Assemblée nationale - Sénat

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

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Compte rendu

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Mardi 27 juin 2006
La sécurité des systèmes d'information, un enjeu majeur pour la France - Communication
L'apport des sciences et des technologies au développement durable - Tome I : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise - Examen du rapport
Les risques sismiques et de raz-de-marée en Méditerranée - Examen de l'étude de faisabilité

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Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président

La sécurité des systèmes d'information, un enjeu majeur pour la France - Communication

M. Pierre Lasbordes, député, après avoir remercié l'Office de lui permettre de présenter les principales conclusions de son rapport consacré à la sécurité des systèmes d'information, établi à la demande du premier ministre et avec l'assistance d'un comité d'experts, a indiqué que son étude visait à identifier les carences, en matière de sécurité, des systèmes d'information utilisés par les administrations publiques, les entreprises et les citoyens et de formuler des propositions d'amélioration.

A partir de la définition retenue, un « système d'information » étant « un ensemble de machines connectées entre elles, de façon permanente ou temporaire, permettant à une communauté de personnes physiques ou morales d'échanger des données », on mesure l'intérêt des dispositifs de sécurité dans ce domaine. Cette définition couvre en effet des systèmes aussi variés que le réseau d'un opérateur de téléphonie, le site Internet d'un ministère, l'ordinateur d'un particulier ou que le réseau de commandement des forces armées.

L'explosion mondiale d'Internet confère désormais aux systèmes d'information une dimension économique et sociale incontournable. Les services assurés par ces systèmes sont devenus aussi indispensables que l'approvisionnement en eau ou en électricité.

Si les Etats-Unis - qui ont développé une stratégie basée sur « l'information dominance » visant à prendre connaissance des communications des adversaires, tout en protégeant les leurs - ont parfaitement compris l'intérêt stratégique d'une maîtrise de l'information, et si la Chine partage cette préoccupation, force est de constater que la France et l'Europe restent en retrait.

Les enjeux sont pourtant considérables. Il s'agit d'enjeux touchant à la sécurité nationale, par exemple pour la distribution d'énergie, d'enjeux de souveraineté, d'enjeux économiques et commerciaux, mais aussi d'enjeux pour la science et la recherche, les risques encourus par les citoyens eux-mêmes, pour l'intégrité des données qu'ils produisent ou reçoivent, ne devant pas non plus être sous-estimés.

Certaines technologies rendent particulièrement vulnérables certains systèmes. Tel est notamment le cas du Wifi, qui permet de récupérer à distance des informations, à l'insu des utilisateurs.

Les entretiens organisés dans le cadre du rapport ont montré que, face à ces risques, les grandes entreprises sont bien mobilisées et que les administrations sont imparfaitement sensibilisées, tandis que les petites et moyennes entreprises et les citoyens n'en ont pas pris véritablement conscience.

Pour la plupart des entreprises, des administrations, des particuliers, les possibilités d'attaques sont méconnues. Les transmissions par fax par exemple présentent des failles majeures, les données détenues par les caisses d'assurance maladie sont également vulnérables, les incidents sont nombreux et extrêmement variés, leurs conséquences peuvent être très lourdes, au plan collectif comme au niveau individuel.

La difficulté d'un rapport de ce type réside d'ailleurs dans l'impossibilité de dévoiler l'ensemble des techniques pouvant être mises en œuvre et des sites susceptibles d'être attaqués.

Les recommandations du rapport portent sur six points cruciaux.

- La première vise à sensibiliser le public et à le former à la sécurité des systèmes d'information. Cela passe notamment par l'organisation d'une campagne d'information, la mise en place d'un portail Internet où seraient accessibles des informations, des guides, des conseils, la création de modules de formation en SSI (sécurité des systèmes d'information) au sein du système éducatif et la mise à disposition des utilisateurs de notices sur les risques et les moyens de protection.

- Le deuxième axe propose de responsabiliser les acteurs, au moyen de chartes à l'usage des utilisateurs dans les grandes entreprises et les administrations, dont le non-respect serait sanctionné si nécessaire, ainsi que d'une labellisation des entreprises fournissant des produits ou des services de sécurité.

- Il faut, en troisième lieu, rendre accessibles les produits et services de sécurité aux entreprises, et particulièrement aux PME, grâce notamment à des incitations fiscales.

