaptation au poste de travail. Ce ne sont pas des formations qualifiantes qui permettent une reconnaissance des compétences pour la progression dans une évolution de carrière. Et certaines formations sont refusées parce que non prioritaires.

Par exemple, si vous faites de l'accueil auprès du public et que vous demandez une formation pour gérer l'accueil, on vous répond que ce n'est pas prioritaire ; on prétend que vous devez savoir le faire et qu'il n'y a pas de formation.

Sont intégrés dans les plans de formation, la formation au secourisme ou d'autres formations de ce type, alors que ce n'est pas cela qui va qualifier le travail et permettre une évolution quelconque. Mais comme cela peut permettre de rentrer dans la bonne ligne budgétaire, on voit des choses dans les plans de formation tout à fait légales, mais qui ne permettent pas des évolutions ou de faire bouger les situations en interne.

La gestion prévisionnelle des emplois est effectivement un enjeu important où l'on a notre place, où il y a des choses à dire, mais c'est une bataille de tous les instants. Comme toute bataille, on se heurte aux mentalités : Madame n'est pas disponible. Si les formations sont en externat, on se heurte au problème de la formation dès qu'il y a plus d'une journée.

Souvent, pour une mère de famille - sur laquelle repose l'organisation familiale - partir deux à trois jours en stage hors de la ville paraît impossible ; beaucoup de femmes ne s'inscrivent pas dans les formations si cela dépasse l'horaire 8 heures 30-17 heures - en horaires moyens de travail si on prend celui-là - et s'il y a un déplacement. Il y a une autocensure de la part des salariées qui refusent de partir.

C'est pourquoi la CFTC insiste et demande que les formations soient le plus possible organisées dans l'entreprise ou dans la ville où se situe l'entreprise, par modules de deux jours plutôt que des semaines entières. Sur un module de deux jours, on peut trouver des solutions d'organisation, alors que lorsqu'il s'agit de partir trois ou quatre jours, c'est très difficile.

Pour les formations à l'encadrement, même chose : d'office, on vous dit que si vous voulez être cadre, il faut apprendre à partir, à déléguer, qu'il faut commencer tout de suite à le faire chez soi pour partir en formation. Il faut se rendre disponible quoi qu'il en coûte. Il est vrai que l'on ne changera pas les mentalités d'un coup de baguette magique. Ce n'est pas parce qu'on le décrète, parce qu'il y a une loi, que les mentalités changent. C'est en en parlant, en prenant des exemples, en provoquant aussi des débats et en argumentant dans les négociations que, petit à petit, les choses vont évoluer.

La loi est là, mais pour la faire appliquer, nous savons tous que c'est difficile. Il n'y a pas de gendarme derrière les employeurs pour dire ce qu'ils n'ont pas fait.

Mme Pascale Coton : Je peux également vous donner l'exemple de mon entreprise qui est La Poste. Avant la formation, on met les salariés, hommes et femmes - souvent les femmes - sur les postes auxquels elles pourraient prétendre avec une formation. Si vous voulez être assistante commerciale, puisque vous avez choisi le commerce, que vous voulez devenir conseiller financier, ils vous mettent sur l'emploi au départ. Nous avons le cas d'une collègue qui a attendu trois ans avant d'avoir sa formation. Elle s'est heurtée à de nombreuses difficultés, notamment la connaissance de langues étrangères - le poste d'assistante commerciale implique de parler couramment deux, voire trois langues. Comme elle voulait vraiment ce poste, elle a donc attendu longtemps, cette formation qui lui était vraiment nécessaire. Ses collègues de bureau l'ont donc préformée comme ils le pouvaient, et elle a pris l'initiative de suivre des cours personnels.

Cela dit, beaucoup abandonnent parce qu'ils se sentent délaissés. A certains moments, ils ont même l'impression que l'on ne veut pas leur donner la formation, et qu'en les poussant un peu à bout, ils ne demanderont pas cette formation. Et elle sera obtenue par quelqu'un d'autre.

En revanche, il y a quelque chose de très positif à La Poste : les formations "découvertes" qui permettent pendant, une semaine, d'aller à différents endroits, pour voir différents postes. Cela peut être assistant commercial, guichetier, distribuer le courrier. Ce serait bénéfique pour choisir réellement la formation souhaitée. Ces stages "découvertes" sont malheureusement pris dans des plans de formation - malheureusement car si les femmes font une semaine de découverte sur différents thèmes, cela leur fait cinq jours de moins de formation dans l'année -, mais elles aimeraient vraiment pouvoir découvrir leur entreprise sous d'autres aspects, notamment par ces stages de découverte.

Mme Marcelle Ramonet : Souvenez-vous des auditions sur la formation professionnelle il y a deux ans. On avait passé la journée à entendre toutes les organisations syndicales et patronales, et la CGPME disait qu'elle ne pouvait pas proposer de formation professionnelle aux femmes, parce les formations ont lieu le mercredi et que la plupart des femmes étaient absentes le mercredi. Nous en étions restées complètement abasourdies, parce que le patron qui s'exprimait lors de cette audition voulait vraiment dire que les femmes n'avaient pas besoin de formation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je ne suis pas aussi pessimiste.

Mme Dominique Bourgeais : Une nouvelle situation pourrait donner des chances aux femmes en termes d'évolution de carrière : avec le départ à la retraite de toute la génération du baby-boom dans les dix années qui viennent, - surtout à partir de 2005 - il y aura beaucoup de postes à prendre dans les entreprises.

On essaie d'anticiper en faisant passer le message. On demande aux femmes d'être attentives, d'insister pour obtenir des formations qualifiantes, en termes d'évolution de carrière et pas d'adaptation au poste de travail, pour être en position de postuler pour ces postes.

C'est la dimension que l'on est en train d'introduire dans les négociations au sein des entreprises où des commissions d'égalité professionnelle se sont mises en place. Le discours de nombreuses directions étant de faire de la gestion prévisionnelle de l'emploi, on a l'exemple type de ce que l'on pourra faire, puisque dans cinq ou six ans, on sait qu'il y aura des postes dans l'entreprise, particulièrement des postes de direction, de cadres supérieurs, de coordonnateurs, d'agents techniques, d'experts etc. Commençons dès maintenant à repérer les postes qui sont à pourvoir, les femmes qui auraient déjà une partie des compétences pour compléter les formations et repérer les personnes que l'on pourrait aider et pousser dans ce système-là.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Normalement, cela se fait dans les entreprises.

Mme Dominique Bourgeais : C'est en tout cas ce qui est censé être fait, mais on sait que dans la pratique cela ne se fait pas autant qu'on le souhaiterait.

Mme Arlette Grosskost : Quelle que soit l'entreprise, grande, petite ou moyenne, si elle ne pense pas à la gestion prévisionnelle de l'emploi, c'est que l'entreprise est malheureusement amenée à disparaître. C'est, je crois, à l'heure actuelle totalement intégré dans la mentalité de l'entreprise.

Je précise simplement qu'au niveau du conseil régional d'Alsace, nous avons pris l'engagement de favoriser à l'intérieur même de chaque entreprise une formation qualifiante pour un public déterminé. C'est également le cas en Lorraine.

C'est une expérience très positive qu'il faudrait peut-être pérenniser. Ce n'est peut-être pas l'entreprise en tant que telle qui va le faire, car elle est peut-être aussi soumise à d'autres impératifs, mais pourquoi pas des institutions comme le conseil régional ou d'autres, dont ce sera de plus en plus la vocation. Dans le cadre de la gestion prévisionnelle d'emploi, le conseil régional s'intéresse plus particulièrement au public féminin - pépite de gens qualifiés, je le dis haut et fort -, pour y trouver les possibilités d'avoir des gens qualifiés, etc. Donnons-nous effectivement les moyens de proposer ce service à toutes les entreprises.

Les grandes entreprises ont les moyens de le faire, mais n'oublions pas les petites et moyennes entreprises qui n'en ont pas et qui, pour autant, ont les mêmes besoins.

Pourquoi ne pas voir ce problème de façon différente et le relayer pour permettre à un grand nombre de nos régions de favoriser cette formation dans le cadre de l'entreprise ? C'est en fait le formateur qui se déplace dans l'entreprise - dans ce cas, il n'y a plus de problème de mercredi et autres - au regard de la gestion prévisionnelle des emplois.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela se fait en Alsace et en Lorraine. Lorsque j'étais à la présidence de la formation professionnelle, il y avait deux priorités : la formation professionnelle et l'égalité professionnelle hommes-femmes.

Mme Dominique Bourgeais : En même temps, on observe que beaucoup d'entreprises - ce ne sont pas forcément les PME - régionalisent en termes de formation. Au lieu de l'organiser sur le département, sur la ville, elles se regroupent avec des entreprises analogues d'un autre département. Ainsi, une formation qui était organisée à Tours auparavant peut être transférée à Orléans.

Mme Arlette Grosskost : Il faudrait se rapprocher de l'entreprise.

