Assemblée nationale - Sénat

Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

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Compte rendu

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Mardi 10 juin 2003
L'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs - Nomination de rapporteurs
Les méthodes scientifiques d'identification des personnes à partir de données biométriques et les techniques de mise en oeuvre - Examen du rapport

Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.

L'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs - Nomination de rapporteurs

L'Office a, tout d'abord, procédé à la nomination de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés, rapporteurs, sur la saisine émanant du Bureau de l'Assemblée nationale, à la demande des quatre présidents de groupe, sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

M. Claude Birraux, député, président de l'Office, a noté que la saisine par le Bureau d'une assemblée, à la demande des présidents de l'ensemble des groupes, constituait un précédent. Il a, par ailleurs, indiqué que M. Christian Bataille et lui-même avaient été invités à présenter les principales conclusions de leur rapport sur « la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs » devant la commission des affaires économiques et du plan du Sénat le mercredi 25 juin 2003, rappelant qu'ils avaient déjà présenté une communication ayant le même objet devant la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale le mercredi 14 mai 2003.

Les méthodes scientifiques d'identification des personnes à partir de données biométriques et les techniques de mise en œuvre - Examen du rapport

Puis, l'Office a examiné le rapport présenté par MM. Christian Cabal, député, sur la saisine émanant du Bureau de l'Assemblée nationale et portant sur les méthodes scientifiques d'identification des personnes à partir de données biométriques et les techniques de mise en œuvre.

M. Christian Cabal, député, rapporteur a indiqué que, face à l'ampleur du sujet, il avait limité ses travaux aux systèmes automatisés qui, sur la base d'une donnée biométrique, anatomique telle qu'une empreinte digitale, une image du visage, d'un œil, la forme d'une main par exemple, ou comportementale, comme un geste, une voix, permettent de reconnaître un individu, quasiment en temps réel, les méthodes reposant sur un travail d'expertise ou des procédés d'observation plus complexes étant néanmoins évoquées, sans faire l'objet d'une étude approfondie.

Les débats en cours portent en effet sur les systèmes qui identifient rapidement des personnes, sans être « intrusifs » et qui peuvent, le cas échéant, traiter une masse parfois importante de données biométriques.

Schématiquement, les systèmes biométriques se proposent de comparer deux (authentification) ou plusieurs (identification) échantillons et de déterminer s'il y a ou non ressemblance. A partir de cette ressemblance ou de cette différence, on conclut que les deux échantillons apparentés proviennent de la même personne ou, au contraire, en cas de non apparentement, que les échantillons proviennent de personnes distinctes.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a formulé plusieurs constats à partir des entretiens qu'il a eus, de l'audition publique qu'il a organisée le 15 mai 2003 et des missions qu'il a effectuées aux Etats-Unis et au Japon.

D'une part, dans le domaine de l'évaluation des systèmes biométriques, il n'y a pas vraiment de consensus :

- les travaux sont fragmentés et la plupart des pays européens ont pris du retard,

- les travaux réalisés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni restent controversés, ce qui explique que l'on recherche des normes d'évaluation admises par tous et suffisamment fiables,

- peu d'évaluations font intervenir de manière systématique des experts médicaux. Ceci est regrettable, car l'analyse du corps humain, comme l'examen de l'innocuité des procédés d'observation, nécessitent des compétences médicales,

- enfin, les évaluations se heurtent à deux écueils : le secret des algorithmes de reconnaissance et l'existence de « technologies propriétaires » d'une part, et, d'autre part, la constitution de bases de données presque exclusivement liées à la sécurité publique. Cependant ces obstacles ne sont pas intangibles : le National Institute of Standards and Technology (NIST) américain a pu ainsi réaliser récemment, grâce à la collaboration notamment du FBI, des tests d'évaluation portant à la fois sur les empreintes digitales, la reconnaissance faciale et l'iris.

