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Session extraordinaire de 2001-2002 - 9ème jour de séance, 15ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 30 JUILLET 2002

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 5

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 18

      ARTICLE PREMIER 19

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 31 JUILLET 2002 29

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - A l'issue de la discussion générale, je voudrais remercier l'Assemblée nationale pour ce débat très riche et presque toujours digne, parce qu'empreint de l'humilité nécessaire face au chômage des jeunes. Ce problème n'est pas une donnée statistique qu'il convient d'essayer de réduire par des mesures techniques, mais un des éléments principaux de la crise politique et sociale que traverse notre pays. Quand on commence son existence par des années de galère, quand on aborde la vie d'adulte par des emplois précaires, par une situation qui vous place au bord de l'exclusion, il est naturel qu'on soit ensuite marqué pour la vie par cette expérience.

Je remercie votre rapporteur, Bernard Perrut, et la commission des affaires sociales, présidée par Jean-Michel Dubernard, pour le travail effectué sur ce texte. Vous avez compris que la principale force de ce projet résidait dans sa simplicité et vous avez su résister à l'envie bien naturelle d'étoffer le dispositif, ce qui en aurait amoindri la portée. Ce texte marque en effet un véritable changement politique : il repose sur la confiance que nous plaçons à la fois dans les entreprises et dans le travail des partenaires sociaux. Nous avons confiance dans les entreprises. Un chef d'entreprise qui recrute un jeune sans qualification sur un contrat de travail à durée indéterminée fait un pari sur l'avenir. À l'évidence, il cherchera à rentabiliser son investissement en apportant à ce jeune la formation dont il a besoin. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux qui devront mettre en _uvre des accords internes, de branche ou interprofessionnels en matière de formation professionnelle.

Si Mme Guigou ne se place pas dans cette perspective, elle a eu le mérite de reconnaître que la lutte contre le chômage des jeunes était difficile et qu'il convenait d'éviter le dogmatisme. Je lui accorde que le chômage des jeunes a diminué entre 1997 et 2000, mais elle ne peut pas nier que les pays européens aient fait mieux. Entre 1997 et 2000, nous sommes passés d'un taux de chômage des jeunes de 32 % à 22,3 %, quand le Royaume-Uni passait de 12,2 % à 11,6 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), la Suède de 20,1 % à 11,9 % et l'Allemagne de 9,8 % à 9,2 % (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Encore faut-il préciser que la diminution du chômage des jeunes a surtout profité aux jeunes diplômés, non aux jeunes sans diplôme.

Mme Guigou m'a posé deux questions précises. Elle s'est d'abord inquiétée du risque de précarité et de la concurrence avec les dispositifs en alternance ou par rapport aux travailleurs âgés. Mais une politique, c'est une gamme d'interventions articulées : commencer par les jeunes sans formation n'est évidemment pas exclusif d'autres actions. Quant à la précarité, intervenir en CDI, c'est - comme l'a fait remarquer M. Gremetz - rompre avec une dérive bien connue et renouer avec la qualité de l'emploi. Le Gouvernement est convaincu que l'emploi mène à la qualification et c'est pour cette raison que nous allons tout faire pour favoriser la validation des acquis de l'expérience. Enfin, Mme Guigou ne peut pas nier que les dispositifs mis en place depuis 1997 étaient surtout orientés vers le secteur non marchand. Or, les structures publiques ne peuvent pas accueillir davantage de public en insertion. Quant à l'alternance, elle ne s'est jamais autant développée qu'au moment où se créaient les emplois-jeunes ou le dispositif TRACE. Pourquoi en irait-il autrement avec le contrat que nous proposons aujourd'hui ? Les besoins de l'économie et les aspirations des jeunes restent variés, évolutifs et complémentaires. S'agissant du programme TRACE, non seulement les engagements pris par le gouvernement précédent seront tenus, mais nous irons au-delà, puisque le CIVIS, un contrat d'insertion dans la vie sociale, reprendra pour une grande part les orientations du programme TRACE en les amplifiant.

