DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 12

Mardi 8 février 2005
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises

- Audition de Mme Marie-Cécile Moreau, juriste, présidente de l'Association française des femmes de carrières juridiques

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu M. François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. François Fatoux d'avoir répondu à l'invitation de la Délégation, qui a souhaité l'auditionner dans le cadre de sa réflexion sur l'égalité salariale, le Président de la République ayant demandé le 4 janvier dernier au Gouvernement de présenter un projet de loi sur l'égalité salariale avec une obligation de résultats dans cinq ans. L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) joue un rôle important auprès des entreprises qui souhaitent réaliser l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il a rendu public à l'automne dernier son répertoire sur les « pratiques d'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les entreprises ». Ce document très intéressant montre qu'avec de la volonté, celle des entreprises comme celle des politiques, on peut obtenir des résultats.

Mme Marie-Jo Zimmermann a souhaité que M. François Fatoux :

- présente l'origine, les objectifs et les missions de l'Observatoire ;

- donne des informations sur le contexte et les initiatives qui ont conduit à la réalisation du répertoire, un aperçu de son contenu, l'aide que les entreprises peuvent en attendre ;

- fournisse quelques exemples des accords d'entreprise présentant, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 9 mai 2001 qui impose une obligation de négocier, des pratiques innovantes, particulièrement dans le domaine de l'égalité salariale, ce qui permettra à la Délégation d'affiner son argumentation ;

- indique les facteurs qui, selon lui, expliquent la très lente évolution du monde de l'entreprise vers plus d'égalité professionnelle et la médiocre application des lois existantes. Car, malgré un arsenal législatif complet, les inégalités persistent ;

- dise s'il constate des changements récents dans l'attitude des entreprises et une prise de conscience des liens de plus en plus étroits entre emploi des femmes, égalité professionnelle et performance économique.

M. François Fatoux a rappelé que l'Observatoire a vocation à travailler sur le concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), défini par la Commission européenne comme étant les démarches volontaires des entreprises, au-delà de leurs obligations légales, pour intégrer les préoccupations sociales et environnementales.

L'Observatoire est une association loi de 1901 qui regroupe des grandes entreprises, des confédérations syndicales, des investisseurs et des sociétés de gestion de portefeuilles et ce qu'on appelle dans le jargon de la RSE les « parties prenantes », l'idée étant que les entreprises doivent désormais rendre compte de leur comportement social, environnemental, éthique à l'ensemble des parties prenantes de la société. Il a été créé en 2000 dans le but de rattraper le retard de la France sur les pays anglo-saxons en termes de prise de conscience des enjeux, mais aussi d'outils. Car l'Observatoire a développé des outils qui doivent inciter les entreprises à prendre en compte ces enjeux, y compris en matière d'égalité professionnelle.

C'est dans cette logique que l'article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques oblige les entreprises cotées à intégrer dans leur rapport de gestion des informations sociales et environnementales. Mais, s'il y a consensus sur le principe, c'est la mise en œuvre qui fait problème. Les différents acteurs pouvant avoir des intérêts contradictoires, l'Observatoire a une fonction de veille et de sensibilisation.

La notion de développement durable est plus large que l'idée qu'on s'en fait souvent : elle va au-delà des seules questions environnementales. L'Observatoire a donc souhaité faire de l'égalité un enjeu de responsabilité sociale au même titre que l'amélioration des conditions de travail, le respect de l'environnement ou la lutte contre la corruption. Pour cela, il a montré que les investisseurs dits « socialement responsables » ou « éthiques » s'intéressaient à cette notion et l'intégraient dans leurs jugements de valeur sur les entreprises. Ils ont d'ailleurs recours à des agences de notation comme Vigeo, fondée par Nicole Notat, qui apprécient le comportement social des entreprises.

A Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui lui avait demandé si cette prise de conscience était récente, M. François Fatoux a répondu que les thématiques de la RSE étaient prises en compte depuis un certain temps dans les pays anglo-saxons, mais seulement depuis les années 2000 en France. La première agence de notation extra financière (Arese) a été créée en 1997, Vigeo en 2003 ; la loi sur les nouvelles régulations économiques date de 2001, les incitations de la Commission européenne à ce que les entreprises publient des rapports de développement durable intégrant les dimensions sociales remontent seulement à l'année 2001, et la stratégie nationale de développement durable du Gouvernement à 2002.

