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Session extraordinaire de 2001-2002 - 7ème jour de séance, 11ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 18 JUILLET 2002

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN
vice-président

Sommaire

      COLLECTIF 2002 (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 30

      ARTICLE PREMIER 31

La séance est ouverte à quinze heures.

COLLECTIF 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.

M. le Président - Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur - Ce premier collectif budgétaire de la législature trace un sillon de transparence et d'efficacité.

Transparence, car il rompt avec les méthodes du gouvernement précédent, qui ont faussé les comptes publics. L'audit de MM. Bonnet et Nasse a confirmé nos craintes. Le ministère de l'économie, en octobre 2001, avait récusé vos analyses ; aujourd'hui le passif est établi. Le précédent gouvernement a sciemment surestimé la croissance en retenant un taux de 2,5 %, que tous les instituts de conjoncture jugeaient irréalistes.

Force est de constater que la croissance prévisionnelle pour l'année en cours ne devrait pas dépasser 1,4 %, soit 1,1 % de moins que le taux socialiste.

Cette erreur de prévision est lourde de conséquence ; elle explique l'importance des moins-values fiscales - plus de 5,3 milliards d'euros. Le mauvais état de la conjoncture se traduit par une contraction des recettes de l'impôt sur les sociétés et de la TVA.

Autres sources de dérèglement des finances publiques : la sous-estimation volontaire des dépenses, voire le non-paiement de certaines dépenses - le dérapage a été évalué à 7,4 milliards d'euros, dont cinq pour le seul budget général.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a été amené à apurer des dettes datant de l'année dernière : elles n'ont pas été réglées afin d'éviter un dérapage plus important du déficit de 2001 - passé, pour mémoire, de 28 à 32 milliards d'euros en cours d'exécution.

La loi de finances 2002 comporte de nombreuses sous-budgétisations, qui contribuent à fausser les comptes de cette année. Le déficit budgétaire s'est donc envolé. Dès l'automne, personne ne jugeait crédible l'objectif de 30 milliards d'euros de déficit retenu par le précédent gouvernement, qui avait refusé de réviser son projet de loi de finances malgré les événements du 11 septembre.

Il est donc indispensable de remettre les pendules à l'heure, en retenant un déficit de 45 milliards d'euros.

Ce collectif trace un sillon d'efficacité car il rompt avec la politique budgétaire précédente. En cinq ans de gestion, la France n'a réalisé aucune baisse - même minime - de ses déficits publics. Le déficit de l'Etat, de 2,3 % du PIB, se rapproche de celui de 1997, malgré un fort taux de croissance.

La gestion précédente est devenue de moins en moins transparente - création de multiples fonds dont l'objectif était de masquer la réalité des engagements de l'Etat, en particulier en ce qui concerne les 35 heures ou la CMU. Des taxes, des impôts changeaient d'affectation au gré des besoins, passant de l'Etat à la sécurité sociale puis au fonds de financement des 35 heures.

Ces dernières années, les Français ont assisté à un véritable gâchis : celui de la croissance générée par leur travail.

L'augmentation des dépenses de fonctionnement, la contraction des dépenses d'investissement ont contribué à affaiblir notre pays. Les dépenses, hors dette et hors fonction publique, ont reculé, passant de 49 à 42 % de 1990 à 2002. Les dépenses d'investissement sont, elles, passées de 12 à 10 % des dépenses de l'Etat en cinq ans.

Il faut rompre avec la politique qui fait de l'investissement la variable d'ajustement budgétaire.Cette politique est responsable de la vétusté des prisons, des commissariats, des écoles.

Après des années de laisser-aller, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dans une conjoncture économique délicate, se doit de remettre à niveau l'équipement de nombreux services publics.

L'Etat n'est plu à même d'assurer ses fonctions régaliennes, faute d'investissements conséquents. Ainsi, la sécurité intérieure et extérieure a été laissée à l'abandon : de véritables plans ORSEC doivent être mis en _uvre.

Faute de moyens, de locaux, la police, la gendarmerie et la justice avaient le sentiment que leur travail ne servait plus à rien. L'actuel Gouvernement a réussi à casser le cercle vicieux du défaitisme.

Il convient maintenant de restaurer durablement la confiance en privilégiant les dépenses régaliennes et utiles.

Il est inacceptable que 50 % des chars et avions de notre armée soient immobilisés faute de pièces détachées, que 60 % des hélicoptères soient hors service. Je me réjouis donc que, dans ce collectif budgétaire, une enveloppe d'urgence de 908 millions d'euros soit affectée au ministère de la défense.

Des plus-values fiscales ont été dilapidées dans des projets malthusiens et antisociaux, comme les 35 heures : plus de 15 milliards d'euros sont absorbés chaque année par le financement de la réduction du temps de travail, dont les effets sur l'emploi sont quasi nuls. De manière inconsidérée et par facilité le gouvernement précédent a eu recours à l'emploi public : plus de 35 000 emplois créés pèseront longtemps sur le budget de l'Etat.

Pendant la prochaine décennie, plus de la moitié des fonctionnaires partiront à la retraite : c'est une chance, non pour remettre en cause les services publics, mais pour en améliorer l'efficacité.

Dans les ministères de la justice et de l'intérieur, il est légitime d'augmenter les effectifs ; dans d'autres, l'augmentation de la productivité grâce à l'informatisation devrait justifier une diminution des emplois.

Le passif du gouvernement Jospin, certes, ne disparaîtra pas d'un coup de baguette magique ; il faudra, en particulier, traiter la question lancinante de la dette publique, qui s'est accrue de près de 160 milliards d'euros en cinq ans, atteignant 860 milliards ! Tel est le résultat de l'absence de maîtrise des finances publiques. La tâche d'assainissement est immense. La conjoncture, certes, est incertaine, mais doit justement contribuer à catalyser les efforts du Gouvernement. Le temps de l'action est venu.

La majorité sera jugée sur sa capacité à traiter les problèmes des retraites, des 35 heures et des prélèvements.

Sous la précédente législature, les Français ont supporté une augmentation de plus de 60 milliards d'euros de prélèvements. Les familles et les personnes âgées en ont été les principales victimes : l'augmentation de la CSG, le plafonnement du quotient familial, la remise en cause de l'AGED les ont touchées de plein fouet.

Au nom du groupe UMP, je me réjouis de la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu, applicable dès 2002. Elle concernera plus de 16 millions de contribuables - ce n'est donc pas une mesure élitiste. N'est-ce pas le précédent gouvernement qui a supprimé la vignette pour tous les véhicules personnels, de la Twingo à la Ferrari (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R. ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cette mesure est simple ; il est indispensable de faire refluer les prélèvements qui touchent chaque Français, à l'inverse de ce que nous avons connu.

Depuis vingt ans, les gouvernements pratiquent le pointillisme fiscal - quelques baisses ciblées, des hausses moins ciblées pour un résultat identique : plus d'impôts, plus de dépenses publiques, plus de déficits, et plus de dettes.

Pour casser cette mécanique infernale et improductive, la réussite de la baisse de l'impôt sur le revenu sera déterminante.

Ce gouvernement est le premier à ne pas augmenter les impôts dans un collectif post-électoral. Cela augure bien de l'avenir, le Président de la République a d'ailleurs lui-même réaffirmé le 14 juillet dernier la nécessité de diminuer les prélèvements afin de soutenir la croissance. S'il convient de faire des économies pour réduire les déficits, il est en effet tout aussi important de relancer le moteur de notre économie, actuellement bridé. A cet égard, le Gouvernement doit s'engager rapidement à abaisser les charges sur les bas salaires. Le pouvoir d'achat de millions de Français, pénalisés par les 35 heures qui ont limité la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, en sera amélioré. Il ne faut pas être obnubilé par les incidences comptables des mesures fiscales. Une baisse d'impôt représente certes dans un premier temps un manque à gagner pour Bercy, vite comblé car elle accroît les revenus, la consommation, l'investissement et l'emploi.

Du fait de ses pesanteurs administratives et du poids de ses prélèvements obligatoires, la France attrape toujours en retard le train de la croissance. Il en fut ainsi en 1998, nous aimerions que pour une fois notre pays soit le premier à renouer avec un taux de croissance élevé.

Nous avons tous été surpris par le prélèvement envisagé sur la MSA, lequel financera certes le budget annexe des prestations sociales agricoles, si bien qu'il n'y a pas de détournement. Néanmoins, cette mesure a suscité de nombreuses inquiétudes que le Gouvernement, je l'espère, pourra dissiper en cours de discussion. La MSA a aidé nombre d'agriculteurs ces dernières années, surtout après la crise de l'ESB. Il ne faudrait pas que ce prélèvement obère ses capacités d'assistance alors même que notre agriculture traverse de multiples crises.

Ce collectif, qui tend à remettre de l'ordre dans les finances publiques, à restaurer les pouvoirs régaliens de l'Etat et à diminuer les prélèvements, place notre pays dans la bonne direction. Le groupe UMP le votera donc bien volontiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Idiart - Le Gouvernement nous présente ce projet de loi de finances rectificative parce qu'il doit revoir à la baisse les perspectives d'activité par rapport à la loi de finances initiale, tirer les conclusions de l'audit commandé sur les finances publiques, et qu'il souhaite diminuer de 5 % l'impôt sur le revenu. Qu'il veuille se démarquer des choix politiques du gouvernement précédent, il n'y a là rien que de plus normal. Vous êtes libéraux, vous ne vous en cachez pas, vous privilégiez la baisse des impôts directs et ne cherchez nulle autre piste. N'est-il pas légitime, comme l'a dit le ministre, de « rendre l'impôt à ceux qui le paient » ? Tant pis pour ceux qui ne le paient pas ! Ils ne peuvent tout de même pas avoir le beurre et l'argent du beurre. La margarine ne leur suffit-elle pas ? Nous ne partageons pas les mêmes idées.

Mais le Gouvernement ne peut s'empêcher de recourir à cette bonne grosse vieille ficelle qui consiste à incriminer la gestion de son prédécesseur. Vous durcissez le trait, à l'évidence caricaturez, cherchant à vous défendre par avance d'éventuels dérapages - certains étant déjà avérés. « Après le gâchis, l'espoir », écrit modestement le ministre délégué au budget dans un journal du soir. Antienne bien connue : la faute revient d'abord au Gouvernement précédent, ensuite à l'extérieur, l'Union européenne ou encore autre chose. Je me souviens d'un brillant ministre du budget qui pérorait en 1993 alors même que son bilan allait être traité de calamiteux deux ans plus tard par le nouveau Premier ministre, lequel allait lui-même deux ans plus tard céder sa place... Aussi, Messieurs les ministres, Prudence !

Nous aurions pu penser qu'il serait possible de travailler autrement. Malheureusement, vous ne commencez pas dans la transparence et interprétez les résultats de l'audit que vous avez commandé. Il est de notre rôle de vous le rappeler. De nombreux outils, au premier rang desquels la Mission d'évaluation et de contrôle, ont été mis en place ces dernières années pour renforcer le contrôle exercé par le Parlement et ainsi optimiser l'utilisation des deniers publics. M. Laffineur regrettait tout à l'heure qu'il existe trop de fonds spécifiques : eh bien, j'avais moi-même suggéré à la MEC la suppression du FITTVN, ce qui fut chose faite deux ans plus tard, preuve qu'il est possible de faire avancer les choses au Parlement quand le Gouvernement est attentif à ses suggestions.

De même, la réforme de l'ordonnance organique de 1959, adoptée sous l'impulsion du rapporteur général, Didier Migaud, en accord avec le Sénat, dont M. Lambert présidait alors la commission des finances, aura été un moment historique... tant elle semblait improbable.

A l'opposé de tous ces progrès, votre caricature des résultats de l'audit n'est pas acceptable. Personne n'est dupe d'ailleurs. Ainsi souhaitez-vous démontrer que la situation budgétaire ne s'est pas améliorée entre 1997 et 2002. Mais oubliez-vous que le gouvernement Juppé prévoyait à la fin de 1996 un déficit public égal à 3,05 % du PIB, ce qui était si éloigné de la réalité qu'il en résulta ce que l'on sait... ? L'écart entre la notification faite à la Commission européenne au printemps 1997 et les résultats de l'audit effectué la même année a représenté entre 34,4 milliards d'euros et 51,4 milliards d'euros. C'était là le résultat de la politique économique et sociale menée par MM. Balladur et Juppé : allégement des charges des entreprises sans contrepartie, baisses d'impôts pour les plus aisés, augmentation massive des prélèvements payés par tous comme la TVA, la CSG et la CRDS. Quoi que vous prétendiez, l'audit de 2002 ne peut que constater une meilleure santé des finances publiques par rapport à cette époque puisque le déficit s'établit seulement entre 2,3 % et 2,6 % du PIB (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), et ce alors même que la politique menée a permis de faire reculer le chômage de 900 000 unités en cinq ans et de renforcer les services publics. Comment pouvez-vous, Monsieur Lambert, qui aviez fait de la transparence votre cheval de bataille lorsque vous étiez dans l'opposition, travestir ainsi les comptes de la nation ? Je comprends bien votre intérêt à noircir la situation afin qu'elle apparaisse ensuite, automatiquement, meilleure.

Mais si vos inquiétudes étaient réelles, vous n'aggraveriez pas les déficits par vos cadeaux fiscaux qui représentent quand même la bagatelle de 2,7 milliards d'euros - et le Président de la République promet même que l'on ira bien au-delà. Certes, vous dites vouloir limiter les dépenses mais l'augmentation annoncée de 0,2 % seulement risque de se monter en réalité à 1,2 % - vous êtes pris en flagrant délit d'insincérité sur ce point dans vos lettres de cadrage. Le risque est donc grand de voir filer les dépenses, surtout après les majorations de budgets annoncées, notamment dans la loi sur la sécurité intérieure et sur la justice.

Que proposez-vous donc pour faire face à la situation difficile que vous décrivez ? Rien moins que de diminuer l'impôt sur le revenu de 5 %, c'est-à-dire de vous priver de recettes fiscales... au moment où il y en aurait le plus besoin si l'on vous écoutait. Des allégements fiscaux étaient déjà prévus par la loi de finances initiale. Pourquoi aller encore plus loin au mépris de la situation des nombreux Français qui ne paient pas cet impôt mais auxquels vous refusez toute augmentation du smic et qui vont devoir payer plus cher leur essence et leur électricité ? Deux poids et deux mesures ! 1 % des foyers fiscaux, les plus aisés, se répartiront 30 % de la baisse de l'impôt sur le revenu, laquelle représentera pour chacun d'entre eux un gain de plus de 1 500 € alors que pour un tiers des ménages, elle rapportera moins de 40 €. Un couple de smicards avec deux enfants ne tirera aucun avantage de la mesure alors qu'un couple qui gagne dix fois le smic économisera 760 €, soit plus des deux tiers d'un smic !

Cette mesure laisse de côté la moitié des Français qui ne paie pas l'impôt sur le revenu.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Idiart - Il n'est plus question d'une croissance forte et solidaire.

Pour financer le BAPSA, vous puisez dans les caisses de la MSA. Merci pour le monde rural et pour les mutuelles bien gérées !

M. le Président - Je vous demande de respecter votre temps de parole.

M. Jean-Louis Idiart - Ainsi, vous rendez l'argent à vos électeurs, mais vous taxez le social. M. le ministre voudrait, paraît-il, « réenchanter la politique » : Merlin a beaucoup de travail. Le groupe socialiste ne votera pas ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Censi - Nous examinons la première déclinaison budgétaire du choix fait par les Français. Le suffrage universel a tranché en faveur de la rupture. Au plan philosophique d'abord, puisque nous passons d'une culture qui décourage de travailler à une politique tendant à rendre aux Français leur dignité par le travail. Mais il y a aussi rupture sur la méthode : au lieu de nier les réalités, nous partons des résultats de l'audit.

Le Gouvernement et sa majorité tiennent les engagements pris devant les Français.

