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DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 13

Mardi 16 mai 2006
(Séance de 18 h 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Bernadette Malgorn, préfète de la région Bretagne et présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles

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Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Bernadette Malgorn, préfète de la région Bretagne, et rendu hommage à la personne vers qui elle se tourna lorsque, orateur du groupe RPR sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, elle voulut insuffler à ses premiers discours cette fibre que Mme la préfète avait su développer au sein de sa propre administration mais aussi de l'Association des femmes diplômées d'université (AFDU), à laquelle toutes deux adhéraient.

La Délégation travaille cette année sur le thème de la précarité des femmes, et a souhaité entendre les observations de Mme Bernadette Malgorn, présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a relevé les différents passages du rapport de l'Observatoire centrés sur les problèmes spécifiques des femmes dans les ZUS. Dans le secteur de l'emploi, où les statistiques sont les plus développées, il est fait état d'une évolution actuellement moins favorable du marché du travail pour les femmes habitant en ZUS que pour les hommes ainsi que du risque accru de chômage pour les femmes des ZUS (supérieur de 7 points à celui des femmes de même caractéristiques habitant dans d'autres quartiers).

Par ailleurs, dans les zones franches urbaines, on peut noter que les embauches en ZFU concernent plus fréquemment les femmes, ce qui s'explique par un fréquent recours au temps partiel (28 % des embauches contre 20 % pour l'ensemble des embauchés). À cet égard, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation s'était penchée sur la question du travail à temps partiel qui reste l'une de ses grandes préoccupations et pour lequel une politique en amont devrait être menée.

Elle a enfin observé qu'elle avait largement évoqué le problème des femmes au sein de ces quartiers sensibles avec la ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, lors de la mission qu'elle vient de conduire dans ce pays avec des parlementaires de la Délégation aux droits des femmes.

Après avoir remercié la Délégation pour son accueil, Mme Bernadette Malgorn a rappelé que l'ONZUS a été créé par la loi du 1er août 2003, qui a eu le mérite de définir les objectifs de la politique de la ville : réduire les écarts entre les zones urbaines sensibles et les agglomérations auxquelles elles appartiennent, « ramener ces quartiers dans la République ». Ayant constaté que pas un seul des 21 objectifs ni des 65 indicateurs de cette loi ne se réfère spécifiquement à la situation des femmes, elle a pour sa part oeuvré pour introduire le plus possible de données sexuées dans le rapport. Cela étant, et sans vouloir excuser le législateur, rares sont les données disponibles qui mettent en exergue les différences entre les hommes et les femmes.

Dans tous les domaines possibles, l'Observatoire s'est attaché à demander les statistiques sur la situation des hommes et des femmes dans les ZUS. C'est dans le domaine de l'emploi qu'il a été le plus aisé d'établir des comparaisons. En revanche, cela a été singulièrement difficile en matière d'éducation, alors même que tous les enfants de six à seize ans résidant en France doivent être scolarisés, que leurs parents soient ou non en situation régulière. Alors que le milieu scolaire rassemble l'ensemble de la population et devrait se prêter aux observations, l'Observatoire n'a pu produire que quelques données, qui se retrouvent aux pages 91 et suivantes du rapport. L'on peut notamment y retrouver un tableau sur les retards scolaires qui fait apparaître que 21 % des filles hors ZUS ont un an de retard ou plus en sixième, contre 41 % des garçons en ZUS. On ne peut que déduire de ces chiffres que l'institution scolaire, qui devrait pourtant être une machine à fabriquer de l'égalité, ne remplit pas ce rôle.

Pour ce qui est des autres indicateurs de la loi - nombre d'enseignants pour cent élèves, nombre moyen d'élèves, proportion d'enseignants en poste depuis deux ans, indicateurs de résultats, etc. -, l'Observatoire n'a pu établir de comparaison sexuée. Il s'en est étonné auprès du ministère de l'Éducation nationale qui a fait état de nombreuses difficultés, ce qui est surprenant, car le législateur devrait exiger ces données. Le soutien de la Délégation aux droits des femmes serait sans doute décisif.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a reconnu que la tâche était ardue et que ce n'était qu'au prix de grandes difficultés que la Délégation parvenait à obtenir des données sexuées.

