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Session extraordinaire de 2001-2002 - 7ème jour de séance, 10ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 18 JUILLET 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      COLLECTIF 2002 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 10

      QUESTION PRÉALABLE 21

      DISCUSSION GÉNÉRALE 26

La séance est ouverte à neuf heures trente.

COLLECTIF 2002

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - C'est un honneur pour moi de m'adresser pour la première fois à l'Assemblée nationale. Nous inaugurons aujourd'hui des relations de travail que j'espère fructueuses. Vous pourrez compter sur notre écoute attentive. Dès l'issue du conseil des ministres du 10 juillet, Alain Lambert et moi-même avons présenté à votre commission des finances le projet de loi de finances rectificative pour 2002 que je soutiens aujourd'hui devant vous.

Il y a deux sortes de collectifs budgétaires : les collectifs rituels de fin d'année ajustent les crédits et comportent diverses mesures techniques, tandis que les collectifs d'alternance, plus rares, réorientent les crédits vers de nouvelles priorités.

Ce texte n'appartient à aucune de ces catégories : sans réformer de fond en comble le budget 2002, il rétablit sa sincérité. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement doit en effet présenter un collectif budgétaire lorsque l'équilibre de la loi de finances initiale se trouve bouleversé en cours d'année, comme c'est le cas aujourd'hui. Il doit cette sincérité au Parlement, mais aussi aux électeurs, à qui une baisse de l'impôt sur le revenu a été annoncée. Cette baisse, nous la mettons en _uvre sans attendre.

M. Jean-Pierre Brard - Et chaque année !

M. le Ministre - Ce texte reflète donc à la fois l'un de nos engagements politiques les plus forts - diminuer les impôts - et l'état réel des finances de l'Etat révélé par l'audit de MM. Bonnet et Nasse.

Conformément à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la situation économique et budgétaire fait pour la première fois l'objet d'un rapport joint au projet de collectif.

Le gouvernement précédent a construit la loi de finances sur une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2002, après 2,3 % en 2001, prévisions respectivement ramenées à un peu plus de 2,2 % et à 2,1 % après le 11 septembre.

Qualifiées de « volontaristes » par le gouvernement Jospin, ces hypothèses ont été perçues comme « excessivement optimistes », voire « consciemment irréalistes », par nombre d'experts : dès l'automne, les organisations internationales et les instituts de conjoncture tablaient sur une croissance de l'ordre de 1,5 % pour 2002. Ils avaient malheureusement raison : la crise des nouvelles technologies et les difficultés de certains pays ont débouché sur un ralentissement mondial que les attentats du 11 septembre ont nettement amplifié. Les exportations françaises et européennes se sont repliées, les entreprises ont réduit leurs investissements et leurs stocks, les ménages ont freiné leurs dépenses. L'activité en France et en Europe a stagné dès le printemps 2001 avant de se contracter en fin d'année. La conjoncture s'est cependant redressée au premier semestre 2002 : les Etats-Unis sont sortis de la récession plus rapidement que prévu. Les nouvelles que m'a données ce matin le président de Merrill Lynch sont rassurantes. Les prix du pétrole se sont stabilisés et la confiance des entreprises et des ménages s'est rétablie.

L'économie française devrait continuer à bénéficier d'une conjoncture légèrement supérieure à la moyenne européenne.

M. Augustin Bonrepaux - Elle se porte plutôt bien, et vous n'y êtes pour rien !

M. le Ministre - L'emploi a bien résisté au cours des derniers trimestres, les salaires et les perspectives des industriels se sont améliorés.

Nous pourrions ainsi renouer avec une croissance de 2,5 % à 3 % au second semestre, si les marchés financiers retrouvent leur sérénité et sur l'ensemble de l'année 2002, notre croissance s'établirait à environ 1,5 %.

Les facteurs de risque et d'incertitude n'ont cependant pas disparu. Le redémarrage de l'investissement ne s'est pas encore matérialisé et devra être suivi attentivement. Si l'on en juge par l'amélioration des perspectives des chefs d'entreprise, la France est bien placée pour bénéficier d'une reprise de l'investissement d'ici à la fin de l'année, même s'il ne faut pas sous-estimer la dégradation des marges bénéficiaires des entreprises et de l'attractivité de notre pays.

Une autre incertitude provient des tensions récentes sur les marchés financiers : le risque systémique d'une poursuite de ces tensions n'est pas négligeable, même si les autorités monétaires conservent des marges de man_uvre de part et d'autre de l'Atlantique et si les marchés boursiers sont désormais sous-évalués.

Après la phase actuelle de défiance et de grande volatilité, les investisseurs devraient prêter une plus grande attention aux bons fondamentaux de notre économie et de notre système financier. L'impact des marchés boursiers sur la croissance est d'ailleurs relatif en France. En effet, le taux d'épargne des ménages a peu baissé et leur patrimoine boursier reste moins élevé en proportion que dans les pays anglo-saxons. L'immobilier, élément essentiel du patrimoine des ménages français, est un autre facteur de stabilité. Enfin, les taux d'intérêt restent favorables à l'investissement et le rééquilibrage des parités entre l'euro et le dollar y contribuera.

Nous ne sommes donc pas conduits à remettre en cause la perspective d'une croissance d'environ 3 % en fin d'année.

Dans ce contexte, l'audit a révélé une situation des comptes publics très dégradée par rapport aux prévisions. En retenant le point bas de sa fourchette, soit un déficit des administrations publiques de 2,6 % du PIB, nous avons un écart de 1,2 point de PIB avec la prévision initiale de 1,4 %.

Cette dégradation tient moins à la conjoncture qu'à des facteurs structurels : l'écart est lié pour les deux tiers au dérapage des dépenses publiques et pour un tiers seulement à la révision des recettes.

La dégradation du budget de l'Etat, qui justifie le présent collectif, représente les deux tiers de la révision du déficit public mise en évidence par MM. Bonnet et Nasse.

Le collectif vous soumet en premier lieu un allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, pour un coût de 2,55 milliards d'euros. Cette baisse est la première du plan d'allégement des prélèvements obligatoires voulu par le Gouvernement.

Nous avons voulu donner un signal fort aux Français, leur redonner confiance et leur confirmer notre détermination à inverser durablement la spirale de hausse des prélèvements obligatoires. C'est pourquoi cette réduction intervient dès le collectif, sans attendre le projet de loi de finances pour 2003. Elle constitue le premier pas vers l'objectif de 30 % en cinq ans sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Nous voulons encourager ceux qui travaillent...

M. Augustin Bonrepaux - Il n'y en a que la moitié qui travaillent !

M. le Ministre - ...et redonner aux Français le goût de l'initiative, de l'effort et de la responsabilité.

Diminuer l'impôt, c'est aussi engager une dynamique favorable à notre économie. S'il s'accompagne d'une réduction des déficits, l'allégement des prélèvements est durable, ce qui est le meilleur garant d'une croissance plus forte.

La baisse de l'impôt sur le revenu devrait conforter le pouvoir d'achat...

M. Augustin Bonrepaux - Pour qui ? Un scandale !

M. le Ministre - ...et la confiance des ménages ; les enchaînements usuels donnent à penser qu'elle stimulera la croissance d'un dixième de point au moins à l'horizon 2003. Mais cette première étape contribuera surtout à redynamiser notre potentiel d'offre à moyen terme : en réduisant l'écart entre le coût du travail pour les entreprises et le salaire net des prélèvements perçu par les ménages, la baisse d'impôts favorise à la fois l'offre et la demande de main-d'_uvre, donc l'emploi ; en réduisant les taux marginaux d'imposition, elle contribuera à restaurer l'attractivité de notre territoire et à enrayer la délocalisation de nos travailleurs les plus qualifiés.

Cette baisse, l'article premier du projet de loi la met en _uvre. Nous l'avons voulu bref et efficace, simple et lisible par tous.

M. Jean-Pierre Brard - Simpliste !

M. le Ministre - C'est la garantie pour les Français que l'engagement du Gouvernement sera effectivement tenu.

La méthode choisie est celle du « rabais sur facture ». Compte tenu des délais, c'était la technique la plus simple à mettre en _uvre. Mais les effets de cette méthode sont à l'euro près équivalents à ceux d'une réduction de 5 % de l'ensemble des taux du barème.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - La réduction s'applique exclusivement aux revenus soumis au barème de l'impôt. Ne sont donc pas concernés les revenus soumis à prélèvement libératoire, comme les intérêts sur placements, ou les revenus soumis à un taux d'imposition forfaitaire comme les plus-values de cession de titres. Le Gouvernement a ainsi voulu favoriser les revenus du travail et de l'initiative, tels que les salaires ou les revenus des professions indépendantes, intégralement soumis au barème.

La réduction s'applique enfin à l'impôt dû avant réductions ou crédits d'impôt, donc avant paiement par l'Etat de la prime pour l'emploi. En choisissant de réduire l'impôt brut plutôt que l'impôt net, le Gouvernement donne son plein effet à la réduction de 5 %. S'il avait procédé autrement, le gain aurait été moins élevé, voire nul, et de nombreux foyers, parmi les plus modestes, n'auraient pas profité pleinement de la mesure, dont profiteront ainsi 16 millions de foyers.

Ce collectif reconstitue aussi ce qui nous semble être la réalité de la loi de finances 2002 et cette reconstitution nous fournit des résultats conformes à ceux de l'audit.

S'agissant des dépenses, le projet ouvre des crédits pour un montant proche de 5 milliards d'euros. À défaut, l'Etat n'aurait pas pu honorer ses engagements au titre de l'année 2002...

M. Didier Migaud - Faux !

M. le Ministre - ...en raison des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, ni solder ses dettes antérieures à 2002. Cela concerne particulièrement le domaine social.

Certes, ces phénomènes sont classiques. Les technocrates parlent de « reports de charges » : chaque fin d'année, lorsque les crédits sont insuffisants, il arrive qu'on range les factures dans un tiroir et qu'on attende les crédits de l'année suivante pour les payer. Ce qui n'est pas classique, c'est l'ampleur du phénomène. Le collectif se devait donc de le traiter.

Ce volet dépenses ne traduit que 6,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, là où l'audit prévoyait un dérapage compris entre 6,9 et 7,4 milliards d'euros. Celui-ci raisonne en effet en prévision d'exécution budgétaire, alors que le collectif raisonne en ouvertures de crédits autorisées par le Parlement. Ne peuvent faire l'objet d'ouvertures dans ce collectif les dérapages qui résultent d'une consommation de crédits reportés des exercices précédents ; par définition, ces crédits ont en effet déjà été votés. Je pense notamment aux 1,2 milliard d'euros de dépenses prévues par la loi de finances rectificative de fin 2001 dont la mise en _uvre a été reportée à 2002.

Je voudrais brièvement évoquer les principaux postes qui s'écartent de la loi de finances initiale. En ce qui concerne le budget général, le collectif propose de l'abonder de près de 5 milliards qui correspondent pour 3,1 milliards à la couverture de besoins non financés et pour 1,8 milliard au remboursement de dettes antérieures à 2002. Le Gouvernement a fait le choix de solder l'ensemble de ces dettes, qui concernent pour une large part la sécurité sociale.

Ces crédits seront principalement consacrés au secteur social : environ 2,5 milliards, dont plus de 900 millions pour les minima sociaux, 220 millions pour la couverture maladie universelle et 445 millions pour l'aide médicale de l'Etat.

Ils iront également au secteur de la défense, pour environ 900 millions, et au service de la dette de l'Etat, qui progresse de 650 millions, essentiellement en raison d'un déficit de fin d'année plus important que prévu. Je souligne à cet égard que nous n'avons pas l'intention de modifier le programme d'émission de titres longs. Nous allons profiter du niveau relativement bas des taux courts pour financer les besoins par des bons à court terme.

Enfin, deux autres postes recevront 250 millions d'euros chacun : les obligations internationales et l'agriculture. Dans ce dernier domaine, ce sont près de 10 % des crédits qui manquaient pour terminer l'année.

Le budget annexe de la protection sociale agricole s'est considérablement écarté de la loi de finances initiale. Le besoin de financement est évalué à près de 750 millions, soit 5 % du budget initial. Aussi proposons-nous, pour éviter une crise de la protection sociale agricole, d'une part, de doubler la subvention du budget général, en l'augmentant de 290 millions, d'autre part, de mobiliser les réserves excédentaires de trois organismes : la mutualité sociale agricole, le fonds pour les calamités agricoles et la société Unigrains. Ces prélèvements portent uniquement sur les réserves de ces organismes et n'obéreront pas leur action.

En ce qui concerne les recettes fiscales l'audit avait estimé qu'elles seraient en baisse de 3,7 à 5,4 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Depuis juin et le recouvrement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, le Gouvernement sait qu'il a eu raison de retenir l'hypothèse la plus pessimiste. Avant intégration de la baisse d'impôt sur le revenu, le collectif révise les recettes fiscales nettes de 5,37 milliards à la baisse. Cumulées avec la baisse des recettes non fiscales, les pertes sont, au total, d'un peu plus de 8,6 milliards. Toutefois, grâce à l'évolution du prélèvement au profit du budget européen, la réduction nette des recettes s'établit à 6,7 milliards.

