DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 23

Mardi 28 juin 2005
(Séance de 17 h 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

Audition sur le thème des femmes de l'immigration :

page

- Mmes Fadila Bent-Abdesselam, médiatrice juridique de l'association de solidarité avec les femmes algériennes démocrates (ASFAD), Isabelle Gillette-Faye, directrice du groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS) et Christine Jama, directrice de l'association « Voix de femmes »

2

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mmes Fadila Bent-Abdesselam, médiatrice juridique de l'association de solidarité avec les femmes algériennes démocrates (ASFAD), Isabelle Gillette-Faye, directrice du groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS) et Christine Jama, directrice de l'association « Voix de femmes ».

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé le caractère extrêmement sensible des problèmes des femmes de l'immigration. Elle a évoqué son précédent métier d'enseignante et ses classes, dans lesquelles il n'était pas rare que 80 ou 90 % des élèves soient enfants d'immigrés. La Délégation souhaite comprendre les raisons des difficultés d'intégration de ces femmes, persuadée que leur intégration facilitera celle de l'ensemble des populations immigrées.

Mme Fadila Bent-Abdesselam s'est inquiétée de savoir si ces auditions auront des effets concrets. Les associations ont trop souvent été impliquées dans des commissions qui n'ont pas abouti à des décisions effectives ; elles ont notamment participé au groupe de travail « femmes de l'immigration » de Mme Nicole Ameline et M. Dominique Perben. Les associations crient au secours : sont-elles entendues ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a assuré, sans pouvoir s'engager à ce que ces auditions soient suivies d'effets, qu'elle savait faire preuve de fermeté quand le besoin s'en faisait sentir et qu'elle donnerait du poids aux recommandations de la Délégation, même s'il ne s'agit pas forcément de prendre des mesures législatives. Sur les sujets de l'égalité professionnelle et du temps partiel, la Délégation a transmis des rapports au Gouvernement ; elle entend en faire de même à propos des femmes de l'immigration.

La France, en matière d'immigration, se trouve à un tournant, et les femmes constituent le pivot de la réussite dans le domaine de l'intégration. L'évolution du Maroc ou de la Tunisie, par exemple, montre que les avancées se font par les femmes. Le rapport et les auditions de la Délégation sont médiatisés.

Mme Claude Charon ayant fait remarquer que la médiatisation ne faisait pas toujours avancer une cause, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a pris pour exemple la loi relative aux violences faites aux femmes adoptée en Espagne : si les politiques se sont emparés du sujet, c'est après avoir été interpellés par les médias.

Mme Isabelle Gillette-Faye a estimé que, dans les pays du Sud, les avancées sont toujours portées par les femmes, tandis que dans les pays d'accueil les populations immigrées se caractérisent par un repli identitaire et une perversion de certaines pratiques traditionnelles, utilisées pour museler les femmes, comme la polygamie ou le mariage forcé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a évoqué l'audition de Mme Gaye Petek, directrice de l'association ELELE, dont le témoignage sur les mariages forcés dans la communauté turque a stupéfait et éclairé la Délégation. Les femmes ont un rôle à jouer mais il est indispensable que les parlementaires les aident.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a noté que l'association de Mme Gaye Petek faisait partie du même réseau « Agir avec elles » que l'ASFAD, le GAMS et Voix de femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué que le parlementaire, contrairement au ministre, est élu pour cinq ans et a par conséquent le temps de faire avancer les choses.

Mme Isabelle Gillette-Faye a émis le souhait qu'une aide soit apportée aux femmes pour leur donner la possibilité de s'exprimer. L'urgence n'est pas à voter de nouvelles lois mais à faire appliquer les droits des femmes et des enfants en vigueur sur l'ensemble du territoire français : les filles de Marseille ou d'Oyonnax ne sont pas protégées comme celles d'Ile-de-France - on note même des différences entre départements de la région parisienne -, à tel point qu'il faut parfois faire appel à la défenseure des enfants pour vérifier que la loi est respectée.