- Les moyens judiciaires doivent par ailleurs être mobilisés pour identifier les auteurs d'infractions informatiques et les sanctionner. L'enseignement dispensé dans les écoles de police, de la gendarmerie et de la magistrature doit assurer aux magistrats et aux forces de police, sur tout le territoire, une formation dans le domaine de la fraude informatique. La création d'un pôle judiciaire spécialisé, à l'instar de celui constitué dans le domaine financier, est souhaitable.

- Afin d'assurer la sécurité de l'Etat et des infrastructures vitales, objectif qui constitue la cinquième orientation, diverses mesures sont envisageables, comme la mise à jour et la validation centralisée des politiques de SSI et des schémas directeurs de chaque ministère ; il s'agit prioritairement de réorganiser les services de l'Etat dans ce domaine, dont les initiatives sont trop dispersées, cloisonnées, voire désordonnées.

- Une dernière recommandation vise à renforcer la politique de développement de technologies et de produits, en définissant une politique d'achat public cohérente. A la différence de l'Allemagne, la France n'a pas défini de politique d'achat public dans le domaine des technologies sensibles. Il convient de faire un état des lieux des produits, dans un secteur qui compte de nombreuses PME innovantes et dynamiques, et de mobiliser les crédits de l'Agence nationale de recherche (ANR) ou de l'Agence d'innovation industrielle (AII) sur ce type de produits. Conjointement avec l'Allemagne, la France peut soutenir une offre européenne performante. Une politique industrielle doit émerger et il faut généraliser la politique de certification et de qualification, sous l'autorité de la Direction centrale de la sécurité des systèmes d'information.

Depuis la présentation du rapport, des groupes de travail ont été constitués et des décisions devraient être annoncées en septembre prochain.

Il est impératif de doter l'Etat d'une organisation forte et cohérente. Des réflexions sont conduites actuellement par M. Jean-Michel Hubert, dans le cadre du groupe de travail sur la sécurité des systèmes d'information qu'il préside. Une réorganisation des services de l'Etat devrait permettre de renforcer son autorité dans ce domaine.

M. Pierre Lasbordes, député, a terminé son intervention en indiquant que son rapport serait prochainement mis en ligne et publié par la « Documentation française ».

M. Henri Revol, sénateur, président, ayant souligné le travail remarquable réalisé dans le cadre de ce rapport, à la fois inquiétant et passionnant, et ayant observé que peu de personnes avaient conscience de l'importance de la question traitée, M. Pierre Lasbordes, député, a précisé que son rapport ne donnait qu'une vision édulcorée de la gravité de la situation et qu'il n'abordait pas les questions liées à la défense nationale. Puis, il s'est dit consterné par l'éparpillement des actions engagées par les administrations, qui n'ont pas toujours conscience du risque encouru, et a souligné qu'il était urgent de prendre les décisions nécessaires pour mieux se protéger.

M. Daniel Raoul, sénateur, s'est demandé si, compte tenu des risques liés au Wifi qui permet d'accéder facilement aux messages, il paraissait opportun de poursuivre la promotion de cette technologie, et si la meilleure pédagogie n'était pas l'expérience personnelle d'une attaque.

M. Pierre Lasbordes, député, a fait état des risques analogues liés à l'utilisation du « Blackberry » concernant les courriers électroniques, notamment par certains ministères et des possibilités de récupération à distance de données à partir d'un ordinateur de bureau. Il a observé que les hackers n'étaient plus des amateurs et qu'on assistait à une professionnalisation de ce type d'activités, dans un contexte de guerre économique. Evoquant les risques importants liés au dossier médical, il a considéré qu'il fallait prendre conscience aussi de la réalité des incidents et de la gravité des risques.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a observé que certaines structures comportant plus d'une centaine de membres, notamment des multinationales, dont les projets dépassent plus de 100 millions d'euros, n'avaient défini aucune directive en matière de sécurité des systèmes d'information, ni précisé ce qui devait être considéré comme confidentiel et ce qui ne l'était pas.

M. Pierre Lasbordes, député, après avoir mentionné les sites les plus attaqués, notamment le Département de la défense des États-Unis et Microsoft, a insisté sur la nécessité de réagir et de définir une véritable politique nationale offensive, en veillant néanmoins à ne pas bloquer le développement technologique.