Si l'on y ajoute les 2,55 milliards d'allégement d'impôt sur le revenu, le collectif traduit une réduction des recettes de l'Etat de 9,3 milliards. Au total, le déficit budgétaire passe pour 2002 de 30,4 à 46 milliards d'euros.

Le Gouvernement veillera à maîtriser l'exécution du budget 2002. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le collectif n'a pas pu prendre en compte tous les facteurs de dérapage. Pour éviter toute dégradation du déficit, nous allons mettre des crédits en réserve et stabiliser les crédits de report. Conformément à la loi organique du 1er août 2001, nous communiquerons toutes ces mesures aux commissions des finances des deux assemblées, dans un souci de transparence totale.

Ces mesures seront arrêtées avant la fin juillet, terme des mesures de régulation républicaine décidées par le précédent gouvernement.

La seconde ambition du Gouvernement sera de construire un budget 2003 conforme à ses priorités. Prendre la LFI comme référence n'aurait pas de sens puisqu'elle n'est pas représentative de la dépense de l'Etat en 2002. Aussi ce budget prendra-t-il évidemment pour référence la loi corrigée par le présent collectif. À cette base, nous appliquerons un taux de progression de 0,2 % en volume. Les redéploiements auxquels nous procéderons nous permettront de financer nos priorités, notamment la sécurité des Français, la justice, l'aide au développement et une remise à niveau des crédits d'équipement militaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard et M. Augustin Bonrepaux - Et la baisse des impôts !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Les Français ont tranché.

Ils ont choisi un programme d'action et une démarche inscrits dans la durée. Le collectif dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans cette perspective, même s'il est à la charnière de deux gestions.

Il nous faut donc à la fois tirer les conclusions de la situation laissée par le précédent gouvernement, c'est-à-dire corriger la dérive des comptes publics, mais aussi engager dès maintenant notre propre action.

Pour apurer le passé, le Gouvernement a choisi de partir de l'évaluation la plus précise et indiscutable possible des comptes publics. L'audit a été réalisé par les deux magistrats de la Cour des comptes auxquels Lionel Jospin avait confié, en 1997, la même mission. Les membres de l'opposition d'aujourd'hui avaient alors estimé que leur constat était clair et indiscutable. Dans le rapport remis le 26 juin, les deux auditeurs ont bien précisé : « compte tenu des points communs entre les conditions de cet audit et celui que nous avions réalisé en 1997 (...), il nous a paru opportun de reprendre, dans ses grandes lignes, la méthode que nous avions utilisée il y a cinq ans ».

On voit donc mal comment leur constat pourrait ne plus être clair et indiscutable.

Le rapport fait apparaître un décalage manifeste entre la situation actuelle et les hypothèses macro-économiques retenues à l'été 2001, puis maintenues à l'automne. C'est vrai autant pour la croissance du PIB ou de la masse salariale que pour l'emploi et le chômage. La prévision de croissance du PIB en volume était de 2,5 %.

Aujourd'hui, l'INSEE l'évalue à 1,4 % !

Or, l'opposition avait maintes fois dénoncé cette surestimation lors de la discussion du projet de loi de finances. Certains l'avaient même exactement évaluée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Richard Cazenave - Ils n'avaient pas l'excuse de ne pas savoir !

M. le Rapporteur général - Le gouvernement d'alors n'a pas voulu l'entendre. Il a préféré masquer son choix malheureux sous la rhétorique du volontarisme, allant jusqu'à présenter ses hypothèses macro-économiques comme des objectifs, ce qui n'est pas la même chose...

Ce projet de collectif est d'abord la conséquence de cet entêtement.

L'erreur manifeste d'appréciation du précédent gouvernement a eu des conséquences graves sur l'évolution des recettes.

M. Jean-Claude Lefort - Un mois de gouvernement Raffarin, un point de croissance en moins !

M. le Rapporteur général - Facteur aggravant, le dérapage de la dépense publique a été indéniable. « Dérapage indéniable » : ce sont les termes mêmes employés par MM. Bonnet et Nasse. Leur évaluation du dérapage net, c'est-à-dire compte tenu des économies habituellement réalisables en cours d'exercice, est comprise entre 6,9 et 7,4 milliards d'euros.

Ainsi, ce sont 5 milliards, que le Gouvernement va ouvrir sur le budget général en plus de la loi de finances initiale, et qui iront notamment au budget de la santé et de la solidarité, pour 1,6 milliard, et au budget des charges communes pour 1,13 milliard. L'emploi, les affaires étrangères et l'agriculture recueillent respectivement 495, 274,7 et 249,6 milliards.

Par ailleurs, le BAPSA nécessite l'adoption de mesures d'urgences.

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. le Rapporteur général - Il est l'illustration de la dérive de la dépense sociale. Le collectif l'abonde donc de 746 millions de mesures pénibles mais indispensables. L'effort sera réparti entre les contribuables pour 290 millions de prélèvements supplémentaires. Trois autres prélèvements sont proposés au sein du monde agricole : 161 millions sur les caisses de mutualité sociale agricole, 130 millions sur le fonds d'indemnisation des calamités agricoles et 165 millions sur la taxe parafiscale anciennement perçue par la société Unigrains.

Dérive incontestable également que l'explosion des dépenses de l'aide médicale aux étrangers en situation irrégulière. Plus de 400 millions supplémentaires sont nécessaires ! C'est un des effets de l'allongement des procédures de droit d'asile, qu'il convient de réformer.

En définitive, l'aggravation des charges nettes de l'Etat inscrites dans le présent projet s'élève à 6,80 milliards. Le Gouvernement a réservé au collectif de fin d'année les indispensables annulations nécessaires au rééquilibrage du budget de l'Etat, car on y verra alors plus clair sur l'évolution des recettes et des dépenses.

Des recettes fiscales en baisse de 9 milliards, des dépenses qui dérapent de plus de 5,5 milliards, voilà pour le bilan au moment où la nouvelle majorité se met à la tâche.

Le déficit du budget général augmente, lui, de 15,5 milliards , soit une hausse de moitié par rapport à la loi de finances initiale. On retrouve des niveaux jamais atteints depuis 1995.

De ce point de vue, au regard des possibilités offertes par plusieurs années de croissance soutenue, la législature qui s'est achevée aura été celle des occasions manquées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Malgré ces difficultés, le Gouvernement a heureusement considéré que ce collectif devait marquer l'arrivée d'une nouvelle politique. C'est pourquoi, conformément aux engagements pris par le Président de la République et par les candidats de la majorité présidentielle lors des élections, le Gouvernement propose une baisse d'impôt sur le revenu de 5 % pour tous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Pour tous ? N'importe quoi !

M. Jean-Claude Lefort - Pour les riches !

M. le Rapporteur général - Ce serait une première étape dans la politique d'allégement des prélèvements obligatoires.

Cette réduction d'impôt concernerait l'ensemble des foyers imposables et s'appliquerait au montant brut de l'impôt, avant réductions et crédits d'impôt, ce qui a pour effet de concentrer la mesure sur les revenus imposés au barème progressif, donc sur les revenus du travail. Ainsi permettra-t-elle de rétablir en partie l'attractivité de notre territoire et d'endiguer l'hémorragie de nos talents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Votre commission des finances vous demande donc d'approuver ce collectif budgétaire, première étape indispensable sur la voie d'une nouvelle politique budgétaire qui permettra de relancer la croissance et de rendre confiance à nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Le projet de loi de finances rectificative ouvre pour la défense un total de 908 millions d'euros, dont 808 millions au titre III et 100 millions au titre V.

On ne peut qu'approuver les ouvertures de crédits au titre V pour garantir le maintien en condition opérationnelle des matériels.

Le blocage des engagements effectué en 1995 et 1996, ainsi que la réforme de la DGA, ont, en effet, considérablement perturbé le suivi des contrats de maintenance et les achats de pièces détachées, entraînant une crise de la disponibilité des matériels.

Pour y remédier, une nouvelle organisation a été mise en place en octobre 2000 avec la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, la SIMMAD.

Or la montée en puissance de la SIMMAD est plus rapide que prévu. Les 100 millions de crédits supplémentaires visent à atteindre l'objectif fixé pour 2002 d'une disponibilité de 67 % des équipements, contre parfois 50 % aujourd'hui.

Ce collectif ne comporte pas d'annulations de crédits du titre V, mais seul l'examen du collectif de fin d'année permettra de le confirmer.

Au titre III, la revalorisation de la condition militaire bénéficie de 160 millions d'euros, dont 104 millions d'euros pour le financement du temps d'activité et d'obligations professionnelles des militaires - le TAOPM - et 56 millions pour des mesures catégorielles attendues.

Il s'agit là de la traduction progressive des engagements pris par le gouvernement précédent.

Enfin, 124 millions d'euros de crédits de rémunérations et 134 millions de crédits de fonctionnement sont destinés à apurer la gestion du ministère : 68 millions sont inscrits pour le paiement des dettes locatives de la gendarmerie, dont 30 millions d'arriérés sur 2001 et 38 millions pour 2002, et 66 millions pour les arriérés de la dette contractée par la Défense à l'égard de la SNCF, ce qui facilitera la mise en _uvre de la nouvelle convention signée en 2002.

Ainsi, la gestion du ministère est de plus en plus claire.

Le financement des surcoûts en rémunérations des opérations à l'étranger - OPEX - représente 375 millions d'euros, soit 100 millions de plus qu'en 2001, conséquence d'un accroissement des effectifs en opération, passés de 11 530 à 14 500 hommes du fait de l'opération Héraclès en Afghanistan.

Les opérations exceptionnelles sur le territoire national, telles que Vigipirate, sont désormais dénommées OPINT : opérations intérieures. Elles entraînent un surcoût de 15 millions d'euros.

Si les surplus de rémunérations dus aux OPEX sont pratiquement financés, en revanche il n'est inscrit aucun crédit pour les autres surplus de dépenses liés à ces opérations, surplus évalués à 150 millions d'euros pour le fonctionnement et 122 millions pour l'équipement. Sur ce point, votre rapporteur ne peut qu'exprimer ses inquiétudes.

En effet, on sait qu'en pratique le financement des OPEX en fin d'année est effectué à partir des crédits non utilisés du titre V. Mais compte tenu de la reprise de la consommation de ces crédits, cette pratique a sans doute atteint ses limites, comme il ressort du rapport de la Cour des comptes pour 2001.

En conséquence, votre rapporteur ne peut que réitérer le v_u de voir une part aussi élevée que possible des dépenses d'opérations extérieures provisionnée dès la loi de finances initiale. Ce v_u a déjà été formulé unanimement par la commission de la défense, lors de sa réunion du 29 novembre 2000, sous la forme d'une observation annexée au rapport pour avis de notre collègue François Lamy et sa légitimité avait été reconnue en séance publique, le 6 décembre 2000, par le ministre de la défense d'alors, M. Alain Richard. Mme Michèle Alliot-Marie a précisé dès sa première audition par la commission, le 9 juillet dernier, qu'elle souhait provisionner une partie du coût des OPEX dès le vote de la loi de finances initiale.

La commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits qui relèvent de ses compétences (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Cette année, l'Assemblée n'a pas été en mesure de tenir un débat d'orientation budgétaire. Le débat sur le collectif constitue donc l'occasion de discuter non seulement de la mesure phare qu'est la baisse de l'impôt sur le revenu, mais aussi des orientations du prochain budget.

J'insisterai sur deux points. Le premier c'est qu'il convient de baisser non seulement les impôts, mais également, par souci d'équité, les charges sociales sur les rémunérations modestes. Nous comprenons parfaitement l'objectif du Gouvernement d'aborder avec les partenaires sociaux l'ensemble des problèmes liés au SMIC et aux 35 heures. Mais seule la croissance des salaires nets, perceptible sur la fiche de paie, permettra à la fois de mieux rétribuer le travail, d'encourager les initiatives et de redonner du pouvoir d'achat, ce qui aura pour effet de soutenir l'économie.

Certes réduire les cotisations salariales est délicat, car elles se composent aujourd'hui essentiellement de cotisations vieillesse, depuis le transfert des cotisations maladie vers la CSG. Il faut néanmoins réfléchir à une solution, qui réponde à la fois aux contraintes constitutionnelles concernant la CSG, à la nature des cotisations salariales et à l'objectif d'harmonisation et de simplification du SMIC. Je rappelle que pour le coût moyen du travail, nous sommes au cinquième rang en Europe mais que, compte tenu des charges sociales et fiscales, pour le salaire net, nous nous situons entre le neuvième et le onzième rang.

Par ailleurs, il faut trouver un équilibre dans l'effort entre les ménages et les entreprises. Pour celles-ci, il faudra sans doute assouplir certains des textes adoptés par la précédente majorité.