D'autre part, les besoins tant collectifs qu'individuels d'authentification et d'identification vont se développer, dans le monde physique, comme électronique, et les enjeux politiques, sociaux, financiers et économiques des choix sont importants, ce qui justifie à la fois un contrôle parlementaire réel, une plus grande transparence et une meilleure collaboration des acteurs privés et publics. Beaucoup de gouvernements, d'institutions et d'industriels mènent actuellement des réflexions sur les identifiants et sur les moyens de lutter efficacement contre la fraude documentaire et informatique dont le coût est loin d'être négligeable.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a ensuite précisé le contenu de son rapport, lequel est organisé sur deux plans.

Dans une première partie, sont présentés les principales techniques, leurs principes de fonctionnement et les appréciations portées à leur sujet, tant en ce qui concerne leurs performances que les avantages et les risques liés à leur utilisation.

On assiste à une diversification croissante des produits, qu'il s'agisse des données physiques ou comportementales prises en compte - empreinte digitale, face, main, iris, rétine, voix, odeur, oreille, démarche, frappe sur le clavier...- comme des procédés de capture de ces données - rien que pour l'empreinte digitale, sept techniques différentes d'acquisition ont été ainsi recensées - ou encore des algorithmes de comparaison.

Cette diversification rend d'autant plus difficiles les travaux d'évaluation ainsi que l'interopérabilité et la compatibilité des différents systèmes.

Mais, quelle que soit la technique utilisée, la performance d'un système dépend de deux facteurs, l'un humain, l'autre technique.

Toutes les études insistent sur le caractère crucial de la phase de prélèvement des échantillons (« enrôlement ») et il convient de gérer la relation homme/machine qui fait intervenir des éléments psychologiques (acceptabilité et apprentissage du processus) et démographiques, la généralité et la permanence de la donnée biométrique constituant à la fois un gage d'efficacité et de simplicité.

Les systèmes biométriques reposent par ailleurs sur une assise statistique. Il faut donc gérer les « taux d'erreurs », les techniques biométriques n'étant pas exactes à 100 %. Actuellement, parce que les critères et les méthodes d'évaluation n'ont pas été véritablement normalisés, on assiste à une véritable « guerre des taux » qui reflète la concurrence qui s'exerce entre les producteurs. L'unicité de telle ou telle donnée biométrique et donc son caractère plus ou moins discriminant sont encore débattus. En tout état de cause, le seuil de tolérance jugé acceptable dépend de la finalité du système que l'on souhaite implanter : par exemple, pour le contrôle d'accès à une zone hautement sécurisée, le taux de fausses acceptations devra être le plus bas possible, au risque d'augmenter le taux de rejets erronés.

Face à la variété des critères de comparaison et des méthodes d'évaluation, les utilisateurs préfèrent actuellement adopter une démarche empirique et expérimentale. C'est le cas de différents aéroports et, dans le rapport, sont décrites la démarche retenue par Aéroports de Paris pour le contrôle d'accès des personnels aux zones d'accès limité ainsi que celle adoptée par l'administration pénitentiaire pour le contrôle à distance des détenus placés sous surveillance électronique et pour l'accès aux parloirs des détenus.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a souligné que, même si les systèmes biométriques ne constituaient pas une panacée, ils apportaient des garanties bien supérieures aux systèmes actuels d'identification ou d'authentification.

Il a observé que l'utilisation des systèmes biométriques faisait aussi l'objet de prises de position contradictoires, parfois extrêmes, surtout dans les sociétés anglo-saxonnes où tout système d'identification, biométrique ou autre, tel que les systèmes d'immatriculation ou les cartes d'identité, n'est pas facilement accepté.

Dans le rapport, est dressée une sorte d'état des lieux des opinions exprimées à ce sujet qui, tantôt sont de nature technique, tantôt se placent sur le plan éthique.

Sur ce point, le rapporteur a formulé trois observations.

D'une part, que l'on se place sur le plan de la sécurité, ou sur celui des libertés, la valeur des systèmes biométriques devrait s'apprécier de manière relative, c'est-à-dire par rapport aux autres procédés d'identification ou d'authentification actuellement utilisés. Or, force est de constater que cette évaluation fait défaut. La fraude informatique et la fraude documentaire existent car les systèmes actuels, qui reposent sur ce que l'on sait (code, mot de passe) ou ce que l'on a (carte) restent vulnérables et les systèmes biométriques apportent un niveau de sécurité supplémentaire. Ils peuvent donc constituer un instrument efficace de protection des données personnelles et un moyen de se prémunir contre l'usurpation d'identité qui peut être très préjudiciable aux individus.