Certains magistrats ignorent que l'excision, en France, est considérée comme un crime. Le GAMS travaille d'ailleurs sur ces thématiques avec l'École nationale de la magistrature. Il éprouve aussi des difficultés à faire entendre à certains conseils généraux qu'ils doivent mettre en place des contrats pour jeune majeur au profit des victimes âgées de dix-huit à vingt et un ans. Les associations réclament donc une application uniforme de la loi mais aussi la création d'hébergements d'urgence, adaptés et sécurisés, pour que les femmes puissent se protéger, protéger leurs enfants et bénéficier d'un tremplin.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'étant enquise du rôle joué par les déléguées départementales aux droits de femmes, Mme Isabelle Gillette-Faye a répondu qu'elles étaient les meilleures alliées des associations.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que leur rôle ait été minoré et a déclaré qu'il fallait donner plus d'impact à leur fonction.

Mme Isabelle Gillette-Faye a précisé que le réseau auquel elle appartient travaille avec les déléguées départementales aux droits de femmes comme avec toutes les institutions compétentes et les autres associations. Dans le cas d'une maman qui refuse de retourner dans son pays d'origine car elle craint que ses filles ne soient excisées, la déléguée départementale aux droits de femmes alerte le préfet. L'OFPRA, en 2001, au bout de dix ans de demandes, a accepté de reconnaître les personnes menacées d'excision comme appartenant à un groupe social au sens des accords des Genève. Les choses avancent peu à peu également s'agissant du mariage forcé.

Mme Christine Jama a confirmé que les personnes n'étaient pas traitées de manière égale selon leur département de résidence. Par ailleurs, les filles et les jeunes femmes sont victimes du relativisme culturel : trop de professionnels considèrent malheureusement le mariage forcé comme une pratique traditionnelle et non comme une violence appelant une protection, y compris pour les jeunes majeures.

Face à ce problème, les structures d'accueil manquent, d'autant que la plupart des victimes ont très peur de parler avant leur majorité car elles savent qu'une dénonciation peut amener à un placement en institution. C'est d'ailleurs pourquoi l'association Voix de femmes désapprouve le projet de pénalisation des parents menaçant leur fille d'un mariage forcé. D'une part, cela aurait pour effet de renforcer la loi du silence. D'autre part, le risque que les parents ne renvoient définitivement leur fille au pays d'origine serait trop important. Une incrimination de délit de contrainte au mariage a été envisagée dans le cadre du groupe « femmes de l'immigration » et reprise par M. Dominique de Villepin, lorsqu'il était ministre de l'intérieur.

Mme Claude Greff a jugé que cette mesure partait d'une bonne intention.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que le problème était identique pour la prostitution : dans la pratique, les victimes dénoncent rarement les coupables et, lorsqu'elles le font, elles sont insuffisamment protégées.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a précisé que le projet prévoit à l'encontre des responsables de mariages forcés, des pénalités de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amendes lorsqu'il s'agit de mineures, et de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende lorsqu'il s'agit de jeunes majeures.

Mme Christine Jama a ajouté que Mme Blandine Kriegel, présidente du Haut conseil à l'intégration, a entendu le réseau Agir avec elles, récemment constitué pour lutter contre les mariages forcés. Ceux-ci ne sont pas forcément en recrudescence importante mais d'aucuns tentent de les légitimer dans le cadre d'un repli identitaire.

Mme Claude Charon a signalé que ce phénomène était constaté dans toutes les communautés.

Mme Christine Jama a témoigné de l'expérience qu'elle a vécue, durant l'été 2004, au sein de la Caravane des droits de femmes organisée au Maroc : des imams locaux se prononcent contre les mariages forcés alors qu'en France certains de leurs homologues appellent à la violence conjugale ! Certaines familles, voire, mais cela reste rare, des jeunes filles françaises justifient même les mariages forcés comme moyen d'éviter les unions avec des personnes qui ne sont pas de la caste ou de la religion adéquate. Les garçons semblent moins virulents. La sensibilisation en milieu scolaire demeure donc une priorité. Quoi qu'il en soit, un travail de formation s'impose auprès des professionnels, magistrats et avocats, pour les sensibiliser à ce problème.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est inquiétée qu'un système n'existant plus dans les pays d'origine, soit maintenu en France.

Mme Coumba Touré a appelé l'attention sur les problèmes auxquels est confrontée une femme qui est « décohabitée » d'une famille polygame. La seconde épouse ne détenant souvent pas de carte de séjour, elle n'est pas reconnue par les autorités et n'a pas accès au travail. Dans ces conditions, quel bailleur lui accordera un logement ? Il arrive même souvent qu'elle ait accouché sous le nom de la première épouse, ce qui lui ôte tout droit aux allocations familiales. Dans la mesure où elle peut difficilement divorcer, elle se retrouve complètement démunie.

