DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 15

Mardi 22 mars 2005
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Mme Cristina Lunghi, présidente de l'association Arborus

2

- M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales à la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME)

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et des femmes a entendu Mme Cristina Lunghi, présidente de l'association Arborus.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a rappelé que le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes devait être présenté le 24 mars en conseil des ministres. La Délégation aux droits des femmes a souhaité entendre, dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen de ce texte en séance publique, Mme Cristina Lunghi, présidente d'une association qui travaille depuis dix ans, bien avant que ce thème n'ait été médiatisé, à favoriser l'évolution des entreprises vers la parité entre les hommes et les femmes. La Délégation pourra ainsi recueillir un éclairage sur la situation dans les entreprises autres que celles qui sont aujourd'hui à l'avant-garde du mouvement vers l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il importe de faire le point sur l'application, et surtout la non-application de la loi du 9 mai 2001, et d'évaluer les possibilités qu'ouvre le projet de loi pour faire appliquer toutes les lois qui ont été adoptées depuis 1972.

Mme Cristina Lunghi a fait part de sa perplexité à la lecture de l'avant-projet de loi. Il comporte des dispositions très positives, mais dont il n'est pas sûr qu'elles relèvent du domaine législatif. De plus, il n'est pas fait référence à la loi du 9 mai 2001.

L'article 1er n'évoque nullement les petites et moyennes entreprises. En outre, il insiste sur la seule égalité salariale, sans aborder la question plus large des parcours professionnels. L'inégalité entre les hommes et les femmes n'apparaît pas systématiquement si l'on se contente d'examiner les différences de rémunération à l'intérieur d'une même catégorie professionnelle. Paradoxalement, dans certaines catégories, on en vient même à constater que les femmes sont mieux payées que les hommes, mais précisément en raison du fait qu'elles plafonnent dans cette catégorie sans passer dans la catégorie supérieure. C'est en réalité dans le parcours professionnel que se logent souvent les inégalités entre hommes et femmes, comme le montrent toutes les analyses fines des rapports de situation comparée. Selon ses analyses, la naissance d'un enfant se traduit par un blocage de l'évolution professionnelle pendant deux ans. Or, ce retard ne se rattrape pas.

C'est pourquoi il serait important que le déroulement des carrières soit intégré dans le champ des dispositions prévues à l'article 1er. La loi ou son décret d'application devrait prévoir une méthodologie permettant de mesurer de manière systématique, dans les rapports de situation comparée, les inégalités à cet égard (par des tris croisés notamment). Cela est d'autant plus regrettable que ce sont ces rapports qui constituent la base des négociations collectives débouchant sur les accords de branche.

L'article 2 vise certains éléments accessoires aux salaires, en l'occurrence les « mesures d'intéressement ou de distribution d'actions gratuites ». Mais il en ignore d'autres, qui font l'objet de discriminations. C'est le cas de la prime de Noël par exemple, qui, lorsque deux conjoints travaillent dans la même entreprise, est souvent versée au père et non à la mère. De même, les avantages en nature - voiture, téléphone portable, ordinateur -, qui constituent également des éléments de la rémunération, sont souvent accordés aux hommes plus qu'aux femmes, d'autant plus qu'ils sont aussi des attributs de pouvoir et des outils de promotion.

L'article 3 ajoute aux indicateurs sur la base desquels sont rédigés les rapports de situation comparée ceux qui permettent d'apprécier l'articulation entre l'activité professionnelle et « l'exercice des responsabilités familiales ». Cette rédaction est contestable, car certaines femmes sans enfant subissent elles aussi l'inégalité professionnelle. Mieux vaudrait parler de « la vie personnelle » que des « responsabilités familiales ».

L'article 4 est très riche. Cependant, au premier alinéa du I, le mot « mesures » est insuffisamment précis. Il conviendrait, par exemple par voie de décret, de proposer des outils méthodologiques adaptés. De même, la deuxième phrase de cet alinéa évoque un « diagnostic partagé » des écarts éventuels de rémunération. Mais comment établir ce diagnostic ? Mais avec quels outils méthodologiques et quels moyens financiers ?