D'autre part, la plupart des arguments avancés par les détracteurs des systèmes biométriques ont été pris en compte par les producteurs :

- du côté de la sécurité, des travaux ont été engagés pour lutter contre les risques de falsification (plusieurs produits permettent de détecter le caractère « vivant » ou artificiel de l'élément corporel présenté) ; la biométrie « multimodale » qui associe plusieurs données biométriques ou une donnée biométrique et un code ou un mot de passe fait l'objet de diverses études ou réalisations ; des standards de sécurité garantissant l'intégrité et l'inviolabilité des données traitées sont recherchés pour aboutir à une certification,

- du côté des libertés, il convient tout d'abord de noter que l'implantation des systèmes biométriques doit obéir aux règles définies en matière de protection des données et aux Etats-Unis, où cette législation fait défaut, l'International Biometric Industry Association (IBIA) a elle-même défini des principes visant à préserver la vie privée. En outre, il existe une variété de systèmes de stockage ; une base de données n'est pas nécessairement constituée et la donnée peut être conservée sur un support portable comme une carte. Enfin, la cryptographie à clé biométrique peut, semble-t-il, constituer une solution intéressante, mais les avis semblent néanmoins partagés sur ce point.

La troisième observation a porté sur les domaines opérationnels d'application des techniques biométriques. En fait, les craintes exprimées reposent largement sur la connotation policière de ces techniques. Dans le rapport, sont recensés les différents domaines d'application. S'il est vrai que l'identification judiciaire constitue historiquement le domaine privilégié de l'utilisation généralisée des données biométriques (fichiers d'empreintes digitales, d'ADN, de photographies, reconnaissance vocale), le domaine « civil » ne doit pas être pour autant sous-estimé et il connaît depuis plusieurs années un développement réel, qu'il s'agisse de la gestion des titres (titres d'identité, permis de conduire, cartes de sécurité sociale, titres de réfugiés ou de séjour pour les étrangers, cartes électorales...) - et, à cet égard, les réflexions en cours sur « le titre fondateur » en France montrent que cette dimension est importante - ou qu'il s'agisse de la gestion des accès physique ou logique, voire des horaires de travail ou des usages strictement domestiques.

La deuxième partie du rapport traite des conditions dans lesquelles il paraît possible d'assurer un développement maîtrisé des techniques biométriques.

Sur le plan interne, le cadre juridique actuel apporte des garanties suffisantes, mais demeurent toutefois certaines incertitudes.

La loi « Informatique et libertés » de 1978 actuellement en vigueur et le code de procédure pénale, notamment depuis l'intervention de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, encadrent les dispositifs utilisés à des fins de sécurité publique, même si la coexistence de deux corps de règles distincts nuit à leur clarté et probablement à leur mise en œuvre.

Pour les autres dispositifs, la directive européenne de 1995 apporte aussi des garanties suffisantes, comme la loi de 1978, un consensus existant sur le fait d'assimiler une donnée biométrique à une donnée personnelle. La seule réserve, liée à la technique, concerne le droit d'accès et de rectification, puisque d'une part, cette donnée ne sera pas forcément communicable « sous une forme intelligible » ou « en langage clair » et que, d'autre part, le droit des personnes de prendre connaissance de la logique qui sous-tend leur identification automatique sur la base de ses données biométriques n'est pas expressément prévu.

Néanmoins, le cadre juridique actuel comporte un certain nombre d'incertitudes qu'il conviendrait de lever.

D'une part, il s'agit des conditions dans lesquelles, dans le cadre d'une procédure judiciaire, les autorités policières ou judicaires pourraient avoir accès à des données biométriques collectées à d'autres fins que celles directement liées à la sécurité publique et à la sûreté de l'Etat.

L'autre incertitude, qui résulte en grande partie de la précédente, porte sur l'opportunité éventuelle d'un régime spécifique applicable aux systèmes biométriques mis en place pour répondre à des finalités qui ne seraient pas directement liées à la sécurité publique.