M. Philippe Auberger - C'est sûr !

M. le Président de la commission des finances - Il faudra aussi revoir les propositions du rapport Charzat avec un _il neuf, tout en respectant les exigences constitutionnelles. Certains d'entre nous s'inquiètent d'une désindustrialisation rampante que les textes des années précédentes ont aggravée.

J'en viens maintenant au second point. Pour financer la baisse des impôts directs et des charges, l'Etat, et plus généralement la sphère publique, doivent faire des économies.

L'excès de dépenses publiques est aujourd'hui une des faiblesses de la France (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le collectif pouvait difficilement proposer des réductions de crédits dans un délai aussi court. Mais il ne faudrait pas que les investissements fassent à nouveau les frais des économies - je pense, en particulier, aux crédits pour le logement.

M. Augustin Bonrepaux - Ah ! Voilà quelques craintes...

M. le Président de la commission des finances - Nous pouvons, sur ces points, envoyer quelques signaux clairs à nos concitoyens, leur montrant notre détermination à réaliser des économies.

C'est pourquoi la commission des finances a adopté trois amendements à forte portée symbolique.

Le premier émet le souhait que la France réexamine l'empilement coûteux de ses structures administratives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le second concerne la réduction des moyens du Conseil de la politique monétaire, compte tenu de l'évolution de celle-ci. Il ne s'agit pas d'adresser un signal de mécontentement à la BCE - je rends hommage à M. Trichet - mais d'utiliser des marges de productivité manifestes (Interruptions sur les divers bancs).

Enfin, pendant la dernière campagne, l'opinion a été très choquée par des candidatures commerciales, voire sectaires. En effet, chaque voix vaut 1,66 euro. La commission a donc proposé, à l'unanimité, d'instaurer un pourcentage de voix minimum pour bénéficier du financement public. Il ne s'agit pas de brider la démocratie, mais de la rendre plus salubre.

Le Gouvernement pourra suivre d'autres pistes, comme le pourront les rapporteurs spéciaux de la commission grâce aux nouveaux pouvoirs d'investigation dont les dote la loi organique du 1er août 2001. Vous les connaissez bien, Monsieur le ministre délégué, puisqu'au Sénat vous en avez été l'initiateur. Ces pouvoirs sont grands, ils doivent être utilisés !

Enfin, pour mieux collaborer avec la Cour des comptes...

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Président de la commission des finances - ...le bureau de la commission recevra son Premier président pour faire un tour d'horizon des sujets de travail en commun.

Les chantiers sont nombreux. Il importe de ne pas décevoir la profonde attente de nos concitoyens, qui nous jugeront aux résultats. La majorité est bien décidée à y aider le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Didier Migaud - Nous avons écouté avec attention M. le ministre de l'économie (« Pas vrai ! » sur les bancs UMP).

M. François Grosdidier - Premier mensonge !

M. Didier Migaud - Nous sommes opposés à vos propositions et à la présentation que vous faites de la situation. Il s'agit là, au fond, du dernier acte d'une mise en scène soigneusement préparée. Puis, ce collectif présente un budget en trompe-l'_il, rempli d'artifices et de tour de passe-passe..

Plusieurs députés UMP - Vous êtes expert !

M. François Grosdidier - Parole d'orfèvre !

M. Didier Migaud - ...qui ne correspond pas, Monsieur le ministre délégué, à la réputation qui a été la vôtre jusqu'à présent. Vous proposez une réduction d'impôt sur le revenu injuste, clientéliste et économiquement inefficace. Enfin, vous commettez quelques entorses à la Constitution.

Mise en scène, donc, même si le scénario n'est pas original : le nouveau gouvernement nous refait le coup de l'héritage.

Plusieurs députés UMP - Il est lourd.

M. François Grosdidier - C'est le droit d'inventaire !

M. Didier Migaud - Pariant sur la naïveté des Français, il essaye de montrer combien sa tâche est difficile et commence à jeter aux oubliettes la plupart de ses promesses de campagne, à l'exception de la réduction de l'impôt sur le revenu.

M. Georges Tron - C'est la principale.

M. Didier Migaud - Vous chargez le trait pour - c'est humain - mettre en valeur ce que vous ferez.

M. François Grosdidier - Si vous étiez chef d'entreprise, vous iriez au pénal !

MDidier Migaud - Menacer des parlementaires du pénal pour insincérité est déplacé et, dans votre cas, c'est très risqué : nous prenons rendez-vous pour l'examen de la loi d'exécution du budget 2002. Un peu de modestie vous siérait plus (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

L'audit, opportunément publié neuf jours après les législatives...

M. François Grosdidier - S'il avait été publié avant, qu'auriez-vous dit !

M. Didier Migaud - Si je dois répondre à toutes les interruptions, mon propos sera long. Mais je suis partisan du débat. Après tout, nous ne l'avons pas eu pendant la campagne puisque, délibérément, vous avez présenté l'audit après.

Vous l'avez fait réaliser par les mêmes personnalités qu'avait choisies le gouvernement Jospin, et qu'on ne soupçonnera donc pas de parti pris. Cet audit confirme ce que chacun sait : la situation des finances publiques ne permet pas, si l'on est réaliste et si l'on veut tenir les engagements européens de la France, d'ajouter de nouvelles baisses d'impôts à celles, importantes, réalisées par le gouvernement de Lionel Jospin.

Ce constat ne surprend personne et certainement pas le ministre délégué qui, en tant que président de la commission des finances du Sénat, recevait une situation hebdomadaire des comptes de l'Etat, qui faisait apparaître un creusement du déficit en raison de la volonté affirmée du Gouvernement de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.

M. Georges Tron - Jamais !

M. Didier Migaud - Ce n'est pas non plus une surprise pour Jacques Chirac, qui recevait ce même état, mais que cela n'a pas empêché de multiplier pendant la campagne les promesses « mirobolantes » selon le terme de François Bayrou.

Malgré leurs réserves sur le fait que les informations disponibles ne permettent pas de dresser une estimation fiable en milieu d'année, les auditeurs se livrent donc à ce qui n'est pas une clôture des comptes mais un exercice de prévision. Ils ne peuvent donc dresser le « bilan Jospin », d'autant que leurs prévisions de déficit tiennent compte de décisions importantes de M. Raffarin. Prudents, ils retiennent une fourchette, ce que vous ne faites pas. Ils formulent aussi des recommandations, mais vous n'en tenez aucun compte.

Ainsi, l'audit relève une explosion des dépenses sociales ; M. Mattei a ouvert immédiatement les vannes pour 1,5 milliard d'euros, avec le relèvement de la consultation des généralistes à 20 euros.

M. François Goulard - Après des mois de fronde des médecins !

M. Didier Migaud - Le déficit se dégrade par le jeu des stabilisateurs automatiques. Vous le creusez encore pour réaliser vos 2,55 milliards d'euros de baisses d'impôts. L'héritage vous sert de prétexte pour ne pas tenir vos promesses. Pendant la campagne, on entendait ainsi qu'il était possible de procéder à des baisses de TVA ciblées.

M. Richard Cazenave - Nous les ferons.

M. Didier Migaud - Après la campagne, vous expliquez - ce que nous avions toujours dit - qu'il va falloir négocier avec nos partenaires européens et qu'en toute hypothèse ce genre de mesure ne sera pas possible avant 2004.

M. François Grosdidier - Il ne sert à rien de refaire la campagne.

M. Didier Migaud - Mais permettez-nous de dénoncer un certain nombre de vos mensonges. D'autres promesses, comme celle sur la taxe d'habitation, ont disparu. Et les déclarations du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l'économie, du ministre du budget sont si nuancées sur l'impôt sur le revenu qu'il est parfois difficile de comprendre quelles sont vos propositions.

M. Gérard Bapt - Elles sont brumeuses.

M. Didier Migaud - Votre seul message est que, si M. Raffarin ne peut pas tenir les promesses de M. Chirac, la faute en incombe à la gabegie dont les socialistes se sont rendus coupables (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) ainsi qu'à nos partenaires européens. À Bruxelles, si l'on a compris que « la route est droite et la pente est raide » selon les intéressants propos du Premier ministre, on se demande si vous avez une stratégie budgétaire.

La nôtre était claire : maîtriser la progression de la dépense publique pour financer nos priorités, et je prends date, Monsieur le président de la commission des finances. Nous verrons si vous saurez financer les vôtres en maîtrisant la dépense...

M. Georges Tron - Vous n'avez rien maîtrisé du tout !

M. Didier Migaud - ...tout en réduisant le déficit budgétaire comme nous l'avons fait ces deux dernières années. Vous n'avez toujours pas indiqué votre stratégie. Pour le moment, vous pratiquez la godille, tel un skieur qui descend une piste, et c'est la piste du déficit et du laisser-aller.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un député alpin qui parle !

M. Didier Migaud - Dernier acte de la mise en scène : la présentation d'un collectif budgétaire en trompe-l'_il qui charge la barque et qui distribue l'argent de façon clientéliste, en creusant le déficit de l'Etat. Ce texte est un véritable florilège de man_uvres budgétaires, une succession de tours de passe-passe qui ont tous pour objet de dégrader l'exécution du budget de l'Etat pour 2002, et ce essentiellement au profit des comptes sociaux. C'est vraiment du travail d'artiste ! Il vous permet d'afficher une forte dégradation du budget de l'Etat, sans pour autant vous mettre en situation de recevoir un carton rouge de la part de Bruxelles puisque l'effet de la plupart de vos man_uvres est neutre sur le plan du déficit de l'ensemble des comptes publics.

La décision de M. Raffarin de repousser à 2003 le versement de 1,2 milliard d'euros dus par l'UNEDIC à l'Etat est la meilleure illustration de la façon dont le Gouvernement s'y prend pour noircir le bilan Jospin sans que cela ait d'effet sur le solde des comptes publics - puisque les comptes sociaux s'améliorent à due concurrence de cette dégradation pour le budget de l'Etat.

Il faut souligner l'incohérence d'un texte qui, tout en repoussant l'encaissement de cette dette de l'UNEDIC envers l'Etat, prévoit d'éteindre près de 2 milliards de dettes de l'Etat envers les organismes de sécurité sociale. Si la situation de l'Etat était aussi peu florissante que vous le prétendez, il aurait fallu faire exactement l'inverse. On voit bien ici que le seul objectif est de dégrader artificiellement le solde de l'Etat, qui sans cela aurait été amélioré de 3 milliards.

De nombreuses opérations ont le même objectif. Par exemple, l'inscription de 640 millions d'euros de moins-values au titre des dividendes de France Télécom. Ou encore la révision à la baisse des recettes non fiscales, alors que ces recettes sont par définition des recettes soumises à une décision souveraine de l'exécutif. Rien ne justifie qu'on les diminue, si ce n'est pour creuser un écart entre l'exécution de 2002 et celle de 2003.

À ce propos, j'aimerais que le Gouvernement nous dise pourquoi il n'a pas chiffré et inscrit en recettes le produit de la cession du réseau de transport de gaz, prévue à l'article 10 du collectif. Cela représente tout de même 2 milliards d'euros et la loi prévoyait que l'évaluation du produit de cette cession devait être réalisée au plus tard fin mai 2002.

Je note aussi que le Gouvernement retient systématiquement les hypothèses pessimistes pour l'exécution 2002 et les prévisions les plus optimistes pour son budget 2003 ! Vous avez ainsi retenu l'estimation la plus négative de l'audit, alors qu'il aurait été plus logique de retenir le milieu de la fourchette. En outre, vous ne tenez pas compte des mesures de fin de gestion qui, chaque année, permettent d'améliorer le solde de l'exécution du budget de l'Etat. La somme en jeu est pourtant de l'ordre de 3 milliards d'euros.

Sur le plan des dépenses, on aurait attendu mieux d'un Gouvernement qui proclame que toute baisse d'impôt doit être gagée sur une réduction de dépense. La baisse de l'impôt sur le revenu creuse le déficit de 2,55 milliards d'euros mais les seules dépenses annulées sont les 2,2 milliards inscrits à titre évaluatif sur le budget des charges communes, et plus particulièrement sur le chapitre budgétaire destiné à rembourser aux collectivités locales, d'une part, les dégrèvements et remboursements accordés sur les impôts locaux, d'autre part la TVA. Le « courage » de ces annulations n'aura échappé à personne... Il faut souhaiter pour nos élus locaux que d'autres sources d'économies soient trouvées par le Gouvernement. C'est une décision qui augure en tout cas bien mal de la nature des relations financières entre le Gouvernement et les collectivités locales. Je suis certain qu'elle n'aura pas laissé de marbre notre rapporteur général, M. Carrez. Et j'observe d'ores et déjà qu'en renvoyant un amendement relatif au FCTVA, la commission des finances chausse les souliers de Bercy et remet en cause sa propre jurisprudence. J'ajoute que ces annulations contredisent l'argument du Gouvernement selon lequel nous aurions sous-estimé les dépenses.