Pour le précédent gouvernement, baisser les impôts n'était que restituer les plus-values de la croissance absorbées par l'Etat. Pour le gouvernement Raffarin, la baisse de l'impôt sur le revenu est un préalable à la croissance. Ce message est clair : le travail sera payant et valorisé. C'est pourquoi sont écartés de cette baisse les revenus soumis à un prélèvement libératoire ou à un taux d'imposition forfaitaire.

Les artisans, les infirmiers libéraux, les petits exploitants agricoles ont été complètement oubliés sous la précédente législature.

À ceux qui vous accusent d'enrichir les riches...

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai !

M. Yves Censi - ...je veux rappeler qu'un des effets pervers des 35 heures fut de geler les salaires et de provoquer la stagnation du pouvoir d'achat des salariés modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Notre politique de baisse de la pression fiscale est globale. Je souhaite qu'elle s'articule avec une baisse des charges.

M. Jean-Pierre Brard - Et de l'ISF !

M. Yves Censi - La baisse des charges renforcerait en effet l'attractivité de notre pays. Elle favoriserait l'investissement et créerait des emplois durables.

L'état réel de nos finances publiques a été révélé par l'audit. Le déficit s'est creusé de 14 milliards d'euros, soit un écart de 50 % par rapport à la loi de finances initiale. Les recettes ont été majorées de 5,3 milliards et les dépenses minorées de 5 milliards, sans parler des engagements non financés.

S'agissant du BAPSA, faut-il rappeler que son déficit en 2002 tient à ce que le précédent gouvernement n'a pas assumé ses responsabilités. Les reports s'élèvent à 200 millions d'euros. Le gouvernement Jospin a majoré les recettes, minoré les dépenses et réduit la contribution de l'Etat comme on ne l'avait jamais fait. Il a institué une retraite complémentaire obligatoire sans prévoir aucun financement. Nous n'avons pas un euro pour cette prestation qui doit être servie à partir de 2003.

Le Gouvernement doit donc prendre des mesures exceptionnelles pour rétablir la vérité des comptes et garantir l'avenir du BAPSA. Il doit consentir un effort de solidarité nationale, auquel va s'associer le monde agricole. C'est une mesure positive, à quelques nuances près. J'ai déposé un amendement pour que le dispositif s'applique à l'ensemble des caisses.

Le BAPSA disparaîtra au plus tard en 2006. Il est important d'entendre les responsables des mutuelles sociales agricoles, dont la gestion, décentralisée, est assurée par 76 000 délégués élus.

Respect du travail, respect de la réalité, respect des Français : je me réjouis que ce collectif soit placé sous le signe du respect, cette valeur fondamentale dont le Président de la République vient de réaffirmer l'importance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe C. et R.)

M. Jean-Louis Dumont - Ce projet, même s'il procure quelques satisfactions à la majorité, reste bien timoré. La réduction de l'impôt sur le revenu annoncée à son de troupe, qui coûtera 2,5 milliards d'euros, ne profitera qu'à quelques ménages. L'avantage sera d'autant plus grand que l'imposition est élevée. Démagogique, cette mesure est aussi antirépublicaine (Protestations sur les sur les bancs du groupe UMP). Au moment où nous recherchons tous les moyens de raviver l'esprit de responsabilité, vous vous en prenez à la contribution des personnes physiques à l'effort national. Acquitter l'impôt sur le revenu est un acte citoyen. À force de multiplier les abattements et les exceptions, on l'a vidé de sa signification pour n'en faire qu'une obligation.

Peu nombreux, pourtant, sont les actes civiques, d'autant que le Président de la République a supprimé le plus essentiel : le service national.

La baisse de l'impôt sur le revenu n'apportera à la majorité qu'un sentiment de basse satisfaction.

Vous diminuez aussi le prélèvement en faveur de l'Union européenne. Cette économie de 1,9 milliard serait due à des corrections consécutives à l'audit, d'après le ministre des finances. Elle tiendrait à des restitutions, selon le rapporteur. Mais songeons à tous les projets en cours, qu'il s'agisse du soutien aux PME ou au tourisme. Alors que certains ministères s'efforcent de réduire leurs aides, les actions européennes vont, elles aussi, régresser.

S'agissant des crédits d'équipement des collectivités locales, je veux signaler une dette d'honneur de l'Etat qui court depuis plus de cinquante ans : le remplacement des ponts détruits par fait de guerre. Mes collègues auraient été étonnés que je n'en parle pas. Un engagement a été pris par le précédent gouvernement. Dans la Meuse, la construction d'un pont est lancée, mais il en faudra d'autres. Monsieur le ministre, vous penserez peut-être que la reconstruction de ces ponts aurait dû être financée par l'ennemi vaincu. Mais c'est l'armée française qui les a détruits ! Je souhaite donc que les crédits supplémentaires profitent en priorité aux communes rurales qui attendent depuis plus de cinquante ans la reconstruction de leur pont.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont - Le président Méhaignerie s'est interrogé sur les crédits du logement. Où en est la mise en place de la société de garantie pour l'accession sociale à la propriété ? Je n'ai rien vu à ce sujet dans le collectif. Depuis dix-huit mois, nous cherchons quelques millions pour constituer son capital. Je vous propose de reporter d'une année supplémentaire l'application de cette mesure, que j'ai toujours combattue et que je continuerai à combattre même si l'amendement ne vient pas en discussion pour des raisons réglementaires. Nous y reviendrons en septembre.

J'en arrive à ma conclusion.

M. le Président - Je vous en prie, vous avez dépassé votre temps de parole, et nous devons achever ce débat pour 20 heures 30.

M. Jean-Louis Dumont - Je conclus en trois points (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le versement de l'impôt sur le revenu devrait être considéré comme un acte citoyen, responsable et solidaire.

Je souhaite que l'Europe soit dotée des moyens financiers nécessaires en matière de solidarité, d'emploi et de développement de la coopération.

Enfin, le Gouvernement devra répondre aux besoins des collectivités locales, et tout particulièrement honorer les dettes contractées par la défense nationale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Descamps - Permettez-moi tout d'abord, Messieurs les ministres, de vous féliciter pour votre célérité : un mois tout juste après les élections, vous nous présentez un collectif budgétaire clair, concis et responsable, qui associe des mesures de redressement de nos comptes, dans le cadre d'une nécessaire opération vérité, et une mesure d'allégement fiscal, promise aux forces vives de la nation qui doivent retrouver confiance dans leurs responsables politiques. Il est vrai que l'audit réalisé dans les mêmes conditions qu'en 1997 a largement facilité votre travail.

Il est habituel, quand la droite revient au pouvoir, qu'elle apure les déficits : la gauche fait rêver les Français à crédit, mais ils finissent toujours par s'en rendre compte et par nous confier le soin de remettre le pays en état... Il était temps que nous revenions, sinon nos partenaires européens auraient probablement exigé des mesures bien plus radicales.

S'agissant de la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu, je vous remercie d'avoir tenu vos promesses. Vous avez trouvé une méthode de calcul simple, qui traduit la volonté d'encourager le travail par une diminution de la pression fiscale.

Ce matin, M. Migaud affirmait que, grâce aux socialistes, l'économie française n'allait pas trop mal. La vérité est que ce sont les entrepreneurs qui créent la richesse, et que pendant cinq ans les socialistes les ont freinés. A nous maintenant de les aider à créer la croissance !

Vous avez pris l'engagement de ne pas accroître pour autant le déficit : dorénavant, toute réduction d'impôt devra s'accompagner d'une réduction de la dépense publique car il est temps, dans notre pays sur-administré, de commencer à faire maigrir l'Etat.

Le geste de solidarité fait pour combler le déficit du BAPSA, pour nécessaire qu'il soit, ne résoudra pas le problème de fond des prestations agricoles. Une réflexion s'impose sur ce sujet.

Je voterai ce collectif, en espérant avec M. le président de la commission des finances que vous accepterez de prendre en compte certains amendements dans l'élaboration de la loi de finances pour 2003. Je pense en particulier à la réduction des crédits du conseil de la politique monétaire. Il faudrait se reposer chaque année la question de l'utilité d'une dépense...

Par ailleurs, je souhaite que les procédures d'action et de contrôle de nos administrations soient simplifiées. L'administration n'est pas là pour faire le bonheur des gens contre eux, envahir les entreprises et les collectivités de paperasses et les assaillir de contrôles tatillons, dont on se demande s'ils ne sont pas décidés pour justifier l'existence des services qui les effectuent.

M. Jean-Pierre Brard - Vous parlez de la Cour des comptes ?

M. Jean-Jacques Descamps - Enfin, je souhaite une réduction forte des dépenses publiques, mais au sommet des administrations centrales, et non sur le terrain, où le maintien de services publics, certes rationalisés, est indispensable.

Nous ne pouvons plus nous laisser impressionner par les réflexes d'autodéfense de l'administration - dont certains membres, quand ils font le saut dans la vie politique, ne changent pas de culture. Cette attitude défensive nuit à tous ces fonctionnaires utiles et compétents qui souhaitent qu'enfin, nous engagions les réformes qui s'imposent.

Messieurs les ministres, connaissant vos origines professionnelles et votre détermination, je suis sûr que vous surmonterez les obstacles pour réformer l'administration et pour aider l'économie française à retrouver le chemin de l'espoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Messieurs les ministres, vous appuyez ce collectif budgétaire sur le rapport d'audit de MM. Nasse et Bonnet qui, à partir d'un constat indicatif, fait état d'une aggravation du déficit prévisible pour 2002. Mais pourquoi retenez-vous le haut de leur fourchette de prévision ?

Le dérapage est bien réel, mais sans doute plus limité qu'en 1997, où il avait résulté de la politique économique de MM. Balladur et Juppé, qui avaient allégé les impôts sur les plus hauts revenus et accru les charges pesant sur la masse des consommateurs. La situation actuelle résulte du retournement de la conjoncture mondiale, aggravé par les attentats terroristes du 11 septembre.

Vous nous avez dit que le dérapage était dû pour les deux tiers au surcroît de dépenses par rapport à la loi de finances initiale, mais vous venez de publier un décret d'annulation de 2,2 milliards inscrits à la section « Charges communes ».

Le président de la commission des finances a indiqué qu'il serait vigilant quant à la nature des économies réalisées, citant en particulier les crédits du logement. Les commissaires socialistes, pour leur part, seront attentifs à tout ce qui concerne la solidarité et le bon fonctionnement des services publics.

Il vous sera aisé de présenter l'allégement de l'impôt sur le revenu comme relevant de votre seule décision, alors que la baisse uniforme de 5 % s'ajoutera à la baisse décidée par vos prédécesseurs dans le cadre d'une politique de justice fiscale, qui faisait bénéficier de divers allégements fiscaux les contribuables les plus modestes. Non seulement la diminution de 5 % de l'impôt sur le revenu est injuste socialement, mais elle est inopportune économiquement.

Si notre économie souffre d'une insuffisance de la demande, il faut alimenter la consommation ! Quel meilleur moyen qu'une majoration de la prime pour l'emploi ou de l'allocation de rentrée scolaire, par exemple ? Mais vous préférez refuser le coup de pouce au smic, relever les tarifs d'EDF, abandonner le mécanisme stabilisateur du prix de l'essence !

Si notre économie souffre d'une insuffisance de l'offre, alors il faut favoriser l'investissement, comme paraissait le penser le Président de la République décrivant le 14 juillet des entreprises accablées par les impôts et les charges. Dans ce cas, mieux vaudrait consacrer à des allégements de charges les 2,55 milliards que vous accordez aux catégories les plus favorisées.

Le groupe socialiste s'opposera à votre collectif aussi injuste qu'inopportun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.)

M. Hervé Novelli - Le 16 octobre dernier M. Migaud, rapporteur général du budget, pour justifier les hypothèses économiques sous-tendant les prévisions budgétaires, affirmait, prétendant citer le général de Gaulle : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ». Laurent Fabius, alors ministre des finances, expliquait que les 2,5 % de croissance prévus reposaient sur « une approche volontaire ». Ces hypothèses, jugées irréalistes par l'opposition de l'époque, suscitaient le scepticisme de la plupart des économistes, comme le soulignait Le Monde du 9 octobre 2001. Seule l'invocation du volontarisme pouvait justifier, de la part du gouvernement Jospin, tant d'irréalisme.

Certes l'erreur est toujours possible, et Didier Migaud y sacrifiait doublement en prêtant à de Gaulle ce qui appartient à Guillaume d'Orange. Mais l'erreur, en l'occurrence, était de taille, puisque les 2,5 % de l'automne dernier sont tombés aujourd'hui à 1,4 %. Un point c'est tout, mais c'est beaucoup. Un tel écart justifie à lui seul l'audit commandé par le Gouvernement, et dont les conclusions sous-tendent largement le projet de collectif. Il en ressort une aggravation prévisible du déficit pour 2002 à hauteur de 2,3 % à 2,6 % du PIB, soit un point de plus que prévu. Cette perspective n'a rien pour surprendre et le même quotidien du soir l'affichait en titre dès février dernier, indiquant que le Gouvernement laissait filer les comptes de l'Etat. Un tel écart de 50 % est-il tolérable ? En période électorale, dit-on parfois, il est traditionnel de surévaluer les recettes et de sous-estimer les dépenses. Ne nous y résignons pas !

Dans le secteur privé, l'insincérité des comptes entraîne pour les dirigeants d'entreprises des conséquences judiciaires et pénales parfois lourdes.

M. Jean-Pierre Brard - Porterez-vous des oranges à Messier en prison ?

M. Hervé Novelli - De même que doit s'appliquer une éthique entrepreneuriale, j'appelle à une éthique du comportement les responsables du pays. La loi organique du 1er août 2001 dispose, dans son article 27, que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des revenus et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Face à ce principe quasi constitutionnel de sincérité, la présentation de faux bilan, pénalement punissable en droit des sociétés, ne pourrait-elle pas être transposée aux responsables des comptes de l'Etat ?

Messieurs les ministres, vous nous présentez un collectif de vérité et de sincérité, un collectif éthique.

M. Marc Laffineur - Cela nous change !

M. Hervé Novelli - Cela n'est pas surprenant de votre part, Monsieur le ministre de l'économie, pour qui connaît et apprécie comme moi votre passé d'entrepreneur. Comme vous avez redressé la sidérurgie française pour en faire la première du monde,...

M. Jean-Pierre Brard - A quel prix ?

M. Hervé Novelli - ...je souhaite que vous redressiez de même les comptes de l'Etat.

Ce collectif de vérité, qui solde la piteuse gestion socialiste, finance ainsi près de 5 milliards de dépenses inscrites dans la loi de finances initiale mais non couvertes, dont la moitié dans le secteur social, comme si une malédiction pesait sur nos collègues dont les prétendues bonnes intentions se terminent mal : 900 millions sont ainsi nécessaires pour les minima sociaux, 200 millions pour la CMU, 445 millions pour l'aide médicale de l'Etat. S'y ajoutent 750 millions à destination du BAPSA, pour pouvoir continuer de payer la modeste retraite de nos agriculteurs.

Ce collectif de vérité est aussi un collectif d'espoir, puisqu'il met en _uvre la baisse de 5 %, en 2002, de l'impôt sur le revenu. Le Président de la République l'a dit le 14 juillet, cette baisse, qui durera tout le temps de la législature, « n'est pas un choix politique ; c'est un choix de survie ».

Le temps est venu de mieux récompenser le travail, le mérite et l'effort, de compléter aussi la baisse de la fiscalité par une réduction de la dépense publique.

Vérité des comptes, espoir pour le monde du travail, tel est bien l'essentiel de ce collectif. Messieurs les ministres, j'ai confiance en vous !

M. Jean-Pierre Brard - Quel acte de foi !

M. Hervé Novelli - J'ai confiance en votre détermination, sous l'autorité bienveillante du Premier ministre, à résister à tous ceux qui vous diront qu'il n'est pas possible de baisser les impôts ou de réduire la dépense publique.