Le projet de loi en cours de discussion modifiant la loi de 1978 et transposant la directive de 1995 soumet à un régime d'autorisation de tels systèmes - disposition semble-t-il introduite dans le projet initial à la demande de la CNIL -, mais ne précise pas les critères pris en compte.

La « doctrine » de la CNIL, se fondant sur le principe de proportionnalité tel qu'elle l'interprète, repose notamment sur la notion de « trace » et réserve aux systèmes répondant à un impératif particulier de sécurité les fichiers d'empreintes de même nature que celles enregistrées dans les fichiers automatisés actuels de police, à savoir essentiellement les empreintes digitales.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a souligné que l'audition publique avait montré que cette interprétation était contestable sur les plans technique (d'autres données laissent des « traces », la voix et le visage par exemple) et politique, dans la mesure où il s'agit de questions liées à la souveraineté qui relèvent de la compétence du Parlement, mais aussi sur les plans économique et administratif. Il s'est demandé si les utilisateurs potentiels publics ou privés ne seront pas incités à choisir une technique biométrique moins performante ou moins bien adaptée à leurs besoins réels, s'ils ne seront pas finalement encouragés à renoncer à implanter un système biométrique et si la CNIL elle-même disposait des moyens nécessaires pour examiner dans des délais raisonnables la multitude de demandes qui émaneront tant du secteur public que du secteur privé.

La troisième incertitude concerne les conditions dans lesquelles des transferts transfrontaliers de données biométriques pourraient intervenir, mais il ne s'agit pas d'incertitudes propres aux données biométriques, comme le montre l'actualité récente concernant le transferts de données sur les passagers des vols vers les Etats-Unis.

Enfin, M. Christian Cabal, député, rapporteur, a indiqué qu'il avait abordé dans son rapport la question des conséquences juridiques d'une utilisation des techniques biométriques, même si la « preuve biométrique » n'a pas, en principe, vocation à se substituer aux autres moyens de preuve et fait part de son sentiment, corroboré par les évolutions que l'on constate aux Etats-Unis - même si leur système juridique est différent du système français - que le recours à de telles techniques aboutira à une multiplication d'expertises et de contre-expertises techniques, surtout si aucune norme n'est communément admise.

Or, compte tenu des évolutions perceptibles à l'échelle européenne et internationale, M. Christian Cabal, député, rapporteur, a jugé urgent de définir un cadre juridique adapté. Des décisions importantes sont en préparation ou viennent d'être prises.

Ces décisions concernent essentiellement le contrôle biométrique de la circulation transfrontalière des personnes, qui vise à remédier à la fraude des documents de voyage et des titres de séjour.

Les Etats-Unis, depuis plusieurs années, envisagent d'utiliser la biométrie pour renforcer la sécurité de leurs frontières. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, des dispositions législatives ont été prises, prévoyant, avant octobre 2004, l'introduction de données biométriques sur les passeports et les visas.

Les administrations américaines se préparent activement, notamment dans le cadre de la nouvelle structure dont le gouvernement s'est doté, le Department of Homeland Security (DHS). Cette politique très volontariste du gouvernement américain dont les composantes sont détaillées dans le rapport repose sur une mobilisation très forte des administrations fédérales et un engagement financier important pour la recherche et l'évaluation, même si cette politique ne fait pas l'unanimité, comme en témoignent notamment les réserves émises par le General Accounting Office (GAO) et l'American Civil Liberties Union. En janvier 2003, le NIST, le Département de la Justice et le Département d'Etat ont remis un rapport conjoint qui préconise l'empreinte digitale et la photographie.

L'OIAC vient également de rendre ses premières conclusions. Un groupe de travail a été constitué dès 1999 pour étudier les conditions dans lesquelles peuvent être introduites des données biométriques dans les documents de voyage lisibles par machine. Le dispositif retenu en mai dernier propose la généralisation de la photographie numérisée et laisse la possibilité pour les Etats d'opter entre l'iris et l'empreinte digitale.