M. Philippe Auberger - C'est l'exception qui confirme la règle !

M. Didier Migaud - De même, l'inscription de 900 millions d'euros supplémentaires au budget de la défense peut susciter la perplexité lorsqu'on sait qu'à chaque fin d'exercice, on constate sur ce budget des dépenses non réalisées. Comme le relève la Cour des comptes, 1,9 milliard d'euros restaient disponibles fin 2001 sur ce budget, dont la moitié a été reportée sur 2002 ! Si on y ajoute encore 900 millions, ce n'est plus de barque qu'il faut parler mais de porte-avions !

Il est permis de s'interroger, Monsieur le ministre, sur votre capacité à maîtriser nos comptes publics quand on voit votre façon de faire, bien éloignée des discours que vous teniez quand vous présidiez la commission des finances au Sénat. Cette façon de faire est dangereuse, non seulement parce que les engagements pris au niveau européen ne pourront pas être tenus, mais aussi parce que l'on sait bien que la conséquence en sera une augmentation des impôts et charges pour un grand nombre de nos concitoyens.

Il faut en outre souligner qu'entre les montants relevés par l'audit et ceux finalement ouverts dans ce collectif budgétaire, on trouve des écarts parfois importants, au détriment du solde du budget de l'Etat. Ainsi, selon l'audit, les sommes « manquantes » sur le RMI et l'allocation adulte handicapé s'élèvent à 740 millions d'euros. Or, le collectif rouvre 850 millions, soit 110 de plus. Pourquoi se priver ? On constate le même phénomène sur les loyers de la gendarmerie par exemple. Toutes ces décisions donnent l'impression d'un excès de zèle. Il est vrai que si tous ces crédits ne sont pas engagés, comme cela est vraisemblable, ils pourront être reportés sur l'exercice 2003, ce qui vous donnera plus de latitude pour construire le prochain budget.

Par ailleurs, en calculant la progression des dépenses non pas sur la base des dépenses prévues dans la loi de finances initiale mais sur celle des dépenses réalisées en exécution, le Gouvernement gonfle de façon artificielle ses marges de man_uvre pour 2003. La progression de 0,2 % est en effet calculée sur une enveloppe de dépenses qui comprend celles ajoutées par ce collectif budgétaire dans les conditions et selon les modalités que je viens de décrire. Il n'est pas sage que la progression des dépenses ne soit pas fixée pour une loi de finances initiale par rapport à la loi de finances initiale précédente. En réalité, ce n'est pas 0,2 % mais 1,2 % de progression des dépenses que vous nous préparez pour 003 ! Faut-il vous rappeler que le programme triennal des finances publiques pour 2003-2005...

M. Georges Tron - Vous ne l'avez jamais respecté !

M. Didier Migaud - ...prévoit une progression de seulement 0,9 % pour la période ?

Vous vous apprêtez donc à dépenser plus en une année que ce à quoi la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens pour trois ans ! Il faudra beaucoup de talent au Gouvernement pour convaincre nos partenaires européens que notre pays respecte ses engagements en matière de finances publiques !

Le budget que vous préparez pour 2003 est le plus dépensier depuis 1996. Il est comme gonflé à l'hélium ! Pour les raisons que j'ai évoquées et aussi parce que le collectif prend en compte des dépenses exceptionnelles comme le remboursement de dettes, calculer la norme d'évolution de la dépense publique par rapport à une base qui intègre des dépenses non reconductibles est une hérésie ! Ce laisser-aller ne vous ressemble pas, Monsieur le ministre délégué. J'imagine à quels actes de contrition vous avez dû vous livrer avant de présenter un tel texte. Cela nous rappelle en tout cas étrangement 1993 et 1995, où le Gouvernement avait procédé de la même manière, lâchant la bride à la dépense publique sans jamais par la suite réussir à contenir sa progression.

Le Gouvernement a un double avantage à dégrader, au-delà de ce qui résulte du ralentissement économique, l'inexécution du budget 2002 : tout d'abord, et c'est de bonne guerre, il discrédite l'action du gouvernement précédent,...

M. Georges Tron - Ce n'était pas nécessaire !

M. Didier Migaud - ...ensuite, il se donne de la marge pour l'exercice 2003. Il pourra ainsi se féliciter d'une diminution du déficit de l'Etat qui ne sera qu'optique, puisque basé sur l'écart artificiellement créé entre l'exercice 2003 et l'exercice 2002.

Le gonflement artificiel du déficit peut être chiffré à environ 9 milliards d'euros, soit 1,81 milliard d'euros pour les dettes sociales, 3,2 milliards pour les recettes non fiscales, 0,7 milliard pour la charge de la dette, 0,8 milliard pour la défense, 2,5 milliards pour la baisse de l'impôt sur le revenu. Ce chiffrage ne tient pas compte des 3 milliards d'euros qui peuvent être économisés en fin d'exercice. Sans ces man_uvres, le déficit serait de 37 milliards d'euros et non de 46 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous nous envoyez dans le mur, mais peut-être cela donnera-t-il l'idée au Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale, ce qui pourrait nous permettre de revenir ! (Exclamations sur divers bancs)

M. Jean-Pierre Brard - Cela s'est déjà produit !

M. Didier Migaud - Eh oui, l'histoire peut se répéter.

Reprenant une promesse du candidat Chirac, vous avez parlé de « rabais sur facture ».

M. Jean-Pierre Brard - On ne se refait pas !

M. Didier Migaud - C'est ainsi qu'on accorde une gratification à un client dans une transaction commerciale... Quoi qu'il en soit, ce « rabais sur facture » est de peu d'ampleur par rapport aux mesures votées à l'initiative du précédent gouvernement et il pose quelques problèmes d'ordre constitutionnel.

Les 2,55 milliards d'euros de MM. Raffarin, Mer et Lambert sont en effet à comparer aux 6 milliards d'euros de baisses votées à l'initiative de MM. Jospin et Fabius pour 2002 et aux 14 milliards d'euros de baisses sur 2001 et 2002. Mais vous semblez être à l'origine de la baisse de l'impôt sur le revenu alors que l'essentiel aura été voté à l'initiative de vos prédécesseurs.

Et surtout, lorsque nous avons baissé les impôts, ...

M. Charles de Courson - Vous ne les avez pas baissés !

M. Didier Migaud - ...nous les avons baissés pour tous, ...

M. Georges Tron - Et la différence de vignette entre la Twingo et la Ferrari ?

M. Didier Migaud - ...sans oublier ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu. La prime pour l'emploi a permis de les prendre en considération. Vous faites le contraire, en concentrant 70 % de la baisse sur les 10 % de Français les plus aisés. 1 % des foyers les plus aisés capteront 30 % de la baisse alors que 50 % des foyers ne percevront rien !

M. Jean-Claude Lefort - La pilule est amère !

M. Didier Migaud - On comprend que le dossier de presse ne donne aucune échelle d'impact et se borne à indiquer qu'un couple marié avec deux enfants et 40 000 € de salaires déclarés bénéficiera d'un rabais de 92 €. Il serait pourtant intéressant de noter qu'un foyer qui déclare 100 000 € aura un rabais soixante fois supérieur à un foyer déclarant cinq fois moins ! (Exclamations sur divers bancs) C'est votre conception de la justice fiscale.

M. Michel Bouvard - Mais ce foyer paie combien de fois plus !

M. Didier Migaud - Pour justifier ce privilège, vous tentez de faire croire aux Français modestes qu'on ne peut rien pour eux parce qu'ils ne paient pas d'impôts. Mais tous les Français sont des contribuables, même les plus modestes ; chacun paie la TVA, la CSG, voire la taxe d'habitation ou la redevance audiovisuelle. Ce sont ces impôts qu'il aurait fallu baisser. Mais vous avez préféré privilégier la France d'en haut (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

La baisse que vous avez décidée est non seulement déraisonnable dans le contexte économique actuel, mais surtout profondément injuste. M. Méhaignerie le reconnaît lui-même dans l'interview donnée au journal Les Echos. Elle l'est d'autant plus que, parallèlement, les cotisations sociales vont augmenter, tout comme le prix de l'essence du fait de votre décision de relever la fiscalité pétrolière.

Elle est en outre totalement inefficace sur le plan économique, ceux qui vont bénéficier de cette baisse ont déjà les moyens financiers de satisfaire leurs besoins de consommation. Elle ne fera qu'augmenter le taux d'épargne, déjà élevé en France. Augmenter la prime pour l'emploi aurait été plus efficace. M. Mer a d'ailleurs reconnu lui-même que cette mesure avait peu de chance de relancer la consommation des ménages.

Il apparaît de plus en plus évident que la croissance ne sera pas de 3 % en 2003. Plus aucun conjoncturiste ne considère ce chiffre comme crédible.

M. Georges Tron - Les chiffres étaient crédibles l'an dernier ?

M. Didier Migaud - Et si l'on accepte de considérer que l'économie se redresse, c'est la preuve que la gestion précédente n'était pas aussi mauvaise (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Sur les bancs UMP - Elle était calamiteuse !

M. Didier Migaud - C'est là le qualificatif employé par M. Juppé parlant de M. Balladur !

La gestion du gouvernement précédent a préparé notre pays...

Un député UMP - A la catastrophe !

M. Didier Migaud - Quand on regarde objectivement les choses,...

M. Georges Tron - Si vous étiez objectifs, vous ne diriez pas ce que vous dites !

M. Didier Migaud - ...on voit que la France a, ces derniers temps, obtenu des résultats plutôt supérieurs...

M. Georges Tron - On est les derniers en Europe ! Il n'y a dernière nous que le Portugal !

M. Didier Migaud - Les résultats sont meilleurs entre 1997 et 2002 que lors de la période précédente (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Migaud - Les prévisions de croissance tournent désormais autour de 2,5 %, soit tout juste le niveau nécessaire à une stabilisation des déficits publics. Or votre pari repose sur le chiffre de 3 %. Je ne sais si ce sont là des prévisions « volontaristes » ou « excessivement optimistes », mais je trouve qu'il est contradictoire dans la bouche de M. Mer d'afficher une politique volontariste tout en nous reprochant d'avoir fait de même.

Si nous n'atteignons pas les 3 %, l'impasse budgétaire se refermera sur vous comme en 1997 et vous devrez prendre des décisions douloureuses, ...

M. Jean-Claude Lefort - Dissoudre !

M. Didier Migaud - ...peut-être même dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale ! Or, ce sont nos concitoyens qui trinquent en période de rigueur.

En outre, votre texte contrevient à plusieurs principes constitutionnels. Le motif d'irrecevabilité le plus flagrant est son caractère rétroactif. Que n'avons-nous entendu sur le principe de non-rétroactivité durant la dernière législature ! Je pourrais citer M. Sarkozy, voire M. Lambert...

La mesure, nous direz-vous, est favorable au contribuable. Pas à tous : avec le rabais sur facture, le contribuable non mensualisé, qui se retrouvera sous le seuil de recouvrement par voie d'acompte, fixé à 296 euros, consentira donc une avance de trésorerie à l'Etat !

M. Philippe Auberger - On peut diminuer son tiers !

M. Didier Migaud - Privés de la possibilité de moduler à la baisse leurs acomptes et versements mensuels offerte par les articles 1664-4 et 1681 B du code général des impôts, ces contribuables subiront un préjudice : ils devront attendre octobre pour obtenir le reversement du trop-perçu. Se verront-ils offrir des intérêts moratoires ? (M. Auberger s'esclaffe)

Prenons un autre exemple - que Jean-Pierre Brard jugera sans doute curieux : le contribuable qui a acquitté un ISF plafonné le 17 juin sur la base d'un montant d'impôt sur le revenu n'intégrant pas le rabais de 5 % supportera une augmentation de son ISF et devra donc logiquement faire l'objet d'un redressement. Mais si la justice sociale en sort gagnante, le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale en sortira meurtri !

Enfin, le principe d'égalité devant l'impôt est sérieusement écorné par votre disposition. Contrairement à vos assertions, tous les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu ne bénéficient pas du rabais. C'est d'abord le cas de certains contribuables non résidents, soumis à l'impôt sur le revenu, qui perçoivent des revenus soumis, en vertu de l'article 182 B, à une retenue à la source non libératoire. Cette retenue à la source s'appliquera sur le barème, c'est-à-dire en ne tenant pas compte du rabais de 5 %. Or, vous ne prévoyez aucun mécanisme de restitution de l'excédent de retenue à la source.

Deuxième cas de rupture d'égalité, entre les contribuables résidents cette fois. Certains revenus, comme les plus-values réalisées par les petites entreprises, sont nécessairement soumis à l'imposition à taux proportionnel et non au barème. Si la baisse de 5 % s'appliquait au barème, ces contribuables seraient exclus du bénéfice de la mesure. Mais dans la mesure où votre rabais ne s'applique pas au barème, rien ne justifie, en droit, l'exclusion de ces contribuables du bénéfice de la mesure. Cette disposition est donc manifestement contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme.