Si, on le peut, si l'on s'appuie sur tous ceux qui travaillent, qui créent, qui innovent. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Grosdidier - Jamais loi de finances rectificative n'a aussi bien porté son nom. Etudiant en finances publiques, je pensais que « loi de finances modificative » aurait été plus approprié. Or cette année, il s'agit non pas de modifier, mais bien de rectifier le budget de l'Etat, comme un professeur rectifie les erreurs de l'élève (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Les élèves Jospin et Fabius étaient-ils mauvais ? En tout cas leurs résultats le sont. Il n'y a pas eu seulement erreur d'appréciation mais mensonge délibéré pour tromper les Français avant les deux élections nationales. Le mensonge a été réitéré quand M. Fabius, ironisant sur les « Cassandre de l'opposition », surestimait sciemment la croissance, donc les recettes de l'Etat, de même qu'il sous-estimait les dépenses ; en sorte que le déficit dépasse de 15 milliards les prévisions, soit un écart de 50 % et un record absolu d'insincérité !

Les socialistes tentent de se justifier par l'affaissement de la croissance. Mais les deux tiers du dérapage proviennent de la sous-estimation des dépenses. Il n'existe aucun rapport entre la conjoncture et les 700 millions manquant pour financer le RMI. Les socialistes, dit-on parfois, ont le c_ur à gauche et le portefeuille à droite. Ces temps-ci, ils ont eu le c_ur humide et le portefeuille sec, car il manque au total 2,5 milliards pour le secteur social.

M. Hervé Novelli - C'est vrai !

M. François Grosdidier - Voilà bien du cynisme et de la mauvaise foi. Comment expliquer par les variations de la conjoncture internationale le non-financement des loyers versés par l'Etat aux collectivités locales pour la gendarmerie, ou du transport des militaires à la SNCF ? En présentant ce budget insincère en automne, les socialistes se sont révélés menteurs et dissimulateurs. Démarqués, ils se montrent désinvoltes. Je les entends encore, en commission des finances, ricaner de leur forfait, comme si de si graves insuffisances pour financer les minima sociaux relevaient du jeu politique normal ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Pour François Hollande, ce déficit n'est qu' « écume médiatique ». Il révèle pourtant les carences de la gestion socialiste, la délapidation des fruits de la croissance et la création démagogique de nouvelles dépenses.

« Le mensonge est la seule et facile ressource de la faiblesse » écrivait Stendhal.

M. Jean-Pierre Brard - On ne l'aurait pas trouvé tout seuls !

M. François Grosdidier - Il nous faut du courage pour rectifier ce budget tronqué et truqué.

Je regrette que la situation ne nous permette pas d'engager des actions nouvelles : nous paierons simplement les factures de nos prédécesseurs. Mais je me félicite que dans ce contexte, nous réussissions le tour de force de diminuer l'impôt sur le revenu. Il faut beaucoup de mauvaise foi aux socialistes pour saisir cette occasion de minimiser le résultant accablant de l'audit (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - C'est Petitdidier !

M. François Grosdidier - Nous savons ce que cette baisse exigera de rigueur et de courage. La gauche proteste parce qu'elle bénéficiera à ceux qui le payent, comme elle nous reprochait hier de lutter contre la délinquance en nous attaquant aux délinquants ! Nos concitoyens comprennent, eux, qu'on ne peut rétablir la sécurité qu'en s'attaquant aux voyous et baisser la fiscalité qu'en diminuant les impôts. Nous partageons ce bon sens populaire que vous refusez.

Je souhaite enfin que de tels trucages budgétaires deviennent impossibles, quelle que soit la majorité.

Surestimer les recettes de façon irréaliste, sous-estimer des dépenses connues, occulter même des dépenses obligatoires, engage la responsabilité de tout chef d'entreprise. De telles man_uvres, de la part d'un maire, provoquent la saisine de la chambre régionale des comptes, voire l'exécution d'office du budget municipal par le préfet !

Les Français aspirent à l'Etat de droit et à la transparence. L'Etat ne peut plus échapper à cette exigence de vérité et de sincérité dont il demeure le garant.

Il nous faut donc inventer des mécanismes nouveaux pour garantir la sincérité budgétaire et compléter notre nouvelle « constitution » financière. Parce que le mensonge budgétaire de l'Etat n'avait jamais atteint une telle ampleur, il doit être le dernier de notre histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Lignières-Cassou - Votre collectif se veut marqué du sceau de la sincérité et de la transparence, mais il en va autrement dans les faits. Je sollicite donc des éclaircissements sur plusieurs points. Vous avez insisté sur la simplicité de la mesure de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, présentée comme un rabais sur facture dont bénéficierait l'ensemble des contribuables. Seuls 16 millions de foyers fiscaux acquittent cependant cet impôt. Selon nos estimations, le gain serait inférieur à 4 € pour plus de la moitié et à 40 € pour le tiers d'entre eux. En revanche, les 20 % les plus aisés verraient leur impôt diminuer d'au moins 150 €, et les 1 % les plus aisés, d'au moins 1 500 €.

Certains bénéficiaires de la prime pour l'emploi seraient, dites-vous, concernés. Combien seront-ils et quelle réduction moyenne se verront-ils consentir ? Vous devez la vérité aux Français. Vous affirmez par ailleurs que le collectif traduit fidèlement le constat de l'audit. Alors pourquoi retient-il le chiffre de 850 millions d'euros au lieu de 740 millions pour les engagements non financés en matière de RMI et d'allocation adulte handicapé ? Pourquoi ouvre-t-il 68 millions de crédits pour payer les loyers de la gendarmerie nationale, alors que l'audit évalue le retard à 30 millions ? Ces écarts ne seraient-ils pas destinés à charger la barque ? Monsieur le ministre du budget, vous avez pris une grande part, avec Didier Migaud et le précédent gouvernement, à la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. Selon le dossier de présentation, le collectif n'intègre pas les mesures conservatoires envisagées par le Gouvernement pour enrayer l'accroissement du déficit. Mais n'avions-nous pas justement insisté sur la nécessité d'informer complètement le Parlement ? Chercheriez-vous à assombrir la réalité ? Le précédent rapporteur général évaluait à 2,7 milliards d'euros le montant des économies et redéploiements de crédits de paiement, soit un chiffre proche des années précédentes.

L'audit dont vous faites grand cas évalue le dérapage des dépenses entre 10,3 et 10,8 milliards, et les économies réalisables à 3,8 milliards environ. Comment le traduisez-vous dans le collectif ? Il semble qu'il ne tienne pas compte de ces possibles économies.

L'article 10 me conduit à soulever la question du produit des cessions décidées dans le collectif 2001.

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Martine Lignières-Cassou - On nous propose aujourd'hui un transfert à titre gratuit aux collectivités locales, alors que l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 organisait un transfert à titre onéreux - pour environ 2 milliards d'euros - vers les opérateurs. À trois mois de la fin de l'opération, nous devrions disposer, ce qui n'est pas le cas, d'estimations affinées.

J'en viens à un sujet qui, en tant qu'ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes, me tient particulièrement à c_ur. Les dernières élections législatives ont montré que les partis politiques, notamment l'UMP, préféraient encourir des sanctions financières plutôt que de respecter la loi sur la parité. Je propose donc de créer un fonds pour la promotion des droits des femmes, alimenté par les sommes correspondant au manque à gagner pour les partis politiques qui ne respectent pas la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Hériaud - Ce collectif poursuit deux objectifs : rétablir la sincérité des comptes de l'Etat et diminuer les impôts.

Lors de l'élaboration de la loi de finances initiale, nous n'avons cessé de dénoncer les incohérences qui interdisaient d'espérer atteindre les objectifs annoncés.

À l'automne dernier, il était clair que la croissance ne serait pas au rendez-vous et qu'il ne fallait pas inscrire au budget des ressources qui ne viendraient pas.

Mais surtout, l'augmentation des dépenses a été quatre fois supérieure à la prévision initiale.

Elles ont progressé de 5 à 6 points sur année mobile pour le fonctionnement, tendance lourde qui ne peut être infléchie dans le temps, même si la présentation budgétaire générale utilise les investissements comme variables d'ajustement. C'est cette situation déséquilibrée qu'a confirmé sans surprise l'audit remis au Premier ministre, qui constate un déficit de 2,6 % du PIB au lieu des 1,4 % prévus pour l'ensemble des collectivités publiques. Cet écart s'explique pour un tiers par des recettes en moins et pour deux tiers par des dépenses supplémentaires. Le dérapage résulte donc moins du retournement de la conjoncture que de l'aggravation de dépenses publiques non maîtrisées.

Le présent collectif s'inscrit donc dans un contexte difficile, d'autant plus qu'il faut régler des impayés antérieurs à 2002. Compte tenu de la baisse des impôts décidée conformément à l'engagement pris, le déficit excède de 15,56 milliards d'euros la prévision initiale, ce qui correspond à un retour à la situation de fin 1997, soit un déficit de 3 % du PIB pour l'Etat. Voilà le résultat d'une législature pour rien !

J'insiste sur la situation délicate du BAPSA, dont le déficit de 746 milliards d'euros est comblé pour 40 % par le budget général et pour 60 % par des contributions en provenance d'Unigrains, du fonds des calamités et des réserves des caisses de mutualité sociale agricole, ce qui pénalise les caisses les mieux gérées. Mais il faut impérativement financer les dépenses de retraites et d'assurance maladie des assurés sociaux agricoles. Le Gouvernement a trouvé une situation déséquilibrée qu'il convient de redresser, au prix d'ajustements indispensables.

Mais de telles mesures ne sauraient être pérennisées. La situation exige un plan à moyen terme portant sur la baisse des prélèvements obligatoires, dont chaque point représente 7 milliards d'euros.

Cette indispensable décroissance conduit à la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, et doit porter sur les titres III et IV du budget, si l'on veut programmer une politique d'investissements civils et militaires en réduisant très sensiblement le déficit budgétaire.

La solution de cette équation semble impossible sans un minimum de croissance. Chaque point de croissance apporte une marge de man_uvre de 7 milliards d'euros, qu'il convient d'utiliser correctement, entre la baisse des prélèvements obligatoires, la maîtrise des dépenses publiques et la réduction du déficit budgétaire.

Vous partez avec un handicap représentant l'équivalent de deux points de croissance économique, gâchés par la précédente gestion. Votre tâche est difficile, mais vous avez notre total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Un ministre des finances doit trouver un moyen terme entre avarice et prodigalité ; certes, s'il n'est pas obligé de copier Harpagon ou le Père Grandet, il est encore moins obligé d'imiter Gatsby-le-Magnifique.

Votre politique budgétaire relève d'une attitude assez inhabituelle pour Bercy. Vous augmentez les dépenses et réduisez les recettes, comme si vous vouliez une chose et son contraire. Vous voulez baisser les déficits, alors que les dépenses augmentent pour les ministères que vous appelez « régaliens » - intérieur, justice, défense. Le coût en pèsera longtemps sur nos finances - je ne prétends d'ailleurs pas que ces dépenses soient toutes inopportunes. Pour la sécurité intérieure, vous prévoyez une dépense de 5,6 milliards d'euros en cinq ans ; pour la justice, 3,6 milliards ; pour la défense, 908 millions d'euros dès cette année. Le ministre de la défense, anticipant sur la prochaine loi de programmation militaire, annonce de surcroît la construction d'un second porte-avions à propulsion nucléaire.

M. Jean-Pierre Brard - Sans hélice !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Pour faire face à cette forte augmentation des dépenses publiques, vous espérez des rentrées fiscales accrues, en misant sur une croissance de 3 % en 2003.

Cet optimisme excessif tend à vous faire prendre vos désirs pour la réalité. Il contraste avec l'analyse de nombreux conjoncturistes qui prévoient une croissance plus modérée. Avec vous, le wishful thinking devient une nouvelle variable de la stratégie budgétaire ! Allez-vous donc laisser se creuser les déficits publics en 2003 alors que vous les chiffrez, pour 2002, à 45 milliards d'euros ? Sans renier les engagements européens sur le retour à l'équilibre en 2004, vous ne le pourrez pas.

Allez-vous décider une baisse nette du nombre de fonctionnaires en 2003 ? Vous avez adopté le projet de loi sur la sécurité intérieure qui prévoit la création de 13 500 emplois ; hier, le conseil des ministres adoptait la programmation relative à la justice qui prévoit la création de 10 000 emplois.

Allez-vous, en contrepartie, condamner à l'austérité les ministères non régaliens, éducation, recherche ? Allez-vous réduire le nombre d'infirmières et d'enseignants ? Allez-vous abandonner certaines obligations de service public ?

Vous choisissez de diminuer les recettes fiscales alors qu'elles décroissent d'elles-mêmes de 5,3 milliards d'euros du fait du ralentissement de la croissance. Vous baissez de 5 % l'impôt sur le revenu en 2002, ce qui coûtera 2,5 milliards d'euros. Cette baisse uniforme rapportera beaucoup aux hauts revenus, très peu aux autres, et rien du tout aux 50 % des Français non assujettis. De plus, la pérennité de la prime pour l'emploi créée en 2000 est très incertaine, puisque M. Raffarin a déclaré qu'on verrait dans l'avenir ce qu'il faudrait en faire.

Bref, vos mesures fiscales négligent la France d'en bas et profitent à la France d'en haut, comme si vous vouliez mener une politique de classe.

M. Jean-Pierre Brard - Et c'est un radical qui vous le dit !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Au reste la baisse annoncée pour l'IR en 2002 est inférieure à celle que M. Juppé avait inscrite au budget de 1997.

Pendant la campagne présidentielle, Jacques Chirac a promis une baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu sur cinq ans ; mais vous doutez déjà que la promesse puisse être tenue. Le ministre des finances refuse de s'engager sur une baisse supplémentaire des impôts en 2003 et déclare : « L'engagement d'aller plus loin n'a pas été quantifié et planifié au-delà de la première étape ». M. Raffarin a lui-même considéré que la baisse des impôts dépendrait de la vigueur de la croissance. Cette condition n'avait pas été annoncée pendant la campagne électorale. Les brochures de campagne ressembleraient-elles donc à des mouchoirs kleenex, jetables lorsque l'élection est passée ?

Vous voilà donc confronté à un dilemme : renier les engagements pris à l'égard de l'Europe de revenir à l'équilibre des finances publiques en 2004 - engagement confirmé au Conseil de Séville ; ou ne pas respecter les promesses électorales. La première hypothèse porterait atteinte à notre crédibilité au sein de l'Union européenne - une procédure d'alerte pourrait même être déclenchée. La seconde serait négative pour la démocratie, qui ne peut supporter longtemps la discordance entre les paroles et les actes. Pierre Mendès France disait que la démocratie est un « code moral » : parler-vrai en campagne électorale, tenir parole une fois élu. Nous souhaitons le respect de ces deux règles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Fourgous - Il existe trois sortes de mensonges : le mensonge utilitaire, qui permet de sortir d'une situation difficile ; le mensonge pervers où l'on prend plaisir à duper l'autre ; enfin, le mensonge politique ou commercial, où l'on sait dès la signature que l'on ne respectera pas le contrat.

M. Jean-Pierre Brard - C'est digne de la curie romaine.

M. Jean-Michel Fourgous - Le socialisme est une bonne synthèse de ces trois cultures du mensonge.

Le choc culturel entre la gauche et la droite, dans cet hémicycle, est patent. M. Juppé s'était trompé lui aussi en matière de déficit budgétaire, de 15 milliards de francs. Mais il s'était trompé dans l'autre sens ! Il avait surestimé le déficit de 15 milliards ! Ce qui prouve qu'il n'est pas socialiste.

M. Jean-Pierre Brard - C'est la preuve surtout qu'il ne sait pas compter ! (Rires)

M. Jean-Michel Fourgous - C'était un excès de prudence. Vous, vous avez sous-estimé le déficit de 100 milliards de francs !

Attention aux risques inhérents à cette culture de la tromperie : l'atteinte à la transparence des comptes publics touche à l'esprit même de la démocratie. Laisser cela impuni, ce serait encourager les stratèges socialistes de l'économie administrée ! L'impunité, s'agissant des comptes de la nation, n'est plus tolérable.

M. Gérard Bapt - Et les comptes de Paris ?

M. Jean-Michel Fourgous - Faux en écriture publique, dissimulation de passif, présentation de faux bilans, fausses déclarations. Excusez du peu ! Les Français ont le sentiment d'une iniquité de traitement. Depuis vingt ans, dans le secteur privé, nous avons connu plus d'un million de dépôts de bilan - et il faut voir comment les intéressés ont été traités ! Les citoyens ne sont pas traités de la même manière selon qu'ils appartiennent au secteur public ou privé.