Du côté de l'Europe, des réflexions sont également en cours. EURODAC, le système de gestion reposant sur l'empreinte digitale des documents délivrés aux demandeurs d'asile, a constitué la première réalisation ; il est entré en vigueur en janvier dernier. Le système commun d'échange des données relatives aux visas devrait lui aussi comporter des données biométriques et le 27 février dernier, une déclaration commune franco-allemande sur l'utilisation de la biométrie pour les passeports, les visas et les titres de séjour a été présentée. Il n'est pas non plus exclu que d'autres dispositifs, tels que le Système d'information Schengen (SIS), voire EUROPOL, recourent à terme à la biométrie.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a insisté sur les enjeux économiques de ces initiatives qui sont considérables, tant pour les Etats qui devront supporter des dépenses importantes pour sécuriser les titres qu'ils délivrent (le Visa information System européen concernera, hors élargissement, quelque 10 millions de visas par an et, pour les Etats-Unis, le chiffre de 7 millions par an a été avancé) que pour les producteurs de systèmes.

S'il est difficile d'obtenir des chiffres précis et incontestables sur le marché de la biométrie, il est évident que les mesures en préparation vont assurer une croissance, qui était d'ailleurs annoncée depuis plusieurs années.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a noté qu'à cet égard la standardisation constituait un enjeu essentiel, tant politique qu'économique, et que des efforts importants étaient déployés dans ce domaine, pour définir des normes de sécurité sur la base des « critères communs » de sécurité des technologies de l'information, des normes d'interface et d'intégration et des normes de compatibilité.

C'est ainsi qu'en 2002 les Chefs d'Etat présents au sommet du G8 se sont entendus pour formuler des recommandations sur les normes minimales dans le domaine de la biométrie et que le 5 mai 2003, lors de la réunion des ministres de l'intérieur et de la justice du G8, l'intérêt de disposer de tests probants a été affirmé.

Dans ce domaine, le NIST américain mène une politique très active, tant au plan national qu'international, sous l'impulsion du gouvernement américain. Les acteurs publics et privés, américains et d'autres nationalités, y collaborent au sein du Biometric Consortium. Une cohérence des normes nationales et internationales est structurellement assurée. Des liens sont établis entre, d'une part, le secteur de la biométrie et, d'autre part, les secteurs de la sécurité informatique et des cartes.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a rappelé que, sur le marché de la biométrie, la France n'était pas absente et qu'elle disposait de nombreux atouts, tels que le groupe SAGEM, leader mondial de l'empreinte digitale ou encore la société THALES qui intègre des systèmes biométriques, ces sociétés ayant d'ores et déjà remporté d'importants marchés, même si la concurrence reste très forte.

Surtout, à la différence des Etats-Unis, la France n'a pas encore élaboré une politique industrielle de la sécurité et les réflexions menées par les administrations, les experts et les producteurs français restent extrêmement dispersées et généralement sectorisées. Le suivi de ces réflexions ne semble pas non plus correctement assuré, la France n'étant pas toujours représentée dans les groupes techniques.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a observé que l'audition publique qu'il avait organisée avait mis ainsi en évidence la nécessité d'instituer un lieu d'échanges entre tous les acteurs, en assurant l'information du public sur les débats en cours.

Quatre recommandations ont ensuite été présentées :

- la première propose de définir dans un cadre législatif précis et transparent les conditions dans lesquelles des autorités publiques peuvent être, le cas échéant, habilitées à accéder à des traitements comportant des données biométriques ;

- la deuxième vise à garantir l'information préalable du Parlement sur les travaux conduits aux niveaux européen et international relatifs à l'introduction ou au transfert de données biométriques ;

- la troisième suggère la constitution d'un observatoire associant les différents acteurs concernés et les utilisateurs et chargé d'assurer une veille juridique et technique et l'information du public ;

- la quatrième envisage la mise en place d'un organisme associant des partenaires publics et privés et doté des moyens de financement nécessaires pour faire réaliser par des laboratoires indépendants des travaux d'évaluation scientifiques et techniques, recueillir l'avis d'experts ou d'universitaires sur la fiabilité des travaux menés par d'autres organismes et diffuser les résultats des études conduites en son sein.