Mme Dominique Bourgeais : C'est ce qu'il faudrait, mais on nous dit qu'il est plus intéressant de faire la formation avec des personnes extérieures, pour ne pas toujours être entre soi. Mais, ce n'est pas le plus important. Si on veut que les gens se forment, rapprochons-nous des gens. C'est la personne qui est au cœur des choses, c'est aux entreprises de s'en rapprocher.

Mme Arlette Grosskost : On parlera des capacités professionnelles à l'intérieur de l'entreprise une fois que toutes les capacités auront été données pour former les gens à l'intérieur même de l'unité d'emploi. C'est une autre démarche, mais il faut absolument insister pour la faire. Les besoins changent.

Mme Pascale Coton : On a des réponses à donner aux salariés en ce domaine, mais les salariées ne les connaissent pas. Elles savent qu'elles ont besoin de formations, mais, à la limite, elles ne savent pas trop à qui les demander et comment elles doivent faire.

Pour les mamans qui ont des enfants, il est difficile de s'absenter deux à trois jours. C'est pourquoi nous privilégions le fait que le formateur vienne en entreprise. D'ailleurs nous, en tant que syndicalistes, nos formations se font sur le lieu de travail du salarié. Nous essayons de faire "monter" le moins de personnes possibles à Paris pour leur permettre de se consacrer entièrement à leur formation pendant deux ou trois jours grand maximum.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : De temps en temps, cela fait aussi du bien de s'aérer ailleurs. Il ne faut pas dramatiser les choses. Certains sont contents de partir deux ou trois jours.

Il faut être très vigilant. Quand on parle égalité hommes-femmes, il ne faut pas privilégier uniquement la femme. Il y a peut-être - comme vous le disiez tout à l'heure - un changement de mentalité à réaliser.

Mme Arlette Grosskost : Ce n'est pas à la société de tout prendre en charge.

Mme Dominique Bourgeais : L'allocation de libre choix - allocation unique qui remplacerait la multiplicité des aides actuelles et qui couvrirait tous les champs des modes de garde - permettrait à la fois de respecter le choix des familles - entre la nourrice, la personne à domicile, la crèche etc. - et d'avoir des aides dans tous les cas, en permettant de passer d'une aide à une autre suivant les besoins ou en fonction d'un déplacement.

L'aspect financier ne doit pas être dissocié de la volonté de formation et d'évolution. C'est une contrainte matérielle qu'il faut connaître et intégrer. C'est pourquoi la CFTC réclame depuis longtemps une réforme des allocations pour garde d'enfants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : En l'occurrence, vous devriez avoir satisfaction.

Mme Hélène Mignon : Je voulais dire quelque chose qui m'a choquée dans votre intervention au sujet de l'aide à la garde d'enfants. Quand vous dites : "Quand les enfants sont en crèche ou en halte-garderie, il n'y a pas d'aide de l'État.", ce n'est pas vrai. Au contraire, il y a une aide à l'investissement et au fonctionnement qui est reversée, soit aux municipalités, soit aux associations qui les gèrent. L'aide de l'État existe donc.

Mme Dominique Bourgeais : Mais pas aux familles.

Mme Hélène Mignon : L'aide n'est pas versée à la maman, mais l'enfant est gardé et il y a une participation de l'État et des collectivités locales.

Mme Dominique Bourgeais : Pour la famille qui fait le choix de mettre son enfant chez une nourrice ou un emploi à domicile, il y a une aide, une défiscalisation. Mais en ce qui concerne les crèches des municipalités, cette aide passe par le système du quotient familial ; les possibilités ne sont donc pas les mêmes.

Mme Hélène Mignon : De toute façon, avec l'allocation unique, il y aura également une différenciation suivant les revenus.

Mme Dominique Bourgeais : L'allocation de libre choix repose sur l'idée que la famille reçoit une certaine somme ; ensuite elle choisit de mettre l'enfant chez une nourrice, en crèche ou décide qu'un des parents reste à domicile pour s'occuper de l'enfant.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pour les crèches, les haltes-garderies etc., ce n'est pas la famille, mais ce sont les collectivités qui en paient le fonctionnement.

Mme Pascale Coton : Pour la famille qui fait garder son enfant en nourrice ou en crèche, il y a une grande différence de coût à la journée.

Celui qui n'a pas de place en crèche et qui va chez une nourrice y trouvera peut-être plus de bénéfice financièrement, car il y a la défiscalisation et en plus, son choix sera un peu moins cher par jour par rapport à ceux qui, malheureusement, dans leur ville ou dans leur quartier, n'ont pas de nourrice, et mettent l'enfant en crèche.

On nous signale régulièrement que les crèches ou haltes-garderies reviennent beaucoup plus cher que les nourrices. Cela explique aussi les difficultés qui font que ces mamans sont parfois obligées de prendre du temps partiel. Cela touche aussi bien l'homme que la femme, car c'est un choix de couple.

Mme Arlette Grosskost : Précédemment, vous avez parlé de congé parental d'éducation, de congé maternité et d'autres types de congé, avec l'obligation, à la limite, de déléguer quelqu'un de l'entreprise pour aller voir la personne en question afin d'éviter une insertion difficile à la fin de ce congé parental d'éducation.

L'idée est bonne, mais vous n'y arriverez pas ; c'est évident. Je pense qu'il faudrait plutôt faire l'inverse, c'est-à-dire ne pas obliger. Mais si tant est que quelqu'un se sente vraiment concerné par l'entreprise dans laquelle elle travaille, il faudrait peut-être aussi lui demander de faire l'effort d'aller voir pendant son congé - surtout si c'est un congé parental d'éducation - l'évolution de l'entreprise. Cela peut être en corrélation avec un allongement du congé maternité - certains le demandent - mais il faudra forcément une petite contrepartie. Il ne faut pas toujours que ce soit dans le même sens. Il faut équilibrer les choses.

Mme Pascale Coton : La difficulté que l'on a ressentie par rapport aux femmes a été l'arrivée massive des nouvelles technologies. Peu d'entre elles avaient Internet à la maison. Elles ont été complètement perdues. Elles se sont dit que si quelqu'un leur avait expliqué ce qu'est un réseau quand leur entreprise a installé Internet ....

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente :  Quand une femme revient au travail, on doit lui proposer une formation. C'est inscrit dans le code du travail.

Ce qu'il faut en revanche, ce sont soit des directives ministérielles, soit un encouragement aux chefs d'entreprise à faire appliquer le code du travail. Ce qu'il faut, c'est nous demander de vous aider à le faire appliquer.

Mme Dominique Bourgeais : Justement, c'est une piste que l'on a voulu retenir au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Puisque des représentants des directions départementales de l'emploi et de la formation professionnelle y siègent, ne pourrait-on pas utiliser les réseaux des inspections du travail pour rappeler aux employeurs leurs obligations ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Vous pouvez également utiliser les déléguées régionales aux droits des femmes.

Mme Hélène Mignon : Elles peuvent adresser un courrier en ce sens à toutes les entreprises. En plus, elles ont besoin d'avoir accès aux entreprises.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente :  C'est d'ailleurs leur problème : elles ne savent pas ce qu'est une entreprise.

Mme Pascale Coton : Pour faire en sorte que la mère ou le père reviennent mieux informés dans l'entreprise, il y a l'exemple très positif du centre financier de la Poste à Dijon : pour une personne absente au moins trois mois, un membre du personnel de l'établissement est habilité à aller la voir chez elle pendant une à deux heures. Quand la personne revient dans l'entreprise, le collègue lui fait visiter l'entreprise, l'accompagne dans les deux ou trois premiers jours. Qu'il s'agisse d'un retour de congé de maternité, paternité, congé longue maladie, accident, dépression, etc. Tous ceux et celles qui ont bénéficié de cette aide disent que cela change tout, que ce soit pour le chef de service ou le service en général. On peut donc y arriver puisque des entreprises le font.

Mme Hélène Mignon : Cela correspond aux propos d'une de nos interlocutrices qui disait la semaine dernière qu'à un retour de maternité, la femme pouvait perdre pied dans sa vie professionnelle dans les huit jours qui suivaient son retour.

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* *

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mmes Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et Geneviève Bel, présidente de la CGPME des Yvelines.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous recevons aujourd'hui Mmes Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et Geneviève Bel, présidente de la CGPME des Yvelines.

La Délégation aux droits des femmes procède à des auditions d'organisations syndicales et patronales pour connaître leur appréciation de la situation en matière d'égalité hommes-femmes, et pour les interroger sur l'application aujourd'hui dans les entreprises de la "loi Génisson" sur l'égalité professionnelle. La Délégation a souhaité voir comment les entreprises élaborent les bilans, quelles sont les difficultés qu'elles rencontrent et quelles améliorations éventuelles on peut apporter à la "loi Génisson".