Mme Bernadette Malgorn a ajouté que, de manière générale, et sans même parler des statistiques sur le parcours différencié des hommes et des femmes, il était compliqué d'obtenir des différentes administrations des données comparatives sur la situation en ZUS et hors ZUS. Il est temps de les sensibiliser à cette question. L'un des derniers chapitres du rapport, « L'observation en construction », se rapporte du reste à cet état de fait.

Dans les quartiers, selon que l'on est une femme, ou un habitant d'une zone urbaine sensible, ou d'origine étrangère, il y a un facteur principal de discrimination au regard de l'emploi, de la formation, de la scolarité. Pour les filles des ZUS, ce facteur est le sexe. Sur ce point, leur situation ressemble à celle des filles hors ZUS. Avec des taux de réussite scolaire plutôt plus élevés que les garçons, elles profitent moins des mesures prises dans le cadre de la politique de l'emploi - le rapport présente d'ailleurs une carte qui montre que les politiques volontaristes portent leurs fruits. Par exemple, que l'on soit en ZUS ou hors ZUS, les dispositifs mis en place dans le secteur non marchand - CEC, CES - concernent davantage les filles que les garçons. Ce sont ainsi surtout des filles que l'on retrouve dans les associations, les collectivités locales, à occuper notamment des fonctions de secrétariat. Ces fonctions, peut-être occupationnelles, débouchent rarement sur des emplois durables. Inversement, en ZUS comme hors ZUS, les dispositifs dans le secteur marchand
- contrat initiative emploi, contrat jeune en entreprise - concernent plus les garçons que les filles.

Ainsi, au regard de l'emploi et de la formation, la situation entre les filles et les garçons des ZUS ressemble à celle des filles et des garçons hors ZUS, avec des effets positifs pour les filles, tels qu'une meilleure réussite scolaire. Toute discrimination n'est pas forcément négative.

En revanche, le fait d'habiter dans une ZUS est pour les garçons le principal facteur de discrimination. Au regard de l'emploi, de la formation, leur profil est nettement différent des garçons hors ZUS. Au sein des ZUS, le fait d'être d'origine étrangère est relativement peu discriminant pour les garçons. Même titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, les garçons auront du mal à échapper à leur profil de garçon des ZUS.

Mme Bernadette Malgorn a par ailleurs appelé l'attention de la Délégation sur les notions de taux de chômage et de taux d'activité des jeunes, et sur l'apparente contradiction qui peut ressortir entre les taux de chômage et les taux d'activité comparés des garçons et des filles.

Le taux de chômage des moins de 25 ans est très élevé dans les ZUS, puisqu'en 2004, plus d'un jeune homme actif de cette tranche d'âge sur trois - 36 % - est au chômage. Pour éviter toute erreur d'appréciation, il convient de rappeler que ce taux est calculé sur la fraction active de la population - qui, pour les jeunes, ne constitue qu'une minorité de ces générations.

Il faut par ailleurs s'interroger sur le taux d'inactivité. Certains peuvent poursuivre volontairement des études, ce qui est plutôt positif. Cela étant, d'autres peuvent se réfugier dans des études longues par peur de ne pas trouver d'emploi, et d'autres encore, notamment des filles, peuvent être contraints de rester chez eux à vaquer à des tâches domestiques. L'Observatoire n'a pu détailler ces éléments, faute de données suffisamment précises.

Tous ces éléments se traduisent par un taux de chômage en 2004, en ZUS, pour les garçons entre 16 et 25 ans de 39 % et pour les filles de la même tranche d'âge de 30,9 %. Dans la partie hors ZUS des agglomérations qui comptent des ZUS, ces taux passent respectivement à 34,4 % et 29,7 %. Le chômage touche environ 14 % des jeunes hommes et un peu plus de 12 % des jeunes femmes de ces générations d'habitants des ZUS. Le chômage des jeunes par rapport à l'ensemble des jeunes de leur génération est donc plus faible que celui des adultes.

Mais on a beaucoup de mal à faire prendre en compte ce phénomène par les économistes. Pourtant, si, quand on parle de chômage, on ne cherche pas à décortiquer un peu, on ne trouvera pas forcément la bonne réponse.

