Assemblée nationale - Sénat

Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

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Compte rendu

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Mardi 8 juillet 2003

Télécommunications à haut débit au service du système de santé - Examen de l'étude de faisabilité.
Techniques de restauration des œuvres d'art et protection du patrimoine face aux attaques du vieillissement et des pollutions - Examen de l'étude de faisabilité.

Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.

L'Office a tout d`abord procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de MM. Jean Dionis du Séjour, député, et Jean-Claude Etienne, sénateur, sur les télécommunications à haut débit au service du système de santé.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, rapporteur, a souligné que la saisine de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale était particulièrement opportune à un moment où l'assurance maladie est en grande difficulté et où des décisions de restructuration profonde de notre système de soins vont intervenir.

A ses yeux, il convient de prendre en compte dans l'étude, non seulement le haut débit, mais l'Internet dans sa globalité. Il a noté que si la télémédecine n'occupait aujourd'hui qu'une place relative, n'étant pratiquée que par un cercle restreint d'initiés, il existait des prémices laissant augurer d'un développement considérable de ces techniques dans le domaine de la santé.

Il a ajouté qu'il convenait également de déterminer si un recours accru à la télémédecine permettra, dans l'avenir, de réduire les coûts du système de santé et de remédier aux manques de la démographie médicale car, quels que soient les efforts consentis actuellement, ils ne pourront pas, en raison des délais de formation, faire sentir leurs effets avant huit à dix ans. Le recours à l'Internet constitue, en outre, un élément de réponse aux pathologies d'urgence et d'accompagnement à domicile, qui peut conduire, dans ce dernier cas, à une réduction des durées d'hospitalisation, perspective extrêmement intéressante.

Pour le diagnostic et la formation, il a indiqué que les pratiques récentes intégraient de plus en plus la téléformation et qu'il était urgent de mesurer l'impact de ces nouvelles techniques.

M. Jean Dionis du Séjour, député, rapporteur, a ensuite mis l'accent sur certains des domaines où l'apport de l'Internet à haut débit pouvait être décisif. Il a cité, successivement, la formation pour laquelle Internet facilite l'accès aux banques de données, la gestion du dossier médical, qui permet le télédiagnostic, notant qu'il était dès maintenant possible de dissocier les lieux de résidence du patient de son médecin traitant et du spécialiste compétent sur une affection particulière. En outre, il a souligné que le niveau d'information des patients avait considérablement augmenté, ce dont il faudrait tenir compte dans l'étude et ce, d'autant plus que l'Internet, comme c'est le cas aux Etats-Unis, facilite l'accès direct à des médicaments qui, en France, ne sont délivrés que sur prescription médicale. Il a noté que s'il existait des craintes vis-à-vis de ces nouvelles techniques, les aspects positifs de leur apport à la médecine étaient nombreux. A titre d'exemple, il a cité le cas des régions géographiquement étendues et médicalement peu équipées, où la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux était très difficile. De même, les compétences étant rares en neurologie, la télémédecine et la téléchirurgie laissent entrevoir des solutions pour remédier aux pénuries constatées.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, rapporteur, a ensuite stigmatisé le recours abusif aux examens complémentaires, fort coûteux pour la collectivité, liés à une démarche de « couverture » et n'ayant pas d'autre objet que de vérifier l'absence de pathologies. Il a estimé qu'il fallait inverser cette démarche, rétablir la prééminence de l'examen clinique, préalable à une bonne démarche de diagnostic et, pour cela, utiliser les moyens les plus modernes pour la formation initiale. Pour lui, l'enseignement de la sémiologie clinique sera plus facile s'il est épaulé par la télématique, car les méthodes traditionnelles d'enseignement ne peuvent s'effectuer qu'à travers de petites unités. L'apport des nouvelles technologies de l'information paraît donc essentiel pour réformer, dans ce domaine prééminent, l'enseignement des facultés de médecine.

M. Jean Dionis du Séjour, député, rapporteur, a fait observer que les obstacles au développement de ces nouvelles techniques ne devaient pas être sous-estimés. Il faut, en premier lieu, concilier la facilité d'accès au dossier médical avec le respect du secret médical qui doit être garanti. D'autres obstacles juridiques existent en matière de partage de la responsabilité médicale entre le médecin qui pose le diagnostic et le responsable de l'acte thérapeutique, dans le cadre d'une « équipe médicale éclatée ». Il a ajouté qu'il ne fallait pas non plus sous-estimer les obstacles économiques et que l'étude serait l'occasion de déterminer les équipements qui devront être financés dans le volet santé du « plan réseau 2007 », qui permettra, à terme, à dix millions de Français d'être reliés au haut débit, contre 2 millions aujourd'hui. Il a précisé qu'il conviendrait également de rentrer dans des considérations techniques pour déterminer le niveau de haut débit requis pour répondre, par exemple, au traitement de pathologies longues, comme le cancer, qui font alterner des traitements lourds et des soins à domicile, ou de pathologies d'urgence, comme les accidents vasculaires cérébraux.