Les entreprises sont aussi incitées à aller de l'avant par le fait que les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux labels et que les jeunes diplômés regardent désormais, avant de postuler, les classements comme celui des entreprises « où il fait bon vivre », ce qui est important en période de pénurie de main d'œuvre.

Est par ailleurs mise en avant l'idée relativement nouvelle que l'entreprise qui prend en compte les questions sociales satisfait en même temps à une logique financière et économique et améliore sa performance. On n'oppose plus la logique spéculative à la logique sociale, mais on considère qu'il peut y avoir complémentarité, voire synergie. Des études récentes, comme celle du cabinet Catalyst, cherchent ainsi à montrer que l'augmentation du nombre de femmes dans une entreprise améliore ses performances. Ce message n'apparaît toutefois pas clairement dans le répertoire en raison des réticences des syndicats, qui préfèrent que l'on mette l'accent sur l'obligation légale, qui suffit selon eux à inciter les entreprises à aller de l'avant. Pourtant, de nombreux investisseurs qui gèrent des placements éthiques ont besoin qu'on leur montre que le fait de s'inscrire dans une démarche socialement responsable n'altère pas la performance de l'entreprise, au contraire.

Au sein des entreprises, si les responsables du développement durable sont désormais acquis à cette démarche, force est de constater que cette préoccupation est souvent portée par les femmes elles-mêmes et que la mise en œuvre concrète demeure difficile.

La loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle pose le principe d'un suivi - le reporting - avec production d'indicateurs, car on manquait d'outils et on avait constaté que les politiques lancées dans les entreprises dans les années 90 s'étaient souvent interrompues, faute d'objectif, quand celui qui en avait la charge avait quitté ses fonctions. C'est pourquoi la loi prévoit des objectifs, des moyens et une évaluation des résultats. Pour autant, une étude de la Délégation aux droits des femmes du Sénat montre qu'un petit nombre d'entreprises s'acquittent de leurs obligations. Il était donc nécessaire de montrer que les entreprises pouvaient s'intégrer dans cette démarche en faisant connaître leurs pratiques.

Le fait que de nouveaux acteurs poussent les entreprises à s'intéresser à ces questions a des effets positifs : quand une entreprise reçoit un questionnaire d'une agence de notation, elle mesure la nécessité d'agir dans ce domaine. Il existe même des indices boursiers de développement durable.

Mais les entreprises ont l'impression que cette problématique est complexe, car les écarts de rémunération sont le résultat d'un ensemble de facteurs. Il est désormais très rare qu'on embauche une femme à un salaire inférieur à celui d'un homme pour la même fonction. Il faut donc choisir l'angle par lequel on s'attaque aux inégalités : recrutement, formation, gestion des potentiels, parcours professionnels, etc.

Il est ainsi apparu qu'il pouvait être utile qu'un support pédagogique mette en avant les enjeux par thème et valorise les pratiques innovantes avec le souci de trouver des réponses très concrètes, en entrant presque dans les détails. Les expériences sont présentées de façon anonyme, mais les accords d'égalité professionnelle sont cités en exemple.

Ce répertoire a été rendu public en septembre 2004, sous forme électronique et sur papier. Les 15 000 exemplaires imprimés ont été largement diffusés par les syndicats, les pouvoirs publics et les grandes entreprises et une version actualisée sera disponible en mars prochain.

L'Observatoire envisage de créer un site Internet dédié à l'égalité professionnelle, qui permettrait en particulier que les entreprises décrivent elles-mêmes leurs pratiques et que les accords d'égalité soient mis en ligne. Car il est apparu que ni les syndicats ni les pouvoirs publics ne disposaient de la totalité de ces accords. Ceux-ci ne sont pas toujours envoyés par les entreprises aux directions départementales de l'emploi, et lorsqu'ils le sont, restent stockés à ce niveau, alors qu'il serait très intéressant d'en disposer.

Il existe une difficulté juridique, à savoir que les pouvoirs publics qui collectent ces données, ne peuvent les rendre publiques. L'Observatoire compte donc demander l'aval des entreprises à une telle publication sur internet.

Il est également prévu de préparer pour les PME un support pédagogique destiné à les accompagner concrètement, car les indicateurs de la loi de 2001 ne leur sont pas adaptés. A côté de ce support, il faut que des acteurs de terrain, comme les chambres consulaires mais aussi les collectivités territoriales - qui sont, comme l'Etat, plutôt en retard en la matière -, accompagnent les PME. Sans doute n'y a-t-il pas besoin d'une nouvelle loi, mais de pédagogie et d'incitations financières pour avancer.