Nous contestons également la sincérité de ce texte. Elle doit être « appréciée en fonction des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Cette sincérité est manifestement absente. Tout donne à penser que le véritable déficit d'exécution du budget de l'Etat pour 2002 ne s'établira pas à 46 milliards d'euros, et que ce texte n'a d'autre objectif que de noircir la situation dans une optique politicienne et d'hypothéquer l'avenir en finançant par le déficit des largesses fiscales clientélistes.

Je voudrais enfin attirer votre attention sur une situation à laquelle vous serez sûrement sensible : nous avons travaillé ensemble à améliorer la transparence budgétaire...

M. Georges Tron - Vous êtes servi !

M. Didier Migaud - ...et le contrôle parlementaire. Nous avions particulièrement veillé à ce que l'opposition soit informée de l'exécution des lois de finances. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et il convient, dans l'intérêt même du pays, que cette situation ne perdure pas.

Pour conclure, votre projet de collectif est en trompe-l'_il. Il comprend des mesures injustes, soulève des difficultés constitutionnelles et fait courir des risques majeurs à nos finances publiques. C'est pourquoi j'invite à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés C. et R.).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - C'est avec émotion que je m'exprime pour la première fois dans cet hémicycle. Et puisque je m'adresse aux représentants du peuple français, je m'engage à vous parler et à vous écouter comme si j'étais devant lui.

Plusieurs députés socialistes et C. et R.- Tournez-vous aussi vers nous !

M. le Ministre délégué - Je serai fidèle aux valeurs de respect et de dignité qu'il nous appartient de cultiver.

Didier Migaud a eu la délicatesse de m'associer à une image de sincérité. Pour ma part, je garde de sa personne une image de modération qu'il a quelque peu trahie ce matin.

Je voudrais d'abord le rassurer sur la recevabilité du texte. Sans doute craignait-il que je n'accepte la succession que sous bénéfice d'inventaire. Mais c'est notre honneur de l'accepter purement et simplement, même si certains, dans le passé, n'ont accepté l'héritage de leur propre camp que sous bénéfice d'inventaire !

M. Jean-Pierre Brard - C'est cruel pour M. Balladur !

M. le Ministre délégué - Didier Migaud regrette que je noircisse le trait. Devrais-je donc me réjouir des résultats du gouvernement précédent ? Didier Migaud est-il fier du dérapage du déficit budgétaire, supérieur de 50 %, selon MM. Bonnet et Nasse, à la prévision initiale ? Ce dérapage, sur lequel vous me contraignez à insister, représente 15 milliards d'euros
- 100 milliards de francs. Devrions-nous être fiers de cet héritage-là ?

M. Augustin Bonrepaux - Oui, nous en sommes fiers !

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas un acte de responsabilité envers les générations futures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Didier Migaud s'est étonné de la date de publication de l'audit. Mais il n'avait pas manifesté le même étonnement lors de la publication de l'audit d'il y a 5 ans dans les mêmes conditions. Cet audit confirmerait ce que chacun savait. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner. La situation était, selon Didier Migaud, si dégradée qu'il n'y avait pas de politique alternative. Mais c'est précisément parce qu'ils voulaient une politique alternative que les Français ont élu le Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Oh non, oh non, oh non ! 19 % ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - S'agissant de l'information dont les présidents de commission des finances disposent, je rappelle à Didier Migaud que la situation hebdomadaire dont il s'agit est celle de l'Etat, dont la dégradation avait été opportunément dénoncée par l'opposition d'alors.

M. Migaud traite ce collectif de caricature. Dans la mesure où il ne fait que traduire les résultats de l'audit, ce n'est guère aimable pour la gestion antérieure !

M. Augustin Bonrepaux - Mais non ! Vous l'avez plombée !

M. le Ministre délégué - M. Migaud s'étonne aussi qu'un remboursement dû par l'UNEDIC soit différé. Mais cet organisme vient d'augmenter ses cotisations pour tenter de rétablir son équilibre. Allions-nous aggraver encore sa situation ? Enfin, on nous reproche de retenir le haut de la fourchette déterminée par l'audit. Mais il demeure des incertitudes sur le produit de l'impôt sur les sociétés !

M. Didier Migaud - Pouvez-vous nous en donner les résultats au 15 juillet ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes de mauvaise foi !

M. le Ministre délégué - Nous ne pourrons être plus précis qu'après l'été.

En ce qui concerne la loi de finances initiale, il est évident qu'elle n'a été rebasée qu'en fonction de dépenses pérennes que vous n'aviez pas prises en compte, et non des dettes que nous épurons dans ce collectif !

S'agissant de la baisse de l'impôt sur le revenu, je propose que nous y revenions lors des articles correspondants. Quant à la TIPP, l'augmentation sera plus que compensée par la hausse de l'euro par rapport au dollar (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - Ce n'est pas une raison !

M. le Ministre délégué - Je vous rappelle que demain, le prix à la pompe sera moins élevé qu'à l'époque où vous gouverniez ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'y êtes pour rien.

M. le Ministre délégué - Par ailleurs, je veillerai à ce que les pétroliers répercutent bien les baisses. Enfin, si l'euro ou les prix du pétrole évoluent de nouveau, nous ne nous interdirons pas de réagir si nécessaire.

Enfin, vous avez parlé d'inconstitutionnalité. Mais la baisse de l'impôt sur le revenu ne remet pas en cause le caractère progressif de cet impôt, et le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs soulevé aucune objection à son encontre. Elle n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. Je vous invite donc à rejeter cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Georges Tron - J'ai cinq minutes pour répondre à un discours qui en a duré cinquante, et qui ressemble de façon si frappante à ceux que M. Migaud tenait il y a encore quelques mois qu'on pourrait douter que quelque chose se soit passée en mai et en juin. On se croirait revenu au temps où la majorité nous expliquait avec arrogance que nous étions absolument incapables d'évaluer la situation et que nous devions croire M. Fabius, et avant lui M. Strauss-Kahn, sur leur bonne mine. Pendant des mois entiers, quand nous osions avancer des raisons de douter des hypothèses de croissance pour 2002, nous avons été traités d'incompétents.

Aujourd'hui, M. Migaud, avec son talent habituel, nous inonde d'informations qui pourraient cacher l'essentiel : la situation des comptes publics s'est extrêmement dégradée. Avec 2 ,6 % de déficit public et 3,2 % de déficit de l'Etat, nous nous retrouvons au quatorzième rang dans l'Union européenne ! Mais l'histoire ne fait que se répéter : entre 1988 et 1993, M. Richard, le rapporteur général de l'époque, et M. Malvy, le ministre du budget, nous répétaient que la croissance faiblissait dans le monde entier, mais que la France résistait mieux. Mais en 1993, alors que la loi de finances initiale avait prévu un déficit de 160 milliards de francs, nous l'avons trouvé à 340 milliards ! Et aujourd'hui, alors que le déficit semble passé des 200 milliards prévus à 300 ou 315, pensez-vous que cela suscite la moindre interrogation pour M. Migaud ou pour M. Bonrepaux ? Pas le moins du monde ! Les conclusions des auditeurs, les mêmes que ceux que M. Jospin avait choisis en 1997, sont fausses et la gestion qu'ils ont menée était parfaite !

Nous n'avions pourtant pas manqué d'avertir M. Fabius sur le dérapage des dépenses publiques. Je me souviens encore de cette question d'actualité, en novembre, où je lui disais combien nous étions inquiets de toutes ses dépenses : 2,4 milliards pour la police ; 1,7 pour la gendarmerie ; 13 pour l'hôpital public, sans compter les cliniques ; et 35 milliards pour la politique de la ville ! Et vous applaudissiez puisque vous appréciez la dépense publique!

M. Augustin Bonrepaux - Mais que faites-vous ?

M. Georges Tron - L'inverse ! Vous engagiez 60 milliards de francs sans les financer ! Et M. Fabius nous a répondu d'un air méprisant que vous n'aviez pas de leçons à recevoir parce que vous, vous saviez gérer les comptes ! Ce n'est pas ce que révèle l'audit aujourd'hui. En octobre et en novembre, nous n'avons cessé d'alerter M. Fabius sur le fait que nos partenaires, surtout l'Allemagne et l'Italie, avaient revu leur croissance à 1,5 %, et il a maintenu la nôtre à 2,5 %. Tous les instituts internationaux avaient corrigé leurs prévisions, mais pas nous, parce que nous étions volontaristes ! M. Migaud, en nous regardant droit dans les yeux, soutenait que nous n'y connaissions rien ! Et en février, voilà M. Fabius qui révise ses prévisions d'un point...

Aujourd'hui, notre déficit est considérable, et nos prélèvements obligatoires nous placent au sommet de l'Union. Résultat, les dépenses sociales sont amputées, qu'il s'agisse du RMI, de l'allocation adulte handicapé ou de la CMU ! Ce sont les plus faibles qui sont les premières victimes de votre gestion ! Nous allons donc rejeter votre motion, pour les motifs de constitutionnalité qu'a évoqués le ministre, mais surtout parce que M. Migaud n'a pas prononcé le seul mot qui s'imposait aujourd'hui : « pardon » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Un être nous manque et tout est dépeuplé : M. Mer n'est déjà plus là. Sans doute préfère-t-il les conseils d'administration au roulis de cette assemblée...

M. le Président - M. Mer m'a prévenu qu'il avait une réunion à Matignon et qu'il reviendrait ensuite.

M. Jean-Pierre Brard - J'accepte alors son mot d'excuse. M. Lambert, lui, a l'habitude de cet exercice. C'est un homme de courage et son sang viking le laisse prêt au combat, alors que M. Mer, sujet politique non clairement identifié, ressemble plus à un relais idéologique clairement profilé. Ne nous a-t-il pas dit, lors de ses premiers pas malhabiles dans cet hémicycle, tout le plaisir qu'il avait pris à rencontrer ce matin le président de Merryl Lynch ?

Il serait peut-être judicieux d'évoquer les tours de passe-passe budgétaires dont parle Le Monde, journal objectif et d'ordinaire peu engagé à gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) .

Selon ce journal, si le Gouvernement a décidé de retarder le recouvrement de la créance de l'UNEDIC, c'est peut-être à cause de la situation de l'organisme, mais il est peu honnête d'imputer cette moindre recette au gouvernement précédent. Par ailleurs, il relève que les ouvertures de crédits auxquelles vous procédez ne sont pas gagées par des annulations. M. Mer nous a dit que les lettres de cadrage prévoyaient une hausse des dépenses de 0,2 % pour 2003. Mais cela n'est possible que parce que vos engagements ne sont pas financés ! La réalité est tout autre : quand on mesure une évolution, c'est toujours d'une loi de finances initiale à l'autre. Vous vous exemptez de cette règle pour que la véritable augmentation des dépenses entre 2002 et 2003 n'apparaisse pas.

Cela change tout. Les dépenses de l'Etat n'augmentent plus de 0,2 %, mais de 1,2 % : or la norme d'évolution avait prévu 1 % sur trois ans, donc 0,3 % par an en moyenne. Donc vos propositions ne sont pas sincères. Vous essayez de nous endormir en renvoyant au constat des auditeurs : mais M. Borloo, qui est membre du Gouvernement, a reconnu qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat dans cet audit (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Mer lui-même, quand nous l'avons auditionné, a avoué qu'il n'avait pas vu venir le retournement de conjoncture, dans ses occupations d'alors, et qu'il fallait donc faire preuve de mansuétude dans ce domaine.

M. Didier Migaud - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - Plus fondamentalement, cette exception d'irrecevabilité est justifiée parce que vous ne revenez pas à l'Ancien régime, qui reposait - n'est-ce pas Monsieur de Courson ? - sur les trois ordres (Rires sur divers bancs), mais vous faites mieux encore, vous réduisez les ordres à deux : ceux que vous appelez « tous les Français », en fait les 16 millions de Français imposables, que vous avantagez, et tous les autres qui n'ont rien. Cela n'est pas acceptable.

Monsieur le ministre, vous avez le ton plein de componction de l'assemblée où vous siégiez auparavant. Mais hier soir, j'étais au Sénat...

M. le Président - Ne dévoilez pas votre vie privée ! (Rires)

M. Jean-Pierre Brard - Et l'un de vos anciens collègues me disait : « Ici les moquettes sont plus épaisses. Il y a autant de tueurs qu'ailleurs, mais quand les coups tombent, on ne les entend pas ! » (Rires)

M. Jean-Louis Idiart - Le groupe socialiste votera, bien sûr, cette exception d'irrecevabilité. J'ai été navré d'entendre certains propos. Nous sommes tous ici des élus de la République et nous sommes soumis à la critique : mais je ne savais pas qu'il nous fallait aussi demander pardon...

Plusieurs députés UMP - De votre gestion, si !

M. Jean-Louis Idiart - Nous nous exprimons de façon libre et même si nous n'approuvons pas la gestion précédente, nous devrions être assez respectueux les uns des autres pour ne pas tenir de tels propos. C'est un dérapage, Monsieur Tron, par rapport à ce qu'ont demandé le Président de l'Assemblée nationale et le Président de la République. Je sais qu'il est difficile de sortir de la campagne électorale, mais nous devons faire l'effort de contrôler nos propos.