Enfin, M. Jean-Claude Etienne, sénateur, rapporteur, a insisté sur l'effet que pourraient avoir les nouvelles technologies sur l'offre de soins en France, notant que la coexistence de la médecine hospitalière et du secteur libéral entraînait certes stimulation, mais aussi « étanchéité ». Il a estimé que la mise en œuvre de ces techniques permettrait d'assurer les synergies nécessaires à la prise en charge des malades qui ne doivent pas souffrir de disparités, notamment géographiques. Jugeant que notre système de santé était à la fois sous et suréquipé, il a noté qu'il serait utile d'engager une réflexion, à partir d'exemples étrangers, comme les Etats-Unis où des centres d'excellence peuvent rayonner sur 1 000 kilomètres en mettant à la portée d'une importante population les équipements les plus performants, sur le choix des équipements au regard de l'aménagement du territoire.

A l'issue de l'exposé des rapporteurs, M. Jean-Pierre Brard, député, a jugé nécessaire, compte tenu de la crise rurale et urbaine de la carte sanitaire, de ne pas tomber dans la polémique idéologique. Il a donc estimé que l'approche des rapporteurs, qui permettrait de s'appuyer sur des références scientifiques solides, était intéressante et qu'elle s'inscrivait dans une perspective de prévention, sans a priori de rationnement des soins. Il a enfin souligné l'intérêt d'analyser les actions de télémédecine conduites en Australie.

M. Claude Birraux, député, président, a souligné l'intérêt de cette étude, qui allait conduire à envisager différents points de vue, à la fois techniques, médicaux et démographiques. Après avoir noté la difficulté de certaines questions, comme celle du secret médical, il a proposé, pour faire écho aux observations des rapporteurs, d'intituler leur étude « Les télécommunications à haut débit et l'Internet au service du système de santé », proposition qui a été retenue par les membres de l'Office.

M. Jean Dionis du Séjour, député, rapporteur, a évoqué la question de la validation et la qualité scientifique des informations médicales qu'il est possible de trouver sur Internet et, s'agissant de la définition du haut débit, il a considéré que la détermination des usages attendus de l'Internet devrait précéder la définition des normes techniques.

M. Claude Gatignol, député, vice-président, a ensuite souligné la prudence qui devait présider à certains usages de l'informatique, notant, par exemple, que la carte Vitale pouvait conduire à une certaine déresponsabilisation des patients.

A l'issue de la discussion, l'Office a autorisé, à l'unanimité des présents, la poursuite de l'étude, sous son nouvel intitulé.

L'Office a ensuite procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de M. Christian Kert, député, rapporteur, sur les techniques de restauration des œuvres d'art et la protection du patrimoine face aux attaques du vieillissement et des pollutions.

M. Christian Kert, député, rapporteur, après avoir rappelé que l'Office avait été saisi de cette étude le 30 avril 2003 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, a indiqué qu'il y avait bien là matière à réfléchir en termes scientifiques, car les nouveaux outils fournis par la science peuvent, comme dans bien d'autres domaines, soit aider à protéger et améliorer la vie, soit détruire l'héritage et compromettre l'avenir.

Il a ensuite fait observer, qu'il s'agisse de tableaux, de sculptures, du mobilier issu des fouilles archéologiques ou encore des châteaux et des grottes ornées, que chaque fois que la main de l'homme a fait œuvre de création, la question se pose de la pérennisation de cette œuvre : lorsqu'un péril la guette, faut-il la conserver en l'état, au risque de la voir disparaître, ou faut-il restaurer l'œuvre, reconstituer le site archéologique, redresser les murs d'un château avec, comme corollaire, la crainte que l'œuvre restituée n'ait plus qu'une lointaine parenté avec l'œuvre originale ?

M. Christian Kert, député, rapporteur, a rappelé que la loi sur les musées accordait une place de toute première importance aux collections, à leur enrichissement, leur conservation et leur gestion et qu'elle avait instauré la pérennité matérielle des collections, avec l'intervention de professionnels de la conservation et de la restauration et des dispositifs de sauvegarde permettant à l'Etat de retirer des collections d'un lieu les mettant en péril.