Mme Isabelle Gillette-Faye a expliqué que c'était l'un des effets pervers de la circulaire : certains préfets ne se contentent pas d'une séparation de corps et n'interviennent que si le divorce a été prononcé officiellement. L'application, là aussi, est différente d'un département à l'autre.

Mme Coumba Touré a ajouté que, une fois la « décohabitation » constatée, monsieur obtient une carte de séjour pour l'une de ses femmes : c'est donc lui qui choisit laquelle pourra rester en France.

Mme Claude Greff ayant prôné l'interdiction pure et simple de la polygamie, Mme Coumba Touré a acquiescé tout en soulignant que cela ne réglerait pas le problème des femmes déjà sur le territoire français et se retrouvant seules avec plusieurs enfants à élever.

Mme Claude Greff ayant alors suggéré qu'un statut leur soit accordé, Mme Coumba Touré a insisté sur la nécessité de leur donner un travail, ces femmes demeurant sur le territoire français avec une carte de visiteur.

Mme Isabelle Gillette-Faye a rappelé qu'il est laissé à la libre appréciation de la préfecture d'accorder une carte avec ou sans droit de travail.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que soit laissée à la rue une femme « décohabitée ».

Mme Isabelle Gillette-Faye a précisé qu'elle dépend alors des aides sociales, versées en particulier par les communes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est engagée à interroger le Gouvernement pour obtenir des éclaircissements à propos de la circulaire en question.

Mme Isabelle Gillette-Faye a précisé qu'il s'agit d'une circulaire de 2001 de la direction de la population et des migrations, appliquée inégalement selon les départements : dans certains d'entre eux, des pôles associant les bailleurs sociaux et les mairies ont été créés pour la mettre en application.

Mais la question des papiers, du statut de ces femmes et de ces enfants, n'a pas été traitée : la circulaire crée des familles monoparentales. Il a bien été proposé de mettre les mamans sous tutelle des allocations familiales mais la caisse nationale d'allocations familiales a refusé, craignant que ce ne soit beaucoup trop lourd à gérer et préférant en laisser la responsabilité au pouvoir judiciaire, au cas par cas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a envisagé de poser une question écrite sur ce point au ministre des affaires sociales.

Mme Christine Jama a demandé que la Délégation, par la même occasion, propose au Gouvernement d'ajouter à l'article 40 du code de la famille et de l'aide sociale un alinéa tendant à élargir le bénéfice de l'aide envers les jeunes majeures de dix-huit à vingt et un ans en danger à celles n'ayant pas été suivies lorsqu'elles étaient mineures. Les associations ne demandent pas une inflation législative mais au moins l'application des lois existantes. En cas de mariage forcé, le viol, par exemple, est très rarement reconnu.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant estimé que le viol était extrêmement difficile à prouver, Mme Coumba Touré a rappelé que tout rapport non consenti est un viol.

A propos de l'attribution de visas aux femmes qui, trop longtemps retenues dans leur pays d'origine, ont perdu leur droit au séjour en France, Mme Christine Jama a donné l'exemple d'une jeune femme d'origine algérienne mariée, il y a quelques années, à son jeune oncle. Le ministère des affaires étrangères, refusant d'attribuer le visa, avait alors eu la remarque suivante : « Les femmes arabes sont versatiles ; c'est comme les femmes françaises battues, elles retournent toujours vers leur mari. » Une femme violée n'a pas moins mal parce qu'elle est turque, pakistanaise ou tsigane. Bien du travail reste à faire, à l'étranger comme en France.

A l'invitation de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, Mme Christine Jama a énuméré les canaux par lesquels les victimes prennent contact avec les associations : la famille, les autres jeunes, les CIDFF (centres d'information sur les droits des femmes et des familles), les missions locales, les assistantes sociales, les éducateurs, les établissements scolaires. Elle a ensuite préconisé la création d'une cellule de veille et d'alerte interministérielle (Affaires étrangères, Intérieur, Justice, Education nationale, etc.) qui pourrait être saisie par tous les professionnels s'inquiétant du non-retour d'une jeune fille.