En outre, le III de cet article prévoit qu'un bilan sera établi par une conférence nationale sur la base d'un rapport élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, et ce alors qu'aucun bilan réel de la loi précédente, celle du 9 mai 2001, n'a pu être dressé. Le sondage commandé par la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur son application est en effet un recueil d'opinions, et non un bilan. Il est nécessaire de recueillir de manière systématique des données permettant d'évaluer l'application des dispositions législatives, tâche dont il est permis de douter que le Conseil supérieur la mènera à bien quand on sait qu'il s'est réuni rarement en trois ans et qu'il ne dispose d'aucun moyen. Qu'un texte législatif confie au Conseil supérieur le soin d'élaborer un rapport est d'autant plus surprenant que le Gouvernement vient d'installer la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dotée d'un budget de 10 millions d'euros.

L'article 5 évoque lui aussi « l'articulation entre l'exercice de l'activité professionnelle et des responsabilités familiales », ce qui appelle la même remarque qu'au sujet de l'article 3.

L'article 6 insère dans le code du travail une disposition qui est la bienvenue. La question est cependant de savoir comment trouver l'argent susceptible de financer une telle mesure. On a pu constater les limites des groupements d'employeurs. De plus, il faut s'attendre à beaucoup de résistances, y compris de la part des femmes, tant il est vrai que les représentations stéréotypées de la distribution des rôles sociaux pèsent de tout leur poids.

L'article 8 dispose que les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 % de la somme des dépenses de formation engagées par la nouvelle entreprise pour les salariés qui, au cours d'un congé parental d'éducation, démissionnent pour changer d'entreprise, « si la formation a lieu dans les trois mois suivants le retour de congé parental d'éducation ». Cette disposition ignore les cas où les salariés n'ont pas démissionné mais ont été licenciés. Elle devrait viser les salariés qui ont connu une rupture de contrat de travail, quelles qu'en soient les causes. Le bénéfice du crédit d'impôt devrait être réservé aux entreprises engageant des dépenses de formation « si la formation a lieu dans les trois mois suivants le retour à l'emploi ».

L'article 9 transpose une disposition de la directive de 2002/73/CE renversant la charge de la preuve en cas de discrimination liée à l'état de grossesse. Pourquoi faire l'économie d'une transposition d'ensemble de cette directive ?

Le titre III est consacré à l'objectif de « promouvoir l'accès des femmes dans les instances de décision et de représentation ». L'article 12 vise le seul secteur public. Il serait bon d'ajouter un article visant le secteur privé. L'article 13, qui vise les conseils de prud'hommes, est d'une rédaction peu lisible, et ne s'inscrit pas dans une perspective de parité.

Mme Danielle Bousquet a souligné que la rédaction de l'article 13 n'était pas suffisamment incitative.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l'article 13 ne mentionne pas explicitement l'objectif de parité et observé que la notion de parité était mal définie.

Mme Danielle Bousquet a rappelé que la notion de parité était couramment employée dans d'autres contextes, par exemple quand on parle d'organisations paritaires représentant les employeurs et les salariés.

Mme Hélène Mignon a remarqué que la proportion des hommes et celle des femmes n'étaient pas nécessairement égales au sein du corps électoral des conseils de prud'hommes. De ce point de vue, il serait bon de parler de « représentation équitable » ou de « représentation équilibrée ».

Mme Cristina Lunghi a estimé que de telles notions étaient sujettes à diverses interprétations. L'objectif doit être de tendre vers la parité.

Mme Danielle Bousquet a souligné qu'il était possible de maintenir la rédaction de l'article 13 tout en ajoutant les mots : «, dans une perspective de parité entre les hommes et les femmes ». L'important est de s'inscrire dans une démarche paritaire.