L'apport des sciences et des technologies au développement durable - Tome I : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise - Examen du rapport

Puis, MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, sénateurs, rapporteurs, ont présenté les conclusions de leur étude sur « L'apport des sciences et des technologies au développement durable - Tome I : Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise ».

Abordant les conséquences du changement climatique, M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur, a présenté les observations suivantes :

- le changement en cours est mille fois plus rapide que ceux qui sont intervenus dans les temps géologiques ;

- la quasi-unanimité de la communauté scientifique regroupée dans le Groupe international des experts sur le climat (GIEC) estime que le réchauffement climatique est d'origine anthropique ;

- à l'horizon d'une génération, les conséquences de ce changement sont très sous-estimées.

L'ensemble des retours d'information de la modélisation du climat situent ce réchauffement dans la fourchette haute (entre 1,4°C et 5,8°C en 2100) des estimations du GIEC. Cette accélération comporte le risque d'un emballement climatique qui n'est pas encore intégré aux modélisations (stress hydrique affectant la photosynthèse de la biomasse en cas de sécheresses répétées, possibilité de libération du CO2 actuellement figé dans le permafrost, etc.).

L'ampleur et les conséquences physiques de ces phénomènes sont mal perçues. Des événements comme la fonte des glaciers alpins, la multiplication des canicules, les transferts de la flore vers le Nord, l'arrivée d'espèces invasives ou la constitution de milieux plus favorables à la propagation virale affecteront profondément notre mode de vie.

A terme, interviendront des dérèglements climatiques plus profonds.

Par ailleurs, le coût déjà très important du changement climatique (de l'ordre de 1 % du PIB mondial en 2005) est appelé à croître. Une étude allemande estime qu'en 2050 ce coût atteindra 2 000 milliards de $, soit 6 % du PIB actuel.

Puis, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a rappelé que le modèle énergétique mondial était très fragile. Il repose, en effet, sur une consommation d'énergie primaire assurée à 88 % par des énergies fossiles non renouvelables.

Certes, les réserves de pétrole et de gaz naturel sont estimées à plus d'un siècle, et celles de charbon à plus de deux siècles, mais au rythme de consommation actuel.

Or, tout concourt à l'accroissement de la demande de pétrole :

- la démographie (il y aura 2,6 milliards d'hommes de plus en 2050) ;

- la croissance économique continue des Etats-Unis et, plus qu'exponentielle, de la Chine et de l'Inde ;

- les règles de l'économie mondialisée de marché qui reposent sur une croissance forte des échanges internationaux de marchandises et sur une préférence financière pour le court terme qui porte à l'exploitation irraisonnée de ressources fossiles en voie de raréfaction.

La confrontation d'une offre atone et d'une demande en pleine expansion aboutira, vers 2020, à un nouveau choc pétrolier de très grande ampleur, portant le baril à 150 $ ou plus, ce qui correspondra à un prélèvement de 2 % sur le PIB des pays consommateurs.

La poursuite de cette tendance aboutirait vers 2030 à un scénario du pire caractérisé par la montée des tensions internes et internationales et par une rétractation de l'économie mondiale.

Il faut donc, dès maintenant, préparer la transition énergétique, car changer de modèle énergétique relève de constantes de temps de l'ordre de plusieurs décennies. Et dans la mesure où il s'agit de prendre aujourd'hui des mesures pour après-demain, cette action doit reposer sur un double volontarisme politique, national et international.

Puis les rapporteurs ont relevé que dans les principaux secteurs concernés par cette transition (production d'électricité, transports, résidentiel-tertiaire), des solutions technologiques existaient ou étaient proches de la maturité technologique et économique, étant rappelé que, pour l'électricité, la filière électro-nucléaire se révèle incontournable.

Enfin, les rapporteurs ont détaillé leurs propositions :

1. Mieux connaître le changement climatique et ses conséquences en amplifiant les programmes d'observation satellitaire, en créant une plateforme mondiale de calcul et en activant les études sur le coût de ce changement.

2. Intégrer le changement climatique dans les règles de la mondialisation, en préparant Kyoto II et en créant une « taxe carbone » mondiale pour égaliser les conditions de concurrence entre les pays qui luttent contre le changement climatique et ceux qui s'exonèrent de cet effort.