Mme Françoise Andrieu : Je vais vous donner la position de la CGPME en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Vous avez parlé de l'application de la "loi Génisson". Je ne pourrai pas développer ce point comme vous le souhaitez, car je n'ai pas de statistiques fiables à vous donner.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous souhaitons voir, à mi-parcours du travail d'élaboration des bilans, les difficultés que vous rencontrez pour les mettre en oeuvre.

Mme Françoise Andrieu : Dès que nous aurons une approche plus fiable, je m'engage à vous faire parvenir les conclusions.

La CGPME regroupe des toutes petites entreprises (TPE), ainsi que des entreprises comptant jusqu'à 500 personnes. Dans les toutes petites entreprises et celles qui ont jusqu'à moins de 50 personnes, le chef d'entreprise, qu'il soit un homme ou une femme, est en prise directe avec l'ensemble du personnel. Évidemment, quand c'est un chef d'entreprise femme, en général elle veille à ce qu'il y ait égalité professionnelle. On ne rencontre pas de difficultés majeures dans ces cas là.

Il y a des domaines où il y a des progressions. Nous n'avons pas de chiffres fiables, mais je sais de source sûre que des entreprises - celles qui travaillent notamment pour le groupe Bouygues -, ont embauché des chefs de travaux femmes et des conducteurs de travaux femmes qui ont une évolution de carrière intéressante. Cela étant, je ne peux pas non plus vous dire s'il y a égalité de salaires. Je pense que c'est le cas compte tenu de la structure de ces entreprises, mais, à ce jour, je n'ai pas de chiffres à vous donner.

Lors de la table-ronde organisée sur le thème de l'égalité professionnelle, le 19 décembre 2002, la CGPME avait eu l'occasion, d'une part, de rappeler les grands axes qu'elle défendait en la matière, d'autre part de porter une appréciation sur les vingt cinq propositions pour l'égalité professionnelle et salariale, formulées le 24 juillet 2002 par Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Les grands axes que défend la CGPME sont les suivants :

La CGPME est favorable au développement des actions permettant d'atteindre l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Elle considère cependant que les résultats les plus concrets en la matière ne résulteront pas d'une accumulation de règles contraignantes, toujours plus complexes et assorties de sanctions.

Aujourd'hui, les chefs d'entreprises ont déjà beaucoup de mal à "digérer" les 35 heures. Si on leur ajoute encore des contraintes assorties de sanctions, le message ne passera pas, et il ira - à mon sens et à celui de la CGPME - à l'inverse de ce que nous souhaitons tous. Il faut réfléchir, peut être, à des soutiens financiers mais surtout pas à des sanctions que les chefs d'entreprise ne supporteraient pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est pas dans l'air du temps.

Mme Françoise Andrieu : Pendant plusieurs années, on a eu le sentiment que c'était ainsi. C'est pourquoi la CGPME est quelque peu épidermique à ce propos.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mais c'est fini. Il faut le dire.

Mme Françoise Andrieu : Au contraire de ce qui avait été prévu par une loi adoptée sous le précédent Gouvernement, il convient de procéder par des incitations en direction des entreprises, en particulier des PME et des petites PME a fortiori, qui sont l'élément moteur de l'emploi. Ainsi, seront-elles encouragées dans l'amélioration de leurs pratiques.

Par ailleurs, la CGPME, et d'une façon générale, les entreprises petites et moyennes - en dessous de 100 salariés - ont toujours considéré que le développement d'une politique familiale globale qui, en même temps, ne doit pas être contradictoire avec le bon fonctionnement des entreprises, était absolument nécessaire pour le devenir de notre pays.

Dans cette optique, s'agissant particulièrement de la garde des enfants - l'un des obstacles auxquels se heurtent souvent les femmes pour mener une carrière professionnelle -, elles sont favorables à l'essor des formules individuelles, trop souvent méprisées, voire ignorées.

J'en parle en connaissance de cause : mes deux belles-filles aimeraient bien élever leurs enfants, mais si elles s'arrêtent dans le cadre du congé parental, elles ne retrouveront pas leur poste, même avec une formation professionnelle. C'est vrai qu'il y a donc beaucoup d'améliorations à apporter et une réflexion importante à faire sur ce sujet ainsi qu'au niveau de la garde des enfants, puisque la forte diminution de l'AGED, a pénalisé énormément les couples.

Or, dans certaines entreprises, est mise en place une formation professionnelle qui permet de retrouver son poste. Le Crédit Lyonnais ou France Télécom, par exemple, acceptent trois ans d'absence. A leur retour, les femmes suivent une formation professionnelle et retrouvent un poste dans l'entreprise à un niveau similaire. Ce sont des cas que je connais et j'en parle donc en connaissance de cause. En revanche, j'ignore si c'est accepté à un certain niveau, à une certaine hiérarchie où si c'est applicable dès la base.

La CGPME souhaite rappeler que l'accroissement du salariat féminin, qui est un élément capital pour l'économie française, ne doit pas mener systématiquement à la dévalorisation de la place des femmes dans le foyer familial. Il faut effectivement trouver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale et le bien-être des entreprises. Ce n'est évidemment pas chose aisée.

Cependant, à l'avenir, les femmes alterneront - elles doivent y être aidées - des périodes d'activités pleines avec des périodes consacrées à leurs enfants ; périodes qui pourraient être également entrecoupées de périodes où elles se "remettraient à niveau" par une formation professionnelle adaptée.

Sur le plan des données chiffrées, il convient de mettre en exergue différents éléments statistiques qui montrent que nous avons déjà progressé ces dernières années dans ce domaine de l'égalité professionnelle.

Les femmes représentent aujourd'hui, dans notre pays, 45,6 % de la population active et 80 % de celles qui ont entre 25 et 49 ans travaillent. Comme le rappelait la communication de Madame Nicole Ameline en Conseil des ministres du 24 juillet 2002, sur les dix dernières années, la hausse de l'emploi féminin a été dix fois plus forte que celle de l'emploi masculin.

Le taux d'activité des femmes âgées de 15 à 64 ans continue de croître, passant de 57,5 % en 1991 à 61,8 % en 2001 ; le taux d'emploi des femmes âgées de 15 à 64 ans atteignant 55,2 % en 2001, contre 50,8 % en 1991.

Pour ce qui est des vingt-cinq propositions présentées par la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle le 24 juillet 2002, l'accent doit être mis sur les points suivants :

S'agissant de "l'élargissement des choix professionnels des filles, notamment en direction des filières porteuses de débouchés sur le marché du travail", la CGPME y est bien entendu favorable. En effet, le temps où l'on dirigeait les jeunes filles uniquement vers certaines filières à "connotation féminine" est évidemment largement dépassé.

Elle se place dans la même optique vis-à-vis de la proposition destinée à "veiller à l'adaptation de l'offre de formation initiale aux perspectives d'emplois", sachant qu'il est plus facile d'énoncer une grande vérité comme celle-ci que de lui donner un contenu tout à fait concret.

A l'opposé, la CGPME est cependant pour le moins sceptique quant à la proposition visant à "prendre des mesures incitatives à destination des éditeurs de manuels scolaires et de livres et publications destinés à la jeunesse pour éliminer les stéréotypes liés au sexe". La CGPME s'interroge en effet sur le sens réel de cette proposition.

En tout état de cause, il ne faudrait pas qu'en la matière, l'on tombe dans le "politiquement correct". Cela avait été dit en juillet 2002. A titre d'exemple, Jeanne d'Arc était une femme et il est probable que l'action salutaire qu'elle a engagée à l'époque pour notre pays était, pour une part au moins, liée à cette appartenance au sexe féminin.

La CGPME est favorable à la proposition tendant à "inciter les partenaires sociaux à engager une concertation sur la transparence des échelles de valeur et des critères utilisés dans le processus de formation des rémunérations" puisqu'elle relève de l'incitation que nous avons évoquée dans nos axes d'orientation majeurs.

Elle ne voit pas, en revanche, en quoi la proposition destinée à "inciter les partenaires sociaux à revaloriser les minima inscrits dans les conventions collectives de branche..." se relie à l'objectif d'égalité professionnelle. Il n'y a pas, en effet, de minima distincts appliqués aux hommes et aux femmes dans nos conventions collectives.

De plus, si je parle d'un sujet que je connais bien qui est celui de l'automobile, le CNPA vient de réécrire une convention collective en décrivant à nouveau les qualifications de chacun et en tenant compte de la parité entre les femmes et les hommes. C'est vrai que l'on ne voit pas du tout l'objet de cette proposition tout au moins en ce qui concerne cette branche professionnelle.

S'agissant de "la promotion de la mixité professionnelle dans l'entreprise", nous sommes plutôt favorables à cette proposition, mais il faudra prendre garde de ne pas tomber dans le travers que nous dénoncions, à savoir le risque d'accumulation de règles contraignantes toujours plus complexes assorties de sanctions, même par la voie conventionnelle. Sinon, nous aboutirions au résultat inverse de celui recherché. Plus précisément sur ce point, nous ne sommes pas favorables à des objectifs chiffrés détaillés.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Que voulez-vous dire ?