D'autre part, on a souvent le sentiment que les zones urbaines sensibles sont des ghettos, alors que ce sont plutôt des sas. Il est vrai que tout le monde n'en sort pas - y restent ceux qui sont dans une situation trop défavorable - mais les sorties traduisent dans l'ensemble une amélioration de la situation. En réalité, les zones urbaines sensibles réfléchissent comme un miroir grossissant les difficultés de la société française, et une part de ces difficultés tient à ce qu'il n'y existe aucun dispositif assez différencié pour tenir compte de ce que la société est composée d'hommes et de femmes.

Le problème particulier des zones urbaines sensibles tient aussi à ce qu'elles comptent une part élevée de populations d'origine étrangère dont les références culturelles sont différentes des nôtres. Mais comment défendre et illustrer les principes républicains dans les quartiers sensibles si ceux qui représentent la République ont tous figure masculine, alors même que les travaux sur la ségrégation sociale mettent en évidence le rôle des femmes dans le développement ? Au fil du temps, dans la société française agricole, puis industrielle, et encore après les Trente Glorieuses, ce rôle était implicite. Il participait du travail invisible et bénévole qui a longtemps été celui des femmes et dont on mesure à présent toute l'ampleur, puisqu'on éprouve le plus grand mal à prendre en charge le handicap et le vieillissement, tâches auparavant assumées silencieusement par les femmes et qui, maintenant qu'elles sont externalisées, posent de graves problèmes de financement et d'organisation. Dans les zones urbaines sensibles, le maintien des femmes dans leur rôle social implicite est un facteur assez important de l'écart de développement constaté. Au cours du colloque Quand les femmes s'engagent, organisé le 20 mars sous l'égide de la Délégation interministérielle à la ville, l'accent a été mis sur la « non-visibilité » des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que les conclusions des travaux de la Délégation sur les femmes de l'immigration vont dans le même sens.

Mme Bernadette Malgorn a souligné que l'attention ne se porte sur les femmes des zones urbaines sensibles que lorsqu'elles sont victimes de violences, ou rebelles ; sinon, elles semblent ne pas exister. Or, par certains aspects, les politiques publiques de la ville admettent cette conception. Parler de "grands frères" et subventionner leurs associations, n'est-ce pas une manière d'acheter la paix sociale ? Ramener la République dans les quartiers par des moyens contraires aux principes républicains est fâcheux, et il faudrait des assurances. Ne pourrait-on exiger, sinon une parité exacte, au moins la présence significative des femmes dans les instances dirigeantes des associations subventionnées ? Certes, cela ne signifiera pas qu'elles y seront actives, mais au moins l'action publique, au lieu d'être presque complice par abstention de s'émouvoir, irait dans le sens d'une représentation de la République exprimant l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le Conseil d'orientation avait espéré que la seconde « loi Borloo » serait l'occasion de faire évoluer le champ d'observation de l'ONZUS, mais il n'en a finalement rien été. Il serait pourtant judicieux de lui permettre de mesurer aussi les discriminations à l'égard des femmes. Outre que l'Observatoire pourrait ainsi évaluer la situation des femmes dans les zones urbaines sensibles, une obligation légale de production d'indicateurs sexués modifierait les observations de tous les ministères, ce qui permettrait d'affiner les politiques. Après les événements qui ont secoué les banlieues, ils n'ont aucune raison de s'y opposer. Quel que soit le texte porteur, il conviendrait d'élargir l'éventail des indicateurs.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que la question pourrait être abordée lors de l'examen du projet de loi de finances, quand on en viendrait au budget de la ville.

Mme Bernadette Malgorn a indiqué que Mme Anne-Marie Charvet, déléguée interministérielle à la ville (DIV), est sur la même ligne, et que l'attention de M. Pierre André, rapporteur de la mission d'information sur les banlieues, a également été appelée sur cette question. Les indicateurs doivent sans conteste être améliorés. Pour ne donner qu'un exemple, ceux qui ont été retenus en matière de sécurité ne permettent pas de distinguer auteurs et victimes de violences... Plus généralement, l'observation des zones urbaines sensibles met en évidence les lacunes du système d'observation français, étonnantes après vingt-cinq années de politique de la ville. Il est d'ailleurs surprenant en soi qu'il ait fallu attendre la loi du 1er août 2003 pour que soit créé un Observatoire chargé d'évaluer l'effet de la politique publique de la ville.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite convaincue de la nécessité d'améliorer encore l'observation, mais aussi de mieux exploiter les données contenues dans le rapport annuel de l'Observatoire.