3. Positionner l'Europe comme un acteur majeur de la lutte contre le changement climatique, en particulier en créant un label carbone européen et en finançant, grâce à des taxes européennes spécifiques (kérosène, transport maritime à longue distance), un réseau de ferroutage européen ainsi qu'un développement des expérimentations dans le domaine de la captation-séquestration du CO2 et de l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur de transport.

4. Faire de la transition énergétique une priorité nationale en coordonnant mieux les services de l'État, en affichant une feuille de route à long terme donnant une lisibilité d'action aux industriels, en sensibilisant les citoyens et en leur donnant une information concrète.

5. Financer l'introduction progressive des filières de substitution du pétrole grâce à l'instauration d'une fiscalité qui leur serait exclusivement dédiée (augmentation de 1 % de la TIPP - à l'exclusion de celle pesant sur le fuel domestique, rétablissement de la vignette automobile sous forme d'une taxe carbone également applicable aux deux roues, création d'une taxe annuelle sur le fret autoroutier).

6. Mener une action spécifique dans le secteur des transports, en activant la modernisation du parc automobile par le soutien à l'achat de véhicules plus économes, en activant la normalisation et en encourageant massivement l'expérimentation sociale d'une mobilité alternative (télétravail, gares routières dédiées, mise à disposition de moyens de transport individuels non polluants en milieu urbain, etc.).

7. Amplifier les économies d'énergie dans le bâtiment en planifiant à long terme (20 ans et non plus 5 ans) la réglementation thermique, en l'utilisant pour un urbanisme plus durable, et en créant des instruments bancaires et fiscaux incitant à la rénovation des bâtiments.

8. Impliquer les collectivités locales pour qu'elles demeurent un relais indispensable au développement durable, en incluant cette préoccupation dans les contrats de plan Etat-régions et les PLU, et en modulant les dotations de l'Etat (DGE et DGF) en fonction des politiques menées par les collectivités dans le domaine de la transition énergétique.

9. Préparer l'après 2030 en encourageant les recherches sur l'énergie dans les domaines centraux que seront les nanotechnologies, les réacteurs nucléaires de IVe génération et la filière hydrogène.

M. Daniel Raoul, sénateur, s'est interrogé sur les conséquences de l'application d'une taxe carbone aux pays en voie de développement dont l'économie est très fragile.

Sur ce point, M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur, a rappelé qu'il fallait faire une différence entre les pays sous-développés et les pays émergents comme la Chine, dont le développement était très rapide. M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a ajouté qu'une modification des règles de l'OMC serait nécessaire pour rectifier les distorsions de concurrence qui existent entre les pays luttant contre l'effet de serre et ceux qui s'exonèrent de cette lutte.

M. Paul Blanc, sénateur, a estimé qu'en plus du ferroutage il fallait encourager le « merroutage » à l'échelon européen.

M. Henri Revol, sénateur, président, s'est demandé si la recréation de la « vignette » automobile était acceptable par les citoyens - tout au moins sous cette appellation.

En réponse, les rapporteurs ont estimé que le produit des mesures fiscales proposées devrait être intégralement reversé aux Français sous forme d'incitations permettant d'améliorer l'introduction des filières de substitution.

M. Henri Revol, sénateur, président, a demandé qu'au titre des mesures visant à préparer l'après 2030, mention soit faite de l'encouragement aux recherches sur la fusion nucléaire.

Puis l'Office a approuvé, à l'unanimité des membres présents, les conclusions des rapporteurs amendées par la proposition de son président.

Les risques sismiques et de raz-de-marée en Méditerranée - Examen de l'étude de faisabilité

Enfin, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a présenté les conclusions de son étude de faisabilité d'un rapport concernant « Les risque sismiques et de raz-de-marée en Méditerranée ». Précisant que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques avait été saisi sur ce sujet le 22 mars 2005, il a tout d'abord évoqué les travaux de M. Christian Kert, député, auteur de deux rapports de référence en 1995 et 1999 sur la question des risques naturels et de leur prévention. Il a rappelé que, suite au dramatique tsunami indonésien du 26 décembre 2004, M. Christian Kert, député, avait par ailleurs organisé des auditions publiques, d'abord à l'Assemblée nationale, le 17 février 2005, puis à Port-la-Nouvelle (Aude) le 18 mars 2005.