Mme Françoise Andrieu : Il me semble que des quotas avaient été évoqués, il y a un certain temps, notamment pour le bilan de fin d'année : on devait noter le nombre de femmes que l'on voulait embaucher selon les postes disponibles, etc. Or, dans l'ensemble des entreprises, on ne fait pas de distinction. Cela me semble donc dévalorisant de dire que l'on doit rentrer dans le quota.

A formation égale et à professionnalisme égal, on ne fait pas un critère distinctif entre un homme et une femme.

Mme Geneviève Bel : En tant que chef d'entreprise, si je suis face à deux candidats qui ont la même valeur professionnelle, je ne vais pas favoriser l'un ou l'autre, mais je choisirai le meilleur. Mais si j'ai peu de femmes dans mon entreprise, et beaucoup d'hommes, et si j'ai un poste pour lequel je n'ai que des hommes valables, je ne vais pas, au nom de la parité, prendre une femme qui n'aura pas sa valeur. Il faut que ce soit clair.

Mme Françoise Andrieu : On risque de freiner la bonne marche de l'entreprise.

Mme Geneviève Bel : Cela me rappelle un peu les quotas de personnes handicapées dans les entreprises.

M. Jean-Marc Roubaud : Je suis d'accord avec vous.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Prenons l'exemple de l'agroalimentaire, où je suis très surprise de constater que lorsqu'un choix doit se faire entre un ingénieur agronome homme ou femme, la plupart du temps, l'homme est préféré à la femme. C'est le cas dans plusieurs branches. Cela vous choque-t-il ? N'est-ce pas un problème pour vous ?

Mme Françoise Andrieu : Si c'est vraiment systématique, il est certain que c'est choquant. Cela étant, n'y a-t-il pas d'autres critères ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Si c'est choquant, il faut le mentionner.

M. Jean-Marc Roubaud : Je suis également chef d'entreprise, et il est vrai que lorsque nous avons deux candidats de niveau équivalent, on a tendance à prendre plutôt l'homme, qui n'aura pas de problème de maternité.

Au-delà de ce réflexe, il y a des équilibres qui se font naturellement. On a des professions qui se féminisent dans lesquelles les femmes ont toute leur place. Il me semble très choquant d'introduire des notions de quota. On a connu ces problèmes dans les municipalités avec la parité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela n'a pas posé problème, mais a permis le renouvellement de personnel.

Mle Anne Peyricot : A quel prix ! Pour ma part, j'ai été élue parce que je suis une femme. Pour autant, j'étais persuadée qu'il y avait un homme bien plus compétent que moi, mais qui ne pouvait pas être sur la liste. J'ai bénéficié d'une discrimination positive.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Vous me faites plaisir, car vous dites clairement que grâce à la loi que nous avons votée, vous avez réussi à être conseillère municipale.

Cela dit, l'entreprise et le conseil municipal ne sont pas équivalents. Dans l'entreprise, il ne s'agit pas d'une question de parité.

Mme Françoise Andrieu : Dans l'agroalimentaire, je ne sais pas pourquoi on est confronté à cette situation. Je pense qu'il y a notamment un problème de "contrat" avec la clientèle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : M. Jean-Marc Roubaud vient de dire la même chose et il est pharmacien.

M. Jean-Marc Roubaud :  Il y a beaucoup de femmes et très peu d'hommes dans ce secteur. Les femmes dans l'entreprise me demandent d'engager des hommes.

Mme Arlette Grosskost : Je dirigeais un gros cabinet d'avocats. Le choix entre une femme et un homme à compétences égales, pour moi cela n'existait pas. Tout d'abord, je faisais une gestion prévisionnelle des emplois féminins, car j'ai toujours eu beaucoup de femmes. J'estime qu'une femme est plus valable, professionnellement parlant ; elle a plus - je suis désolée de le dire - de rentabilité, de rendement qu'un homme. Je n'hésitais même pas une seule seconde : à compétences égales, je préférais la femme.

Mme Françoise Andrieu : Dans les entreprises, il y a aussi une éducation de la clientèle. Pour celles qui ont des contrats à rédiger, elles se heurtent parfois à des stéréotypes. Il y a certains métiers où les choses n'avancent pas aussi rapidement qu'on le souhaite, car la cliente n'apprécie pas le fait de signer un contrat avec des femmes, alors que cela existe dans beaucoup de branches.

Dans mon entreprise, il y a trente ans, j'avais embauché une femme vendeur. J'ai été obligée de m'en séparer, de la mettre au magasin et non à la vente, parce que la clientèle n'en voulait pas. Celle-ci partait du principe qu'une femme n'était pas au courant de la technique, alors qu'elle était aussi compétente, voire plus. C'est sur un changement de mentalité qu'il faut travailler.

On a tout de même fait des progrès, des avancées non négligeables dans ce domaine. Mais, s'il y a des sociétés qui ont des contrats à signer dans des métiers spécifiques, elles hésitent parfois parce qu'elles craignent que leurs clients ne soient pas réceptifs. Cela peut aussi arriver.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : En ce qui concerne les quotas, la loi n'en impose pas.

Mme Catherine Génisson : On n'a pas le droit de marquer une préférence de sexe. C'est interdit par la loi. Ce n'est d'ailleurs pas contenu dans la loi sur l'égalité professionnelle, mais dans la loi sur la lutte contre les discriminations au travail, quelles que soient les causes de ces discriminations, qu'elles soient raciales, ethniques, sexistes - même si nous avons d'ailleurs discuté des termes différenciés de race et d'ethnie. On n'a absolument pas le droit de présenter une offre de travail en indiquant homme ou femme. En revanche, il faut savoir que cela se fait encore sous le manteau.

Mme Arlette Grosskost : Dans le cadre de la "loi Génisson", je me demande si l'on ne doit pas offrir, malgré tout, à poste égal....

Mme Catherine Génisson : Absolument pas. Il n'est pas dit qu'il doit y avoir un traitement préférentiel pour les femmes. Dans le secteur privé, il est bien précisé qu'il y a nécessité, obligation de négocier sur le sujet de l'égalité professionnelle, à la fois sur le sujet de l'embauche, de la formation, de la promotion et, par voie de conséquence, sur les salaires.

Après, il y a un volet "fonction publique" dans lequel est indiqué qu'il est important de féminiser les jurys de recrutement et d'avoir une représentation équilibrée d'hommes et de femmes dans toutes les instances représentatives de la fonction publique.

Ce qui a été mis en place dans les trois fonctions publiques, ce sont des plans pluriannuels d'égalité. Pour éviter des embauches systématiques de femmes pour réparer un trop gros décalage entre le nombre de femmes et d'hommes dans un corps de métier, plutôt que de choisir systématiquement des femmes dans l'année zéro, on a indiqué que cela devait se faire sur plusieurs années, pour éviter tout traitement inégalitaire avec les hommes.

C'est basé sur la compétence et cela s'étale dans le temps, dans la mesure où il ne faut pas non plus se montrer discriminatoirement négatif vis-à-vis des hommes. La "loi Génisson" ne dit nullement qu'il y a préférence à l'endroit des femmes. Ce serait d'ailleurs anticonstitutionnel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : A partir des rapports, s'il y a effectivement un trop gros décalage, à ce moment-là un encouragement doit être fait...

Mme Catherine Génisson : Ce sont des décisions purement internes à l'entreprise.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Concernant la féminisation des jurys, je n'ai jamais souhaité, pendant toute ma période d'examen, être interrogée par une femme.

Mme Catherine Génisson : Les femmes sont souvent plus sévères.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les notations au baccalauréat montrent deux à trois points d'écart entre la moyenne d'un professeur homme et d'un professeur femme.

Mme Catherine Génisson : C'est pourquoi il faut des jurys mixtes.

Mme Françoise Andrieu : S'agissant de la proposition destinée à "favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint accompagnant le ou la salarié(e) bénéficiant d'une mobilité professionnelle et géographique", la CGPME est d'accord avec cette idée.

En revanche, elle est très dubitative quant à la possibilité de "créer un système de mutualisation territoriale des offres d'emploi disponibles".

Mme Hélène Mignon : Pourquoi ?

Mme Françoise Andrieu : Nous craignons que ce soit très difficile à réaliser, dans tous les domaines. Nous ne sommes pas contre, bien au contraire.

Mme Catherine Génisson : C'est aussi un sujet d'évolution des mentalités. C'est un peu comme les contrats d'employeurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela peut effectivement être difficile à réaliser. On peut essayer.

Mme Arlette Grosskost : Que signifie "un système de mutualisation territoriale des offres d'emplois disponibles" ?

Mme Françoise Andrieu : C'est une sorte de grosse enveloppe sur le territoire où la personne doit aller, et où l'on propose du travail en adéquation avec ce que la personne peut faire. Or, l'ANPE existe déjà.

Mme Arlette Grosskost : On peut concentrer les offres d'emplois dans une région donnée.