S'agissant de l'article 14 sur la formation professionnelle, Mme Cristina Lunghi a estimé qu'il n'était pas nécessairement souhaitable que les personnes des deux sexes soient également représentées dans toutes les formations. Il y a des métiers que les femmes peuvent n'avoir nulle envie d'exercer.

Mme Nathalie Gautier a manifesté son étonnement devant le I de l'article 14. La région met en œuvre une politique d'apprentissage et de formation professionnelle, après quoi les hommes comme les femmes sont candidats aux divers stages qu'elle propose. On se demande sur quel aspect de la réalité une telle disposition pourrait permettre de faire avancer les choses.

Mme Cristina Lunghi a souligné qu'une mauvaise rédaction de la loi pourrait même donner lieu à des retours en arrière. En ce qui concerne l'offre de formation professionnelle, il importe avant tout, d'une part, d'obliger toutes les entreprises à former leur personnel à l'égalité entre les hommes et les femmes, et, d'autre part, d'inciter celles-ci à participer à des formations susceptibles de favoriser leur accès à des fonctions de direction. Car c'est bien lorsqu'il s'agit de crever les plafonds de verre que l'on constate l'étendue des obstacles auxquels se heurtent les femmes au sein des entreprises.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur le risque qu'une mauvaise loi, non seulement ne fasse pas avancer les choses, mais conduise à un retour en arrière.

Mme Cristina Lunghi a souligné qu'il est déjà difficile de faire connaître la loi du 9 mai 2001. En vérité, elle n'est connue que grâce au label « égalité professionnelle ». Une entreprise ne peut déposer un dossier de candidature auprès de l'AFAQ en vue de l'obtention de ce label si elle n'a pas au moins initié une négociation visant à avancer dans la direction de l'égalité professionnelle. Le label récompense certes les entreprises qui sont allées au-delà de leurs obligations légales, mais il reste que la loi de 2001 a été médiatisée grâce au label.

Mme Nathalie Gautier a remarqué que l'article 14 du projet de loi pourrait être l'occasion de faire obligation aux entreprises de dresser un bilan de leurs actions de formation professionnelle du point de vue de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Mme Cristina Lunghi a rappelé que l'établissement d'un tel bilan était l'un des critères auxquels il faut satisfaire pour obtenir le label. Ce bilan est un bon outil d'analyse et constitue d'ailleurs pour les entreprises un tableau de bord utile.

Mme Nathalie Gautier s'est demandée s'il ne serait pas utile d'introduire dans le texte une disposition aux termes de laquelle le plan de formation de l'entreprise pourrait être refusé par le comité d'entreprise s'il ne visait pas à corriger les inégalités salariales.

Mme Cristina Lunghi a souligné que le plan de formation ne faisait pas partie du champ de la négociation entre partenaires sociaux. La direction des ressources humaines d'une entreprise a tout pourvoir sur la définition de son plan de formation.

Mme Nathalie Gautier a déploré qu'aucune disposition du projet de loi ne fasse de la réduction des inégalités salariales l'un des objectifs que doit obligatoirement poursuivre le plan de formation professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait observer que l'adoption d'un tel objectif peut être incluse dans la liste des indicateurs pertinents qui doivent figurer dans le rapport de situation comparée.

Mme Cristina Lunghi a souligné que le projet de loi ne faisait aucune référence aux indicateurs pertinents.

Mme Danielle Bousquet a regretté que le projet de loi ne fasse aucune mention de la loi du 9 mai 2001. Tout se passe comme si les auteurs de ce texte voulaient faire croire que rien n'a jamais été fait pour améliorer la condition des femmes dans le monde professionnel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé qu'une loi nouvelle devait avoir pour objet l'amélioration de la loi précédente. Telle sera l'une des recommandations de la Délégation. Il n'est nullement déshonorant de se donner pour objectif d'apporter une pierre supplémentaire à un édifice dont la construction a déjà été entamée par une loi antérieure.