M. Georges Tron - Je maintiens les miens !

M. Jean-Louis Idiart - Durant la précédente législature, nous avons essayé d'améliorer le contrôle budgétaire et le contrôle parlementaire en général, avec la création de la MEC, que vous avez tous soutenue. Alors, je suis un peu déçu d'entendre de telles déclarations.

Nous voterons cette exception d'irrecevabilité parce que nous croyons que ce collectif n'était pas indispensable. Nous comprenons, Monsieur le ministre, que vous fassiez cet exercice : une nouvelle majorité a besoin de se démarquer de la précédente,... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. François Grosdidier - Ce n'est pas un besoin, c'est une obligation !

M. Jean-Louis Idiart - ...mais si vous considériez vraiment que la situation budgétaire était aussi catastrophique, il fallait éviter d'augmenter les dépenses et de diminuer les recettes.

Vous avez choisi une politique volontariste, en contradiction avec vos propos sur la nécessité de l'équilibre budgétaire. C'est un double langage qui vous conduit à nous reprocher d'avoir été dispendieux alors que vous l'êtes encore plus, et cela dès le premier texte que vous nous soumettez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Il manque une personne dans l'hémicycle, c'est Laurent Fabius ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Le ministre des finances n'est pas là non plus !

M. Charles de Courson - Alors que nous avions dit, en octobre 2001, que vos prévisions macro-économiques pour 2002 étaient dépassées, Laurent Fabius et Didier Migaud se sont obstinés à les maintenir. Mais dès janvier, Laurent Fabius a commencé à cracher le morceau... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Quelle trivialité !

M. Charles de Courson - ...et à reconnaître que le déficit prévisible n'était pas de 1,4 % mais de 1,8 % - aujourd'hui on en est à 2,6 % ! Nous avions appelé son attention sur les états mensuels de recettes, notamment de TVA, dont l'évolution n'a pas été une surprise.

Ce qui est plus grave, c'est que les deux tiers de la dérive proviennent, non pas de la sous-évaluation des recettes, mais du dérapage des dépenses. Cela aussi, nous l'avions annoncé : je parlais dans mon rapport sur le BAPSA d'un déficit d'au moins 400 millions d'euros, on finit à 750 millions d'euros ! Le ministre et le gouvernement d'alors ont donc volontairement sous-estimé les dépenses et surestimé les recettes, ce qui nous place aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile. A votre place, Monsieur Migaud, je penserais « Heureusement que nous avons été battus ! » (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

Le peuple français a eu le bon sens de confier les affaires à ceux qui lui avaient dit la vérité sur les finances publiques. Le groupe UDF votera contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Ministre délégué - Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté : le ministre des finances a un agenda très chargé. Il est venu ouvrir nos travaux et pour avoir siégé dix ans au Sénat, je sais que les ministres des finances ne sont pas toujours présents lors de la discussion d'un collectif. Il ne faut pas lui reprocher son absence, il reviendra dans un instant.

Je voudrais dire à M. Brard, qui m'a qualifié de viking parce que nous sommes tous deux originaires du beau département de l'Orne et issus d'une lignée commune,... (Rires sur divers bancs)

M. le Président - Que de révélations aujourd'hui !

M. le Ministre délégué - ...que Le Monde n'a jamais prétendu être un traité de finances publiques. Le report de la dette de l'UNEDIC, par exemple, n'a aucun effet sur le solde des administrations publiques.

S'agissant de l'utilité du collectif, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire : lorsque l'équilibre du budget est bouleversé, le Gouvernement doit présenter un projet de collectif. Avec 50 % de dérapage du déficit public, on ne peut nier qu'il y ait bouleversement.

Quant à la base retenue pour le budget 2002, elle n'était pas sérieuse : il faut y ajouter les dépenses pérennes qui en ont été omises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91-4 du Règlement.

M. Augustin Bonrepaux - Je comprends parfaitement que le ministre des finances ait des impératifs mais, lorsqu'on veut donner la priorité au Parlement, on peut faire un effort ! Ce débat aurait d'ailleurs été très instructif pour le ministre, car M. Migaud a bien démontré que ce collectif n'était pas indispensable.

Si la situation du pays est si désastreuse, comment pouvez-vous prévoir un taux de croissance de 3 % ?

Vous noircissez les résultats de l'audit et voulez créer l'illusion que vous pourrez tenir toutes les promesses du Président de la République. Mais il faudra bien expliquer comment vous réduisez les recettes et le déficit en augmentant les dépenses pour la défense, la police, la justice, et dire à M. Méhaignerie si vous tranchez dans les crédits du logement ou de l'aménagement du territoire.

Et puisque vous faites grand cas de l'audit, comparons avec celui remis le 21 juillet 1997 sur lequel il est calqué. Fin 1996, le gouvernement Juppé annonçait un déficit de 248,5 milliards de francs, soit 3,05 % du PIB ce qui aurait permis de passer à l'euro sans problème majeur. M. Juppé et le Président de la République savaient que ces prévisions étaient loin de la réalité. Pourtant, en mars 1997 ils annonçaient encore à la Commission européenne un déficit de 3,03 %. Un mois plus tard, ils dissolvaient l'Assemblée car ils ne voyaient plus d'autre solution que de nouveaux prélèvements impopulaires pour assurer le passage à l'euro. Qu'a fait apparaître l'audit ? Un déficit de 3,5 % à 3,7 % du PIB, et même de 4 % si l'on tient compte de la soulte de France Télécom, soit, en un mois, une dérive de 37 à 52 milliards des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale, dont 15 à 17 milliards de pertes de recettes pour l'Etat et un dérapage de dépenses de 12 à 15 milliards. Mais ni M. Juppé, ni M Chirac n'ont demandé pardon de cette gestion désastreuse.

L'audit de 2002, lui, annonce un déficit de 2,3 % à 2,6 % du PIB, soit déjà 1 % de moins que celui du gouvernement Juppé. Certes la loi de finances initiale, en septembre 2001 prévoyait moins. Mais le ministre des finances a rapidement corrigé les chiffres au printemps et estimé le déficit à 1,8 % ou 1,9 % en raison de la dégradation de la conjoncture venue des Etats-Unis. Outre une baisse de 1 point du déficit en cinq ans, nous avons réduit le nombre de chômeurs de 900 000, et opéré une baisse sans précédent des prélèvements obligatoires, en donnant la priorité aux plus modestes. Certes, nous avons baissé toutes les tranches de l'impôt sur le revenu, mais aussi diminué la taxe d'habitation et créé la prime pour l'emploi pour revaloriser le revenu net des salariés. Les résultats sont donc loin d'être catastrophiques, mais vous noircissez le tableau par des moyens qui rappellent ce que M. Méhaignerie appelait le « mensonge d'Etat ».

Votre lecture de l'audit est très sélective. Ses auteurs étaient beaucoup plus prudents, expliquant bien qu'il était particulièrement difficile de prévoir les recettes en raison de perturbations dans le recouvrement dues à des problèmes informatiques dans l'administration fiscale ; de la création, certes utile, de la direction des grandes entreprises qui a perturbé le rythme de remboursement de la TVA ; et surtout des difficultés à définir la masse imposable à l'IS. Les auditeurs n'ont pu disposer des versements de juin, qui sont le premier élément significatif pour apprécier le produit de l'IS en 2002. Ils présentent donc une fourchette pour le pourcentage du déficit et rien ne vous autorisait à en choisir le chiffre supérieur, sauf le souci politicien de noircir la situation.

De même, vos estimations de recettes relèvent peu ou prou du mensonge d'Etat, qu'il s'agisse du décalage du remboursement de l'UNEDIC à l'Etat ou des dividendes versés par les entreprises publiques. Ces opérations sont peut-être neutres pour l'ensemble des comptes publics, mais pas pour le déficit de l'Etat dont vous faites le symbole de la prétendue mauvaise gestion du gouvernement précédent.

Sachant que votre politique ne va pas « réenchanter les Français » comme le demande le Premier ministre, vous noircissez celle de vos prédécesseurs pour donner à la vôtre un peu d'attrait. Mais les Français ont droit à la vérité. Or c'est par un artifice que vous justifiez l'urgence de présenter un collectif. Si la situation est effectivement moins bonne que ne l'envisageait la loi de finances initiale, c'est en raison d'une dégradation de la conjoncture mondiale que nous avions prévue sans pouvoir en connaître l'ampleur. Le budget 2002 visait bien à amortir les chocs et préparer le rebond, dans le cadre de la politique que nous avons suivie avec succès depuis 1997, ce qui vous permet maintenant d'envisager une croissance à 3 % l'année prochaine.

Ce projet est donc inutile sur le plan économique et même dangereux pour l'avenir ; surtout il est injuste puisque la principale mesure est une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Selon le ministre des finances, cela va revaloriser le pouvoir d'achat ! Mais les 10 % des Français les plus aisés avaient-ils besoin de 1 000 F ou même 10 000 F de plus ? Que pensez-vous de la revalorisation du SMIC, avec lequel on survit simplement ? Pour les smicards, vous n'avez rien prévu, les cadeaux sont pour les privilégiés. Depuis deux mois, vous refusez d'ailleurs tout aux plus modestes et vous accordez tout aux plus aisés. Malgré les difficultés de la sécurité sociale, vous n'hésitez pas à faire passer à 20 € la consultation médicale, ce qui entraînera des augmentations en cascade. En contrepartie, on peut douter de la réalité des économies annoncées grâce à l'usage accru des génériques ou au contrôle des visites à domicile. Résultat, il faudra sans doute, comme l'ont déjà annoncé certains de vos ministres, augmenter les cotisations ou réduire les prestations, et les plus modestes en feront à nouveau les frais.

À l'inverse, vous restez inflexible sur la revalorisation du SMIC, qui serait un coup de pouce assuré à la consommation. Même si quelques travailleurs, qui ont encore des illusions, ont écrit au Premier ministre, ce qui vous intéresse ce n'est pas la justice sociale, c'est de faire des cadeaux aux plus riches. Les 10 % des Français les plus aisés bénéficieront de 70 % de ces cadeaux fiscaux, soit 1,8 milliard d'euros sur 2,5 milliards.

Les autres ne bénéficieront d'aucune amélioration de leur pouvoir d'achat. D'ailleurs, Monsieur le ministre, je réitère les questions que je vous ai posées en vain en commission des finances et j'espère que vos réponses éclaireront notre débat de cet après-midi : parmi ceux qui perçoivent la prime pour l'emploi, combien bénéficieront de la baisse de l'impôt sur le revenu et à quelle hauteur, en moyenne ? Combien parmi les smicards et à quelle hauteur ? Combien parmi les ménages touchant deux SMIC et ayant deux enfants ? Quelle est la part des 2,5 milliards qui ira à ces trois catégories de travailleurs ? Je crains qu'elle ne soit faible. Vous disiez pourtant que vous vouliez encourager ceux qui travaillent.

Il aurait cependant été facile de prendre des mesures de justice. Vous auriez pu, par exemple, diminuer la taxe d'habitation, ou augmenter la prime pour l'emploi. Avec ces 2,5 milliards, vous auriez pu augmenter de 1 000 francs la prime pour l'emploi, ce qui l'aurait triplée. 1 000 F dans le salaire d'un smicard, ce n'est pas rien, cela représente plus en tout cas, proportionnellement, que le cadeau que vous faites aux plus aisés.

L'injustice que vous commettez sera amplifiée par les mesures qui s'annoncent, par exemple la suppression de la part flottante de la TIPP - vous avez beau dire que ce sera sans incidence sur le prix des carburants, il est permis d'en douter et il semble bien que vous vous engagiez dans la même voie que naguère MM. Balladur et Juppé, à savoir l'augmentation de la fiscalité indirecte. Je pense aussi aux hausses annoncées des tarifs d'EDF ou à la baisse des prestations dans le domaine de la santé. Le discours consistant à prétendre que si l'on donne un peu plus aux plus riches, les plus modestes vont en bénéficier aussi, est assez difficile à comprendre. Cela rappelle les métaphores de Reagan sur « la marée montante qui entraîne tous les bateaux, y compris les plus petits »...

Les cadeaux fiscaux faits aux plus hauts revenus sont consentis au mépris de toute rationalité économique et de tout souci de justice sociale. La volonté de favoriser une croissance forte, car solidaire et riche en emplois, a disparu. C'est pourtant le soutien à la consommation que nous avons pratiqué qui a permis à l'économie française de surmonter pendant cinq ans les difficultés de la conjoncture mondiale. Nos mesures fiscales - baisse de l'impôt, prime pour l'emploi - ont ajouté leur effet à la hausse du pouvoir d'achat dont ont bénéficié les ménages grâce à l'amélioration de la situation de l'emploi. C'est la politique que nous avons menée qui vous permet aujourd'hui d'espérer 3 % de croissance pour 2003.