Mme Françoise Andrieu : Mme la ministre l'avait suggéré en juillet 2002. Cela a été relevé. Nous n'avons pas beaucoup d'explications et nous sommes dans l'interrogation.

Mme Catherine Génisson : La formulation est assez claire. Qu'elle ne soit pas forcément facile à réaliser, certainement, mais je crois que c'est un point important. Quand on est élu et que l'on voit un couple arriver, l'un des deux ayant bénéficié d'une promotion, - la plupart du temps, on sait que c'est un homme - on se rend tout de même compte de l'isolement et en particulier du manque d'informations dont disposent les personnes. C'est aussi le problème du système d'information proposé par les ANPE, même si elles ont fait d'énormes progrès.

L'APEC doit également jouer ce rôle, mais je crois qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire sur les dispositifs à mettre en place pour permettre une meilleure information sur les postes disponibles sur un territoire. En effet, les PME ont tendance à fonctionner les unes à côté des autres, et peut-être pas forcément les unes avec les autres, surtout lorsqu'elles sont dans le même secteur d'activité. Il y a peut-être la peur de la concurrence.

Mme Françoise Andrieu : Cela dépend des branches professionnelles.

Mme Catherine Génisson : Ce n'est pas une critique, mais un constat. La peur de la concurrence fait que l'on ne partage pas suffisamment les informations.

Mme Arlette Grosskost : Les chambres de commerce et d'industrie font souvent cette mutualisation des offres d'emplois dans une région déterminée.

Mme Françoise Andrieu : Oui, effectivement, mais pas dans tous les postes, et pas dans toutes les branches professionnelles.

Il est vrai que pour quelqu'un qui arrive parce que son conjoint a une promotion, retrouver du travail dans les six mois à venir n'est pas facile. Il faut déjà travailler en amont. Ce n'est pas évident. On n'a pas dit que cela ne se ferait pas - on y est favorable -, mais on pense que ce sera assez ardu.

La CGPME est favorable à la proposition qui vise à "inciter les partenaires sociaux dans les entreprises et la fonction publique à élaborer des objectifs de progression de la place des femmes dans les actions de formation", toujours au motif qu'il s'agit là encore d'inciter.

En revanche, elle ne pense pas qu'il soit du ressort des fonds de la formation professionnelle de prendre en charge les "frais de garde liés aux contraintes logistiques dépendant de la réalisation des actions de formation". Nous ne sommes pas du tout favorables à ce genre de chose.

Mme Catherine Génisson : Vous avez raison. Ce n'est pas aux fonds de formation professionnelle de le prendre en compte. D'autant qu'au niveau des aides aux personnes en difficulté, il y avait eu une réindividualisation de ces aides et de ces fonds. J'avais mis cela en évidence dans mon rapport ; c'est-à-dire qu'il y avait une mutualisation des moyens mis en place pour accompagner les femmes en difficulté sur la prise en charge des gardes d'enfant, sur les moyens de transports. C'était intégré dans d'autres fonds.

Or, on s'est rendu compte que pour les mobiliser correctement, il fallait pouvoir les réindividualiser. Cela avait été fait avant le mois de juin 2002. Je pense qu'il faut mobiliser ces fonds-là et qu'il n'y a aucune raison de mobiliser les fonds de la formation professionnelle. Des fonds spécifiques existent.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il faudra corriger ce point.

Mme Françoise Andrieu :  Sans y être opposée sur le fond, la CGPME reste également sceptique sur la possibilité, au niveau des entreprises, en matière d'"articulation des temps professionnels et familiaux", de se doter "d'outils de diagnostics fondés sur des indicateurs de sensibilisation et de suivi des accords". On pense que cela ne pourrait se faire qu'au niveau des branches professionnelles.

Nous avons des branches professionnelles très actives. Il faut leur laisser faire leur travail, et ne travailler que sur les personnes qui ne sont pas appuyées par des branches professionnelles et qui sont dans un état quelque peu critique.

La CGPME est d'accord sur la proposition qui a trait au "remplacement des salariés absents pour congé de maternité ou congé parental" mais, là aussi, s'agissant des PME, si l'on veut donner une suite concrète à ce genre de réflexion, il est certain qu'il faudra que l'État apporte un concours financier clair et significatif. Sans cela, on ne pourra pas progresser.

Pour ce qui est de la proposition visant à "intégrer la dimension de l'égalité professionnelle dans l'ensemble des négociations menées sur l'emploi, la formation, les retraites, notamment dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective", on peut considérer qu'il s'agit d'un objectif honorable. L'on doit cependant se méfier d'une systématisation de ce type de dispositions, louables dans certains domaines, mais beaucoup moins réalisables dans d'autres.

Comme on a un patchwork d'entreprises qui va de la TPE jusqu'aux entreprise de moins de 500 salariés, je pense que la CGPME est un peu méfiante vis-à-vis de ce système, car les petites entreprises vont avoir des difficultés.

Mme Catherine Génisson : Qu'elles aient des difficultés énormes à assumer cet objectif, on peut le comprendre, mais on ne peut tout de même pas accepter le fait que, parce qu'il y aura des difficultés à concrétiser cet objectif, l'on ne veuille pas y tendre.

Mme Françoise Andrieu : On émet des réserves sur la démarche.

Mme Geneviève Bel : L'objectif est bon, mais il ne faut pas le systématiser.

Mme Catherine Génisson : Qu'entendez-vous par "il ne faut pas systématiser" ?

Mme Françoise Andrieu : Qu'il y ait un cadre tellement rigide que, finalement, les entreprises ne s'y retrouveront pas. Une petite TPE ou une entreprise de moins de 500 salariés ne réfléchit pas de la même manière.

Mme Catherine Génisson : C'est justement ce que l'on veut changer.

Mme Geneviève Bel : C'est plus par rapport au travail fait dans l'entreprise. Cela dépend des entreprises. On veut dire qu'il ne faut pas systématiser à toutes les entreprises et à toutes les branches. Il y a des branches où l'on doit y arriver et d'autres pour lesquelles ce sera plus difficile.

Mme Françoise Andrieu : Nous sommes d'accord sur le fond. Nous disons que c'est un objectif louable, mais le principe de systématisation nous heurte un peu. Peut-être n'avons-nous pas la même définition.

Mme Catherine Génisson : Cela me heurte que vous considériez que ce soit un obstacle infranchissable. On peut concevoir que ce soit difficile, c'est une réalité, mais ne pas mettre tout en son pouvoir pour y parvenir, je trouve que vous faites là un aveu d'impuissance qui m'inquiète.

Mme Geneviève Bel : C'est du réalisme.

Mme Françoise Andrieu : Cela dépend de la grandeur de l'entreprise et de ce que l'on y fait. Il y a des domaines qui sont très en avance, et d'autres où il faut y travailler. Nous sommes tout à fait d'accord : il n'est pas question de rester en arrière ; quant à faire "du systématique", je crois qu'il faut laisser le temps aux entreprises. Comme je l'ai dit précédemment, elles se sont à peine remises des 35 heures.

Mme Geneviève Bel : Pour des sociétés de gardiennage avec des veilleurs de nuit, je ne vois pas comment on peut faire.

Mme Catherine Génisson : Pour une société de gardiennage où il n'y a que des hommes, le problème n'est pas qu'il n'y ait que des hommes, mais que si dans la société, il y a des hommes et des femmes, il y ait les mêmes statuts et les mêmes conditions de travail.

Mme Françoise Andrieu : Que ce soit homme ou femme, il y a de toute façon des dispositions concernant le travail de nuit. C'est applicable à tous.

Mme Geneviève Bel : C'est pourquoi j'avais pris cet exemple.

Mme Françoise Andrieu : Dans le même esprit, si notre organisation n'est pas opposée à l'idée "d'inciter les partenaires sociaux à entamer une démarche de concertation favorisant la conclusion d'accords de branche sur l'égalité professionnelle", nous exprimons des réserves quant au fait que cette démarche de concertation puisse aboutir à un second accord national interprofessionnel sur l'égalité professionnelle.

Nous considérons en effet que le niveau des branches professionnelles est le plus approprié et le plus pertinent pour traiter des thèmes sur lesquels devra porter cette concertation. Faire de ces questions l'objet d'un second accord national interprofessionnel risque d'aboutir à la création de strates de réglementation, certes de nature conventionnelle, mais dont il est à craindre que les effets pervers soient toujours aussi importants.

Toutefois, si les partenaires sociaux, au niveau national interprofessionnel, décidaient d'engager une négociation cadre, nous y participerions, bien sûr. Je pense - comme l'a dit Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - que c'est à la fois une mesure d'efficacité économique pour un pays développé et d'équité sociale dans une démocratie avancée telle que la nôtre.