Ensuite, Mme Guigou a suggéré que nous voulions économiser sur les emplois-jeunes en vue de financer les baisses d'impôts. Or, pour 3,2 milliards inscrits à la ligne « emplois-jeunes » en 2002, nous allons inscrire 3 milliards en 2003 pour assurer le respect des engagements pris, plus 600 millions de crédits pour mettre en place le contrat sans charges. Où est le désengagement de l'Etat ? Ce gouvernement saura assumer une pérennisation pertinente, sélective pour les activités, responsable pour les jeunes et régulièrement évaluée.

M. Rudy Salles, au nom du groupe UDF, a posé un diagnostic que je partage, y compris sur la question de la formation. Je veux inciter les partenaires sociaux et les entreprises à développer les actions de formation. Le texte le prévoit et le Gouvernement, dès la rentrée, incitera fortement les partenaires sociaux à négocier dans le champ de la formation professionnelle. Certains d'entre eux ont d'ailleurs déjà entendu le message. Un orateur de l'opposition a jugé utile de citer les propos du président de l'assemblée permanente des chambres de métiers, qu'il trouvait très critiques à l'égard du projet de loi. Or, cette personnalité vient de proposer au Gouvernement de réfléchir à une passerelle vers la formation, laquelle permettrait d'ouvrir aux jeunes en contrat de travail l'accès à une formation sur la base de la validation de l'expérience acquise en entreprise : c'est exactement ce que nous souhaitons ! Que les chambres de métiers, que les chambres de commerce, que les entreprises, que les partenaires sociaux, à partir du cadre élargi que nous leur offrons s'engagent dans la voie de la formation, du tutorat et de la validation des acquis de l'expérience.

Nous allons inciter les partenaires sociaux à négocier sur l'alternance, dont je note au passage qu'elle est parée désormais de toutes les vertus par ceux-là même qui condamnaient autrefois ce mode de formation comme étant une façon de placer les jeunes « chez les patrons ». La formation tout au long de la vie fera l'objet d'un encouragement très ferme du Gouvernement pour que les partenaires sociaux négocient, en vue notamment de mettre en place l'assurance emploi sur laquelle le Président de la République et la majorité se sont engagés. Enfin, nous inciterons les partenaires sociaux à négocier sur la validation des acquis de l'expérience.

Nombre d'orateurs, M. Salles, M. Dutoit, M. Anciaux, Mme Guinchard-Kunstler, M. Périssol, Mme Mignon, M. Luca, M. Herth ou M. Chatel, se sont interrogés sur la question de la formation qui a été au c_ur de nos débats de l'après-midi. Celle-ci est un atout essentiel, pour le salarié comme pour l'entreprise, et je me réjouis de l'unanimité qui rassemble la représentation nationale pour le souligner. J'espère revenir devant vous bientôt pour mettre en _uvre l'engagement du Président de la République en faveur de l'assurance emploi, c'est-à-dire de la formation tout au long de la vie.

Nous ne devons pas avoir le sentiment de trahir ce soir cette conviction fondamentale. Le présent texte concerne en effet les jeunes peu qualifiés rencontrant des difficultés d'insertion dans la vie professionnelle. Nous souhaitons tous les aider mais si ces jeunes acceptaient les contrats en alternance avec un module de formation intégré, cela se saurait et il n'y aurait pas de difficulté pour les accueillir en apprentissage ou bien dans les contrats de qualification ! Ces contrats bénéficient déjà d'exonérations de charges. Ne cherchons pas à réinventer ce qui existe déjà ! Complétons plutôt la gamme de ce qui est proposé aux jeunes peu qualifiés et offrons-leur des solutions vraiment différentes. Nous avons là une chance de mettre le pied à l'étrier à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas souscrire un contrat en alternance. Bien sûr nous espérons que ceux qui auront ainsi engagé leur vie professionnelle par l'apprentissage direct d'un métier voudront ensuite progresser, et nous prévoyons explicitement à cette fin deux dispositions : la rupture sans préavis du CDI pour rejoindre une formation ; et le renvoi à des accords de branche pour la validation des acquis de l'expérience. Sur ce dernier point, je renvoie du reste l'opposition à ses propres sources : ce sont des lois, votées du temps où elle était majoritaire, en 1984, en 1992 et encore au début de cette année, trois lois qui ont consacré la validation des acquis de l'expérience.