Cela étant, vous avez au moins l'honnêteté d'avouer, Monsieur le ministre, que vous voulez plutôt jouer sur l'offre que sur la demande et vous reconnaissez que la baisse de 5 % n'aura un effet positif sur l'économie que si une partie de l'argent ainsi réinjecté est dépensé plutôt qu'épargné. Quel aveu ! Il est plus probable en effet que votre cadeau fiscal profitera à l'épargne.

D'autre part, Didier Migaud a raison de s'étonner : il est curieux qu'après avoir dénoncé la situation catastrophique dans laquelle se trouveraient les finances de l'Etat, vous l'aggraviez, à court terme par la baisse de l'impôt sur le revenu, et à long terme en renonçant à maîtriser les dépenses. Je note à mon tour que la progression des dépenses n'est pas calculée par rapport à la précédente loi de finances mais par rapport à des résultats « rebasés », ce qui vous permet d'annoncer une progression de 0,2 %, mais qui en réalité dépasse 1 %. Vous allez dépenser plus en un an que nous sur trois ans ! Que sont donc devenues vos bonnes résolutions en matière de maîtrise des dépenses publiques ? D'ailleurs, vous avez bien senti le danger, Monsieur le ministre délégué, et c'est sans doute ce qui explique vos hésitations de la semaine dernière quant à la pérennisation de la baisse d'impôt ainsi que la forme que prend celle-ci - non pas une baisse des taux de chaque tranche mais une mesure temporaire dont le renouvellement n'est pas assuré en 2003.

M. Gérard Bapt - Ce ne serait pas souhaitable.

M. Augustin Bonrepaux - On ne voit pas très bien d'ailleurs comment vous pourriez à la fois augmenter les dépenses de défense, police et justice, réduire les recettes et diminuer le déficit ! Si vous envisagez de réduire certaines dépenses, dites-nous lesquelles. Dites-le en particulier à M. Méhaignerie, qui s'inquiète pour le logement. Nous nous inquiétons quant à nous pour les services publics, en particulier pour l'Education nationale, ainsi que pour les territoires ruraux. Jusqu'ici, vous ne nous avez guère expliqué comment vous comptiez faire. Et les journalistes ont peine à interpréter les propos divergents du Gouvernement sur ces sujets. Vous les avez qualifiés d' « artistes », Monsieur le ministre, mais je me demande si ce ne sont pas plutôt certains membres du Gouvernement qui vont se transformer en intermittents du spectacle - cela dit avec tout le respect que je réserve à cette profession, qui ne mérite pas une telle comparaison ( Sourires).

M. Carrez déclarait l'an dernier que la multiplication des promesses électorales non financées avait pour effet mécanique de creuser le déficit et de transférer les charges sur les générations futures. Que pense aujourd'hui M. Carrez des promesses du Président de la République ? Comment vont-elles être tenues ? Quant à M. Tron, qui nous invitait tout à l'heure à demander pardon, je lui fais observer que MM. Chirac et Juppé n'ont jamais demandé pardon pour leur gestion calamiteuse des finances publiques !

M. Georges Tron - Vous avez ruiné la France !

M. Augustin Bonrepaux - En tout cas, j'espère que vous allez nous expliquer comment on peut à la fois réduire les recettes, diminuer le déficit et augmenter les dépenses publiques ! Qui va faire les frais de toutes ces contradictions ? Les plus modestes, comme toujours.

Et si la croissance n'est pas au rendez-vous, le solde des finances publiques se dégradera encore, à l'instar de celui que vous nous avez laissé en 1997...

M. Georges Tron - N'importe quoi ! Vous affabulez ! En 1993, vous avez laissé un déficit de 340 milliards !

M. le Président - Laissez parler l'orateur !

M. Augustin Bonrepaux - Nous sommes loin, aujourd'hui, de 4 % de 1997.

M. Georges Tron - Et les comptes sociaux de 1993 ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous serez contraints à revenir sur vos promesses inconsidérées, et à appliquer une politique de rigueur dont l'ensemble des Français feront les frais, comme ils l'ont fait dans le passé.

Mme Sylvia Bassot - Avec vous !

M. Augustin Bonrepaux - Votre principale préoccupation aujourd'hui est de servir les plus aisés !

Un collectif budgétaire aurait pu se justifier aujourd'hui s'il avait tenu compte des effets du ralentissement économique mondial sur nos finances publiques, s'il avait tendu à accompagner le retour possible de la croissance, car si vous tablez sur une croissance de 3 %, c'est que la situation économique que nous vous laissons est plutôt bonne. Alors encouragez-la au lieu de la freiner !

Vous aviez, à votre disposition, des outils simples : la prime pour l'emploi, la baisse progressive de la taxe d'habitation. Cela aurait permis de relancer la consommation. Mais vous avez choisi une voie inverse, celle de l'affichage électoral, au mépris de la réalité et des nécessités économiques. Voilà pourquoi je propose de voter cette question préalable.

M. le ministre délégué - L'audit 1997 avait constaté un écart en recettes de 17 milliards de francs, il est de 41 milliards en 2002. En dépenses, l'écart s'élevait à 15 milliards en 1997 ; il est de 78 milliards aujourd'hui : c'est un dérapage trois fois supérieur à celui de 1997, alors que vous avez bénéficié d'une croissance remarquable. En outre, la dette s'est alourdie de 40 % et son aggravation en stock est de 1 400 milliards en cinq ans. Cela justifie parfaitement le collectif.

Vous craignez notre ardeur dépensière, dites-vous. Seriez-vous opposés à l'ouverture de crédits permettant de financer le RMI, l'aide médicale, les opérations extérieures, la couverture maladie universelle ?

M. Georges Tron - Rien de tout cela n'était financé !

M. le Ministre délégué - Voilà quelles ouvertures de crédits nous avons dû faire. Je propose donc le rejet de la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard (tenant un magazine) - Monsieur le ministre...

Plusieurs députés UMP - C'est la revue de presse qui continue !

Mme Sylvia Bassot - C'est la Pravda !

M. Jean-Pierre Brard - Oh ! Madame Bassot ! Je ne suis pas sûr que vous sachiez déchiffrer les caractères cyrilliques, mais je veux bien parler patois avec vous (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous avancez sur un terrain incertain, et dans notre Normandie natale, faite de bocages, il faut se méfier des fossés !

Monsieur le ministre, vous avez répondu, mais vous n'avez pas convaincu. C'est normal, c'est la première fois que vous venez ici. La question préalable a pour objet de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, ce qui est vrai. Certes, vous avez recours à des sophismes, et l'on sait que la philosophie ne vous est pas étrangère, mais enfin, me demander si je suis opposé au paiement du RMI, c'est comme si je vous demandais si vous préférez être malade ou en bonne santé !

M. Nicolas Forissier - Pourquoi n'était-ce pas financé alors ?

M. Jean-Pierre Brard - Vous qui êtes novice, écoutez plutôt !

M. Georges Tron - Cela fait dix ans qu'il est élu !

M. Jean-Pierre Brard - C'est donc qu'il n'a certes pas rallongé les débats (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Pas quand vous étiez là !

M. Jean-Pierre Brard - Ce que nous critiquons, c'est la baisse d'impôt pour les plus riches.

M. François Grosdidier - Ce sont eux qui en paient !

M. Jean-Pierre Brard - Un article de la revue Challenges que voici, révèle que Liliane Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) a vu sa fortune progresser de 70 % en quatre ans. Et il y en a d'autres ! Il y a donc de l'argent, pour réduire le chômage. Mais vous préférez ponctionner les finances publiques pour remplir les poches de ceux qui les ont déjà bien fournies. Vous auriez dû chercher du côté des manipulations de Monsieur Messier !

Il ne fallait pas réduire l'impôt, il fallait l'augmenter sur les plus riches ! Créer un impôt sur les transactions spéculatives ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous êtes loin des réalités, Messieurs les ministres, et je vous invite tous les trois, en particulier M. Mer, à venir visiter, à Montreuil, les cités HLM ou les petits pavillons et vous rencontrerez des Français qui n'appartiennent pas à votre catégorie de « tous les Français » (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Monsieur Fourgous et Madame Bassot, du calme !

M. Jean-Pierre Brard - Ce sont des novices !

M. Jean-Pierre Brard - Messieurs les ministres, vous êtes trop en haut pour voir ce qui est en bas (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés C. et R. ; protestations sur les bancs du groupe de UMP).

M. Michel Bouvard - Le groupe RPR ((Rires), pardon, le groupe UMP ne votera pas cette question préalable. Beaucoup de temps a été passé à critiquer le contenu du collectif, à justifier la gestion passée, sans nous dire en quoi le collectif n'était pas nécessaire. Or, celui-ci est indispensable, pour mettre de l'ordre dans les finances publiques, et pour suivre les prescriptions organiques.

Il faut tirer les conséquences des déficits et de certains errements, notamment lors de l'adoption de la dernière loi de finances : les mesures en faveur de la police et de la gendarmerie ont été financées à partir de reports et de redéploiements quasi fictifs, en supprimant par exemple 4,9 millions d'euros correspondant au financement des élections présidentielles, ou 6 millions d'euros pour le financement des élections législatives.

Nous avions présenté ces observations au Conseil constitutionnel, qui n'a pas annulé, mais à tout de même précisé qu'aucun texte ne peut entrer en vigueur tant que les charges qu'il entraîne n'ont pas été évaluées et autorisées. Il n'est pas obligatoire de prévoir dans la loi de finances initiale les conséquences budgétaires des décisions à venir, dont le coût, la date et les modalités de mise en _uvre restent à déterminer, mais il faut ensuite procéder aux adaptations nécessaires : c'est ce que prévoit ce collectif.

Nous aurons d'ailleurs un autre rendez-vous, lors de l'examen du rapport de la Cour des comptes sur l'inexécution de la loi de finances pour 2001, où l'on trouve beaucoup de bombes à retardement.

Ce rapport indique aussi que l'impôt moyen par foyer imposé a augmenté de 3,2 % en 2001. La baisse de l'impôt sur le revenu est donc parfaitement justifiée. Songeons que de nombreux contribuables quittent notre pays...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Michel Bouvard - Didier Migaud lui-même reconnaissait, dans une interview donnée au Figaro le 23 janvier dernier, que les impôts pouvaient avoir un effet pervers : inciter de nombreux contribuables à délocaliser leur fortune ou leur patrimoine professionnel au détriment de l'emploi. Il y a donc bien lieu à délibérer, et nous appelons au rejet de cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson - Le groupe UDF votera contre cette question préalable. Si elle était adoptée, nous violerions la loi organique en refusant l'ajustement des recettes et des dépenses dont l'ex-rapporteur général reconnaît lui-même la nécessité.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Charles de Courson - Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 traduit deux priorités gouvernementales : mettre fin au mensonge d'Etat qu'a constitué le projet de loi de finances initiale présenté par Laurent Fabius en octobre 2001, et encourager le travail par une première baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Le groupe UDF ne peut qu'approuver le souci d'honnêteté et de transparence du Gouvernement.

Pierre Méhaignerie et moi-même avions qualifié le projet de budget de « mensonge d'Etat » dès octobre 2001, et j'avais fait le pronostic, qui s'est hélas révélé exact, que le Gouvernement nous laisserait, comme en 1993, un trou béant.

M. Jean-Pierre Brard - C'est de l'autosatisfaction !

M. François Grosdidier - Nous aurions préféré nous tromper !

M. Charles de Courson - M. Fabius avait prévu un déficit budgétaire de 30,5 milliards d'euros en 2002, nous en sommes à 43,5 milliards, ce qui correspond à une augmentation de 43 %. La gauche avait fait plus fort en 1993 : 25 milliards en loi de finances initiale et 45 milliards en exécution. Laurent Fabius aura atteint les deux tiers de la performance de Pierre Bérégovoy !

M. Jean-Pierre Brard - Parlez-nous plutôt de Balladur !

M. Charles de Courson - L'ancien gouvernement avait prévu une augmentation de 2 % en valeur - soit 5,2 milliards d'euros - et 0,5 % en volume des dépenses de l'Etat. Nous en sommes au double, avec 10,6 milliards. Or, M. Fabius ne pouvait ignorer ces charges supplémentaires. Comment expliquer que 0,9 milliard d'euros afférents au budget 2001 n'aient pas été budgétés en 2002 ? Quant aux loyers de la gendarmerie - impayés depuis six mois à Vertus, dans ma circonscription - vous pouviez parfaitement les prévoir !

S'agissant du BAPSA dont j'ai été rapporteur pendant cinq ans, j'avais chiffré le déficit prévisionnel 2001 à 200 millions d'euros et le déficit 2002 à un minimum de 200 millions. Nous arrivons à un déficit cumulé de 750 millions, et ce n'est pas faute d'avoir appelé l'attention de M. Glavany ! Vous devriez donc faire repentance : le débat budgétaire n'a rien à gagner de documents insincères.