Mme Bernadette Malgorn a souligné que la mise en œuvre de la LOLF pourrait être l'occasion de progresser. La difficulté vient de ce que la politique de la ville est conçue pour faire levier sur l'ensemble des dispositifs de droit commun éparpillés dans les programmes de tous les ministères. Or, si l'on étudie l'évolution du point de vue de l'Observatoire, on se rend compte que, jusqu'à une date assez récente - car la loi de programmation pour la cohésion sociale a fait bouger les choses - les politiques publiques n'avaient pas pour principal objectif la réduction des inégalités et des écarts. Ainsi, les services du ministère de l'Éducation nationale interrogés sur l'apport des politiques de droit commun dans la réduction des inégalités, notamment dans les zones urbaines sensibles, peuvent expliquer qu'à chaque structure socio-professionnelle est lié un « taux de réussite prévisible », et que l'Éducation nationale a fait son travail lorsque le taux de réussite atteint est conforme au taux de réussite attendu...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite horrifiée par une telle conception.

Mme Bernadette Malgorn a remarqué que l'application de la LOLF pourrait être l'occasion de réviser les objectifs des politiques publiques. Il y a là un vaste chantier pour le législateur, et singulièrement pour la Délégation, puisque toute politique publique devrait tenir compte des hommes et des femmes. Ainsi, il y a des causes structurelles au fait que le taux de chômage des femmes est plus élevé que celui des hommes. Mme Béatrice Majnoni d'Intignano, membre du Conseil d'analyse économique, a d'ailleurs publié un excellent rapport sur les aspects économiques de l'égalité entre femmes et hommes. Il faut y regarder de plus près, et mettre en œuvre une discrimination positive. C'est particulièrement nécessaire dans les zones urbaines sensibles, où les modèles masculins et féminins sont encore plus stéréotypés que dans les autres villes et villages.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment l'Observatoire est organisé.

Mme Bernadette Malgorn a indiqué que l'ONZUS est composé d'une équipe permanente de la DIV qui, lorsqu'elle est au complet, comprend six statisticiens et chercheurs, et d'un conseil d'orientation constitué de représentants du Parlement - pour l'Assemblée, ce sont M. Georges Mothron et M. Jean-Yves Le Bouillonnec - et de représentants de tous les ministères, des établissements publics, des collectivités territoriales et du Conseil national des villes, ainsi que de personnalités qualifiées. Grâce à Mme Catherine Vautrin, quatre femmes et deux hommes siègent au titre des personnalités qualifiées, ce qui rééquilibre légèrement un conseil d'orientation par ailleurs peu féminisé.

L'équipe reçoit des commandes de l'assemblée plénière et Mme Bernadette Malgorn organise des réunions intermédiaires pour impulser les travaux. Il est ainsi apparu qu'en matière de santé notamment, les données disponibles étaient peu nombreuses. Un conventionnement a donc été engagé avec l'Assurance maladie, qui vise à permettre d'observer la réalité de l'accès aux soins par les populations des zones urbaines sensibles. Pour chaque question posée à l'Observatoire, la présidente du conseil d'orientation demande si l'on peut différencier la situation des femmes de celle des hommes. Souvent, ce n'est pas possible, car les données contenues dans les fichiers d'observation des administrations ne sont pas sexuées, et les retravailler est un exercice long et fastidieux, mais aussi cher pour un organisme dont le budget d'études s'établit à environ un million d'euros. On se rend compte que même la manière dont les recensements sont faits rend l'observation difficile : la notion de « chef de famille » a certes légalement disparu, mais il lui a été substitué statistiquement celle de « chef de ménage », donc il y a toujours un chef. Le système d'observation de droit commun est lacunaire, si bien qu'il n'est pas facile de faire apparaître la situation des femmes dans les zones urbaines sensibles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu'elle tentait en permanence de convaincre le Gouvernement de la nécessité d'affiner les statistiques pour collecter des informations plus précises.