Les finances publiques de onze pays sur quinze, en Europe, sont aujourd'hui excédentaires. La France est en queue de peloton.

Comment une majorité a-t-elle pu se constituer sur pareille imposture ? Martine Aubry a reconnu elle-même que les 35 heures sont une erreur économique mais un bonheur politique.

Nous souffrons d'un déficit de contrôle et appelons de nos v_ux une structure indépendante, où le contrôleur et le contrôlé ne seront pas issus de la même promotion d'une grande école (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Comment arrêter cette culture de la falsification des comptes publics ? Quelle garantie avons-nous qu'il n'y aura pas de surprises après ce premier audit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La discussion générale est close.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Je remercie tous les orateurs pour leur contribution à ce débat. Il a été vif, comme on en a l'habitude ici... et comme on en rêve parfois dans une autre assemblée que je connais bien. Vif, mais respectueux, c'est, me semble-t-il, la preuve que nous sommes parvenus à une démocratie apaisée et responsable.

M. Méhaignerie, tout comme M. de Courson, a insisté sur la nécessité d'abaisser les charges salariales. Il a aussi rappelé l'importance, pour chaque acteur public, de réaliser des économies. Nous avons à prendre nos responsabilités sur ce point et nous ne nous déroberons pas. Réduire la dépense publique est en effet notre premier devoir, à l'égard des générations futures.

M. Didier Migaud - Vous commencez mal !

M. le Ministre délégué - Nous sommes aujourd'hui contraints d'emprunter pour payer les intérêts de notre dette. Ceux qui nous ont conduits à cette situation ont pour le moins fait preuve d'irresponsabilité et je m'étonne que certains caricaturent nos décisions en ce domaine. Réduire les dépenses nous permettra aussi de reconquérir les marges de man_uvre indispensables à la conduite de nos politiques. Quant à la baisse des impôts, elle est nécessaire pour retenir dans notre pays ceux de nos compatriotes qui sont les plus à même de le faire gagner. Allégement des charges ou diminution de l'impôt sur le revenu ? Un débat s'est ouvert. Il n'y a pas de dogme en la matière, les deux sont complémentaires pour soutenir la croissance et l'emploi. Quoi qu'il en soit, Monsieur le président de la commission des finances et Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement est à votre écoute et saura traduire vos souhaits dans les faits. Une exonération de charges est d'ores et déjà prévue pour les jeunes peu qualifiés mais je sais que vous aimeriez que l'on aille plus loin. J'appelle toutefois votre attention sur le risque qu'il y aurait à laisser penser que qui que ce soit puisse être exonéré de cotisations de retraite.

M. Jean-Pierre Brard - C'est bien la première chose raisonnable que j'entends aujourd'hui.

M. le Ministre délégué - Monsieur le rapporteur général, je veux rendre hommage à la qualité de votre rapport. Je connais la difficulté de la tâche, encore plus lourde à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, les délais impartis étant plus brefs. Vous avez raison de souligner combien les résultats de l'audit de MM. Nasse et Bonnet étaient prévisibles. En tout cas, force est de constater que vos prévisions, lorsque vous étiez dans l'opposition, étaient plus réalistes que celles du gouvernement de l'époque et de sa majorité. Vous avez également rappelé la nécessité de stopper l'hémorragie des talents. Chacun doit désormais se convaincre que nous respectons son travail et qu'il aura sa part des fruits de ce travail.

Monsieur Charasse, soyez rassuré, le Gouvernement a ouvert des crédits au titre VI pour l'entretien des matériels militaires. C'était indispensable, le gouvernement précédent s'en étant peu préoccupé.

Monsieur de Courson, pour ce qui concerne la baisse des charges, vous aurez entendu ma réponse à M. Méhaignerie. Pour le reste, oui, nous respecterons scrupuleusement la loi organique. Nous avons trop _uvré à la révolution silencieuse qu'a constitué sa réforme pour qu'il n'en soit pas ainsi. Nous communiquerons aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat l'ensemble des instructions données aux contrôleurs financiers. S'agissant du BAPSA, je me propose de vous répondre tout à l'heure lors de l'examen des amendements déposés à ce sujet.

M. Laffineur a insisté à son tour sur la nécessité de réduire les dépenses et d'opérer des redéploiements. En moins de deux mois, ce gouvernement a su répondre à la première préoccupation de nos concitoyens, la sécurité, et dégager les moyens supplémentaires nécessaires pour la police et la justice... après cinq ans d'inaction du gouvernement précédent. M. Laffineur a également posé sans tabou la question des emplois publics, ce que j'ai particulièrement apprécié. Il a enfin rappelé combien la suppression de la vignette n'avait pas été un modèle de mesure fiscale équitable. Nous reviendrons sur ce sujet si vous le souhaitez. Pour ce qui concerne la MSA, je me propose de lui répondre, comme à M. de Courson, tout à l'heure.

MM. Vaxès et Idiart ont fait part de leur désaccord sur la baisse de l'impôt sur le revenu. Je ne peux qu'en prendre acte. M. Idiart nous a reproché de noircir le tableau alors que nous nous sommes précisément efforcés d'éviter toute caricature. Les Français ont fait savoir lors des dernières élections ce qu'ils pensaient de la gestion du gouvernement précédent : il nous appartient maintenant de rétablir les comptes publics, dont j'ai coutume de dire que ce sont les leurs. Pour ce qui est du contrôle parlementaire, soyez assuré, Monsieur Idiart, que nous tenons cette voie pour la plus prometteuse.

Monsieur Censi, merci d'avoir souligné la double rupture voulue par ce Gouvernement avec la baisse des impôts et la réhabilitation du travail, trop souvent déconsidéré par le passé et qu'il convient d'élever de nouveau au rang de valeur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). S'agissant du BAPSA, vous avez dénoncé la sous-estimation des dépenses et la surévaluation des recettes. Des mesures d'urgence vont être prises, nous aurons l'occasion d'y revenir. Pour l'avenir, des mesures de plus grande ampleur, décidées en concertation avec l'ensemble des acteurs, seront nécessaires.

M. Dumont a estimé que la baisse des impôts était « antirépublicaine ». Je ne veux voir là qu'un excès de tribune.

M. Jean-Pierre Brard - Nullement. Reportez-vous à la déclaration des droits de l'homme de 1789.

M. le Ministre délégué - Il a aussi relevé la diminution de notre contribution au budget européen. C'est un simple constat dont il devrait se réjouir.

M. Descamps a souligné la nécessité d'arrêter de vivre à crédit, il a raison. La dette aura augmenté de plus de deux cents milliards d'euros ces cinq dernières années et nous allons devoir emprunter pour payer ses intérêts. Il n'est plus possible de continuer sur cette pente. Ceux qui nous y ont conduits devraient s'en sentir humiliés.

M. Bapt a mentionné les décrets d'annulation. En effet, le précédent gouvernement avait surestimé certains crédits.

M. Grosdidier nous a apporté son soutien pour la baisse de l'impôt sur le revenu mais a regretté, avec la verve qui le caractérise, que nous n'ayons pas, dès ce collectif, engagé des dépenses correspondant à nos priorités. Encore un peu de patience. Le projet de loi de finances pour 2003 traduira pleinement ces priorités. Enfin, il a exprimé le souhait d'une plus grande sincérité budgétaire. J'y veillerai dans le cadre de notre nouvelle « Constitution budgétaire ».

Mme Lignières-Cassou a critiqué la baisse de l'impôt sur le revenu. Je n'ai pas l'esprit assez raffiné pour savoir comment on peut réduire l'impôt de ceux qui n'en paient pas. Il faut être un intellectuel de très haut niveau pour réussir cet exercice (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

On peut certes veiller à ce que la fiscalité demeure équitable, mais dénoncer toute baisse d'impôt comme une injustice me paraît peu responsable. Du reste, si, en supprimant la vignette, vous avez eu l'impression de faire _uvre de justice, vous vous êtes trompés.

Mme Lignières-Cassou a constaté un décalage entre les résultats de l'audit et le collectif. Cet écart de 30 millions tient aux arriérés de loyer que l'Etat doit aux communes pour les gendarmeries.

Quant aux « économies de constatation », elles sont constatées chaque année, comme leur nom l'indique, et n'ont rien à voir avec le gel des dépenses que le Gouvernement va mettre en _uvre prochainement.

Je remercie Pierre Hériaud pour l'esprit de responsabilité avec lequel il a abordé la question du BAPSA et je l'assure que nous ferons en sorte de répartir au mieux les ressources. Je partage son souci de maîtriser les titres III et IV du budget et je le remercie pour son soutien énergique.

À M. Schwartzenberg, pour qui je ne cacherai pas mon estime, je répondrai qu'entre avance et prodigalité, il y a la sagesse. Il a cru voir une contradiction au sein du Gouvernement : ce doit être une réminiscence du passé, car il n'y en aucune ! (Sourires) Il nous a accusé de mener une « politique de classe ». Nous menons une politique pour le travail, une politique pour sortir de l'assistance, parce que nous croyons que le travail est une valeur et qu'il est nécessaire à la dignité de la personne humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je ne me laisserai pas enfermer dans un dilemme entre deux hypothèses insoutenables. Je ne choisis ni l'une ni l'autre, je préfère participer à la construction d'une société de confiance.

Jean-Michel Fourgous a dressé un bilan de la précédente législature qui mérite d'être médité. Il s'est demandé quel était le meilleur garde-fou contre le mensonge. Je pense que c'est la démocratie.

Sachons raison garder. Ce collectif n'est pas une nouvelle loi de finances mais la simple traduction de l'audit. Il faut encourager le travail et faire en sorte que chaque Français se sente partie prenante de l'avenir. Chacun doit être heureux de vivre et d'entreprendre en France, afin que réussisse et vive la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement je suis saisi par M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste et républicain d'une motion de renvoi en commission.

M. Jean-Pierre Brard - Cette discussion fait plutôt songer au Concile de Trente qu'à un débat parlementaire et votre ton patelin, Monsieur le secrétaire d'Etat, n'y est pas pour rien. Vous êtes digne de la pourpre cardinalice....

M. le Secrétaire d'Etat - Vous n'êtes qu'un chanoine... (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - Le renvoi en commission est plus nécessaire que jamais.

J'observe que M. Mer n'est pas présent. Ce matin déjà, il prenait son petit déjeuner avec le président de Merryl Lynch. À présent, sans doute le thé.

M. Fourgous a parlé d'un certain manque de transparence. Vous nous affirmez qu'il n'y a pas de contradiction au sein du Gouvernement et je comprends que M. Copé est ici présent pour que la cohérence règne. Il est sans doute là pour mettre fin à la cacophonie gouvernementale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Vous communiquez essentiellement sur les baisses d'impôt, en affirmant que les engagements du Président de la République seront tenus. Or ce n'est pas du tout ce qu'a dit Francis Mer. Dans Les Echos de vendredi, on lui demande s'il peut affirmer que l'impôt sur le revenu va baisser tous les ans. Avec la spontanéité qui le caractérise, le ministre des finances répond ceci : « Au risque de vous décevoir, non, je ne le peux pas. »

Or, pour évaluer ce projet, nous avons besoin d'une vision en perspective sur les cinq années qui viennent. Vous nous plongez dans le doute.

M. le ministre délégué vient de répondre aux orateurs. Il est intéressant d'analyser ses réponses en creux. M. Méhaignerie lui a posé une question précise : quel avenir pour le logement social ? On ne lui a pas répondu. Tout le monde se demande en effet comment vous financerez les baisses d'impôt. Vous commencez à nous donner la réponse, en ne répondant pas à M. Méhaignerie.

Vous êtes obnubilés par la baisse de la dépense publique. Nous, nous le sommes par la pertinence de l'utilisation des fonds publics.

Il faut augmenter les ressources c'est-à-dire les impôts de ceux qui peuvent payer. Vous parlez toujours de « charges », mais ce sont d'abord des ressources pour les comptes sociaux. Ce que vous ne voulez pas dire aux Français c'est qu'en baissant les charges vous allez compromettre l'avenir des comptes sociaux. Voilà ce que la gauche ne peut accepter.

Vous avez ironisé sur l'impossibilité de baisser l'impôt de ceux qui n'en paient pas. C'est un sophisme, car dans notre pays tout le monde paie l'impôt. Les plus modestes paient le plus injuste de tous, la TVA. Il serait possible de la baisser, pour augmenter le pouvoir d'achat de tous les Français.

Ce qui est en question dans ce débat, c'est la justice fiscale, élément clé de notre contrat social depuis que les auteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ont ainsi rédigé son article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». C'est précisément ce que vous refusez de faire. La justice fiscale est une des conditions majeures de la cohésion sociale. Renforcer la justice fiscale, c'est renforcer cette cohésion, aujourd'hui fragilisée. S'attaquer à la justice fiscale, c'est encourager les comportements protestataires, individualistes, égoïstes.

L'injustice fiscale, que vous allez accentuer avec ce projet, brouille les notions de légitimité et d'utilité sociale de l'impôt, qu'il faut au contraire défendre comme des principes républicains fondamentaux.

Aujourd'hui, l'impôt est de plus en plus souvent présenté comme confiscatoire, comme une spoliation. La propagande démagogique de la droite, comme le harcèlement des associations anti-impôt, dont l'une est dirigée par un escroc qui a le front de se présenter devant les électeurs, cette propagande est néfaste.

L'impôt permet à l'Etat non seulement d'assurer ses fonctions régaliennes mais aussi de garantir la solidarité nationale et d'agir dans le sens de l'intérêt général.

L'objectif de réduire de 30 % en cinq ans l'impôt sur le revenu va constituer un véritable poison pour notre démocratie, car la perte massive de recettes qui en résultera devra être compensée. Nous n'avons pas oublié la hausse de deux points de la TVA sous le gouvernement de M. Juppé. Ou bien les impôts indirects vont combler le manque à gagner, ou bien les services publics verront leurs moyens diminuer ; en même temps, des transferts de charges sur les collectivités territoriales seront opportunément dissimulés dans un grand projet de relance de la décentralisation...

Il faut rappeler le caractère profondément injuste des impôts indirects comme la TVA, qui frappe de la même manière le smicard et l'assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune. L'abandon de la TIPP flottante concernera une immense majorité des contribuables : la « France d'en bas » saura apprécier la répartition des cadeaux fiscaux, dont certains sont empoisonnés !

Baisser de 30 % l'impôt sur le revenu, c'est donc choisir sans le dire de transférer la charge de l'impôt de ceux qui peuvent payer grâce à des revenus confortables vers la grande masse de ceux qui ont des fins de mois difficiles, surtout les trente derniers jours comme le disait si bien Coluche !

C'est aussi choisir de réduire les dépenses publiques. Il apparaît, à l'écoute de vos déclarations, Monsieur le ministre, que cette réduction se fera prioritairement par une baisse nette du nombre des fonctionnaires. Mais, chers collègues de droite, cher Monsieur de Courson, il faut préciser dans quelles administrations, dans quels services seront effectuées les coupes.

M. Charles de Courson - Je l'ai dit !

M. Jean-Pierre Brard - Dans les écoles de votre circonscription ? À l'hôpital ? Dans les prisons ? Dans les commissariats, les gendarmeries ? Dans les services sociaux ? Ayez le courage d'annoncer la couleur, au lieu de prendre les Français pour des imbéciles !

M. Charles de Courson - Nous voulons améliorer la productivité et l'efficacité des services.

M. Jean-Pierre Brard - La productivité ! Celle d'une infirmière qui assure la permanence de nuit dans un hôpital ? Voudriez-vous mettre en danger les patients ?

Comment voulez-vous faire pour augmenter la productivité d'un gardien de prison ? Pour augmenter la productivité d'un professeur de langues ?