Mme Danielle Bousquet a constaté que le projet de loi était consacré à la seule égalité salariale, en ignorant tous les autres aspects de l'égalité professionnelle. C'est pourquoi il est indispensable de le mettre en rapport avec la loi précédente. Il faut éviter de donner l'impression que ce nouveau texte annule le précédent.

Mme Cristina Lunghi a souligné que ce projet de loi intervenait dans un contexte marqué par des avancées certaines, auxquelles il faut éviter de mettre un coup d'arrêt en abandonnant l'application de la loi du 9 mai 2001 à la négociation entre partenaires sociaux, laquelle porte essentiellement sur les salaires et n'aborde que rarement la question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann présidente, a estimé que l'objectif d'une correction des inégalités salariales ne devait pas faire oublier l'ensemble des autres aspects que revêtent les inégalités professionnelles.

Mme Cristina Lunghi a insisté sur le fait que la lutte contre les inégalités salariales devaient s'appuyer sur des outils statistiques qui intègrent les inégalités dans le parcours professionnel des hommes et des femmes. Ne prêter attention qu'aux statistiques portant sur les salaires témoigne d'une réelle méconnaissance des réalités sociales actuelles.

Mme Anne-Marie Comparini a souligné la nécessité que la Délégation aux droits des femmes agisse en amont de l'examen par le Parlement des textes qui lui sont soumis.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que le projet de loi serait présenté en conseil des ministres le jeudi 24 mars, soit dans deux jours.

Mme Danielle Bousquet a estimé qu'il était très difficile de faire adopter en séance publique des amendements modifiant en profondeur la philosophie même du texte.

Mme Hélène Mignon a fait remarquer qu'une motion de renvoi en commission serait amplement justifiée.

Mme Anne-Marie Comparini a jugé qu'il serait bon que la présidente de la Délégation rencontre Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann présidente, a souligné qu'une telle rencontre ne serait guère utile à deux jours de la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Mme Hélène Mignon a rappelé que la Délégation ne disposait du texte même du projet de loi que depuis le jour où elle a auditionné des représentants de la CFDT. Ceux-ci disposaient d'un texte que nul n'avait songé à adresser aux membres de la Délégation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Christina Lunghi pour sa contribution aux travaux de la Délégation.

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et des femmes a ensuite entendu M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales à la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que l'avant-projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes pouvait être de nature à poser des problèmes spécifiques aux petites et moyennes entreprises. Il importe de connaître le point de vue de la CGPME sur ce projet. Dans son esprit, la nouvelle loi efface-t-elle l'ancienne ? Comment compte-t-elle la faire appliquer dans les petites et moyennes entreprises ?

M. Georges Tissié a tout d'abord rappelé que les partenaires sociaux avaient conduit des négociations ayant débouché sur un accord « relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes », signé le 1er mars 2004 par les cinq confédérations syndicales représentatives des salariés et les trois organisations patronales représentatives. La référence à la notion de mixité est importante, car la seule notion d'égalité professionnelle est réductrice.

Il est assez surprenant que les partenaires sociaux, après avoir négocié un accord, se voient priés d'appliquer une nouvelle loi relative à l'égalité salariale, dont ils n'étaient pas demandeurs. Il est également regrettable que la CGPME ait disposé du texte de l'avant-projet il y a moins d'un mois, et qui plus est par des biais détournés.

Mme Anne-Marie Comparini et Mme Hélène Mignon ont observé que la Délégation elle-même n'avait pas disposé du texte avant les organisations professionnelles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation avait pu prendre connaissance du texte le 1er mars 2005, à l'occasion de l'audition de représentants d'une confédération syndicale qui, eux, venaient de le recevoir. Il eût été souhaitable qu'une large concertation précédât la rédaction de ce projet de loi.

M. Georges Tissié a précisé que sa remarque ne visait pas les membres de la Délégation, et qu'elle pouvait s'appliquer à bien d'autres textes législatifs.