En introduction, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a indiqué que 2005 avait constitué une année charnière dans le domaine de la prévision et de la prévention des tsunamis :

- au plan international, la coordination intergouvernementale s'est accrue, sous l'égide de l'UNESCO, pour mettre en place des systèmes d'alerte ;

- en France, un programme national de prévention du risque sismique a été présenté par Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; il comporte un volet spécifique consacré au risque de tsunami.

M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a ensuite précisé que les auditions qu'il avait effectuées le conduisaient à penser que ces progrès n'avaient pas permis de résoudre toutes les questions qui se posaient. En effet, notre mémoire collective n'ayant pas été marquée récemment par un tsunami sur les côtes françaises, un certain sentiment d'invulnérabilité pourrait conduire à une mobilisation insuffisante.

S'agissant tout d'abord des termes de la saisine, M. Roland Courteau sénateur, rapporteur, a suggéré d'employer le mot « tsunami » plutôt que celui de « raz-de-marée », le premier étant plus volontiers admis par la communauté scientifique pour désigner le déplacement d'une grande masse d'eau suite à un événement géologique. En second lieu, il a estimé qu'il ne fallait pas faire référence aux causes du phénomène car celles-ci pouvaient être multiples (séisme, éruption volcanique, glissement de terrain). Il est donc préférable de parler de « risque de tsunami » plutôt que de « risques sismiques et de raz-de-marée ».

S'agissant du champ géographique de la saisine, actuellement limité à l'espace méditerranéen, il a indiqué que les auditions menées avaient mis en évidence l'intérêt d'une extension à l'outre-mer, ce qui permettrait d'examiner notamment la situation des Antilles. Un petit tsunami s'est en effet produit très récemment en Guadeloupe (le 20 mai 2006), ce qui illustre l'acuité du sujet dans cette région.

M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a ensuite abordé l'évaluation du risque de tsunami, indiquant quelles étaient les régions les plus concernées :

- 2180 tsunamis ont été répertoriés dans le monde de -1650 avant J.C. (date supposée de l'éruption du volcan Théra de Santorin) à 2005. La plupart ont eu lieu dans les zones de forte sismicité, c'est-à-dire aux points de convergence entre plaques tectoniques. Au vingtième siècle, 77 % des tsunamis se sont produits dans l'océan Pacifique, 10 % dans l'Atlantique et la Baltique, et 9 % dans la Méditerranée et la Mer Noire. L'océan le moins touché fut l'Océan Indien (4 %)..., ce qui prouve que la statistique n'est pas forcément très utile pour prévoir l'avenir. Par ailleurs, sur courte période (1992-2004), le nombre de tsunamis désastreux fut loin d'être négligeable : entre 1992 et 2003, 13 tsunamis ont provoqué, au total, près de 5.500 morts, à ajouter aux 280.000 décès causés par la catastrophe du 26 décembre 2004.

- En France, s'agissant de la métropole, tous les experts s'accordent à dire que le risque est concentré en Méditerranée, en raison de la collision des plaques africaine et eurasiatique. Historiquement, la Méditerranée orientale est la zone qui a subi le plus de tsunamis, notamment ceux de Santorin, Helike, Crète et Rhodes entre -1650 et 1303. Cette région fortement touristique est encore considérée parmi les plus dangereuses. Mais la Méditerranée occidentale n'est pas épargnée, puisque des tsunamis furent répertoriés, sur les côtes françaises, en 1564, 1808, 1818 et 1887. Le 16 octobre 1979, l'effondrement d'une partie de l'aéroport de Nice a entraîné des vagues atteignant jusqu'à 3 mètres de haut à Antibes. Enfin, le 21 mai 2003, suite au séisme de Boumerdès (Algérie), un retrait de la mer fut observé sur place et des vagues de quelques centimètres ont atteint les côtes françaises. Ces deux derniers événements sont symptomatiques de ce qui pourrait se produire à l'avenir, puisque les scientifiques estiment que les deux principaux facteurs de risques sont, d'une part l'instabilité de la côte ligure et, d'autre part, le contexte géodynamique de la Méditerranée.