M. Jacques Myard - Ça, c'est possible !

M. Jean-Pierre Brard - Votre discours est démagogique, il est trop facile de répéter « yaka » ou « faukon ». En matière de fiscalité, revenons-en à quelques principes essentiels. L'impôt sur le revenu est juste parce qu'il est progressif, bien que cette progressivité ait été rabotée au fil du temps. La droite tente d'occulter cet aspect fondamental en vantant les mérites de l'imposition proportionnelle, qui serait la plus équitable. En réduisant uniformément de 5 % l'impôt sur le revenu, Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que vous réduisez sa progressivité ! Il suffit pour cela d'avoir fréquenté l'école communale de Tinchebray - ou celle de Flers ! (Sourires)

Selon les orientations de M. Juppé, le taux supérieur de l'impôt sur le revenu, ramené de 58,6 % à 54 % pour 1996, devait passer à 52 % en 1997, 50 % en 1998, 48,5 % en 1999 et 47 % en 2000... Nous, au contraire, nous défendons la progressivité, qui permet de ponctionner davantage les revenus les plus élevés.

M. Charles de Courson - Ponctionner !

M. Jean-Pierre Brard - Eh oui, Monsieur de Courson ! Votre protestation me conforte dans l'idée que j'ai raison ! Oui, nous voulons nous en prendre aux privilégiés, dont vous êtes l'un des défenseurs les plus remarquables.

M. Charles de Courson - Ce qui n'est pas votre cas ?

M. Jean-Pierre Brard - Eh non !

M. François Goulard - Nous avons pourtant le même salaire !

M. Jean-Pierre Brard - Pour moi, ce sont deux titres de gloire d'être fils d'ouvrier et instituteur de la République.

M. Charles de Courson - On ne choisit pas son berceau !

M. Jean-Pierre Brard - Mais on peut faire acte de contrition !

Ne nous y trompons pas : les Français n'adhèrent pas par principe à la baisse des impôts ; en revanche, ils ont des exigences claires quant à l'utilisation des impôts. Je vois que M. de Courson déserte l'hémicycle parce qu'il sait que j'ai raison... Les Français ont aussi des exigences quant à la qualité des services publics.

Le Gouvernement précédent s'est essayé, avouons-le, à des exercices contre nature en voulant baisser l'impôt sur le revenu au nom de la compétitivité. La composition de notre assemblée permet de douter qu'il ait convaincu le contribuable !

Le taux supérieur du barème est agité comme un épouvantail par les détracteurs de l'impôt progressif, mais c'est le taux moyen d'imposition qui est significatif ! Sa mention sur les avis d'imposition a été une réforme très utile.

Pour illustrer quelques caractéristiques de notre système fiscal, je voudrais citer des extraits de rapports officiels.

Par exemple, le rapport La Martinière de 1996 : « Le produit de l'impôt sur le revenu n'a représenté en 1995 que 8,7 % de l'ensemble de nos prélèvements obligatoires. Aucune partie de notre système fiscal, pourtant, ne suscite autant de passion et ne fait l'objet d'observations aussi contradictoires... En dehors de son rendement, plus faible dans notre pays que chez ses principaux partenaires, cet impôt présente trois défauts majeurs : une assiette trop étroite, une progressivité excessive aux deux extrémités du barème - et plus encore pour les faibles revenus -, une réglementation trop complexe. Il faut cependant faire un sort à l'affirmation selon laquelle seule une moitié des Français paie un impôt progressif. La CSG et la CRDS, prélèvements proportionnels assis sur l'ensemble des revenus, sont acquittés par la très grande majorité de nos concitoyens ».

M. le Ministre délégué - Il y a de bons aristocrates !

M. Jean-Pierre Brard - Quant au rapport du conseil des impôts de l'année 2000, il note que « la progressivité réelle de l'imposition des revenus en France est difficile à appréhender parce que l'application du barème est concurrencée par de nombreux mécanismes dérogatoires qui permettent d'en atténuer les effets. L'imposition des revenus en France est également caractérisée par l'existence de prélèvements à taux proportionnels qui réduisent très fortement le champ d'application du barème. Il s'agit du prélèvement libératoire forfaitaire sur les revenus de capitaux mobiliers à revenus fixes au taux de 15 %, dont le rendement annuel est supérieur à 10 milliards de francs ; et de la taxation proportionnelle des plus-values de cession de valeurs mobilières au taux de 16 % dont le rendement est de l'ordre de 5 milliards de francs. On peut citer encore la taxation proportionnelle des plus-values d'acquisition des options de souscription ou d'achat d'actions, dites stock-options. Nous sommes donc très loin d'une prise en compte réelle des facultés contributives. Nous avons rompu avec l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme. Le débat fiscal est fort ancien chez nous, entre progressivité et proportionnalité. Les « quatre vieilles » ne dépendaient pas du revenu du contribuable. Des réformes eurent lieu en 1872 puis en 1901, mais c'est l'impôt progressif sur le revenu qui donna lieu à la bataille la plus significative, comme l'a bien analysé Thomas Piketty dans son livre « Les hauts revenus en France au XXe siècle ». La gauche porta le projet, voyant dans l'impôt sur le revenu « un indispensable instrument de redistribution de la justice sociale », comme le note l'auteur, alors que la droite s'opposait à cette « dangereuse aventure », qui au mieux répandrait l'illusion selon laquelle taxer les riches suffirait à améliorer le sort des masses, au pire risquerait de perturber les « forces naturelles » qui conduisaient spontanément à une telle amélioration. Le discours de la droite n'a pas beaucoup changé depuis !

M. Jacques Myard - La réalité non plus !

M. Jean-Pierre Brard - C'est pourquoi changer cette réalité demeure d'actualité !

M. Jacques Myard - Relisez Marx, et l'apologie du capital !

M. Jean-Pierre Brard - On peut discuter du « capital ».

M. le Président - Dans la limite de votre temps de parole !

M. Charles de Courson - Il faut surtout se reporter au livre IV.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne crois pas que vous en soyez le meilleur exégète !

Dans l'affaire de l'impôt sur le revenu, précise M. Piketty, la nouveauté de l'enjeu explique que les positionnements individuels furent parfois complexes.

M. Richard Cazenave - Vous êtes hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes gêné parce que je démontre que vous aggravez l'injustice fiscale. Je vais donc continuer à citer cet auteur. En 1907, rappelle-t-il, Joseph Caillaux déposa un projet tendant à remplacer les « quatre vieilles » et par des impôts cédulaires et par un impôt général sur le revenu.

M. François Guillaume - M. Piketty serait-il un communiste ?

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Que vous soyez inculte à ce point, bien qu'étant agriculteur, n'est pas digne de votre mandat parlementaire ! M. Piketty a publié un ouvrage remarquable...

M. le Ministre délégué - ...très contestable !

M. Jean-Pierre Brard - Votre appréciation est strictement idéologique !

L'IGR conçu par Caillaux était progressif et pesait sur le revenu global des contribuables. Caillaux était un homme de modernité. Par rapport à lui, Monsieur le ministre, vous allez en marche arrière vers le XIXe siècle !

La loi du 15 juillet 1914 a repris l'essentiel du projet Caillaux. Le nouveau système, précise M. Piketty, reposait sur la déclaration annuelle, par chaque contribuable imposable, de l'ensemble des revenus perçus par le foyer l'année précédente.

À son tour, le Front populaire inverse, en adoptant en 1936 son barème défini en taux moyen, pour des motifs principalement pédagogiques : afficher clairement le montant de l'impôt exigé des très gros revenus, c'est-à-dire supérieurs à 1,33 million, soit 7 millions de 1998. Même si le taux d'imposition pour ces très gros revenus demeurait bloqué à 40 %, le système permettait au Front populaire, déclare M. Piketty, « d'exhiber les 200 familles comme un trophée ».

Aujourd'hui, les 200 familles sont devenues 500, si j'en crois Challenges.

M. Jacques Myard - Ça s'est démocratisé !

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai.

Mais à cette vitesse-là, je doute que l'éternité suffise pour parvenir à la justice ! Dans ces 500 familles, je ne compte pas celles ayant dissimulé leur patrimoine dans les paradis fiscaux, contre lesquels vous ne luttez pas suffisamment.

M. Richard Cazenave - Quel est votre bilan dans ce domaine ?

M. Jean-Pierre Brard - J'ai rédigé un rapport et j'ai présenté des propositions. Je n'ai pas souvenir qu'à l'époque vous m'ayez soutenu pour combattre les voleurs qui dissimulent de l'argent dans les paradis fiscaux. J'espère que votre interruption est un début d'autocritique, et que vous allez agir énergiquement contre l'immoralité qu'entretiennent les paradis fiscaux.

Au débat sur l'impôt progressif ou proportionnel s'est ajouté celui sur l'imposition au taux marginal ou au taux moyen. En tout cas cette mesure, qui était au c_ur du grand projet de réforme démocratique conçu par le Front populaire, fut supprimée par Vichy.

M. Guy Geoffroy - C'est vous qui avez donné le pouvoir à Vichy !

M. Jean-Pierre Brard - Comment ? Il y a 80 parlementaires qui ont sauvé l'honneur de la France ! Et ceux qui ont trahi étaient de l'autre côté de l'hémicycle ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Lisez sur les plaques de nos bancs les noms de Lucien Sampaix ou de Gabriel Péri (Mêmes mouvements). Nous n'avons pas de leçons à recevoir des héritiers des Coblençards, des défenseurs de ceux qui vont placer leur patrimoine à l'étranger ! Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous, nous qui avons toujours défendu la patrie quand elle était agressée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe C. et R.)

M. Pierre Lellouche - Avant Stalingrad, il y a collusion entre communistes et collaborateurs, hélas pour vous !

M. Jean-Pierre Brard - Que vous soyez ignorant à ce point...

M. le Président - Ne cédez pas aux tentations !

M. Jean-Pierre Brard - M. Lellouche participe, par ses propos, à une révision de l'histoire qui est inacceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'organisation secrète dans le nord de la France - et bien que n'étant plus membre du parti communiste je reste fidèle à cet idéal -, l'OS c'étaient des communistes, Ferrari par exemple. Mon prédécesseur à la mairie de Montreuil, Marcel Dufriche, a été emprisonné dès 1939, parce qu'il s'opposait à la politique de capitulation des Daladier et consorts, soutenus par ceux qui siégeaient à droite ! Vous ne pouvez le contester : les délégations spéciales, l'emprisonnement d'un maire de Montreuil compagnon de Jaurès, c'était bien avant le 22 juin 1941 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Révisez vos classiques, vous ne tiendrez plus de ces propos qui sont une insulte à la Résistance ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Revenez à la motion de renvoi, Monsieur Brard. Et vous, mes chers collègues, je vous invite à une écoute plus sereine.

M. Jean-Pierre Brard - L'avantage, explique M. Piketty, des barèmes exprimés « en taux moyen » qui n'ont été utilisés en France que dans les années 1917-1918 et 1936-1941, c'est qu'ils permettent de mieux « cibler » les groupes de revenus sur lesquels on entend faire porter la charge fiscale. Avec un barème en taux moyen, il suffit de déterminer les taux moyens d'imposition que l'on souhaite faire subir à différents groupes « cibles » - par exemple, en 1917-1918, 1,5 % pour les revenus de l'ordre de 3 000 - 8 000 F, 19 % pour les revenus de l'ordre de 153 000 F, et 20 % pour les revenus supérieurs à 553 000 F - après quoi il est toujours possible de « raccorder » les différents taux moyens choisis par une courbe de taux moyens applicables aux revenus intermédiaires ».

M. Pierre Lellouche - C'est incompréhensible !

M. Jean-Pierre Brard - Que vous ne compreniez pas ne saurait m'étonner.

Les barèmes exprimés « en taux marginal » n'autorisent pas une telle liberté de man_uvre. Par exemple, à partir du moment où l'on souhaite abaisser le taux d'imposition applicable aux revenus les plus faibles, on doit également abaisser l'impôt des revenus les plus élevés, puisque le taux marginal applicable aux revenus les plus faibles s'applique également aux premières fractions des revenus les plus élevés.

L'absence de transparence quant au niveau réel de prélèvement sur les revenus conduit nos concitoyens à s'interroger sur l'impôt, dont ils reconnaissent pourtant la légitimité, au regard des services publics assurés, alors que dans nombre de pays, ces services sont payants. Je pense en particulier à l'éducation et à la santé, qui interdisent toute comparaison avec les pays anglo-saxons.

Le « prix à payer » pour cette transparence, toujours selon M. Piketty, est évidemment que les barèmes définis « en taux moyen » ne font pas apparaître clairement les taux marginaux, qui peuvent fort bien évoluer de manière chaotique en fonction du revenu. Autrement dit, les barèmes définis « en taux moyen », afin de faire monter le taux moyen d'imposition entre les différents groupes cibles choisis, imposent souvent des taux marginaux implicites plus élevés sur les revenus intermédiaires entre deux groupes cibles que sur les revenus supérieurs à la seconde cible, contrairement aux barèmes définis « en taux marginal », qui imposent des taux marginaux d'autant plus élevés que le revenu est élevé.

Cette question du taux moyen mériterait donc un débat que la majorité actuelle n'est pas prête à ouvrir. Toujours sous l'angle de la justice fiscale, M. Piketty souligne l'effet dynamique et redistributeur de l'impôt sur le revenu : celui-ci n'a pas simplement pour effet de réduire de façon immédiate et mécanique les disparités présentes de niveaux de vie. Il a aussi un impact plus complexe sur les inégalités, dont les effets ne se font pleinement sentir qu'au bout d'un certain nombre d'années : en comprimant la hiérarchie des revenus disponibles, l'impôt progressif modifie structurellement les capacités d'épargne et d'accumulation des uns et des autres ; il conduit donc à réduire les inégalités patrimoniales futures, et par conséquent l'inégalité future des revenus avant impôt.

M. Pierre Lellouche - C'est incompréhensible !

M. Jean-Pierre Brard - Je vous donnerai des leçons particulières !

Ces perspectives font évidemment frissonner la droite, mais il faut insister sur le caractère juste de l'impôt progressif. Celui-ci garde toute son actualité aujourd'hui, compte tenu de l'évolution à la hausse des revenus supérieurs relevée par M. Piketty.

M. Pierre Lellouche - Mais enfin qui est-ce ?

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, vous avez lu, vous, M. Piketty (Geste de dénégation). Je reconnais votre modestie. Nous inviterons M. Lellouche à une lecture contradictoire.

M. Pierre Lellouche - Moi, j'ai lu Lénine, Rosa Luxemburg et Proud'hon !

M. Jean-Pierre Brard - C'est autre chose. En reprenant les données fiscales relatives aux contribuables les plus riches, on constate bien les effets du taux marginal et du taux moyen. Cela montre l'apport fondamental de la progressivité de l'impôt à la justice fiscale.

Mais il est vrai, Messieurs les ministres, que vous ne justifiez pas votre laminage en règle de l'impôt sur le revenu par des raisons de justice fiscale, celle-ci n'est pas au nombre de vos priorités. Comme l'ont dit Mme Taubira et M. Schwartzenberg, vous développez une politique de classe (Rires sur les bancs du groupe UMP). Vous beurrez la tartine de ceux qui font déjà du cholestérol, et vous condamnez les autres au pain sec !

Votre argumentation se fonde sur des considérations économiques : la baisse des prélèvements obligatoires encourageront l'initiative et le travail et dissuaderait l'expatriation des cadres. Mais avez-vous déjà entendu nos collègues de gauche faire l'éloge de la paresse ? Seul Paul Lafargue l'a fait !

M. Pierre Lellouche - Et Piketty !

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez rien compris ! On a toujours tort d'user de la caricature dans le débat politique !

M. Marc Laffineur - M. Brard ne le fait jamais !

M. Jean-Pierre Brard - Vous, vous défendez le travail pour l'exploiter, alors que d'autres n'ont que leur force de travail à lever ! Mais vous vous préoccupez plus de ceux qui s'en nourrissent !

Imputer le départ de jeunes cerveaux vers l'étranger au poids de l'impôt sur le revenu est tout à fait excessif, puisque notre IRPP est plutôt inférieur, en taux réel, à celui de nos principaux partenaires européens.