Les entreprises étrangères ne font ni mieux ni moins bien ; il est donc nécessaire de mettre en avant ce qui se fait en France.

La fiche sur l'égalité salariale met en avant certains accords. Un des plus avancés est celui d'EDF-GDF, qui chiffre à 4,9 % l'écart récurrent entre la rémunération des hommes et des femmes et qui prévoit concrètement un volant d'augmentations individuelles. Cela pose d'ailleurs le problème de la dévolution d'un budget à la résorption des inégalités.

Dans le cadre de la réactualisation du répertoire, l`Observatoire s'est penché aussi sur l'accord Schneider du 17 décembre 2004, qui comporte des dispositions innovantes à propos des classifications. A partir du constat qu'une des raisons de l'écart des rémunérations est que les femmes occupent des emplois inférieurs sur la grille de classification, un rattrapage spécifique est prévu pour l'emploi de secrétariat, avec un objectif : « qualification égale au bout de 18 mois de travail ». Certes, ce dispositif n'est pas transposable à toutes les entreprises, mais son existence même montre bien qu'il est possible d'utiliser toute une gamme de solutions, en les adaptant à chaque contexte particulier. L'objectif est de montrer toute la palette des innovations possibles. On ne dispose toutefois que d'une trentaine d'accords de référence, qui ont tous leurs points forts : l'accord PSA est très intéressant sur différents points, tout comme les accords EADS ou EDF, par exemple.

Mme Marie-Jo Zimmermann a indiqué que l'accord sur l'égalité professionnelle conclu par PSA reposait largement sur la notion d'indicateurs pertinents.

S'agissant du concept d'enjeu pertinent, M. François Fatoux a observé qu'on ne pouvait pas imposer les mêmes contraintes à des entreprises dont les cultures, les secteurs d'activité, la démographie diffèrent. C'est aux acteurs qu'il revient, dans le cadre d'un dialogue, de s'approprier ces enjeux, de donner la priorité à tel ou tel d'entre eux, de considérer par exemple qu'il faut d'abord s'attaquer au problème du recrutement ou à celui de l'accès des femmes aux postes de responsabilité.

On rencontre aussi des difficultés d'ordre culturel : les syndicats ne manifestent pas toujours un intérêt marqué pour ces questions. Certains accords prévoient même l'obligation pour les syndicats de se féminiser eux aussi...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé si les syndicats en avaient pris davantage conscience et s'ils commençaient à se mobiliser en faveur de l'égalité.

M. François Fatoux a souligné que la volonté devait se traduire par des moyens. Or, ni dans les syndicats ni dans les entreprises, on ne dégage de ressources humaines. Au sein des confédérations syndicales, une ou deux personnes, dans le meilleur des cas, travaillent sur ces questions. Dans les entreprises, on peut se demander s'il faut affecter une personne en particulier à ce dossier, ou s'il doit concerner l'ensemble des fonctions dans l'entreprise afin que d'autres responsables s'en préoccupent également.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré qu'il valait peut-être mieux disposer d'une personne référente jusqu'à ce que l'égalité soit entrée dans la culture de l'entreprise. La bonne volonté ne suffit pas, il faut un élément déclencheur. Dans certaines unités de PSA, ce n'est pas le DRH mais l'assistante sociale qui est chargée de rappeler en permanence l'obligation d'égalité.

M. François Fatoux a insisté pour sa part sur le rôle de la direction, observant cependant que chaque entreprise est libre de son organisation. L'essentiel pour l'Observatoire est d'apporter le support pédagogique et les informations dont les acteurs, en particulier les syndicats, ont besoin.

Il a souligné l'importance de la complémentarité des supports. Sur le futur site, une rubrique mettra en valeur ceux élaborés par les syndicats. En fait, on retrouve un corpus commun dans tous ces documents, y compris dans celui que le ministère a publié en 2002, mais qui n'a pas été mis en ligne et qui a eu une diffusion limitée.

A la question de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, sur la nécessité d'une nouvelle loi, M. François Fatoux a observé à titre individuel qu'il comprend bien le président Jean-Louis Debré lorsqu'il affirme que la finalité de la loi ne doit pas être l'affichage. Certains considèrent également que tous les outils existent déjà. Mais le dispositif actuel ne suffit à l'évidence pas et peut-être la force symbolique de la loi est-elle nécessaire. Mais doit-elle être contraignante, ou affirmer des principes qui permettront aux entreprises de réduire les écarts entre hommes et femmes ? On ressent le besoin de mettre en valeur les pratiques, mais ce n'est pas parce qu'elle posera le principe de l'égalité salariale que la loi donnera aux entreprises les outils pour les réduire. Il appartient donc à ces dernières de les définir elles-mêmes.