*

* *

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la Confédération générale du Travail - Force ouvrière (CGT-FO), accompagnée de Mme Valérie Chartier, assistante.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous accueillons Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), également membre du Conseil économique et social, et à ce titre, présidente du groupe de la CGT-FO, membre de la section des relations extérieures et vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes. Dans le cadre de cette Délégation, vous avez présenté une étude sur l'esclavage moderne en France, en décembre 2001, puis au nom de la section des relations extérieures, un rapport sur l'esclavage contemporain et ses réseaux en février 2003.

Aujourd'hui, c'est en qualité de spécialiste du secteur Égalité et surtout de membre du Conseil supérieur à l'égalité professionnelle que nous vous entendons. Nous souhaitons que vous nous exposiez l'application concrète de la loi Génisson dans les entreprises et au niveau des branches.

Nous aimerions savoir si les entreprises communiquent les rapports de situation comparée des hommes et des femmes, si les indicateurs qui permettent de les élaborer sont pertinents, à quelles difficultés les organisations syndicales sont confrontées face à ces bilans, si les négociations sur l'égalité se mettent en place, et, d'une manière générale, quelles sont les actions et les initiatives de la CGT-FO pour faire progresser l'égalité professionnelle dans les entreprises et également dans la fonction publique.

Mme Michèle Monrique : Ma confédération est très sensible à ce sujet de l'égalité professionnelle et c'est une action que nous avons mise en place depuis le congrès 2000. Le prochain congrès se tiendra en 2004.

Depuis 1996, j'ai été chargée au sein de la confédération d'un secteur émietté : jeunes, femmes, immigration, Français à l'étranger, armée, tourisme social ; un mélange assez hétéroclite.

Je me suis donc battue de 1996 à l'an 2000 pour avoir un cadre générique et mettre tous ces sujets sous un même secteur, celui de l'"Egalité". Cela a été voté au congrès de Marseille en 2000. A ce congrès, j'avais souhaité qu'une déclaration solennelle sur l'égalité professionnelle soit faite.

C'était en quelque sorte une première parce que l'on ne parlait pas encore beaucoup de ce sujet à l'époque. J'avais estimé que pour défendre les problèmes du salariat pour les femmes, il fallait enlever cette espèce de projecteur dirigé sur la féminisation et sur la féminité.

Certains considéraient cela comme une espèce de déviance, en disant que c'était encore un problème de femmes. Non, c'est un problème de responsabilité des organisations syndicales - du moins de ma responsabilité, que j'engageais - par rapport à l'inégalité salariale. Il est absolument révoltant que la loi de 1972 n'ait servi à rien.

A partir de là, j'ai pensé que la meilleure façon, pour notre organisation syndicale, de s'occuper des problèmes des salariés, était d'abord de décrypter pourquoi la loi de 1972 n'était pas appliquée ; donc de faire une déclaration solennelle sur l'égalité professionnelle. C'était l'angle d'attaque le plus raisonnable pour notre organisation syndicale.

Nous avons donc fait cette déclaration, mais en amont, j'avais décidé qu'il y aurait une formation et une information de l'ensemble des salariés et des salariées. J'ai toujours refusé de faire des stages de formation tant qu'il n'y avait pas la mixité. Ces stages ont lieu à l'IST (Institut du travail) à Strasbourg, avec les professeurs de l'Université. Nous en faisons également dans notre centre de formation à La Brévière.

J'ai donc multiplié les formations à l'intention des femmes, par cinq ou six, de manière à avoir un roulement plus important, mais je n'ai jamais fait ces formations sans qu'il y ait des hommes, sinon il m'aurait paru que cela tournait en autarcie et ne servait absolument à rien.

A partir de là, nous avons effectivement mis des commissions en place, nous nous sommes installés dans toutes les unions départementales, nous avons mis une commission Égalité dans toutes les unions départementales et dans les fédérations qui le souhaitaient. Ce n'est pas toujours facile. Il fallait construire un réseau de femmes et d'hommes qui se sentent responsables vis-à-vis de l'égalité professionnelle et se poser la question des raisons de l'inégalité professionnelle. Avant de dire : "il faut qu'on, y a qu'à", il faut voir pourquoi on en est là.

Le constat est que ce que l'on qualifiait dans les années 70 de "salaire d'appoint", - tout le monde s'était habitué à cela - était destiné aux femmes et non aux hommes. Cela voulait dire que dans l'inconscient collectif et dans notre culture, le mari ramenait la pitance à la maison et la femme et les enfants étaient là pour répartir la pitance.

Sauf qu'aujourd'hui - je l'ai très bien entendu lorsque je suis allée devant les femmes de l'UMP à l'Assemblée nationale : une jeune femme s'est levée et a dit : "aujourd'hui, cela ne suffit pas, on est obligé de travailler à deux pour s'en sortir" - dès lors que l'on fait faire des études aux enfants, que les filles sont plus brillantes que les garçons - tout le monde le sait - et que, dans le même temps, on constate que la répercussion dans le milieu du travail et sur le plan salarial ne se fait pas, quelque chose ne fonctionne pas.

J'ai donc décidé d'aller voir, et non pas de faire des coups d'éclat en disant que c'était injuste, etc. Cela ne sert à rien. Il fallait faire un travail de fond pour faire de l'information sur le terrain, et faire comprendre aux salariées qu'elles devaient se mobiliser et savoir pourquoi on en était là.

Ce travail de fond a aujourd'hui abouti à la confédération à ce qu'il y ait une commission Égalité - j'y tiens beaucoup - où se réunit la commission spécifique sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et une commission Égalité sur les jeunes, etc..

Un travail de fond a donc été fait qui, pour la confédération, était ce qu'il y avait de plus payant. Quand on va au fond des choses et que l'on crée le réseau de fond, quand on crée la fondation, on peut y prendre appui. L'affichage ne suffit pas. Il faut vraiment faire la fondation. C'est long, beaucoup plus long - parfois on n'a pas le temps - mais c'est beaucoup plus payant d'avoir une fondation.

Aujourd'hui, il y a un socle solide sur lequel on s'appuie. L'année dernière, le 7 mars 2002, nous avons fait une conférence de presse pour dire que nous allions sortir pour le 8 mars 2003 un guide concernant la loi sur l'égalité professionnelle. Le guide est paru.

Pourquoi est-il pratique ? Pourquoi a-t-on abouti à cela ? Nous avons répondu tout simplement à la demande du terrain, celle des filles ou des garçons qui vont négocier, - on est obligé de le faire tous les ans et tous les trois ans -.

On a réuni la commission Égalité pour expliquer comment était faite la loi, les indicateurs pertinents etc., ce qui pouvait se passer. Lorsque l'on est confronté sur le terrain à une négociation, que veut-on ? Quelles sont les questions que l'on peut se poser ?" On a listé les questions et on a répondu à leur attente. Ce n'est pas du tout construit d'une manière philosophique, mais c'est un outil de travail, une caisse à outils avec les outils dedans.

Mon objectif, dans mon organisation, était de donner des outils, pour qu'à la négociation, sur le terrain, les copains et copines puissent s'en servir et faire avancer la loi. Pour nous, dans cette loi, les indicateurs pertinents de situation comparée sont très importants.

Jusqu'à présent, on n'avait jamais réussi à discuter de cela. Aujourd'hui, il y a obligation ; et, pour nous, l'important était l'affichage des indicateurs pertinents.

Je demande à tous ceux qui ont des responsabilités aujourd'hui, de ne pas revenir sur les indicateurs pertinents. C'est le seul petit instrument très fragile que nous avons aujourd'hui pour faire avancer les choses. On sait tout de même qu'il y a aujourd'hui, malgré tout ce que j'ai dit précédemment sur la faculté de nos filles à être très pertinentes dans leurs études, 66 % des femmes qui ont des emplois non qualifiés, 80 % des femmes qui sont travailleurs pauvres, toutes les femmes réunies dans cinq catégories socioprofessionnelles, etc.

A un moment donné, il faut prendre le taureau par les cornes et faire quelque chose, ne serait-ce que de commencer à décrypter pourquoi, analyser, et dire que les indicateurs pertinents sont une manière de répondre et d'analyser. Il faut savoir quoi faire de ces indicateurs pertinents, tout en sachant que la loi de 1972 sur l'égalité salariale, c'est le néant : le résultat, c'est toujours 25 % d'écart salarial, trente et un ans après !

Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas eu de moyen contraignant de l'appliquer. Dans l'air du temps, c'était très joli et politiquement correct de faire de telles déclarations. Aujourd'hui, c'est toujours d'actualité, mais derrière, il faut assurer. L'honneur des femmes - élues ou au pouvoir ou qui ont l'occasion d'être, comme moi, élue dans une organisation syndicale - est de faire avancer les choses, de se dire que l'on a été élue et qu'il s'est enfin passé quelque chose. Ce n'est pas si facile que cela, car on constate que trente et un ans après, ce n'est toujours pas fait ; et pour la "loi Roudy", c'est la même chose.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les indicateurs pertinents permettent d'avoir des bases solides pour construire l'égalité.