Là encore, le taux marginal crée un effet d'affichage trompeur que les détracteurs de l'impôt progressif exploitent. S'y ajoute le fait que le phénomène est médiatiquement surexposé à propos de jeunes raquettes, de jeunes crampons ou de jeunes plastiques, plus encore que de jeunes cerveaux.

Les candidats à l'expatriation ont d'ailleurs intérêt à s'enquérir de l'existence et de la qualité des services publics dans les pays dans lesquels ils souhaitent s'installer. Ils risquent, en effet, d'être extrêmement déçus lorsqu'ils voudront prendre le train ou se faire soigner en Grande-Bretagne ou lorsqu'ils actionneront l'interrupteur électrique en Californie.Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays a en effet pour contrepartie des services publics de grande qualité sur tout le territoire. Si j'en crois les gazettes, Monsieur le ministre, votre ministère a envoyé le 12 juillet à plusieurs banques d'affaires parisiennes deux appels d'offres confidentiels pour la privatisation de treize entreprises publiques ! Air France, ASF, Bull, la CNP, le Crédit Lyonnais, Dassault Systèmes, EADS, Renault, Thalès, Thomson Multimédia mais aussi EDF et GDF. J'espère que vous serez plus disert à ce sujet que vous l'avez été dans votre réponse au président Méhaignerie à propos du logement. Nos compatriotes doivent savoir quelle purge vous leur préparez. Sachez, en tout cas, que nous défendrons ces entreprises publiques, qui sont les bijoux de famille (Rires sur les bancs du groupe UMP) et restent inséparables de notre identité nationale.

Un des premiers devoirs de la nation est de défendre la justice fiscale. Les impôts ne sont pas élevés en raison d'une mauvaise gestion ou d'un nombre pléthorique de fonctionnaires...

M. Pierre Lellouche - Il est tout de même supérieur de dix points à la moyenne de l'OCDE !

M. Jean-Pierre Brard - Mais chez nous les trains ne sont pas dangereux et le courrier arrive. Il est logique que cela exige davantage de fonctionnaires. Dans un grand nombre de pays, la santé, l'école sont financées par les familles en fonction de leur fortune, alors qu'en France, historiquement, ces dépenses sont payées par l'impôt ou les cotisations sociales. Vous parlez de prélèvements qui seraient plus lourds ici qu'ailleurs, mais une partie des prélèvements, ailleurs, sont privatisés, sans que cela garantisse une meilleure qualité des services, bien au contraire.

La mise en place de la couverture maladie universelle est venue renforcer notre conception d'une société solidaire.

M. Pierre Lellouche - Vous connaissez les dérives d'un tel système !

M. Jean-Pierre Brard - Soigner tout le monde, pour vous, c'est une dérive ? Un pays comme le nôtre s'honore de reconnaître à chacun le droit d'être soigné, de même qu'il reconnaît à chacun le droit à l'éducation. Oser parler de dérive, c'est afficher des sentiments peu conformes aux valeurs républicaines traditionnelles de notre pays.

Nous devons veiller à l'amélioration du caractère redistributif de l'impôt et des cotisations, car cette spécificité française n'a que trop tendance à se réduire. Et vous voulez accentuer ce phénomène !

Il est juste que ceux qui sont plus fortunés participent davantage au financement de la solidarité. Contrairement à une idée reçue, les plus pauvres ne sont pas du tout épargnés par l'impôt : ils paient notamment la TVA sur les produits qu'ils achètent, et si la CSG présente l'avantage de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, elle n'est pas juste, car elle les frappe tous au même taux ; c'est pourquoi nous militons pour son remboursement, au moins partiel, aux salariés modestes. Les familles auraient ainsi plus de pouvoir d'achat, et la dose de progressivité introduite conforterait le fondement théorique de notre système fiscal. Nos compatriotes comprennent bien que l'impôt est nécessaire, mais ne sont pas toujours convaincus qu'il est juste. Et comment les en convaincre, quand les revenus des placements sont moins imposés que ceux du travail, quand les plus riches ont davantage de possibilités de réduire l'impôt ou même d'y échapper ?

Les Français sont d'autant plus dubitatifs qu'ils sont dans l'ignorance de ce que l'Etat finance au juste, comme du coût réel des services dont ils bénéficient. Le Francilien qui prend le métro ou le RER sait-il qu'il bénéficie d'une subvention qui fait de son titre de transport le moins cher du monde ? Le malade qui est en réanimation intensive sait-il que chaque journée qui passe coûte 852 euros dans le meilleur des cas ? Si nous voulons rétablir un rapport sain entre le citoyen et l'Etat, il est indispensable d'expliquer à quoi sert l'impôt.

D'autres raisons encore expliquent le doute des Français quant à la justice de l'impôt : le manque de stabilité de la loi fiscale - et ce n'est pas le ministre qui me contredira - son manque de simplicité, son manque de transparence. Depuis longtemps on parle de réforme fiscale, mais aucun gouvernement ne s'y risque : le système actuel est si complexe qu'il est difficile de mesurer les conséquences d'une telle réforme. Pour autant nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, d'autant que le Gouvernement en prend prétexte pour, par petites touches impressionnistes, aller peu à peu dans le sens d'une moindre justice fiscale.

Nous évoluons, par ailleurs, dans un cadre européen, et devrions garder à l'esprit la nécessité d'aller vers une harmonisation fiscale excluant tout dumping fiscal. Cela suppose une forte volonté politique, car derrière la politique fiscale, c'est tout un modèle de société qui se dessine. Or, la vôtre a des motivations beaucoup plus idéologiques qu'économiques ; le Président de la République nous expliquait, le 14 juillet, que la baisse des impôts était « une question de survie » sans nous dire, et pour cause, en quoi notre vie était menacée par l'impôt...

Ce dont il s'agit en vérité, pour vous, est de soigner une clientèle électorale de possédants, pour qui les impôts, la solidarité nationale et l'intérêt général ne sont que de vieilles lunes, des freins illégitimes à la réussite des nouveaux héros de la mondialisation ultra-libérale. Nous sommes bien loin de la France d'en bas, pourtant si chère à M. le Premier ministre : il n'aura guère fallu de temps pour que sa pratique démontre le contraire.

L'étude sémantique de votre discours ne manque pas d'intérêt : pour défendre les privilégiés, le soutien des électeurs vous est tout de même nécessaire. Or, vous ne pouvez leur avouer ce que vous faites à leurs dépens ; vous vous contentez donc de parler de « proportionnalité » au lieu de progressivité, d' « équité » au lieu d'égalité. Ces glissements sémantiques en disent bien plus que de longs discours sur la dérive qui est la vôtre.

Dans la « France d'en bas », la moitié des foyers fiscaux ne paient pas l'impôt sur le revenu et ne vont donc rien gagner à sa baisse. Ce sont, pour une bonne part, les mêmes qui se sont vus privés de tout coup de pouce au smic, et qui s'interrogent légitimement sur le devenir de la prime pour l'emploi.

Je suis frappé de voir combien vous êtes généreux avec M. Messier ou Mme Bettancourt, et combien vous êtes pingres à l'égard des smicards, voire de la grande majorité des contribuables pour qui le gain résultant de la baisse de 5 % sera symbolique, dérisoire, quasi humiliant.

Pour un célibataire sans personne à charge avec un revenu net imposable de 8 080 €, la réduction de 5 % représenterait environ 3 €. Pour un autre célibataire sans personne à charge avec un revenu net imposable de 14 500 €, la baisse sera de quelque 83 €. Pour un couple marié avec deux enfants, soit trois parts, et un revenu de 30 600 € net imposable, la réduction sera de 110 €. Pour un autre couple marié avec deux enfants déclarant un revenu net imposable de 150 000 €, le bénéfice de la baisse de 5 % se monte en revanche à 2 746 €. Mécaniquement, on le voit, le gain réalisé augmente avec le niveau des revenus.

Cinq mille foyers fiscaux sont dans la catégorie la plus privilégiée : avec un revenu imposable de plus de 421 150 €, la réduction d'impôt pour un couple marié devrait s'élever à environ 10 100 €, soit plus de 8 fois le smic mensuel brut. Encore un effort, et ces familles, miséreuses sans doute à vos yeux, auront économisé plus que le salaire annuel d'un smicard !

D'autres formules, plus justes, auraient été possibles ; Vous auriez pu moduler la baisse en fonction des revenus, l'amplifier pour les familles les plus modestes et la réduire pour les foyers fiscaux les plus riches. Vous auriez même pu accorder à chacun une réduction forfaitaire. Mais je ne vous propose pas, rassurez-vous, de réduire de 3 € l'impôt de M. Messier : ce serait mesquin... On objecte parfois que l'administration fiscale ne pourrait faire face aux problèmes techniques posés par une telle modulation. L'expérience nous a montré que les services de Bercy savent faire preuve d'une réelle faculté d'adaptation : n'ont-ils pas mis en _uvre des dispositifs nouveaux pourtant présentés, telle la prime pour l'emploi, comme techniquement irréalisables ? J'observe d'ailleurs que le dispositif qui nous est proposé entraînera le report de la perception du dernier tiers...

Une autre solution plus simple aurait consisté à plafonner le montant de l'avantage que pourraient retirer de la mesure les foyers fiscaux les plus aisés. Certes, un tel plafonnement décevrait les milliardaires, auxquels vous ne tenez pas à causer de soucis superflus... Avec la baisse proportionnelle que vous avez choisie, 1 % des assujettis à l'impôt sur le revenu empocheront 30 % du bénéfice de la mesure, lequel s'élèvera pour cette catégorie à 2 240 € en moyenne.

Il faut au passage remettre en perspective le montant du cadeau fiscal opéré dans ce collectif : 2,55 milliards d'euros, c'est le montant du budget de la culture en 2002, et plus du triple du budget de l'environnement. Avec une telle somme, il aurait été possible d'augmenter les crédits de la recherche, de renforcer les corps de contrôle pour éviter des catastrophes comme AZF, de développer les énergies renouvelables, de former et de recruter des milliers d'infirmières, d'enseignants, d'accroître les moyens des services publics et de soutenir durablement la croissance.

Quelle sera l'incidence véritable de cette mesure sur l'économie ? Sera-t-elle à la hauteur du « choix de survie », dont a péremptoirement parlé le Président de la République ? Vous allez ne rien donner à la moitié des foyers fiscaux les plus modestes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu et accorder aux autres une baisse d'impôt d'autant plus forte qu'ils sont plus fortunés. Il faudrait au contraire cibler les baisses d'impôts au profit de ceux qui ont les plus faibles revenus, car ils utilisent immédiatement ce pouvoir d'achat supplémentaire pour consommer, alimentant ainsi la croissance économique.

Le ministre l'a clairement dit en commission : la baisse augmentera les revenus disponibles des ménages de 0,2 à 0,3 % et conduira à un surcroît de croissance de 0,1 %, dans un contexte où la consommation et le taux d'épargne sont stables. Un tel effort budgétaire ne se justifiait donc pas, d'autant que le pouvoir d'achat supplémentaire accordé aux foyers aisés s'oriente massivement vers ce que vous appelez pudiquement « l'épargne », leurs besoins étant déjà très largement satisfaits. Mais peut-être espérez-vous que les allégements consentis aux plus hauts revenus iront alimenter la Bourse, laquelle n'a pas le vent en poupe depuis quelques mois - du fait notamment des frasques financières de quelques-uns de ceux que vous allez gâter avec ce collectif...

Les grands patrons, ex-patrons ou futurs ex-patrons de Vivendi Universal et de France Télécom, qui ont ruiné des milliers de salariés actionnaires et de petits porteurs, vous remercieront sans nul doute de votre immense générosité. Dans le même temps, les contribuables usagers du service public de l'eau - appelons-le encore ainsi - devront payer les dettes astronomiques du groupe Vivendi. Je m'étonne d'ailleurs, Monsieur le ministre, que vous ne vous soyez pas indigné du transfert de 18 milliards d'euros de dettes de Vivendi Universal sur Vivendi Environnement par M. Messier, dettes qui seront donc supportées par les usagers des 8 000 communes concernées.

J'ai demandé la création de commissions d'enquête sur ces entreprises qui assurent de véritables services publics. Nous verrons le sort réservé à ma proposition.

Puisqu'il me faut respecter mon temps de parole (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je vais me hâter lentement vers ma conclusion.

M. le Président - Il vous reste dix minutes.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Président, vous êtes aussi parcimonieux que le ministre du budget ! (Sourires)

Dans son entretien du 14 juillet, le Président Chirac a fait de la baisse de l'impôt la pierre angulaire de la politique du Gouvernement. Cette baisse était censée être financée par la croissance, le Président a indiqué que, si celle-ci venait à faire défaut, il faudrait réaliser des économies sur les dépenses publiques. On devine aisément les conséquences qui en résulteraient pour les services publics et la protection sociale ! Pour justifier sa position, M. Chirac a insisté sur la situation relative de la France par rapport à ses voisins.

Certes, la France n'est pas seule au monde, et les pressions pour suivre l'exemple des pays qui pratiquent le dumping fiscal sont devenues très fortes. Mais faut-il rappeler que le maintien d'une fiscalité nettement progressive ne pose guère qu'un problème de coordination entre pays membres et non pas un problème économique en soi. Pendant les « Trente Glorieuses », les pays développés ont appliqué des taux marginaux atteignant 60 % ou 70 % - voire 90 % aux Etats-Unis - sans que cela entrave en rien leur croissance.

Quoi que vous prétendiez, mus par vos obsessions idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la question est bien politique et non économique : l'Europe est-elle capable de décider collectivement de ne pas suivre le yo-yo anglo-saxon ? Une telle course-poursuite avec les Etats-Unis pourrait d'ailleurs mener très loin, le Président Bush - il est vrai peu préoccupé des services publics offerts à ses concitoyens - envisageant d'abaisser de nouveau les taux supérieurs de l'impôt sur le revenu et de supprimer purement et simplement l'impôt sur les successions.

Si la France et les pays européens décidaient de s'engager dans la même voie, il est à parier que se reconstitueraient les inégalités de patrimoine que l'on a connues au début du XXe siècle, avec, à la clé, un risque de sclérose économique et sociale.

À cet égard, j'aimerais connaître l'avantage fiscal que retirera de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, par exemple, Mme Bettencourt...

M. Pierre Lellouche - C'est une obsession !

M. Jean-Pierre Brard - Elle est en effet un emblème aux yeux de ceux qui n'ont rien, quand, vous, vous ne pensez qu'à garnir encore davantage son assiette, pourtant sûrement plus souvent emplie de caviar que de pâtes ! Sa fortune, évaluée à 17,2 milliards d'euros, a progressé de 70 % en quatre ans. Mais je pourrais citer aussi Bernard Arnault et ses 13,6 milliards, Gérard Mulliez et ses 13 milliards, François Pinault et ses 8,8 milliards, Serge Dassault et ses 5,3 milliards, Jean-Louis Dumas -Hermès ! - et ses 4,8 milliards, ou d'autres encore, dont Jean-Claude Decaux ou Philippe Foriel-Destezet, pour lesquels je ne donnerai pas de chiffres afin de ne pas vexer ces pauvres parmi les milliardaires...

Le Gouvernement ayant décidé de ne pas compenser le coût de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, et multipliant par ailleurs les déclarations ambiguës et lénifiantes quant au respect du pacte de stabilité, la Commission européenne s'inquiète. Elle ne comprend pas comment on peut à la fois annoncer des mesures fort coûteuses au bénéfice des ministères de la sécurité, de la défense et de la justice, et amputer les recettes fiscales sans espoir de relance de la consommation en contrepartie. Sans doute faudrait-il avoir le courage de remettre en question le pacte de stabilité tel qu'il a été négocié à l'origine, dans un contexte économique très différent d'aujourd'hui. Au lieu de cela, le Gouvernement cultive les ambiguïtés et les faux-semblants sur le plan national comme européen, sans craindre ni les déclarations contradictoires ni la cacophonie.