Par exemple, s'agissant des augmentations de salaires, on fixe dans certains accords les volumes d'augmentations individuelles, on dit qu'il faut agir, mais on ne dit pas comment. Or, il faut des outils !

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que les lois de 1972, de 1983 et de 2001 prévoyaient toutes des outils pour l'égalité salariale. Mais ce qu'il faut pour que les entreprises avancent, c'est une volonté et celle-ci ne se décrète pas...

M. François Fatoux a rappelé qu'il y a aussi des problèmes culturels : certaines études montrent que les femmes revendiquent moins d'augmentations que les hommes. Pour la gestion des hauts potentiels, il existe maintenant des dispositifs de « coaching » adaptés pour permettre aux femmes d'accéder de la même manière que les hommes aux postes de responsabilité. On constate aussi que, dans l'accès à la formation, les femmes n'ont pas les mêmes exigences. Ainsi on trouve des autoformations qui peuvent se pratiquer à domicile mais qu'il vaut mieux suivre hors de chez soi pour éviter les interférences avec les tâches domestiques.

On constate toutefois depuis deux ans une certaine accélération de la réflexion, grâce aux effets combinés d'une volonté politique, des outils de notation et du reporting.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a noté que le fait d'insister en permanence dans les médias sur les indicateurs pertinents et sur la problématique de l'égalité pourrait faire réagir les femmes. Ce n'est qu'en martelant le message qu'on leur fera prendre conscience qu'elles sont actrices.

M. François Fatoux a ajouté que, si on veut avancer sur ces questions, il faut aussi traiter des questions de parentalité. Lui-même a plaidé, dès les années 90, pour un congé de paternité rémunéré. Car le dispositif neutre du congé parental ne suffit pas, il faut une mesure spécifique pour que les hommes l'utilisent en dépit des réticences liées à la carrière et à la perte de rémunération. Rémunérer le congé de paternité, c'est ôter aux hommes un argument pour ne pas s'arrêter de travailler. La politique que les pays nordiques ont menée pour impliquer les hommes a eu des effets positifs.

Avant de parler de discrimination positive en faveur des femmes, on peut chercher ce qu'on peut faire pour inciter les hommes à aller de l'avant et pour lever les réticences culturelles.

L'accord Renault a de ce point de vue une dimension pédagogique : « le congé de paternité est un des éléments favorisant le partage de l'éducation des enfants, des tâches familiales et des impératifs de la vie professionnelle entre les femmes et les hommes ». C'est ainsi qu'est motivé le maintien du salaire en cas de congé de paternité. Certains pensent également que la promotion des femmes dans l'entreprise passe par celle des femmes au foyer. Mais c'est un sujet auquel on a du mal à intéresser les femmes, y compris celles qui sont très en pointe sur le thème de l'égalité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait valoir que ce n'est pas une question d'intérêt pour le sujet, mais que l'idée est bien difficile à faire passer. Et l'on peut douter que la nouvelle génération partage mieux les tâches ménagères que celle qui la précède puisque les hommes ne consacrent que deux minutes de plus aux tâches familiales et ménagères qu'il y a vingt ans.

Mme Nathalie Gautier a constaté pour sa part une certaine évolution, certes variable selon les niveaux sociaux. Désormais, les jeunes femmes revendiquent l'égalité salariale et refusent que les tâches domestiques - par ailleurs facilitées par le progrès technique - ne soient pas partagées. C'est une démarche un peu nouvelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a admis que les jeunes femmes étaient beaucoup plus conscientes qu'auparavant, mais a douté qu'elles aillent jusqu'au bout de la démarche en refusant de les faire.

M. François Fatoux a rappelé que l'application des 35 heures se traduisait par plus de vie de famille pour les femmes et par plus de vie associative, sportive, de loisirs pour les hommes...

Mme Nathalie Gautier a fait observer que, si l'on manque de recul pour apprécier les effets de la RTT, il apparaît que le partage de la garde des enfants est plus équilibré. Les 35 heures sont sans doute fondamentales dans ce rééquilibrage.

M. François Fatoux a estimé que des enquêtes sur les congés de paternité montraient des choix tout à fait positifs et qu'il lui apparaît que ce dispositif pourrait accélérer le processus de changement culturel. En Suède, on a mené des campagnes publicitaires pour inciter les hommes à prendre ce congé, pour faire changer les mentalités. En France, un certain nombre d'entreprises n'ont pas encore intégré cette dimension de parentalité ; IBM, pourtant très engagée en faveur de l'égalité, n'a pas prévu de maintien du salaire.