Mme Bernadette Malgorn a souligné que si l'on a autant de mal à trouver des solutions aux problèmes sociaux les plus graves, c'est que l'on ne prend pas suffisamment en considération le fait que les femmes et les hommes ont eu pendant des siècles des rôles différents mais que les choses bougent. Cette question est pourtant d'une importance fondamentale à tous égards. Alors que chaque pays est confronté à une exigence de compétitivité, la France peut-elle se satisfaire que la proportion des filles dans les écoles d'ingénieurs ne soit que de 15 % ? Valorise-t-on ainsi toutes les compétences ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déclaré partager ce constat, et s'interroger sur les moyens de faire comprendre la nécessité absolue d'un changement. Il faut batailler de manière incessante, a-t-elle ajouté.

Mme Bernadette Malgorn en a convenu, soulignant qu'une participation accrue des femmes à la préparation des grandes échéances électorales renforcerait la prise en compte de ces questions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'en est dite convaincue.

Mme Bernadette Malgorn a jugé souhaitable que les instances dans lesquelles on traite de la parité soient elles-mêmes paritaires. Mais le colloque Quand les femmes s'engagent, pour ne citer que celui-là, n'a rassemblé que des femmes...

Abandonnant sa « casquette » de présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles pour coiffer, a-t-elle dit, le tricorne du préfet, Mme Bernadette Malgorn a indiqué avoir mis l'égalité entre hommes et femmes au nombre des priorités de l'État en Bretagne. La région, qui comprend le Finistère, seul département français dont les députés sont en majorité des femmes, est plus ouverte que d'autres en cette matière. Un Observatoire régional de la parité a été créé, et Mme la préfète a tenu à ce qu'il soit paritaire, y compris pour ce qui concerne ses « correspondants égalité » au sein des ministères. Mais sur ces questions, dont beaucoup ignorent tout, il a fallu instituer une formation, dispensée par Mme Annie Junter, par ailleurs membre de l'Observatoire national de la parité. De même, Mme Bernadette Malgorn tient à ce que les propositions d'attributions de décorations soient paritaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l'accent n'ait pas été suffisamment mis à son gré sur l'égalité entre hommes et femmes dans la loi d'orientation scolaire.

Mme Bernadette Malgorn a souligné qu'il convenait de créer des points de passage obligés. Il n'y pas une volonté délibérée d'écarter les femmes, c'est seulement qu'on ne pense pas à elles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé qu'en politique en tout cas, les choses n'étaient pas aussi claires.

Mme Bernadette Malgorn a répondu que la situation était sans doute différente dans les sphères de pouvoir mais que, dans la vie courante, la persistance de schémas anciens s'expliquait par la prégnance des stéréotypes. Or, l'égalité entre hommes et femmes est l'un des leviers du progrès social. Comment, alors, mener une politique efficace dans les zones urbaines sensibles si cette notion ne se traduit pas dans l'action publique ? De même que la Délégation interministérielle à la ville a été un exemple de rénovation des politiques publiques, les zones urbaines sensibles, qui concentrent les difficultés, ne pourraient-elles pas être les lieux du renouveau ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite persuadée de la nécessité d'agir. En remettant le rapport de la Délégation consacré aux femmes de l'immigration, quelques jours avant que ne se déclenchent les violences en banlieue, la présidente avait insisté auprès du premier ministre sur cet aspect des choses, évident pour tous les élus concernés. Depuis lors, elle n'a cessé de répéter, à Matignon et place Beauvau, qu'il faut mettre au point un plan d'action fondé sur la capacité des femmes des banlieues à les régénérer.

Mme Bernadette Malgorn a fait état de ses rencontres, en Lorraine, avec des femmes immigrées, surprises que l'on reconnaisse leur droit à participer, au même titre que les hommes, à la construction de leur quartier, et qui ne semblaient pas imaginer qu'elles pouvaient agir directement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est déclarée convaincue de leurs capacités d'intervention, soulignant que lorsque la tension était à son comble, à l'automne dernier, c'étaient les femmes qui descendaient des immeubles pour ramener les jeunes gens à la raison.

Mme Bernadette Malgorn a souligné que la présentation médiatique des zones urbaines sensibles ne traduit pas la réalité des difficultés, mais donne le sentiment qu'il y a d'un côté ceux qui bougent trop et d'un autre côté une inertie due à la pesanteur des phénomènes sociaux. Les politiques publiques ne devraient pas ne tenir compte que de ceux qui bougent trop...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Bernadette Malgorn, dont l'audition, d'un intérêt particulier, a mis en exergue le travail qui reste à accomplir pour que l'on intègre la situation spécifique des femmes dans la réflexion politique.

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