Pour M. Christian Kert, député, rapporteur, le premier objectif de l'étude consisterait donc à définir une politique de conservation et de gestion des collections, de proposer des procédures et des approches méthodologiques et de permettre, dans un souci de préservation, d'optimiser les facteurs financiers et humains. Il a précisé que cette démarche, si elle est retenue, doit, après bilan de l'existant, reposer sur un plan de conservation préventive garantissant, par une approche concrète, la sauvegarde et la pérennisation des collections. Ceci permettrait d'espérer conduire une politique de restauration « raisonnée », favorisant les seules opérations indispensables, alors que l'après-guerre avait mené à une logique de restauration lourde et de reconstruction, même s'il est vrai que, depuis une vingtaine d'années, à l'exemple de pays voisins, notre pays commence à s'orienter vers la conservation.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a cependant souligné que l'incompréhension avait pu naître de l'évolution des méthodes. Plus les sciences au service de l'art ont progressé, plus nombreux ont été ceux à dénoncer l'opération de « banalisation » que la technique imposait à l'œuvre artistique. Peut-on imaginer, comme le font certains - et notamment des associations puissantes - que la recherche ne s'est pas placée au service du patrimoine ?

Il a estimé qu'en réalité, la solution ne se trouvait probablement pas dans un « moins de science » au service de l'art, mais bien plutôt dans une science meilleure, appliquée avec plus de retenue et mieux éclairée par le regard de l'historien d'art et par le fait de l'œuvre elle-même. Car la recherche, au sens large du terme (physicochimique, technique, historique, colorimétrique, muséographique...), est indispensable au patrimoine. Elle contribue à renouveler le message auprès des publics, tout en assurant les meilleures conditions de conservation.

Il a indiqué que le champ d'intervention de cette recherche était déjà très ouvert, puisqu'il couvre la définition des matériaux, et parfois des fonctions, comme c'est le cas pour certains objets archéologiques peu communs, qu'il permet l'expertise, en termes d'authentification, des œuvres d'art, des manuscrits et des vestiges archéologiques mal datés, la recherche rendant également possible l'évaluation de l'état de conservation d'une œuvre ou d'un objet dans son environnement.

Après avoir rappelé que la recherche aidait à la restauration pour le choix de nouveaux produits, M. Christian Kert, député, rapporteur, a estimé que c'était peut-être dans cette fonction qu'elle était actuellement le plus interpellée, ses détracteurs redoutant une « hygiène domestique ». Selon ces derniers, à s'occuper de l'œuvre comme on fait énergiquement le ménage avec de bons produits, il y a peu de chances de la sauvegarder.

Enfin, M. Christian Kert, député, rapporteur, a indiqué que la recherche permettait d'effectuer des études pluridisciplinaires fondamentales pour valoriser certains secteurs patrimoniaux et susciter de nouvelles technologies scientifiques intéressant la science contemporaine. Il a cité l'exemple des cosmétiques égyptiens et le problème de la nocivité du plomb, ainsi que l'exemple des vieillissements des verres anciens comme modèles de recherche pour les containers actuels de produits radioactifs.

Il a rappelé les différents objectifs de la recherche dans le domaine du patrimoine : faire participer les chercheurs à l'état des lieux du patrimoine en France ; développer les méthodes d'analyse non destructives ; mettre au point des appareils transportables pour se rendre sur un site de fouilles archéologiques, afin d'étudier des vestiges dégagés dans les meilleures conditions ou d'analyser des œuvres fragiles ou intransportables des musées ; assurer, enfin, une meilleure formation des personnels puisqu'il n'y a pas aujourd'hui d'établissement spécialisé dans la formation des chercheurs du patrimoine. M. Christian Kert, député, rapporteur, a estimé qu'au-delà, c'était sûrement au politique qu'il appartiendrait d'aider d'autres développements de la recherche et, notamment, pour avoir un pôle de recherche en patrimoine plus homogène et une mise en cohérence des réseaux nationaux et internationaux.

Après avoir rappelé que si l'utilisation du Synchrotron permettrait de résoudre des problèmes concernant les matériaux du patrimoine, M. Christian Kert, député, rapporteur, a souligné le danger consistant à ne pas prendre en considération la dimension de l'œuvre d'art, qui est une notion unique. Il a estimé que l'un des choix possibles de la science, dans le domaine du patrimoine, serait de décider par elle-même, dans certains cas, de ne rien faire, de ne pas toucher à ces dizaines de tableaux importants qui attendent, dans les musées européens, des soins appropriés, mais auxquels certaines pratiques feraient courir de tels risques qu'il se révélera plus sage de les laisser, face au visiteur, ternis, mais véritables.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Jean-Pierre Brard, député, après avoir souligné l'orientation équilibrée de l'étude proposée dans un domaine qui ne relève pas de la science exacte, a cité des cas de restauration d'œuvres peu respectueux de la volonté de leur auteur, et affirmé sa préférence pour une démarche de restauration prudente, faisant place à l'historien de l'art et au débat contradictoire.

M. Claude Gatignol, député, vice-président, a posé la question des techniques de restauration d'urgence, dans le cas de dommages causés au patrimoine par des catastrophes naturelles.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, s'est félicité de l'approche préventive retenue par l'étude.

L'Office a autorisé, à l'unanimité des présents, la poursuite de l'étude.


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