Ceux qui demandent que l'on aille plus loin demeurent minoritaires, car cela obligerait à revoir les conditions de travail. Pourtant, Françoise Giroud avait dit justement que trop de protection enferme les femmes dans un ghetto protecteur. C'est pour cela qu'il faut peut-être changer de logique et donner des avantages aux hommes. Si l'entreprise est obligée de tenir compte de la pression des femmes et des hommes, elle sera tenue d'aller vers un système de management qui neutralise les effets inégalitaires.

Cela permettrait par exemple de s'attaquer au problème du temps partiel à quatre cinquièmes, qui est très peu utilisé par les hommes parce que ce n'est pas dans leur culture. Or, on peut les y inciter, mais tout se joue dans les premiers mois de la vie de l'enfant : s'il n'y a pas d'investissement immédiat des pères, c'est trop tard !

Mme Nathalie Gautier s'est demandé, sur le mode ironique, si une nouvelle loi ne serait pas finalement nécessaire pour donner des avantages aux pères...

M. François Fatoux a insisté sur la nécessité d'utiliser de façon pertinente le grand nombre d'informations qui sont collectées par les pouvoirs publics. Comment faire en sorte que celui qui négocie dans son entreprise sache ce qui a déjà été fait en la matière ? L'Etat a sans doute pour mission de mettre ces informations à la disposition des acteurs ; or, c'est une structure privée comme l'Observatoire qui pourrait mettre en ligne les accords d'égalité professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré que si on s'était emparé de la loi de 2001, si on l'avait portée vers les entreprises en les aidant à l'appliquer, on n'en serait sans doute pas arrivé à ce que le Président de la République déclare le 4 janvier dernier qu'il fallait une loi pour l'égalité salariale. Cela montre une nouvelle fois l'importance de la médiatisation et de la pédagogie.

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mme Marie-Cécile Moreau, juriste, présidente de l'Association française des femmes de carrières juridiques.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Marie-Cécile Moreau, juriste, présidente de l'Association des femmes de carrières juridiques et membre de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes. Pour l'avoir entendue tant à l'occasion du projet de loi portant réforme du divorce que lors de l'élaboration du texte relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, la Délégation connaît la finesse et la pertinence de ses analyses.

Préoccupé par la persistance de l'inégalité professionnelle, le Président de la République a annoncé le 4 janvier dernier qu'il demanderait au Gouvernement d'élaborer une nouvelle loi relative à l'égalité salariale. Dans ce contexte, la Délégation sera attentive au point de vue de la juriste sur l'évolution d'un arsenal législatif déjà fourni et contraignant, et sur les perspectives que pourrait ouvrir une nouvelle initiative législative. L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes montre qu'une forte inégalité salariale demeure en dépit des dispositions contenues dans les lois de 1972, 1983 et 2001. Dans ces conditions, une nouvelle loi est-elle nécessaire, ou est-ce plutôt la volonté politique de faire appliquer la législation en vigueur qui doit être renforcée ?

Mme Marie-Cécile Moreau a exposé que, s'intéressant de très près aux droits des femmes depuis maintenant six ans, elle est désormais convaincue qu'en cette matière tout se tient : arsenal normatif, mesures annexes et application des lois. Le droit a été engagé dans le combat en faveur de l'égalité entre femmes et hommes depuis plusieurs décennies et malgré cela l'égalité salariale n'est pas acquise ; un écart de rémunération généralement évalué à 25 % se maintenant au détriment des femmes. A l'aune des dispositions légales, cet écart est considérable. Si l'on tient, par une nouvelle loi, à remédier à ce qui ne fonctionne pas, il convient avant toute chose de chercher à comprendre les raisons de cet écart ; or, le plus souvent, on l'énonce sans s'appesantir.

Le chiffrage lui-même appelle des réserves. Que recouvrent ces 25 % ? Lorsque l'on interroge les professionnels, on retire de leurs réponses un sentiment de confusion plus que d'éclaircissement, et on se demande toujours comment ce taux a été calculé. Aussi doit-on le retenir comme une facilité de langage - sans contester qu'un écart de rémunération existe entre les hommes et les femmes au détriment de ces dernières.