Les dépenses de l'Etat augmenteront donc de 3,8 % cette année, soit le double de la prévision et même le quintuple en volume. J'avais pourtant averti M. Fabius. Il avait du reste truffé le budget de « farces et attrapes » telles que des contractions ou prélèvements sur recettes abusifs.

Le même M. Fabius nous annonçait une hausse de 2,2 % - soit 250,4 milliards d'euros - des recettes fiscales de l'Etat. On atteindra péniblement 245 milliards, comme en 2001. M. Fabius ne pouvait cependant pas ignorer les statistiques de TVA du ministère, dont je lui avais d'ailleurs rappelé la teneur. Nous l'avions également averti du risque concernant l'impôt sur les sociétés, dont le produit devrait diminuer de 9 % cette année.

M. Jean-Louis Idiart - On est toujours plus intelligent quand on est dans l'opposition !

M. Charles de Courson - J'en viens au taux des prélèvements obligatoires. La gauche aura constamment menti pendant cinq ans, puisqu'elle n'a jamais tenu ses promesses de baisse. Que l'ex-rapporteur du budget cesse de prétendre que la gauche a diminué les impôts : elle a simplement rendu au contribuable une partie de la hausse. Mais le taux de prélèvements obligatoires est-il aujourd'hui plus ou moins élevé qu'en 1997 ? Et que dire du niveau abyssal des déficits publics ? (Interruptions sur divers bancs) Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en avril 1993, il atteignait 6,3 % du PIB. En 1997, nous l'avions réduit à 3 %, nonobstant une situation économique extrêmement difficile. Vous l'avez donc trouvé à 3 %...

M. Augustin Bonrepaux - 4 % !

M. Charles de Courson - 3,3 % pour être exact. Et vous nous le laissez à 2,6 %, au terme de quatre années de forte croissance. C'est une performance calamiteuse ! Une nouvelle fois, la majorité devra remonter la pente. La gauche a été comme toujours « dépensophile » et laxiste. Il conviendrait tout de même que l'ancien ministre des finances fasse repentance pour avoir présenté de faux bilans.

Ce collectif vise en second lieu à encourager le travail grâce à une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Le groupe UDF souhaite que tous ceux qui travaillent en bénéficient.

L'UDF déposera donc un amendement d'appel sur le relèvement des salaires nets compris entre un smic et un smic et demi, par le biais d'une baisse des charges sociales, et souhaiterait connaître dès aujourd'hui les intentions du Gouvernement. La meilleure solution technique lui semble être un système de franchise sur les cotisations sociales des salariés. Rappelons en effet que l'opposition actuelle s'était heurtée au Conseil constitutionnel lorsqu'elle avait voulu baisser la CSG, au nom du principe d'égalité. Nous souhaitons qu'il soit consacré autant de moyens à cette mesure qu'à la baisse de l'impôt sur le revenu, afin que le smic s'écarte des minima sociaux. Il n'est pas acceptable qu'une famille de trois enfants, dont le père gagne le smic et dont la mère reste au foyer, gagne 40 € de moins par mois que si elle était au RMI ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) La justice sociale oblige à remettre la valeur du travail au centre de la société (Approbation sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'UDF souhaite également connaître les économies susceptibles d'être réalisées d'ici la fin de l'année pour gager les 2,5 milliards de la baisse de l'impôt sur le revenu. Elle a toujours plaidé pour que la France revienne à l'équilibre, conformément à ses engagements européens. Chacun sait que cela ne sera pas possible d'ici à 2004, mais il convient de gager les dépenses nouvelles que nous décidons. Le ministre nous a indiqué que des dépenses seraient gelées, puis annulées en fin d'année. Nous souhaitons qu'il protège les investissements, dont le niveau est déjà insuffisant, et qu'il veille plutôt à endiguer les dérives des dépenses de fonctionnement. La croissance de 0,2 % du budget général prévue par les lettres de cadrage est sage, mais nous n'échapperons pas à une diminution du nombre des fonctionnaires et à leur redéploiement en faveur des missions régaliennes de l'Etat, telles que la sécurité et la justice. La cession d'actifs publics, qui n'ont aucune raison de demeurer dans le giron de l'Etat, peut contribuer à réduire la dette publique.

Enfin, l'UDF souhaiterait que les mesures visant à combler le déficit du BAPSA soient adaptées.

Notre groupe votera donc ce projet, tout en souhaitant obtenir des précisions sur les points qu'il a soulevés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 répond, selon vous, à deux exigences. La première est de financer la diminution promise de l'impôt sur le revenu pour un montant total de 2,5 milliards. La seconde est de traduire les conclusions de l'audit effectué par MM. Bonnet et Nasse sur la situation des finances publiques, qui est d'ailleurs beaucoup plus prudent et nuancé que vous voulez bien le dire.

L'article premier du projet de loi prévoit donc une réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu acquitté en 2002.

Cette mesure, très simple dans sa rédaction, est profondément injuste dans ses effets. Dès qu'on analyse ses incidences, on comprend à qui vous vous adressez.

Vous commencez en effet par écarter tout simplement un foyer sur deux : les 47 % de foyers fiscaux les plus modestes ne sont pas imposables et n'en tireront donc aucun profit.

Permettez-moi, Monsieur le ministre, d'être profondément choqué de la réponse que vous m'avez donnée en commission la semaine dernière : « On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre » !

M. Charles de Courson - Et la crémière ?

M. Michel Vaxès - Je suis certain que les personnes concernées sauront apprécier.

Voyons maintenant ceux qui ne devraient pas avoir l'audace de réclamer « l'argent du beurre » : ce sont 40 % des salariés de ce pays, 60 % des retraités, un peu plus d'un tiers des foyers d'exploitants agricoles...

Ceux qui mériteront de bénéficier de la réduction semblent, eux, organisés selon une sorte de progressivité à l'envers.

Ainsi, un célibataire qui perçoit 12 000 € nets par an bénéficiera d'une remise de 21 €, soit moins de deux euros par mois. En revanche, s'il déclare 12 000 € par an, la remise atteindra 1 175 €, soit 85 fois plus !

De même, un couple sans enfant avec un revenu annuel de 40 000 € bénéficiera d'une remise de 163 €. Avec les mêmes revenus mais quatre enfants, la réduction ne sera que de 31 € ! Il est vrai qu'on ne peut pas avoir « le beurre et l'argent du beurre ».

Au total, 68 % des crédits reviendront à 10 % de la population alors que la moitié d'entre elle n'aura à se partager que moins de 1 % de l'enveloppe !

L'injustice est outrancière !

Parallèlement à ce cadeau fiscal, une augmentation des impôts locaux est prévue pour 2002, due en partie à la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées. Il s'agit là d'une excellente mesure de justice sociale et je tiens à le redire car je crains qu'elle ne soit remise en cause. En outre, la pensée libérale va transférer de plus en plus de charges aux collectivités locales, sans que celles-ci bénéficient des moyens correspondants. Voilà donc le paradoxe que vous avez délibérément organisé : les ménages les plus modestes ne bénéficieront pas de la baisse de l'impôt sur le revenu, mais ils supporteront une fiscalité locale sensiblement alourdie. Certains doivent accepter de payer plus cher leur motte de beurre, en appréciant à sa juste valeur le sourire cynique de la fermière ! (Sourires)

L'équité de la réduction peut aussi s'apprécier du point de vue des communes.

Selon le petit calcul, certes imprécis, auquel je me suis livré, la réduction d'impôt moyenne qui s'appliquera aux contribuables de la commune dont je suis l'heureux maire, s'élèvera à 746 €. Et le nombre de contribuables est bien inférieur à la moyenne nationale d'environ 50 %. En revanche, à Neuilly-sur-Seine, la réduction moyenne s'élèvera à 2 268 €, alors que le nombre de foyers imposés est bien supérieur à la moyenne ! Il est vrai que les miens n'ont pas les mêmes soutiens que les vôtres...

Pour paraphraser Victor Hugo, « s'il y a des hommes qui sont nés pour servir, il en est d'autres qui sont nés pour être servis à table » !

Si la réduction d'impôt est profondément injuste, servira-t-elle au moins à remplir la mission que vous lui avez assignée : « créer les conditions d'une croissance qui profitera à l'ensemble des Français » ?

Je crois surtout qu'elle viendra grossir l'épargne de quelques grandes fortunes.

Le fait que la propension à consommer diminue avec l'accroissement du revenu tandis que l'épargne suit une progression inverse a été démontré depuis plus d'un siècle et jamais démenti depuis lors. Je crains qu'il ne soit de nouveau vérifié, hélas, et bien avant 2007 ! Vous-même d'ailleurs, vous vous montrez prudent, en affirmant que « si une partie de l'argent réinjecté est dépensé, et non pas épargné, ce sera positif pour l'économie ».

Votre seconde justification était de remédier à la situation désastreuse des finances publiques. Vous appuyant sur les résultats de l'audit, vous stigmatisez l'envolée des déficits et la fuite en avant des dépenses. Mais, alors que la réduction de l'impôt sur le revenu n'offre aucune garantie de relance de la consommation, vous prévoyez de nouvelles dépenses pour régler les dettes de l'Etat, financer le dérapage des dépenses sociales dû à une mauvaise conjoncture et financer les priorités de votre campagne électorale. Où allez-vous trouver l'argent ?

Ce collectif n'apporte aucune réponse. Il se contente d'évoquer des annulations de crédits dans l'exposé des motifs. Cette méthode, conforme au droit budgétaire, souligne les limites de la loi organique votée l'an passé.

En fait, le Gouvernement se réserve le droit, par des mesures qui ne connaissent aucun contrôle parlementaire a priori, de modifier l'affectation des ressources publiques ou de procéder à des man_uvres dilatoires de gestion en cours d'exercice.

Des choix douloureux vont par conséquent être faits dans la loi de finances 2003. Vous avez déjà annoncé le non-remplacement des dizaines de milliers de serviteurs de l'Etat qui partiront à la retraite. Vous refusez de relever le smic et les minima sociaux alors que toute augmentation du pouvoir d'achat des Français les plus modestes est directement consommée. En outre, cela ferait reculer les inégalités croissantes entre revenus salariaux et financiers, entre la « France d'en haut » et la « France d'en bas » - formule qui dénote d'ailleurs un certain mépris à l'égard de ceux qui font la richesse de la nation. Mais un jour viendra où les derniers seront les premiers. Dans l'immédiat, un coup de pouce au pouvoir d'achat serait pourtant un moyen efficace de faire reculer les situations de surendettement et d'exclusion dont souffrent de plus en plus de salariés pauvres.

Aujourd'hui, nos concitoyens, qu'ils soient imposables ou non, doivent faire face à l'augmentation des tarifs de la SNCF - 4,10 % pour la seule année 2001 -, d'EDF - près de 5 % - et, pour les Franciliens, de la carte orange - près de 4 %. S'y ajoute l'augmentation prévisible du prix des carburants, par suite de la suppression de la TIPP flottante. Que prévoyez-vous pour relancer la consommation de ceux qui subiront ces augmentations, mais ne profiteront pas, ou si peu, de votre mesure de réduction d'impôt ?

Nous sommes, quant à nous, convaincus que c'est en mobilisant tous les leviers de l'action publique pour une croissance réelle et plus riche en emplois stables et correctement rémunérés que nous pourrons répondre aux besoins de notre pays et faire reculer l'endettement de l'Etat.

Le groupe des députés communistes et républicains fera des propositions pour corriger les incohérences de votre projet. Vous les soutiendrez, si vous êtes réellement convaincus de la nécessité d'une croissance profitant à tous les Français. Vous les combattrez si, comme je le crains, vous persistez à dire aux plus riches : « Enrichissez-vous encore ! ».

Jean-Claude Sandrier, vous proposera un amendement de suppression de l'article premier, car il remet en cause le principe républicain selon lequel chacun participe aux dépenses communes en fonction de ses capacités. Nous proposerons d'affecter les 2,5 milliards d'euros que coûterait cette réduction d'impôt à la couverture des besoins de l'hôpital, de l'école et des grands services publics. Avec cette somme on pourrait doubler à la fois le budget de la jeunesse et des sports et celui de l'environnement, ou encore doubler les crédits de la CMU et ceux de la prime pour l'emploi.

M. le Président - Concluez, Monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès - J'ajouterai simplement que ce collectif budgétaire s'inscrit dans la logique d'une politique inféodée aux dogmes libéraux et aux exigences du MEDEF (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Cette politique, loin d'apporter des réponses aux difficultés de millions de nos concitoyens, ne fera que les aggraver. Il n'est pas possible de dissocier les déboires des finances publiques des excès des marchés financiers et du krach boursier rampant. Cela montre combien votre politique, fondée sur le soutien aux marchés financiers, est source de gâchis économiques et humains.

Selon vous, Monsieur le ministre, le système capitaliste serait « le moins mauvais pour créer des richesses ». Vous auriez pu ajouter : « ...au bénéfice de quelques-uns, mais il est le meilleur pour multiplier les souffrances du plus grand nombre ».

Le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés C.R.).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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