Mme Claude Charon a fait remarquer que l'émotion suscitée par la presse dans un cas comme celui de deux jeunes filles de Montreuil et de Romainville est vite retombée.

Mme Isabelle Gillette-Faye a apporté des précisions sur ce dossier. Le procureur de la République de Bobigny s'est saisi de l'affaire, les autorités consulaires françaises se tiennent prêtes à intervenir mais la brigade de protection des mineurs n'a toujours pas localisée les jeunes filles. Heureusement, leur dossier scolaire contient la preuve irréfutable de leur nationalité française. En tout cas, cette médiatisation permet à d'autres jeunes de s'organiser en demandant à leurs copines d'alerter les autorités si elles ne reviennent pas en France après les vacances.

Mme Christine Jama s'est inquiétée de la situation de jeunes femmes arrivées en France toutes petites. À dix-huit ou vingt ans, elles obtiennent la carte de séjour de dix ans. Mais si elles sont mariées de force et retenues à l'étranger et qu'elles ne parviennent à s'échapper et à revenir en France qu'au bout de trois ans ou plus, elles perdent tout droit au séjour et se retrouvent dans la situation de primo-arrivantes. Si une cellule de veille existait, il serait plus aisé de prouver qu'elles ont été retenues à l'étranger contre leur gré.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a raconté que les associations, depuis plusieurs années, interviennent dans les collèges et les lycées pour sensibiliser les jeunes à la prévention des mariages forcés, ainsi que lors de journées de formation en direction des professionnels sociaux, organisées par les inspections académiques (la DASES) et la Délégation régionale aux droits des femmes.

L'ASFAD, qui rencontre également beaucoup de jeunes nées en France, mariées de force et séquestrées, travaille en réseau avec les associations de femmes algériennes pour sauver ces jeunes.

Il faut aussi penser aux jeunes femmes de dix-huit à vingt-cinq ans vivant dans leur pays d'origine, en Algérie, par exemple, qui sont mariées de force à un cousin binational résidant en France. Elles ne peuvent s'y soustraire, sous peine de voir leur virginité contestée. Elles entrent en France régulièrement, munies d'un visa en tant que conjointes de Français. Mais, une fois arrivées, elles servent de bonnes à tout faire, presque d'esclaves, et sont soumises à des violences sexuelles quotidiennes. Lorsqu'elles commencent à parler de leurs droits, leur époux les rejette. Sans papiers, brisées physiquement et psychologiquement, elles ne sont même pas accueillies dans les foyers et risquent l'expulsion.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est interrogée sur les moyens de régler les problèmes de ce genre.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a mis l'accent sur l'énergie des associations, qui prennent tous les jours de tels cas en charge, et a appelé le législateur à l'aide.

Mme Christine Jama a prôné l'application de la règle du domicile : toute personne résidant en France a le droit d'exiger l'application de la loi française.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a ajouté que les maris sont Français en France mais Algériens en Algérie et qu'ils profitent des conventions bilatérales ainsi que du statut des femmes discriminatoire de leur pays d'origine pour y obtenir immédiatement le divorce. Ils ramènent alors souvent du pays une nouvelle épouse, qui subira les mêmes exactions. Les victimes, elles, risquent l'expulsion vers l'Algérie, où, considérées comme le déshonneur de la famille, elles n'échapperont pas à la mort.

Mme Claude Charon a dénoncé l'attitude de la France vis-à-vis des conjointes.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a ensuite évoqué le cas des jeunes femmes qui se voient remettre une première carte de séjour d'un an avec autorisation de travailler : elles préfèrent supporter les violences de leur mari plutôt que de demander le divorce, car elles seraient alors expulsables. Certaines d'entre elles, lorsqu'elles n'en peuvent vraiment plus, s'échappent et se confient à des assistantes sociales, qui les renvoient aux associations, et celles-ci les poussent à déposer plainte.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, en a conclu que, dans tous les cas, l'homme primait sur la femme dans l'attribution des titres de séjour.

Mme Claude Charon a abondé dans ce sens en dénonçant le caractère secondaire des conjointes : les choses changeront quand les femmes seront considérées à égalité avec les hommes.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a observé que Mme Escoffier, ex-conseillère de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, lorsqu'elle avait été saisie d'une dizaine de cas semblables, s'était dite étonnée que cela existe et s'était engagée à agir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a raconté qu'elle avait récemment reçu une Algérienne vivant dans cette situation : faute de réaction du préfet, elle lui a fait écrire un courrier au procureur de la République.