Mme Michèle Monrique : Exactement. Les bases sont solides, mais à la fois fragiles ; solides parce qu'il faut s'en servir, mais fragiles si on avait l'idée de revenir sur les indicateurs pertinents, et si l'on ne vérifiait pas que la négociation est bien faite tous les ans et tous les trois ans.

On a regardé le fruit des négociations. En 2001, dix avenants et deux accords professionnels de branches ont concerné l'égalité professionnelle. Ce n'est pas beaucoup.

Chez nous, quelques travaux ont été faits, notamment dans les fédérations
- bâtiment - ou dans les branches - briques, tuiles, etc.

J'ai également mis en place une cellule de veille pour apporter une aide à chaque fois qu'une fédération ou union départementale demande un conseil sur la loi sur l'égalité professionnelle. Quelques dizaines de délégués syndicaux d'entreprise ou de branches se sont inquiétés du cadre de la négociation sur l'égalité ou sur l'analyse du rapport de situation comparée. C'est nouveau, parce qu'il y a contrainte à la négociation. Avant, on disait : "oui, l'égalité professionnelle, mais lorsque l'on aura parlé du reste ; on pourra un peu en parler, mais comme il est tard, on en parlera un autre jour". C'était un peu cela. C'est une image.

Nous avons eu des contacts avec la RATP, la SNCF, la Société Générale, Air France, la SNECMA qui met en place un plan pour faire un rattrapage salarial entre femmes et hommes - c'est intéressant -, Peugeot Sochaux, SANOFI, Transports publics de Lyon, Eurocopter...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Le groupe PSA fait un effort extraordinaire en ce domaine.

Mme Michèle Monrique : C'est curieux, car c'est dans la métallurgie que l'on constate cela. J'ai rencontré des femmes de la métallurgie qui avaient une différence de salaire avec leurs camarades qui faisaient le même travail, avec la même ancienneté. Il y avait 2 000 francs de différence de salaire, ce qui est important.

Mme Hélène Mignon : Surtout pour de petits salaires.

Mme Michèle Monrique : Elles et ses collègues masculins ne comprenaient pas pourquoi elles gagnaient environ 4 800 francs, contre près de 7 000 francs pour leurs homologues masculins. Il est intéressant de constater que c'est dans la métallurgie que les choses avancent.

Un bilan a été effectué dans le cadre des travaux préparatoires de la loi montrant que 50 % des entreprises de plus de 50 salariés produisaient ce rapport. C'est déjà bien, mais cela ne suffit pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il y a effectivement un processus qui s'est enclenché. On l'a senti au colloque de Metz. Les chefs d'entreprises aujourd'hui se sentent responsabilisés. Cela n'a pas été inutile.

Mme Michèle Monrique : La loi oblige. De temps en temps, c'est bien qu'il en soit ainsi.

Mme Catherine Génisson : Ce n'est pas un hasard. C'est avec vous que nous avons élaboré cette loi. Les indicateurs pertinents étaient en fait les outils pour faire le diagnostic, et à partir de là, le traitement obligatoire.

Mme Michèle Monrique : Parfois, on aimerait pousser plus. En tout cas, à F.O. on a beaucoup poussé pour les indicateurs pertinents et notamment leur affichage. Le fait d'afficher, c'est tellement plus clair. Quand on voit les chiffres, que ce soit pour la formation ou pour les promotions, il est plus difficile de tricher. Mais, il est malheureux de constater que l'on soit obligé d'en arriver à contraindre par voie d'affichage.

Cela dit, cela me paraît utile, et cela fait partie de l'aspect positif de la loi sur l'égalité professionnelle. Je pense en tout cas que cette loi, - même si elle doit être améliorée - ne doit pas revenir sur les indicateurs pertinents. Or, j'ai entendu, le 8 mars, certains dire que les indicateurs pertinents ne servaient pas à grand chose.

Mme Catherine Génisson : Je crois qu'il a été dit incidemment que c'était beaucoup de paperasse pour pas grand chose. C'était d'autant plus perturbant que nous avions entendu auparavant quelqu'un qui avait fondé tout un travail sur le sujet de l'égalité professionnelle sur les critères très précis, que sont les indicateurs pertinents.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela ne représente pas énormément de pages. Il n'y a que quatre indicateurs.

Mme Michèle Monrique : Nous les avons résumés dans notre brochure.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous l'avons trouvé très bien faite.

Mme Michèle Monrique : Nous l'avons faite pour répondre à une vraie demande.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Vous avez eu raison de m'indiquer cette appréciation sur les indicateurs, parce que c'est un des points qui sera mis en évidence dans notre rapport.

Mme Michèle Monrique :  C'est l'huile que l'on met dans le moteur. Il ne faudrait pas que la loi de mai 2001 soit comme celle de 1972 ou de 1983 et qu'elle reste dans les cartons. On aurait leurré pas mal de monde et ce n'est pas le moment.

En tout cas, nous avons une campagne sur l'égalité salariale très importante. On va dans les unions départementales avec notre guide, et on explique pourquoi il faut la mettre en oeuvre.

Il faut dire également qu'il y a une démarche similaire au plan européen. Nous avons participé au séminaire sur le dialogue social européen et l'égalité entre hommes et femmes. Nous avons donné notre position syndicale. Le fait que nous ayons discuté des indicateurs pertinents a été une bonne chose. On va essayer d'avancer dans ce sens sur le plan européen.

Je ne vous dirai pas tous les chiffres qui font que les carrières des femmes ne sont pas ce qu'elles devraient être. Il faut également savoir, puisque l'on parle de retraite, - je l'ai dit devant les femmes de l'UMP - que les carrières des femmes sont "saucissonnées" - elles s'arrêtent pour élever leurs enfants, cinq ou six ans, même si elles sont dans la fonction publique -, que les femmes ont un manque à gagner sur leur profession, sur leur avancement, sur leur avenir, et sur leur retraite, et que cela leur donne des retraites de pauvres.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les retraites des femmes sont liées directement à leur carrière. Ce n'est pas la retraite, mais la carrière des femmes qu'il faut traiter ; alors la retraite se règlera d'office.

Mme Michèle Monrique : Quand on pense que le service national était pris en compte pour les années de retraite et que quand vous vous arrêtiez pour élever les enfants, y compris dans la fonction publique, ce n'était pas pris en compte.

Lorsque vous preniez une disponibilité - maintenant le congé parental existe, des choses ont été faites - pour élever les enfants, ce n'était pas pris en compte. En revanche, un an pour le service national, c'était pris en compte. Il y a donc un vrai problème.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il y a effectivement un problème. Quand on élève ses enfants, on fait aussi bien que le service national. On élève les enfants pour la France.

M. Laurent Hénart : J'ai fait les deux et je peux vous dire qu'il est plus intéressant d'élever ses enfants. Il faut savoir hiérarchiser.

Mme Michèle Monrique : Vous allez tout à fait dans mon sens. Le fait d'élever ses enfants devrait donc compter double par rapport au service national. Je suis ravie de vous l'entendre dire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Au moins égal.

Mme Michèle Monrique : Voilà en tout cas comment nous voyons les choses. Nous essayons également de faire valoir que si l'on parle d'égalité de salaire par exemple, on ne doit pas simplement parler "à travail égal, salaire égal", mais "à travail de valeur égale, salaire égal".

Aujourd'hui, le fait de dire par exemple qu'un homme a une charge plus lourde. ce n'est pas toujours évident. Heureusement d'ailleurs que tout le monde a travaillé - il y a désormais des moyens matériels - pour faire en sorte que les charges soient moins lourdes. Il y a également plusieurs raisons pour lesquelles on embauche les femmes : elles sont plus rapides, ont plus de dextérité, sont plus proches du social, etc.

Il y a un travail de valeur égale et non un travail égal.

Mme Catherine Génisson : C'est tout le sujet de la validation des acquis.

Mme Michèle Monrique : La validation des acquis de l'expérience est une bonne idée, mais c'est un parcours du combattant.

Il faut aussi que la validation des acquis soit valorisée. Il faut qu'elle serve non seulement à changer d'emploi si la femme en a envie, mais qu'elle puisse la valoriser professionnellement, c'est à dire qu'elle puisse être rémunérée en fonction de ce nouvel acquis professionnel.

Mme Hélène Mignon : J'ai vu des blocages incroyables, notamment chez les artisans.

Mme Michèle Monrique : Je demande au Gouvernement comment on va faire pour faire fonctionner cette machine. Le cadre nous paraît très compliqué et très lourd. Il faudra sûrement simplifier la validation des acquis ou du moins être clair sur la façon dont on peut valider ses acquis et sur l'apport qui en est fait au bout du compte. Il faut que cela soit valorisable professionnellement.

Mme Catherine Génisson : Il y a un double protectionnisme : celui des professionnels et celui des milieux de formation. Les uns et les autres disent que c'est par leur filière que cela doit passer. Chacun a son pré carré.

Ensuite, il y a effectivement le problème, que vous avez fort justement décrit, de la valorisation de l'acquis de cette validation. C'est évident. Sinon, faire le parcours du combattant pour rien, n'a aucune utilité.