L'article 1er du projet de loi mentionne « l'article L. 122-26 », sans préciser de quel code il s'agit. Cette erreur matérielle résulte certes d'un simple oubli, mais ne manque pas d'étonner. Sur le fond, cet article 1er introduit une novation forte. Il est normal qu'à l'issue des congés prévus à l'article L. 122-26 du code du travail, « le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération équivalente majorée des augmentations générales perçues par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle ». En revanche, prévoir que sa rémunération sera également majorée de la moyenne des augmentations individuelles perçues par ceux-ci est pour le moins inapproprié.

Il est permis de s'interroger sur la motivation d'une telle disposition. Pourquoi un salarié revenant d'un congé aurait-il forcément droit à la moyenne des augmentations individuelles dont ont bénéficié ses collègues pendant sa période d'absence ?

Cette disposition complexe, remet par ailleurs en cause le principe de confidentialité des augmentations individuelles. Dans les petites entreprises, elle sera très difficilement applicable. Elle risque même d'avoir un effet pervers : des chefs d'entreprises risquent de prendre l'habitude de ne pas accorder d'augmentation individuelle à certains salariés susceptibles de partir en congé, afin de les exclure de la mécanique d'augmentation. Un autre effet pervers pourrait concerner l'embauche des femmes.

Mme Hélène Mignon a estimé que le Gouvernement manifestait une certaine incohérence. Alors qu'il évoque très régulièrement le salaire au mérite, il propose dans cet article 1er de globaliser les augmentations salariales, y compris individuelles.

Mme Anne-Marie Comparini a souligné que la disposition serait cohérente si elle ne visait que les augmentations générales.

M. Georges Tissié a ensuite souligné que l'article 3 imposait une obligation administrative de plus aux entreprises de plus de cinquante salariés. Ce seuil nuit à l'emploi. Dès qu'une entreprise l'atteint ou le dépasse, elle doit répondre à trente-quatre obligations administratives. Cette charge administrative a des effets pervers. Certaines entreprises d'un peu plus de cinquante salariés redescendent volontairement au-dessous de ce seuil afin d'y échapper. D'autres, au moment de dépasser ce seuil, dans le même but, se scindent en deux établissements de moins de cinquante salariés. D'autres enfin, veillent à ne jamais dépasser quarante-neuf salariés.

Ajouter aux indicateurs du rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes des éléments relatifs à l'articulation « entre l'activité professionnelles et l'exercice des responsabilités familiales » ne posera pas de problème particulier dans les grandes entreprises. Il n'en va pas de même dans une entreprise qui vient de franchir le seuil de cinquante salariés. Certes, l'article 3 n'aura peut-être pour effet que d'ajouter une ligne au rapport de situation comparée, mais cette ligne s'ajoutera aux obligations qui ne cessent de croître au gré des multiples novations administratives nouvelles introduites par le législateur, quelle que soit la majorité politique. En définitive, la disposition prévue à l'article 3 n'apportera rien et ne fera qu'aggraver un peu plus l'effet de seuil.

L'article 6 n'est pas mauvais en soi. Mais il eût été beaucoup plus simple d'intégrer une disposition relative à l'aide au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption à un article déjà existant qui prévoit un dispositif d'aide au remplacement d'un salarié parti en formation, article qui, au demeurant, définit des modalités de calcul plus précises.

Il serait particulièrement inopportun, enfin, que le Parlement ajoute d'autres articles à ce texte.

Mme Hélène Mignon a souhaité que M. Georges Tissié précise la position de la CGPME sur la notion de mixité.

M. Georges Tissié a estimé que, si l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes était un thème important, le grand défi à relever dans les années qui viennent sera plutôt celui de la mixité dans l'emploi.