M. Claude BIRRAUX, député, président de l'Office, après avoir remercié le rapporteur pour sa contribution à la réflexion portant sur les données biométriques, l'a interrogé sur les risques de surveillance des individus à leur insu, sur les conditions dans lesquelles l'interopérabilité des systèmes pouvait accroître les risques de telles dérives et sur la pertinence d'une législation nationale dans un domaine où une réglementation européenne, voire des instruments internationaux, semblent nécessaires.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a répondu que le « traçage » des individus reposait sur des systèmes n'utilisant pas nécessairement des données biométriques, comme en témoignent les exemples relatifs aux téléphones portables ou aux cartes bancaires ; cela pose la question plus générale de la conservation des données et des moyens techniques permettant une « traçabilité » de celles-ci. S'agissant du croisement des fichiers éventuellement constitués, sur le plan juridique, les conditions d'interconnexion ou d'accès doivent être correctement définies. En tout état de cause, la donnée biométrique n'est pas plus « liberticide » que d'autres données reposant sur un code, un numéro ou toute autre clé ; en revanche, elle constitue le meilleur moyen, à l'heure actuelle, pour empêcher l'usurpation d'identité qui peut nuire gravement à l'individu et repose sur une démarche volontaire à travers la procédure d'enrôlement. L'interopérabilité doit être recherchée, en particulier dans le domaine de la circulation transfrontalière des personnes, compte tenu de la diversité des choix qui seront arrêtés par les différents pays et si l'on ne veut pas que des monopoles se constituent, limitant la liberté des Etats. L'existence d'une législation nationale garde tout son intérêt, parce que les domaines d'application de la biométrie sont extrêmement diversifiés et que, même dans le domaine des documents de voyage, les compétences nationales subsistent, notamment pour les passeports.

M. Henri Revol, sénateur, après avoir noté que le marché de la biométrie allait se développer et que les industriels français y étaient bien implantés, a demandé au rapporteur s'il en était de même des instituts de recherche nationaux et des experts français.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a indiqué que dans le domaine de la biométrie, dans son acception scientifique, la recherche française tenait son rang, mais que dans le secteur des systèmes biométriques d'identification, les études étaient fragmentées et généralement temporaires. Surtout, les chercheurs ont peu de contacts avec les industriels et les financements sont parfois problématiques, ce à quoi une recommandation tente de remédier.

A une question posée par M. Christian Kert, député, sur les applications de la biométrie dans le domaine hospitalier, M. Christian Cabal, député, rapporteur, a répondu qu'aux Etats-Unis la biométrie était d'ores et déjà utilisée pour les contrôles d'accès, mais aussi pour les cartes d'assuré social ; l'usurpation d'identité peut représenter un coût pour la collectivité, ce qui devrait conduire à envisager son introduction dans les cartes « sésame vitale ».

M. Jean-Yves Le Déaut, député, a proposé l'utilisation de l'indicatif et non du conditionnel dans les recommandations, proposition qui a été retenue par les membres de l'Office, et demandé au rapporteur si ses interlocuteurs avaient été coopératifs.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a indiqué que l'information n'avait pas été instantanément délivrée et que des demandes réitérées avaient été dans certains cas nécessaires, cette réticence initiale pouvant s'expliquer par le fait que les choix n'avaient pas été définitivement arrêtés, mais aussi par la volonté de réserver à un « cercle d'initiés » le processus de décision ; progressivement néanmoins une meilleure collaboration s'est instaurée, dès lors que les personnes entendues ont pris conscience que le travail parlementaire pouvait constituer aussi une source d'informations qui ne leur était pas directement accessible.

A deux interrogations formulées par M. Jean-Louis Lorrain, sénateur, sur la discrimination biométrique des jumeaux et le système de contrôle d'accès mis en place par le CEA, M. Christian Cabal, député, rapporteur, a répondu qu'il avait été démontré que de vrais jumeaux ne possédaient pas la même empreinte digitale, ni le même iris et que dans les zones de haute sécurité, en particulier les sites nucléaires, l'empreinte digitale était généralement choisie.

Après que M. Claude BIRRAUX, député, président de l'Office, eut souligné la nécessité d'assurer un suivi du développement de la biométrie, l'Office a adopté le rapport à l'unanimité des membres présents et autorisé sa publication.


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