Le Président de la République a déclaré le 14 juillet : « Ce que je sais, c'est que la planète aujourd'hui se dégrade à un rythme plus rapide que sa capacité de régénération... Par conséquent, nous devons aujourd'hui réagir à cela aussi. C'est comme la baisse des impôts et des charges : c'est vital ». Le lien entre les deux parties de cette affirmation ne vous a-t-il pas, comme à moi, quelque peu échappé ? Cette volonté d'abaisser à tout prix impôts et charges est purement idéologique, obsédés que vous êtes de satisfaire l'appétit infini des privilégiés. On connaissait la fiscalité écologique, chère à M. Cochet ; voici maintenant que l'on invente l'écologie fiscale pour justifier de nouveaux cadeaux fiscaux, assez difficiles à avaler pour ceux qui vont devoir les financer. En effet, ce ne seront pas les assujettis à l'impôt sur la fortune qui seront mis à contribution, M. Lambert leur ayant promis, à eux aussi, un petit geste. C'est vrai, pourquoi n'en aurait-il pas pour tout le monde ? (Sourires)

M. Pierre Lellouche - En effet !

M. Jean-Pierre Brard - Si ce n'est qu'il faudra bien un jour penser aux autres... qui risquent sinon de se rappeler à votre souvenir lors des échéances électorales.

La mesure phare de ce collectif, la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu calculée sur le montant total de l'impôt brut 2002, est fiscalement injuste, économiquement inefficace et moralement choquante. J'invite donc notre assemblée à voter la motion de renvoi en commission afin que ses conséquences soient mieux étudiées, que l'Assemblée prenne en considération les intérêts et les attentes de tous les contribuables, en particulier les plus modestes, qui sont les oubliés de ce projet et que des investigations soient menées pour savoir comment les nouveaux déficits seront financés (Applaudissements sur les bancs du groupe C. et R. et du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Avis défavorable (Sourires sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Le renvoi en commission se justifie pleinement. Depuis plusieurs heures que nous débattons, le Gouvernement ne nous a toujours pas expliqué comment il comptait résoudre la quadrature du cercle. Il a l'intention de réduire les déficits, mais il commence par réduire les recettes et par augmenter les dépenses ! Moi qui ai l'esprit simple, je ne comprends pas.

J'ai par ailleurs posé des questions tout aussi simples et j'attends toujours la réponse. Combien de bénéficiaires de la prime pour l'emploi profiteront de la baisse d'impôt ? Combien de smicards ? Et pour quel montant ? Pour un couple de smicards avec deux enfants, quel sera le niveau de la baisse ? Et quelle sera la part de ces baisses dans les 2,5 milliards que coûtera la mesure ?

En commission, M. le ministre délégué s'était engagé à nous fournir toutes les informations que nous pourrions souhaiter. La droite elle-même ne cesse de réclamer plus de transparence. Or nous n'avons pas de réponses et je suis déçu. Nous ne pouvons pas entamer la discussion des articles avant d'avoir été éclairés sur tous ces points.

M. François Guillaume - Dans le long propos de M. Brard, je ne vois aucune raison de retourner en commission. Si on raisonne en toute objectivité, on ne peut contester la nécessité de solder les dettes sociales ni celle d'ajuster à la réalité les évaluations électoralistes de recettes et de dépenses faites par le précédent gouvernement. Son successeur ne fait d'ailleurs que suivre les conclusions de l'audit, dont nul ne conteste le sérieux.

Quant à l'allégement de l'impôt sur le revenu, consenti conformément aux engagements pris, chacun peut se déterminer pour ou contre sans qu'il soit besoin de retourner en commission.

M. Brard a fait l'apologie de l'impôt, mais il faut se rappeler que l'ancienne majorité socialo-communiste (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.) a réussi la performance de faire des Français les contribuables les plus taxés d'Europe tout en conservant un des déficits les plus élevés de l'Union européenne, or ce en dépit d'une conjoncture économique exceptionnelle.

Certains orateurs de l'opposition ont protesté contre la mobilisation des réserves de certains organismes agricoles pour compenser l'insuffisance des ressources du BAPSA. Les excédents des caisses de la MSA qui s'expliquent par les interventions du fonds pour les calamités agricoles et d'Unigrains, ont certes pour origine les cotisations des agriculteurs, mais celles-ci n'ont pas vocation à être thésaurisées.

Il faudra revoir le volume et l'emploi des taxes parafiscales et de nombreuses cotisations dites « volontaires », mais en fait obligatoires. Certes, les interventions de la MSA et d'Unigrains se justifient, mais les agriculteurs ne peuvent contribuer au-delà de leurs capacités.

Le Gouvernement ayant pris les engagements nécessaires pour lever toutes les hypothèques, je vous propose de rejeter cette motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - A aucun moment, sur les bancs de la droite ou du Gouvernement, on n'a abordé les conséquences de ce projet qui traite différemment les Français, selon qu'ils sont puissants ou misérables.

Avec un superbe mépris, on oublie la moitié de la population française. Je pense à tous ceux qui, trop modestes pour être assujettis à l'impôt sur le revenu, voudraient bien être en mesure de contribuer au financement des charges communes de la nation. Ce serait même le meilleur moyen de renforcer leur sentiment d'appartenance à la collectivité nationale. Hélas, la logique libérale les en empêche.

Monsieur le ministre délégué, cessez de prétendre qu'il n'est pas possible de réduire la pression fiscale sur les plus modestes. Pourquoi n'avez-vous pas fait le choix de réduire la TVA ?

À aucun moment vous n'avez décrit les effets néfastes de ce projet sur l'évolution de la croissance.

Didier Migaud a dit que ce projet était « gonflé à l'hélium »...

M. Jacques Myard - L'hélium ça monte ! (Sourires)

M. Michel Vaxès - Prenez garde de ne pas prendre trop d'altitude, car la chute n'en sera que plus douloureuse, et viendra peut-être plus tôt qu'on le pense...

Le groupe communiste et républicain votera avec conviction cette motion de renvoi, défendue avec son talent habituel par Jean-Pierre Brard.

M. Charles de Courson - Le groupe UDF votera contre. Il est amusant de voir un représentant du groupe communiste, même apparenté, prendre pour référence M. Piketty et non plus Karl Marx !

M. Jean-Pierre Brard - Je me réfère à tous les deux !

M. Charles de Courson - Notre collègue semble ne pas connaître le parcours sinueux d'une autre de ses références, Joseph Caillaux. Je vous cite sa profession de foi de 1902 : « Mon programme tient en deux points : ordre et progrès dans la République ; ni réaction ni révolution ». Qu'il évite plutôt de citer ce personnage qui a mal fini, puisqu'il a voté les pleins pouvoirs à Pétain et a fait pour cela quelques jours de prison à la Libération ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles dans le texte du gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Augustin Bonrepaux - Nous ne pouvons entamer la discussion des articles tant que le Gouvernement n'aura pas répondu aux questions que nous lui avons posées, en commission puis par deux fois en séance publique. Au besoin, je demanderai une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - J'ai l'intention de donner des indications chiffrées très complètes à M. Bonrepaux en réponse à son amendement de suppression. Si j'ai préféré attendre, c'est justement pour être en mesure de lui donner un maximum d'informations (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Il y a une question qui ne nécessite pas de recherches car vous connaissez forcément la réponse : le ministère des finances a-t-il ou n'a-t-il pas lancé deux appels d'offres confidentiels pour la privatisation des entreprises que j'ai évoquées ?

M. le Ministre délégué - Comme je vous l'ai dit tout à l'heure dès le début de mon propos, j'ai le plus grand respect pour la représentation nationale. Si je ne vous ai pas répondu de façon détaillée, c'est parce qu'il est impossible de le faire à une intervention d'une heure et demie, mais je me tiens à votre disposition pendant tout une journée s'il le faut, par exemple dans ce beau département de l'Orne où vous êtes né... (Sourires)

S'agissant de votre question, le Premier ministre a clairement indiqué, dans sa déclaration de politique générale, qu'il fallait permettre à certaines entreprises, dans l'intérêt économique de la France, de conquérir des parts de marché à l'extérieur, ce qui implique l'ouverture de leur capital. Un examen préalable est cependant nécessaire. Je n'ai donc ni à démentir ni à confirmer une décision qui sera prise ultérieurement.

Vous connaissez la position du Gouvernement puisque vous avez écouté la déclaration de politique générale du Premier ministre. Vous connaissez encore mieux mon point de vue personnel puisque nous nous croisions dans certains conseils de surveillance : je suis tout à fait favorable à l'ouverture du capital de nos entreprises.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - D'abord une observation de forme. Lorsque nous étions dans l'opposition, nous n'avons jamais essayé de prolonger les débats sur les textes financiers.

Sur le fond, l'essentiel du débat a porté jusqu'ici sur l'idée de l'équilibre entre une baisse des charges sociales et une réhabilitation du travail pour tous. Le ministre a été précis quant au budget 2003, et M. Fillon travaille aujourd'hui sur l'alignement des smic. La réhabilitation du travail vaut pour tous les salariés, quel que soit le niveau de salaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Je demande la parole.

M. le Président - Vous pourrez vous exprimer dans la discussion des articles.

M. Jean-Pierre Brard - Alors je fais un rappel au règlement, fondé sur son article 58, alinéa 2.

Monsieur le ministre, vous venez de répondre assez clairement, même si vous avez enrobé vos propos d'une façon sénatoriale...

M. le Ministre délégué - C'est un compliment, j'espère !

M. Jean-Pierre Brard - C'est plutôt un constat ! (Sourires)

Vous avez répondu, disais-je, par des propos conformes à vos convictions : vous êtes en train de préparer la privatisation.

En me permettant d'intervenir maintenant, Monsieur le président, vous m'avez évité de demander une suspension de séance.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 29 tend, afin de dégager plusieurs milliards pour soutenir l'activité et les services publics, à aligner le taux de l'avoir fiscal sur le taux de l'impôt sur les sociétés. Rééquilibrer la fiscalité en mettant davantage à contribution les revenus du capital et des placements financiers est une exigence de justice sociale ; c'est également nécessaire pour lutter contre les effets pervers de la financiarisation de l'économie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais il avait été rejeté dans la discussion du projet de loi de finances pour 2002.

Il est exact que le taux de l'avoir fiscal n'a pas suivi la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés. Il faut s'en réjouir car cela permet de favoriser l'orientation de l'épargne vers les entreprises, qui est une absolue nécessité, aujourd'hui plus que jamais.

M. le Ministre délégué - Je partage l'avis du rapporteur général. J'ajoute que cet amendement pénaliserait de nombreux ménages modestes qui se sont constitué une épargne de précaution sous forme d'actions. J'invite leurs auteurs à le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. Charles de Courson - Le groupe communiste a des positions étranges. L'avoir fiscal a pour but de neutraliser l'impôt sur les sociétés sur la partie distribuée des bénéfices ; c'est donc une mesure de justice sociale (M. Emmanuelli s'exclame). Mais absolument, Monsieur Emmanuelli ! Comment expliquerez-vous à la veuve retraitée, non imposable...

M. Henri Emmanuelli - Avec trois orphelins !

M. Charles de Courson - ... qui a placé en actions les 200 000 F qu'elle avait mis de côté avec son conjoint, que l'avoir fiscal ne lui sera plus remboursé ?

M. Jean-Pierre Brard - L'avoir fiscal, en soi, est immoral, et personnellement je ne connais pas beaucoup de veuves non imposables qui aient tant d'économies placées en actions... La justice consisterait plutôt à revaloriser les retraites.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 30 concerne le cas aberrant des non-résidents à qui l'on restitue l'avoir fiscal. Il nous est possible d'agir immédiatement en ce qui concerne les pays avec lesquels nous n'avons pas signé de convention fiscale, et il faudra engager des négociations avec les autres. L'économie que nous proposons serait une mesure de justice fiscale.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas non plus examiné cet amendement, également rituel, mais j'en propose le rejet.

L'avoir fiscal a été abaissé de 50 % à 15 % pour les personnes morales. Il s'applique bien sûr de la même manière aux résidents et aux non-résidents.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - Cela pose quand même problème que nous remboursions l'avoir fiscal y compris dans les pays avec lesquels nous n'avons pas de convention fiscale permettant d'assurer la réciprocité... Puisque vous cherchez de l'argent, en voilà à récupérer !

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Myard - Monsieur le ministre, c'est de votre succès que dépendra le succès du Gouvernement. En effet, ses marges de man_uvre sont actuellement réduites et il faut trouver les moyens de les élargir.

Dans un monde totalement ouvert, il est vain de croire qu'on puisse revenir au protectionnisme, même s'il reste possible d'agir ponctuellement pour protéger une industrie.

Par ailleurs, notre participation à une monnaie unique nous enlève la possibilité d'agir par le biais de la politique monétaire nationale.

De surcroît, le pacte de stabilité nous impose des économies drastiques, d'ailleurs irréalisables.

Mais il nous reste des atouts.

Le premier, c'est la capacité créative des Français. Nos concitoyens sont prêts à travailler davantage pour gagner davantage ; je sais que vous travaillez à l'assouplissement des 35 heures et sur la question des retraites. La règle de non-cumul entre travail et retraite me semble devoir également être assouplie.

Le deuxième, c'est la fiscalité, qui reste de notre compétence.

Nous sommes un peuple d'épargnants, puisque nous épargnons environ 14 % de nos revenus nets. Aux Etats-Unis, c'est 0 % ! Cependant les Français n'investissent plus guère en France. C'est le résultat d'une fiscalité qui fustige le succès et frappe le capital, moteur de la croissance. Il est urgent de repousser le terrorisme intellectuel fiscal des idéologues attardés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). En taxant exagérément l'épargne, on la fait fuir, alors qu'elle représente les investissements de demain et les emplois qui en découlent.

Nous approuvons la réduction de 5 % des tranches de l'IRPP. Mais il faut aller plus loin, avec davantage d'audace. Pour faire revenir les capitaux qui se sont investis chez nos voisins, décidez un moratoire sur ces capitaux exportés. Diminuez également l'imposition sur les sociétés qui investissent, celle sur les successions, qui détruit des milliers d'emplois dans les PME, réformez l'impôt sur la fortune (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). Maîtriser la dépense publique, c'est bien ; inciter les Français à investir, c'est mieux. Agissez avec audace, ne vous laissez impressionner ni par la technocratie bruxelloise ni par les professionnels du misérabilisme qui viennent d'échouer avec éclat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - Vous brandissez un sabre de bois !

M. Jean-Claude Sandrier - La France ne souffre pas d'un excès d'impôt direct, mais d'une mauvaise répartition de l'effort contributif et d'une mauvaise utilisation du produit de l'impôt. Lisez M. Piketty !

M. Jacques Myard - Il vous reverse des droits d'auteur ?

M. Jean-Claude Sandrier - Nous n'avons passé aucun accord promotionnel avec lui...

Cette lecture montrerait que vous vous attaquez au seul impôt véritablement juste. Soutenir la croissance passe au contraire par l'augmentation des bas salaires et du pouvoir d'achat des classes modestes et moyennes. Votre cadeau aux plus aisés a pour corollaire la baisse des dépenses publiques et sociales, la privatisation des services publics qui sont les fleurons de notre pays et ont fait preuve de leur efficacité ; je pense d'abord à EDF-GDF, plébiscité par nos concitoyens. Les exemples de services publics cédés au privé, comme l'eau ou les déchets, devraient inciter à la prudence ; et ne parlons pas des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne...

La baisse de l'IRPP est doublement injuste. En effet, alors que vous avez refusé un coup de pouce au smic et à l'allocation logement, vous accordez aux plus gros contribuables une prime qui est loin d'être symbolique. Ce choix politique est un jet de poudre aux yeux puisque, avec la hausse du prix des carburants, de l'électricité, des transports, vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre, et là encore de façon injuste puisque vous frappez davantage les plus modestes. Dire que vous ne savez pas baisser les impôts de ceux qui n'en paient pas est d'un bel effet dialectique, mais il aurait été possible de réduire les impôts indirects ou d'augmenter la prime pour l'emploi.

Au moment où les experts annoncent que la croissance n'atteindra pas les 3 % escomptés, ce qui met en cause la réalisation des promesses du Président de la République, au moment où la consommation faiblit, vous favorisez une épargne stérile. En effet, les privilégiés qui disposeront de quelques milliers d'euros supplémentaires s'en serviront pour gonfler leurs portefeuilles boursiers.