La France n'a pas à rougir de son taux d'emploi féminin, qui est élevé par rapport à celui des autres pays occidentaux, et qui continue à progresser. Par contre, il est absolument impératif de promouvoir la mixité. Ce mouvement doit bien sûr aller dans le sens de l'orientation des femmes vers des types de postes qu'elles n'occupent pas actuellement, ou très peu. Il n'y a pas de raison pour que les femmes ne soient pas présentes dans l'industrie. On connaît certains postes industriels d'où elles ont été longtemps bannies. Dans la restauration, pourquoi le chef de rang ou le sommelier serait-il toujours un homme ? Inversement, on ne voit pas pourquoi les hommes ne seraient pas plus présents dans une profession comme la coiffure.

La mixité de l'emploi, voilà un grand combat, qu'il est possible de gagner.

Mme Hélène Mignon a souligné que la mentalité des entreprises devait également évoluer. L'Aérospatiale accepte des jeunes filles comme stagiaires, mais n'est guère encline à les embaucher dans des emplois permanents. Dans l'agro-alimentaire, il en va de même. En revanche, on constate une évolution très positive dans le secteur du bâtiment, même si la mixité pose plus de difficultés qu'ailleurs.

M. Georges Tissié a souscrit aux propos de Mme Hélène Mignon, tout en estimant que le débat était trop souvent déterminé par certaines impressions réductrices. Il arrive certes que telle femme dont les compétences sont reconnues ne soit pas promue, ou perçoive un salaire de 25 % inférieur à celui que toucherait un homme dans les mêmes conditions. Ceci est regrettable, mais ce problème ne se pose pas de manière massive. Il importe avant tout de lutter pour la mixité dans les emplois moyennement qualifiés, voire peu qualifiés. Des postes sont à pourvoir, puisqu'il y a chaque année, officiellement, entre 250 000 et 300 000 postes non pourvus, en particulier dans les PME, qui représentent entre 70 et 90 % de l'emploi salarié. À cet égard, il est étonnant que ni les articles ni l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi ne fassent référence à une politique de mixité des emplois.

Mme Anne-Marie Comparini a demandé ce qu'apportait l'avant-projet de loi selon la CGPME.

M. Georges Tissié a jugé qu'il n'apportait pas énormément de choses. Des campagnes de mixité dans certaines branches professionnelles pourraient avoir autant d'utilité que ce texte. Le problème est que les pouvoirs publics sont souvent soucieux de présenter des mesures d'affichage, dont les conséquences ne sont pas toujours évaluées précisément.

Mme Anne-Marie Comparini a demandé si l'accord du 1er mars 2004 avait fait l'objet d'un bilan.

M. Georges Tissié a répondu que non et a rappelé que cet accord a été accompagné d'une lettre paritaire adressée au Gouvernement portant sur des points précis. Il serait bon que le Parlement fasse un bilan des réponses qui ont été apportées par le Gouvernement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que l'accord du 1er mars contenait plus d'avancées que l'avant-projet de loi.

M. Georges Tissié a souligné qu'aucune organisation syndicale ou patronale n'avait demandé qu'un nouveau projet de loi soit examiné par le Parlement. Il n'est pas certain que les salariés eux-mêmes y adhèrent avec enthousiasme. Cela dit, la CGPME est très respectueuse des intentions gouvernementales et elle note que l'article 6 instaure au plan des principes une bonne disposition (aide au remplacement).

Mme Catherine Génisson a estimé que le projet de loi introduisait des dispositifs très lourds, qui risquent de dissuader les entreprises d'embaucher des femmes. Il devrait être entièrement récrit.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que la loi du 9 mai 2001 constituait une bonne base. Il conviendrait d'abord de la faire appliquer, puis d'en dresser un bilan. C'est en partant de ce bilan qu'une nouvelle loi pourrait avoir pour objet d'apporter des améliorations.

M. Georges Tissié a jugé qu'il serait déjà satisfaisant que le projet de loi n'accroisse pas significativement les obligations des entreprises, notamment les PME.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a remercié M. Georges Tissié pour sa contribution aux travaux de la Délégation.

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