Les réserves que l'on peut avoir ne s'arrêtent pas au chiffrage de l'écart ; elles tiennent aussi aux raisons données pour l'expliquer, notamment par l'INSEE dans une étude de 1997. Il y était exposé que l'écart de rémunération s'explique pour deux cinquièmes par la durée de vie professionnelle des femmes, plus courte que celle des hommes, et pour deux cinquièmes par le profil de la personne considérée. Reste un cinquième, que personne n'explique... C'est justement celui sur lequel il faut s'arrêter. Pourquoi cette incertitude persistante ?

Les femmes ont toujours travaillé, même lorsque leur statut civil faisait d'elles des mineures. Il est donc inexact de prétendre que si elles sont à présent très nombreuses en activité, c'est parce qu'elles ont été émancipées. Si les femmes travaillent en si grand nombre, c'est pour des raisons économiques, principalement dans le secteur tertiaire où elles se sont engouffrées.

Mais, de même qu'une loi nouvelle ne s'installe dans les mœurs qu'avec le temps, de même il faut du temps pour qu'une loi abolie disparaisse dans ses effets, c'est-à-dire pour que les femmes extirpent d'elles le sentiment de soumission et que les hommes intègrent l'égalité. Il existe donc une rémanence diffuse de l'ancien statut légal de la femme - ce que l'on peut qualifier de « mentalité » -, car ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour les institutions, sommes d'individus. Comme on ne peut contraindre les mentalités au changement, il est difficile de dire que faire.

Le Conseil européen a adopté dès 1984 une recommandation « relative à la promotion des actions positives en faveur des femmes » dont la teneur est frappante. Au nombre des considérants figure en effet l'énoncé que « les normes juridiques existant sur l'égalité de traitement qui ont pour objet d'accorder des droits aux individus sont insuffisantes pour éliminer toute forme d'inégalité de fait si, parallèlement, des actions ne sont pas entreprises, de la part des gouvernements, des partenaires sociaux et d'autres organismes concernés, en vue de compenser les effets préjudiciables qui, pour les femmes dans la vie active, résultent d'attitudes, de comportements et de structures de la société » .

Voilà qui fait mieux apparaître ce que le droit normatif peut avoir d'insuffisant, et ce qu'il faudrait faire en aval. Reste à déterminer si le projet de loi annoncé devrait promouvoir des mesures incitatives ou des sanctions.

Chacun le sait, le corpus normatif est acquis en France, et depuis longtemps, puisque le principe de l'égalité salariale était inscrit dans l'article 140-2 du code du travail avant même la loi de 1983. Mais cette loi a eu pour particularité que Mme Yvette Roudy y a introduit un article prévoyant que l'employeur qui ne se soumettrait pas aux dispositions de la loi relatives à l'égalité salariale encourrait, outre la procédure prud'homale, une condamnation pénale pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 20 000 francs d'amende.

A supposer même que la législation nationale ne prévoie rien à ce sujet, le droit communautaire ne permettrait pas que l'on en reste là. L'article 141 du traité instituant les Communautés européennes, dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam, - article qui connaît une fortune certaine en ce moment à la Cour de Luxembourg - s'appliquerait. Il dispose que « chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur », ajoutant que ce principe n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques « destinées (...) à prévenir ou compenser des désavantages ».

En dépit de ce corpus national et européen, l'écart de rémunération est toujours tel qu'il a provoqué l'annonce, par le Président de la République, d'un nouveau projet de loi alors même que la « loi Génisson » contient certaines des mesures recommandées par le Conseil européen en 1984 pour prendre en considération les « attitudes, comportements et structures de la société » décriés.

Mme Marie-Cécile Moreau a porté une appréciation mitigée sur le rapport de Mme Gisèle Gautier, présidente de la Délégation aux Droits des Femmes du Sénat, en premier lieu parce que, ne concernant que les entreprises de 50 salariés et plus, il laisse le lecteur dans l'ignorance de ce qui se passe dans les autres, en second lieu, parce que bien que la « loi Génisson » tienne la rémunération comme l'un des critères pertinents de l'égalité professionnelle, il ne présente pas les choses sous un angle très dynamique. Ce travail estimable donne une photographie de la situation à un instant donné, mais les personnes sondées n'ont pas été interrogées sur l'application des dispositions relatives aux employeurs qui se dérobent à leurs obligations légales. C'est fort dommage.