Vous avez choisi la solution la plus injuste et la plus mauvaise pour l'économie française. C'est pourquoi nous voterons contre l'article premier et contre l'ensemble du projet.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi cette baisse d'impôt, cette perte de recettes de 2,5 milliards, alors que, nous dit-on, la situation du pays est dramatique ? Sans doute est-elle en fait bien meilleure qu'on ne le prétend.

Tout le monde pourrait se réjouir d'une baisse d'impôt. Mais l'impôt sur le revenu n'est pas le seul qui puisse s'y prêter. Vous pourriez agir sur la taxe d'habitation ou sur la prime pour l'emploi. Vous prétendez vouloir revaloriser le travail. Mais lequel ? Le plus pénible ? Et l'impôt sur le revenu est-il, en France, si lourd que cela ? Notre nouveau rapporteur général écrit que « le rapport de l'impôt sur le revenu sur le PIB est en France comparable, voire inférieur à celui des autres pays de l'OCDE ». Plutôt inférieur, en effet, puisqu'il s'élève à 8,1 % contre 10,9 % en moyenne dans l'Union européenne, et 10,1 % au sein de l'OCDE. Au Royaume-Uni, qu'on cite volontiers, il est de 10,5 % et de 11,8 % aux Etats-Unis. Le poids de l'IRPP n'est donc pas exorbitant chez nous. En choisissant de le réduire, vous voulez en réalité offrir un cadeau fiscal aux classes les plus aisées, dont vous pensez que vous leur devez votre élection.

Les 10 % de Français les plus aisés capteront 70 % du bénéfice de la baisse, soit 1,8 milliard. Avec cette somme, vous auriez pu faire quelque chose pour les 8 millions de travailleurs qui gagnent moins de 1,4 fois le smic.

Ce matin, le ministre des finances est venu nous expliquer que sa réduction d'impôt allait améliorer le pouvoir d'achat de ses bénéficiaires. Ceux qui toucheront ainsi quelque 1 500 € pourront peut-être passer une nuit supplémentaire à l'Ile Maurice, dans un des hôtels que certains de vous connaissent bien... (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R. ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Mais les travailleurs qui exercent les emplois les plus pénibles, et dont les salaires sont les plus bas, ne verront rien de tout cela. Est-ce la bonne façon de revaloriser le travail ?

Mieux vaudrait baisser les impôts payés par les couches les plus modestes, ou revaloriser la prime pour l'emploi. Celle-ci, cette année, représente 2,3 milliards, soit moins que votre cadeau fiscal aux plus favorisés. La France d'en bas ne serait-elle pas un peu oubliée ?

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Augustin Bonrepaux - Vous pouviez doubler, quadrupler même la prime pour l'emploi, et ainsi donner un petit supplément de pouvoir d'achat à ceux qui en ont réellement besoin. Ce serait plus juste, et plus efficace pour l'économie.

M. Yves Cochet - Les députés verts voteront contre le collectif. Votre fétichisme de la baisse des prélèvements obligatoires ne relève pas d'une politique économique pertinente, surtout en l'état actuel de notre pays. Si le niveau de nos prélèvements est relativement élevé, il faut, en contrepartie, considérer les services rendus à la population. De ce point de vue, mieux vaut vivre en France plutôt qu'en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, surtout si l'on est malade, pauvre ou retraité.

Vous voulez baisser l'impôt sur le revenu pour les plus riches. Cet impôt, il est vrai, est techniquement complexe, inéquitable, faible de rapport et peu progressif. Les 600 millions de prélèvements obligatoires sont d'ailleurs dans l'ensemble peu progressifs. Mais êtes-vous d'accord pour réformer l'impôt sur le revenu en élargissant le nombre de ses redevables et en améliorant sa progressivité ? Accepteriez-vous d'intégrer tous les revenus dans l'assiette, comme pour la CSG ? De supprimer l'abattement de 20 % ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) De réduire le taux des premières tranches, en ramenant celui de la première à 0,5 % ? De supprimer le quotient familial au profit d'un abattement forfaitaire par enfant, et d'une hausse des allocations familiales sous condition de ressources ?

Enfin, seriez-vous d'accord pour supprimer l'avoir fiscal - notamment par le biais du prélèvement à la source et pour substituer à l'imposition par foyer fiscal une imposition personnelle, qui garantirait la neutralité de la situation matrimoniale - mariage, célibat ou pacs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) - au regard de l'impôt ?

M. le Président - Sur le vote des amendements 9, 31 et 28, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Augustin Bonrepaux - Je demande la parole.

M. le Président - Le président de la commission, le rapporteur général et le ministre auront tout le loisir de vous répondre lors de la discussion des amendements.

M. Augustin Bonrepaux - Je demande à nouveau une suspension de séance : nous avons besoin de la réponse du ministre avant de passer à la discussion des amendements (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Un député UMP - C'est du chantage !

M. le Ministre délégué - Je veux qu'il n'y ait aucun doute quant au respect que je porte à la représentation nationale : Monsieur Bonrepaux, je suis prêt à vous répondre dès maintenant, mais je pense qu'il est préférable de le faire après que les amendements de suppression auront été présentés.

M. Didier Migaud - Monsieur le Président, le Règlement vous permettait de donner la parole à M. Dumont, qui souhaitait s'exprimer sur l'article.

M. le Président - Que le groupe socialiste s'organise mieux... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - Merci de votre conseil... Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, nous sommes opposés à la réduction de l'impôt sur le revenu que vous proposez. La majorité précédente a déjà consenti plusieurs milliards d'euros de baisses d'impôts, mais ces baisses étaient ciblées sur les catégories les plus modestes et s'inscrivaient dans un plan d'ensemble. Dans une conjoncture économique internationale difficile, dont le ministre des finances reconnaissait lui-même avoir mésestimé le ralentissement, votre proposition apparaît à la fois inappropriée, injuste et inefficace.

Les 10 % de Français les plus riches empocheront 70 % du bénéfice, et les 1 % de foyers les plus aisés, 30 %. En outre, il n'y aura que peu d'effet sur la consommation et la croissance puisque c'est le pouvoir d'achat des moins favorisés qu'il importe de soutenir. Nous vous avons demandé, enfin, combien de bénéficiaires de la prime pour l'emploi pourraient être concernés par la mesure. Nous attendons votre réponse, mais nous souhaitons que l'article soit supprimé. C'est le sens de l'amendement 9.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 31 a le même objet. Cette disposition est socialement injuste, puisqu'elle ne bénéficiera qu'à la moitié la plus favorisée de nos concitoyens. Elle privera l'Etat d'une recette de 2,55 milliards d'euros. Enfin, elle n'est pas fondée économiquement. Vous-même avez reconnu, lors de votre audition en commission qu'elle ne se traduirait que par un dixième de point de croissance supplémentaire !

Il existe d'autres moyens de stimuler la croissance, tout comme il existe un moyen tout simple de reconnaître la valeur du travail : mieux payer les travailleurs. M. Méhaignerie ne vous a-t-il pas recommandé de ne pas oublier les bas salaires ?

Vous affirmez tenir une promesse du Président de la République, mais ce n'est pas sur ce mot d'ordre qu'il a été élu, et vous aurez, de toute façon, quelque mal à réduire l'impôt sur le revenu de 30 % en cinq ans...

M. Yves Cochet - Notre amendement 38 vise également à supprimer cet article. La baisse d'impôt proposée est injuste, car elle favorise les détenteurs de revenus élevés. Il est loin d'être sûr, de plus, qu'elle soit économiquement efficace : peut-être nourrira-t-elle au contraire la spéculation.

Je reprendrai, après M. Brard, l'exemple d'un célibataire sans personne à charge. S'il a un revenu imposable net de 8 080 €, il économisera 0,037 % de ce revenu, 0,57 % si son revenu est de 14 500 € ; 1,79 % s'il est de 60 000 €. Il fallait le faire ! Le bricolage auquel vous vous livrez est une attaque en règle contre l'impôt sur le revenu et les grands principes républicains d'égalité et de solidarité.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté les amendements de suppression. Le Président de la Réplique et la majorité ont pris un engagement clair, et les Français ont tranché (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous mettons sans tarder cet engagement en _uvre, comme l'exige la démocratie.

M. Augustin Bonrepaux - Dites plutôt : la démagogie !

M. le Rapporteur général - C'est en France que l'impôt sur le revenu est le plus progressif : 10 % des ménages en acquittent 70 %. Monsieur Bonrepaux, vous vous livriez tout à l'heure à des comparaisons internationales : il n'y a qu'en France que seule la moitié des ménages paie l'impôt sur le revenu, sa concentration est telle qu'elle décourage le travail et entraîne une hémorragie des jeunes talents (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Il n'y a pas que nous qui le disions : M. Fabius l'a reconnu lorsqu'il a proposé la baisse du taux du barème et M. Charzat l'a écrit dans son rapport. Il nous faut donc donner un signal fort.

La baisse de 5 % de l'impôt est une mesure claire, lisible, qui contribuera à revaloriser le travail quand notre système d'allocation favorise plutôt l'assistance.

Le Gouvernement se penche parallèlement sur la question générale de la baisse des charges ; le Sénat est déjà saisi d'un dispositif de suppression des charges sur les jeunes nouvellement embauchés en entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Cochet - Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations !

M. le Ministre délégué - Le rapporteur général a fort bien posé le problème. La France a un taux de prélèvements obligatoires plus élevé que celui de ses principaux partenaires, qui peuvent d'ailleurs être des concurrents : 45,8 % en France, contre 37,7 % en Allemagne et 36,3 % au Royaume-Uni, la moyenne européenne étant de 41,6 %... Cette pression « fiscalo-sociale » excessive pénalise le travail, l'initiative, le développement économique.

De plus, notre impôt sur le revenu est trop concentré : 1 % des foyers acquittent près de 30 % de son montant. Pour les revenus les plus élevés, il dépasse, avec la CSG, les 60 %, ce qui est nettement plus que la moyenne de nos partenaires. La compétitivité de notre pays s'en trouve menacée, nos cadres s'expatrient, et les cadres étrangers hésitent à venir travailler chez nous - je vous renvoie à mon tour au rapport Charzat.

Je souligne que la baisse de l'impôt bénéficie aux seuls revenus du travail, et non à ceux de l'épargne, car pour nous c'est le travail, élément fondamental de la dignité de la personne humaine, qui doit être promu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le dispositif est donc équitable, d'autant qu'il n'affecte en rien la progressivité de l'impôt sur le revenu, contrairement à ce qu'affirmait M. Brard : un contribuable qui payait vingt fois plus d'impôt qu'un autre en paiera toujours vingt fois plus après réduction. Certes, les contribuables non imposables ne bénéficient pas de cette mesure - mais il est difficile, reconnaissez-le, de baisser l'impôt de quelqu'un qui n'en paie pas...

Quant à la prime pour l'emploi, qui a été doublée cette année, nous ferons en sorte qu'elle soit adaptée au temps partiel ; elle deviendra ainsi un véritable instrument de justice sociale.

Aujourd'hui, 8,6 millions de foyers en bénéficient, dont 2,8 qui sont imposables et 5,8 qui ne le sont pas. Pour ceux-là, la restitution au titre de la prime pour l'emploi augmentera de 5 % environ.

Ce dispositif a un coût non négligeable ; les finances publiques sont dans une situation tendue, mais la baisse des impôts est indispensable pour redynamiser l'économie, relancer l'activité, redonner à nos concitoyens le goût d'entreprendre. Je ne peux donc que demander à l'Assemblée de rejeter les amendements de suppression (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Charles de Courson - Les positions de nos collègues de gauche m'étonnent. Je pensais qu'ils avaient fini par comprendre que le véritable taux marginal de l'imposition du travail n'est pas celui de l'impôt sur le revenu, mais celui de l'impôt sur le revenu majoré de la CSG, de la CRDS et des cotisations sociales. Or, ce taux marginal réel est astronomique, confiscatoire : 70 % du salaire brut, et même 80 % si l'on ajoute les cotisations sociales patronales ! Cela signifie que, quand vous augmentez de 100 francs une personne, il ne lui en reste, après cotisations, que 20 !

M. Henri Emmanuelli - Non ! C'est n'importe quoi !

M. Charles de Courson - Il est donc indispensable de baisser l'impôt sur le revenu, mais aussi les cotisations sociales. La gauche a tort de combattre ce qu'elle-même avait fini par préconiser, sous la pression de M. Fabius il est vrai (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - L'UMP n'a pas besoin de supplétifs ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - Votre réponse, Monsieur le ministre, est fort partielle. J'ai entendu un candidat à l'élection présidentielle expliquer que si l'on baissait de 30 % l'impôt sur le revenu, cela bénéficierait même aux smicards ! J'attends toujours qu'on m'explique comment...

Votre sollicitude à l'égard du travail est bien sélective ! Que faites-vous pour les travailleurs qui ont les tâches les plus pénibles et les salaires les plus faibles ? Comment vous croire quand vous prétendez revaloriser le travail ? Nous l'avons fait, nous, en instaurant la prime pour l'emploi ! Vous disposez, avec elle, d'un instrument pour faire un geste à l'endroit des travailleurs les plus modestes, mais vous n'en avez rien fait. C'est ce qui nous différencie !

M. Jean-Michel Fourgous - Démagogie !

M. Jean-Louis Dumont - La majorité a choisi de baisser l'impôt sur le revenu. Mais quid des personnes non imposables ? Elles n'ont droit à rien, alors même qu'elles seront frappées de plein fouet par la forte augmentation des carburants qu'elles sont obligées de consommer pour se rendre à leur travail, notamment en milieu rural. Il aurait été préférable de s'employer à réduire les charges pesant sur l'ensemble des ménages, comme la taxe d'habitation.

Nous voterons donc, bien sûr, contre l'article premier.

M. Marc Laffineur - L'opposition nous répète à l'envi qu'elle se préoccupe du sort des gens modestes. Mais qui pâtit le plus de l'insécurité dans les banlieues, devenue ce qu'elle est du fait de votre inaction, et contre laquelle nous avons décidé, nous, de lutter résolument ? Il est à l'honneur de ce gouvernement de conduire une politique cohérente, et c'est une politique cohérente que de vouloir tenir les deux bouts de la chaîne. Il faut à la fois abaisser les charges sur les bas salaires et veiller à retenir dans notre pays les créateurs d'entreprises et de richesses, lesquels avaient tendance à le quitter ces dernières années à cause du poids des prélèvements obligatoires.

Bien entendu, nous ne voterons pas ces amendements.

A la majorité de 40 voix contre16 sur 56 votants, les amendements 9, 31 et 38 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Sandrier - Les amendements de suppression ayant été repoussés, nous proposons par notre amendement 32 de ramener le taux normal de TVA de 19,6 % à 18,6 %. Cet impôt injuste grève en effet lourdement le budget des ménages modestes. Une baisse globale, ou bien ciblée, favorise la relance de la consommation, de l'investissement et, partant, de la croissance. De plus, ainsi qu'on l'a constaté avec celle intervenue sur les travaux dans les logements, elle permet incidemment de limiter le travail au noir. Outre les salariés, les retraités et les chômeurs, nombre de commerçants et d'artisans attendent donc un geste significatif sur la TVA.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel à titre personnel, je suis défavorable. Le Gouvernement a fait le choix clair de baisser l'impôt sur le revenu. Une baisse d'un point du taux normal de TVA coûterait quelque trente milliards de francs en année pleine, et n'aurait que de faibles incidences limitées sur l'économie, comme on l'a constaté lorsque le taux a été abaissé de 20,6 % à 19,6 %.

M. Henri Emmanuelli - C'est faux !

M. le Rapporteur général - Une baisse ciblée, comme celle opérée par la précédente majorité sur les travaux à l'intérieur des logements ou comme celle que nous envisageons serait beaucoup plus efficace.

M. le Ministre délégué - Même avis. J'ajoute que l'allégement de l'impôt sur le revenu vise aussi à rendre notre pays plus attractif. Une baisse de la TVA n'atteindrait pas le même objectif.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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