Mme Claude Charon s'est dite lasse de raconter des anecdotes analogues depuis dix ans et d'entendre les pouvoirs publics prétendre qu'ils ne savent pas, qu'ils découvrent le phénomène.

Mme Isabelle Gillette-Faye a critiqué la circulaire de Nicolas Sarkozy. D'abord, toutes les femmes ne sont pas informées qu'elles doivent au minimum déposer une main courante lorsqu'elles sont victimes de violences. Ensuite, bien qu'elles soient parfois menacées de mort dans leur pays, elles n'ont pas demandé l'asile politique et ne sont pas protégées, sous prétexte que les violences n'ont pas eu lieu sur le territoire français. Surtout, toutes les générations de migrantes ne sont pas informées sur leurs droits.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a relevé que la jeune fille de l'affaire de la Courneuve s'était présentée au commissariat pour déposer une main courante mais n'avait pas été reçue.

Mme Claude Charon s'est prononcée en faveur d'une formation permanente des agents publics.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a témoigné de ce qu'elle s'est entendue dire par des policiers : ils en ont assez de voir revenir des femmes dès le lendemain de leur dépôt de plainte pour se rétracter.

Mme Claude Charon a proposé de communiquer à la Délégation des documents rédigés par l'ASFAD.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu'elle poserait des questions écrites au Gouvernement et qu'elle ferait parvenir des recommandations par écrit au Premier ministre ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Mme Christine Jama a insisté sur le risque que constituerait une pénalisation des mariages forcés, laquelle se retournerait contre les victimes.

Mme Fadila Bent-Abdesselam a précisé que, pour les mineures, l'Aide sociale à l'enfance porte plainte directement.

Mme Claude Charon a confirmé que la pénalisation des parents n'était pas souhaitable.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que les associations apportent un soutien ponctuel aux jeunes filles mais que ces dernières doivent assumer leurs problèmes au quotidien. C'est pourquoi il convient de diffuser la circulaire dans les établissements de l'Education nationale. Si les mesures prises par la France se traduisaient par le renvoi dans leur pays d'origine de jeunes filles dès leur plus jeune âge, ce serait le plus grave des échecs.

Lorsque la Délégation a choisi le thème des femmes de l'immigration, c'était dans la perspective de s'appuyer sur les femmes pour favoriser l'intégration des immigrés en France. Or les auditions conduisent la Délégation vers d'autres pistes et d'autres recommandations.

Le fonctionnement des consulats mérite aussi d'être examiné : il faut former leurs agents à distinguer les dérives des véritables situations de détresse.

Mme Claude Charon ayant insisté sur le rôle primordial de l'école, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a approuvé, en qualité d'ancienne enseignante, cette remarque : l'école est le lieu où se décide la réussite ou l'échec. L'enseignant délivre un savoir, mais il doit aussi se comporter en éducateur.

Mme Isabelle Gillette-Faye s'est demandée pourquoi certains établissements scolaires, de la maternelle au lycée, signalent les disparitions d'enfants tandis que d'autres ne le font pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait remarquer que le signalement était théoriquement obligatoire.

Mme Isabelle Gillette-Faye a cité le cas de quatre enfants de nationalité française bloqués dans leur pays d'origine depuis un an, déscolarisés, les filles étant menacées d'excision, voire de mariage forcé pour l'aînée. Les laissez-passer consulaires sont prêts, la maman a mis de l'argent de côté, en cachette du papa, pour financer la moitié du billet mais le ministère des affaires étrangères refuse de financer le reste.

Mme Coumba Touré a déclaré que les associations ne cessaient de se battre mais qu'il fallait aussi que les pouvoirs publics aident les femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant répété que la direction prise par ces auditions la surprenait, Mme Claude Charon a répondu que tout le monde ignorait la réalité du terrain, en particulier les hommes, qui sont majoritaires partout, en particulier à l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a témoigné de son admiration envers les militantes des associations de défense des femmes.

Mme Claude Charon a alerté la Délégation sur la situation des lycéennes majeures sans papiers, qui risquent d'être expulsées cet été.

--____--


© Assemblée nationale