Bien qu'au moment de l'élaboration de la loi du 9 mai 2001, il ait été envisagé de recourir à des incitations plutôt qu'à des contraintes, la loi a retenu ces dernières. Or, on a le sentiment que la loi reste finalement peu appliquée dans les entreprises moyennes, de par la rémanence déjà évoquée, qui frappe aussi l'ensemble des acteurs de l'entreprise. On constate en outre que même si un employeur n'agit pas, les instances qui auraient dû l'y contraindre ne l'ont pas fait, ce qui ne laisse pas d'intriguer. Et s'il existe une longue jurisprudence prud'homale relative à l'égalité de rémunérations, les dispositions des lois « Roudy » et « Génisson » relatives aux poursuites pénales ne sont pas appliquées.

Si la loi annoncée doit, comme le Président de la République l'a dit, réussir en cinq ans, elle devra prévoir des sanctions exemplaires, sans quoi le dispositif ne fonctionnera pas. L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes ne s'étant que très peu réduit en plus de cinquante ans, passant de quelque 36 % en 1950 à 25 % maintenant, est-ce un pari seulement envisageable de dire qu'il disparaîtrait en cinq ans ? Mme Marie-Cécile Moreau, qui assistait à la cérémonie des vœux au cours de laquelle le Président de la République a fait l'annonce, l'a trouvée un peu excessive, non seulement pour ce qu'elle lui a semblé avoir d'utopique, mais aussi parce que le chef de l'Etat ne s'est pas placé sur le terrain de l'égalité entre les femmes et les hommes. Qu'a-t-il dit ? Que « travailler pour l'emploi, c'est travailler pour l'égalité », et qu'il allait donc demander au Gouvernement de préparer un projet de loi ; autrement dit, l'aspect économique l'emportait ouvertement. Mais peut-on contraindre le monde économique à respecter l'égalité professionnelle par des sanctions pénales ? M. Ernest-Antoine Seillière, présent à la cérémonie, n'a pas manqué de faire connaître son désaccord avec une proposition selon lui sans objet puisqu'il existe déjà un accord interprofessionnel, et l'attitude des syndicalistes invités ressemblait à la sienne car, comme le Medef, les syndicats souhaitent des incitations plutôt que des contraintes.

La situation étant ainsi décrite, Mme Marie-Cécile Moreau a indiqué qu'elle étudierait avec beaucoup d'intérêt le futur projet de loi.

Revenant ensuite sur les lois générales sur l'égalité, elle a décrit la jurisprudence européenne, et notamment les saisines de la Cour de Luxembourg par des hommes soutenant que les textes français ne sont pas conformes à l'article 141 du traité communautaire. Elle en a donné pour exemple la plainte d'un veuf de 48 ans, père d'un enfant et non remarié, empêché de se présenter à un concours de la fonction publique au motif que la limite d'âge était fixée à 45 ans, sauf pour les femmes dans une situation analogue à la sienne ; le 30 septembre 2004, la Cour de Luxembourg lui a donné raison, estimant l'interdiction « disproportionnée ». Les textes français étant truffés de dispositions de ce genre, il faut s'attendre à ce qu'ils soient passés au crible de la législation communautaire, et le résultat ne fait aucun doute, même si la référence au « principe de proportionnalité » par les juridictions est parfois disproportionné. Aussi l'état normatif national, favorable à l'égalité, peut-il être considéré comme instable puisque, dans certains secteurs, des dispositions introduites pour compenser les inégalités dont sont victimes les femmes sont remises en cause ou pourraient l'être.

Il sera particulièrement intéressant de voir si, dans le projet de loi annoncé, les sanctions pénales actuellement prévues à l'encontre des employeurs rétifs seront maintenues. Sur le terrain prud'homal, l'un des apports de la loi du 16 novembre 2001 est d'avoir, par transposition d'une directive, inversé la charge de la preuve, et permis aux syndicats d'agir au nom d'un salarié - ou d'une salariée. On dispose donc déjà des instruments nécessaires aux poursuites.

En déclarant que « travailler pour l'emploi, c'est travailler pour l'égalité », le Président de la République dit ne pas comprendre pourquoi les femmes et les hommes auraient des salaires différents et voit dans la promotion des talents des femmes l'un des éléments qui, en favorisant la consommation, renforcerait la croissance. Mais en quoi un nouveau texte contribuerait-il à cette évolution ? L'arsenal législatif est complet ; le problème est que l'on ne s'en sert pas ! On ne pourrait qu'être enchanté si les femmes finissaient par obtenir la même rémunération que les hommes, mais il est plus que douteux que cet objectif puisse être atteint par le biais d'une nouvelle loi. Quant à imaginer qu'il le soit en cinq ans...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a conclu de cet exposé que les parlementaires devraient se faire les missi dominici des lois existantes.