En fait, l'égalité salariale sera réalisée quand il y aura justement une égalité d'embauche, de promotion et de formation. Décréter l'égalité salariale est finalement un peu un leurre.

Mme Michèle Monrique : Pour l'égalité d'embauche, on ne devrait plus avoir de problème. Et pourtant il y en a. Pour quelles raisons ? Parce que les employeurs ont intérêt à embaucher des femmes, si cela coûte moins cher. Si on paie 25 % de moins, il y a un intérêt à le faire.

Mme Catherine Génisson : A les embaucher et à ne pas les promouvoir.

Mme Michèle Monrique : Et avoir, si besoin est, une aide de l'Etat pour embaucher des femmes, faire des actions "positives". L'égalité d'embauche, si elle existait, ce serait tout de même parfait.

Aujourd'hui, je rencontre des employeurs qui me font peur. J'ai un ami employeur qui me dit qu'avec toutes les mesures qui sont mises en place, il n'embauchera plus que des hommes et des femmes qui ne sont plus en âge de procréer.

Il n'est pas pensable d'entendre de tels propos. Il a été prouvé qu'économiquement, l'emploi féminin est une richesse pour l'économie française. Il faut faire comprendre que cela crée une dynamique positive et non pas négative, mais ce n'est pas tout à fait mon rôle.

Ce matin, j'ai été interviewée par une journaliste qui me disait son incompréhension, que l'on discutait toujours des même choses cinquante ans après. Sauf que, dans les années 70-80, on était dans une espèce d'espérance progressive. Aujourd'hui, je ne suis pas sûre que l'on soit exactement dans la même dynamique.

Quand on voit par exemple les comportements des jeunes filles des banlieues, on s'aperçoit qu'en 1970-1980, on enlevait le voile, et qu'en  2003, on est en train de le remettre. C'est une métaphore, mais c'est à peu près le même comportement pour l'emploi féminin.

Mme Hélène Mignon : Et le salaire parental risque également d'avoir un effet négatif, car les hommes diront aux femmes de rester à la maison, puisqu'elles peuvent bénéficier de ce salaire, et de laisser la place aux hommes dans les entreprises.

Mme Michèle Monrique : C'est un vrai piège, le salaire maternel. Effectivement, quand on aura sorti les femmes du milieu de l'entreprise, ensuite, il sera difficile d'y rentrer.

On a vécu cela avec l'APE pour le troisième enfant. Les femmes sont sorties de l'entreprise, et ont eu beaucoup de difficultés à la réintégrer ensuite. Il y a aussi parfois des mesures qui font qu'il y a un retour de balancier qui, finalement, sortent les femmes de l'entreprise.

Dans la loi sur l'égalité professionnelle, il y a quelques bons outils qu'il ne faut pas négliger.

Mme Catherine Génisson : Beaucoup reste à faire.

Ce que vous avez souligné de très important au début de votre propos, c'est la nécessité de mailler le monde de l'entreprise de structures qui défendent l'égalité. Cela n'a pas été inséré dans la loi, et pour cause, parce qu'on n'avait pas suffisamment travaillé sur les mesures à mettre en place pour inciter à la mise en place de ce maillage. C'est un sujet fondamental. S'il y avait un complément à apporter sur ce sujet à la loi, - si ce n'est qu'il est très difficile à traiter -, c'est d'inciter à ce qu'il y ait ces structures traitant de l'égalité, à la fois au sommet, mais également au plus bas de l'organisation de l'entreprise. Cela me semble très important.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est fondamental.

M. Laurent Hénart : Ce qui m'intéresserait, c'est aussi de savoir si vous avez pu, par le biais de votre syndicat, avoir des expériences concrètes d'accords d'entreprises, d'accords d'établissements, - un ou deux exemples - pour savoir concrètement, s'il y a des bonnes recettes ou idées à promouvoir.

Mme Michèle Monrique : Oui, il y en a, mais je vais laisser la parole à mon assistante, Valérie Chartier, car - plus souvent que moi - elle répond directement au terrain.

Mme Valérie Chartier : Nous avons été contactées par une quinzaine de délégués syndicaux centraux d'entreprises ou de négociateurs de branches pour apporter une aide à l'analyse du rapport de situation comparée. Cela signifie que dans certaines entreprises, voire des grosses entreprises ou des grands établissements publics, le rapport était rendu, mais qu'il n'était pas lisible, ni facilement analysable par les représentants du personnel ou les délégués syndicaux.

On a donc apporté cette aide dans l'analyse des rapports de situations comparées en pointant les éléments qui manquaient. Par exemple, nous conseillons de demander deux à trois indicateurs supplémentaires pour la production du rapport. Ainsi, l'ancienneté moyenne par sexe et par catégorie professionnelle manque, alors que cet indicateur est essentiel.

Dans les données sur les congés, il faudrait intégrer le congé individuel de formation (CIF) et voir si les demandes de CIF dans l'entreprise ont été accordées et surtout de qui elles émanaient. Lorsque l'on aborde la question de la formation, les employeurs "justifient" l'écart d'accès à la formation professionnelle dans l'entreprise par l'argument selon lequel les femmes ne se portent pas candidate à la formation, qu'elles ont des contraintes qui les écartent de la formation. Or, il est facile de démontrer, par rapport au CIF qui est une démarche individuelle, en dehors du plan de formation de l'entreprise, que les volontaires au CIF sont, à parts égales, des hommes et des femmes. Il n'y a donc pas de réticences particulières de la part des femmes à l'accès la formation.

M. Laurent Hénart : C'est ce que vous avez constaté.

Mme Valérie Chartier : Ce sont simplement les conditions d'accès à la formation qui peuvent parfois freiner les femmes ; en effet, les "charges familiales" reposent plus encore sur les épaules des femmes que sur celles des pères actuellement.

Voilà un indicateur supplémentaire à intégrer.

Il faudrait également un indicateur sur les embauches et les départs par sexe, catégorie, niveau d'emploi, type de contrat, âge moyen, et durée du travail des salariés concernés, pour essayer de montrer s'il y a un profil type d'embauche ou un profil type de licenciement dans l'entreprise.

De même, en ce qui concerne les conditions salariales, il importe d'intégrer un indicateur qui, au-delà du salaire de base, permettrait de donner les montants moyens par sexe, catégorie etc., des primes et avantages divers, en plus du salaire de base. Il y a là un champ de discrimination assez important.

Mme Michèle Monrique : Ce problème des primes se pose également pour la fonction publique.

Mme Catherine Génisson : C'est ce qui fait la différence de revenu ; il n'y a pas de différence de salaire, car ce n'est pas légal, mais il y a inégalité de revenu.

Mme Michèle Monrique : Absolument. Il est vrai que dans la fonction publique, il n'y a pas de différence d'accès, mais au-delà du fameux "plafond de verre", on peut constater qu'il y a aussi discrimination. C'est un chantier important.

Je regrette que dans la "loi Roudy", il n'y ait pas eu de données contraignantes. On aurait peut-être pu avancer.

En ce qui me concerne, je n'étais pas particulièrement préparée à défendre spécifiquement les droits des femmes et aujourd'hui, je me rends compte que cela relève pratiquement de la "résistance".

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Comme je le dis souvent à Mme Catherine Génisson, quand on a voté la loi de mai 2001, tout le monde s'était mobilisé sur le problème du travail de nuit.

Mme Catherine Génisson : Le travail de nuit existait déjà pour 800 000 femmes. J'en connais très bien les incidences. Je le pratique et j'en vois les conséquences néfastes. A l'hôpital, les accidents du travail de nuit sont plus fréquents que ceux du jour, et par ailleurs, on voit également la détérioration de la santé due au travail de nuit.

Il n'y avait aucune législation. Le fait d'encadrer le travail de nuit devrait en principe inciter les entreprises à y avoir moins recours et à être plus protectrices vis-à-vis des travailleurs.

Mme Michèle Monrique : En fait, Mme Nicole Péry, alors secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, a été très honnête quand elle a dit que le travail de nuit n'était pas un progrès social. En tout cas, on s'est bien battues contre.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : A titre personnel, j'y étais très opposée.

Dès maintenant, je vous convie l'année prochaine, quand les bilans seront un peu plus connus.

Mme Michèle Monrique : On se mettra en état de vigilance.

Mme Valérie Chartier : La loi prévoit qu'au bout de deux ans un bilan sera présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire en mai 2003. Cette audition se situe-t-elle dans ce cadre-là ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Non. J'en ai pris l'initiative car j'estime qu'il ne convient pas de voter des lois et de ne pas en faire le suivi. Il ne faut pas non plus en proposer de nouvelles, alors qu'un premier bilan n'a pas été réalisé. Je ferai un rapport à partir de toutes les auditions que j'ai menées et je le remettrai au ministre des affaires sociales. Je lui demanderai de faire appliquer la loi, notamment en matière de bilans.

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