- S'agissant de l'Outre-mer, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a rappelé que La Réunion fut atteinte par des vagues atteignant 2,50 mètres suite au séisme du 26 décembre 2004. Il a également retracé des événements ayant eu lieu dans le Pacifique, notamment aux îles Marquises (1946, 1960) et en Nouvelle-Calédonie (entre 1875 et 1951). Aux Antilles, le contact entre les plaques Nord-Atlantique et Caraïbes induit une forte activité tant sismique que volcanique. Le 21 novembre 2004, le séisme qui a eu lieu au large de la Guadeloupe a entraîné une montée d'eau de plusieurs mètres à l'île des Saintes. Par ailleurs, les effondrements successifs du dôme du volcan de l'île de Montserrat ont entraîné deux petits tsunamis sur les côtes de la Guadeloupe, en 2003 et 2006. Les effondrements volcaniques, ainsi que la présence d'un volcan sous-marin près de la Grenade, représentent un risque significatif.

Concernant la prévention du risque, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a évoqué les progrès réalisés depuis 2005 dans l'Océan Indien, en Méditerranée et Atlantique Nord, et dans les Caraïbes. Relevant que la France avait joué un rôle moteur dans le Pacifique depuis les années soixante, il a souhaité qu'il en soit de même dans le cadre des autres coordinations internationales. Il s'est donc félicité de la création récente d'un centre national de préventions multirisques à La Réunion. Mais il a, par ailleurs, précisé qu'un chemin important restait à parcourir :

- En premier lieu, il est nécessaire de mieux connaître le risque : il s'agit de mener des travaux historiques, de mieux connaître les failles actives proches et lointaines ainsi que les volcans actifs et les zones instables. Il s'agit également de mesurer finement la profondeur de la mer, y compris en eau peu profonde, et notamment en Méditerranée et aux Antilles. S'agissant de la mise en place de réseaux d'alerte, la France doit conserver un rôle d'impulsion et donc mettre en place, pour elle-même, les instruments qui lui seraient nécessaires . Du point de vue de la sécurité civile, il est nécessaire et peu coûteux de mettre en place des plans d'alerte et de secours spécialisés dans les zones à risques. Enfin, il faut sensibiliser la population aux signaux annonciateurs d'un tsunami, et prévoir des voies d'évacuation des plages lorsque celles-ci sont closes (par exemple par des murets).

En conclusion, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a indiqué que les esprits avaient évolué depuis le 26 décembre 2004. Il a jugé que, s'il était utile d'améliorer la prévention dans l'Océan Indien, il serait également très opportun de progresser en Méditerranée et aux Antilles. Il a regretté que, dans ces régions, le risque de tsunami demeure un champ de recherche dépourvu de véritable dimension opérationnelle et de service public. Souhaitant approfondir de nombreux aspects du sujet, notamment ce qui concerne les dispositifs de sécurité civile, la coopération européenne et méditerranéenne ainsi que la situation aux Antilles, il a estimé qu'une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques était justifiée et a suggéré que la saisine soit ainsi formulée : « L'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer ».

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Alain Vasselle, sénateur, a regretté que la France réagisse avec un certain retard. Il a, par ailleurs, souhaité une meilleure maîtrise de l'urbanisme sur le littoral.

M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a indiqué que notre pays avait réagi rapidement, au moins dans l'Océan Indien. Il a souligné qu'avant d'examiner la vulnérabilité du littoral, il faudrait d'abord disposer d'une cartographie précise des zones concernées par l'aléa. Il a précisé, enfin, que le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) menait actuellement une expérience pilote concernant l'analyse et le traitement de la vulnérabilité du littoral au Sri-Lanka.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a souligné le rôle moteur de la France dans le Pacifique au travers du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Il a, par ailleurs, suggéré au rapporteur de se rapprocher du laboratoire Géosciences Azur de Nice, qui mène de nombreux travaux sur cette question.

M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, a remercié MM. Alain Vasselle et Pierre Laffitte, sénateurs, pour leurs utiles remarques dont il tiendra compte pour l'élaboration de son rapport final.

Puis l'Office a autorisé, à l'unanimité des membres présents, M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur, à engager son étude sur « l'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer ».


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