Mme Marie-Cécile Moreau a souligné l'hostilité du Medef à un nouveau texte et la complaisance des syndicats, dans une situation pourtant insatisfaisante. Elle a ajouté que, faute de contrainte, elle ne voyait pas comment la noble ambition affirmée par le chef de l'Etat pourrait se traduire dans la réalité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a constaté que, si la majorité avait œuvré, depuis deux ans et demi, à faire appliquer la législation existante, la Délégation ne serait pas conduite aujourd'hui à s'interroger sur les moyens d'améliorer la « loi Génisson ».

Mme Marie-Cécile Moreau, rappelant l'adage fameux « Qu'est la loi sans les mœurs, que sont les mœurs sans la loi ? », a souligné que l'évolution des idées demande du temps et que la rémanence des lois s'atténue au fil des générations, comme il ressort des réponses au sondage sur lequel s'appuie le rapport de Mme Gisèle Gautier.

Mme Nathalie Gautier a observé que les politiques contribuent au statu quo : tous les maires des grandes villes ne sont-ils pas des hommes ? Vient-il seulement à l'idée que le Président de la République ou le Premier ministre pourrait être une femme ? Tout cela compte dans la représentation du rôle de la femme et de son statut.

Mme Marie-Cécile Moreau a rappelé qu'il avait été envisagé d'imposer la présence de femmes au sein des conseils de prud'hommes, mais que les auteurs de la loi ont finalement décidé qu'il n'en serait rien. Dans ce domaine aussi, l'équilibre est très fragile, et l'on n'insistera jamais assez sur la spécificité du contrat de travail, fondement de la vie économique. Or, la tentation du pouvoir politique est souvent de faire prévaloir les mesures dont il estime qu'elles vont améliorer l'économie sur celles qui pourraient favoriser l'égalité ; la formulation de l'annonce du Président de la République en est une nouvelle démonstration.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite prête à améliorer la « loi Génisson » si cela est possible, mais en aucun cas à cautionner un recul des droits des femmes, soulignant d'autre part que rien ne servirait de légiférer inutilement.

Mme Marie-Cécile Moreau a estimé profondément regrettable que la question des sanctions pénales ait été passée sous silence dans le rapport de Mme Gisèle Gautier.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, constatant en résumé qu'il convenait, avant toute chose, de parvenir à faire appliquer la loi du 9 mai 2001, Mme Marie-Cécile Moreau s'est interrogé sur la manière de le faire. Le tribunal correctionnel effraye certains, mais ce n'est qu'un outil de contrainte comme un autre ; il faut dépassionner le débat. Si une loi nouvelle apparaît encore nécessaire alors qu'une législation complète existe déjà, c'est bien que l'outil juridique n'a pas été saisi alors même que, pour y aider, la loi du 16 novembre 2001 a prévu que les syndicats peuvent agir au nom des salariés - lesquels craignent souvent des représailles. Cette situation traduit un accord tacite tendant à progresser par d'autres voies que la voie juridique. Mais les hommes et les femmes se satisferont-ils de cette situation ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a jugé qu'un éventuel texte nouveau devrait être plus répressif sur la question de la rémunération à l'embauche, et qu'il conviendrait aussi d'éviter que les congés parentaux et de maternité n'entravent l'évolution salariale et le déroulement des carrières. Ces congés ne devraient pas pénaliser les femmes ; ils devraient être perçus comme des étapes positives dans la vie professionnelle des femmes.

Mme Marie-Cécile Moreau a observé que de telles dispositions seraient d'un maniement difficile, particulièrement lorsque, comme le prévoient certaines conventions collectives, un congé de maternité peut durer deux ans ; dans certaines professions, les femmes de retour à l'emploi ne sont alors plus opérationnelles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que, dans ce cas, la législation impose une formation lors de la reprise du travail.

Mme Marie-Cécile Moreau a insisté sur la nécessité permanente d'informer sur les droits, tout en soulignant qu'une nouvelle loi alourdirait encore un corpus législatif déjà pléthorique. Le code du travail à lui seul a pris l'ampleur d'un Larousse, et les strates successives s'y empilent au point que même les professionnels du droit ne s'y retrouvent plus. Trop de loi finit par tuer la loi !

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a vivement remercié Mme Marie-Cécile Moreau, qu'elle se propose d'entendre à nouveau dès que le projet de loi aura été présenté au conseil des ministres.

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