Pourquoi l'avoir fait, sinon en vertu du bon sens ? L'exercice d'un métier permet d'acquérir en effet des compétences qui vont bien au-delà d'un simple savoir-faire et le savoir scolaire n'est pas tout ; les connaissances professionnelles ont, elles aussi, une réelle valeur, que la collectivité se doit de reconnaître. Bertrand Schwartz, que Mme Guinchard-Kunstler a invoqué mais qui est une référence pour nous tous, n'a-t-il pas fondé toute sa pédagogie sur la conviction qu'on peut toujours acquérir des savoirs, quel que soit son bagage initial, et qu'il faut parfois modifier les pratiques d'apprentissage, lorsque les mécanismes scolaires se révèlent inopérants ? Cette conviction est aussi la mienne et je ferai en sorte qu'en 2003, les crédits nécessaires soient là pour mettre en place le dispositif de validation des acquis de l'expérience.

Mesdames, Messieurs de l'opposition, vous avez voulu cette validation. Que prétendez-vous en nier la valeur aujourd'hui ? Pourquoi soutenez-vous qu'il n'y a de salut que par les diplômes traditionnels ? Pour moi, je crois à la valeur de l'expérience acquise dans l'entreprise et à la force du contrat à durée indéterminée qui liera le chef d'entreprise et le jeune salarié. Ce contrat est un engagement qui élimine le piège des « petits boulots » qu'on accepte sans espoir de se former, mais uniquement pour survivre. Et je fais confiance aux deux parties pour honorer cet engagement réciproque, dont la durée garantira une place à la formation, même si l'on ne fait pas de celle-ci un préalable.

M. Dutoit a critiqué la politique de réduction des charges. Nous, au contraire, la jugeons fructueuse. La DARES n'a-t-elle pas montré que 150 000 emplois avaient été créés grâce à la ristourne sur les bas salaires, instituée par le gouvernement Juppé en 1995 ? L'INSEE n'a-t-il pas annoncé que les baisses de charges décidées en 1994, puis en 1997, en avaient engendré 460 000 ? Nous ne saurions donc négliger cette arme !

Quant au débat sur l'effet d'aubaine qu'aurait la suppression du seuil de 250 salariés et sur son caractère libéral, il a eu lieu au Sénat et a été tranché. Cette ouverture du dispositif ne peut qu'offrir aux jeunes des chances d'insertion accrues : est-ce libéral ou simplement raisonnable, dès lors, d'opter en ce sens ?

Je sais gré à M. Anciaux d'avoir rappelé de solides vérités : ce sont, de fait, les entreprises qui créent des emplois et, lorsque l'économie repart, elles doivent veiller à la bonne gestion des ressources humaines parce que c'est le prix à payer pour que chacun soit gagnant.

M. Nayrou a tort d'estimer que je voudrais « faire du chiffre ». Je n'entends certes pas instrumentaliser la jeunesse pour faire apparaître notre politique sous un jour flatteur. Cependant, si « faire du chiffre », c'est offrir un maximum de contrats au maximum de jeunes, je préfère ce chiffre-là à celui du chômage...

Madame Mignon, l'UNEDIC est à même de payer une prestation, ce que ne peut faire le service public de l'emploi. Elle peut également vérifier que les entreprises sont à jour de leurs cotisations. Mais, bien entendu, c'est au service public qu'il appartiendra de promouvoir le dispositif, en liaison avec les missions locales et les fédérations professionnelles.

À tous ceux qui ont demandé que ce texte soit applicable outre-mer, je répondrai qu'il en sera bien ainsi, la loi de programmation en préparation permettant de prendre en compte les spécificités de ces territoires.

Madame Martinez, le cumul de deux mi-temps effectués chez des employeurs différents sera possible et je vous confirme que toutes les entreprises comprises dans le champ de l'UNEDIC pourront bénéficier de ce contrat.

« L'histoire ne retiendra pas ce projet », a soutenu l'un de vous. Mais je ne travaille pas pour l'histoire : je travaille pour les jeunes ! Et, avec la majorité, j'aurai le sentiment d'avoir bien travaillé si je parviens à réduire un peu ce cancer qu'est le chômage des jeunes non diplômés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

La parole est à M. Gremetz pour la défendre.

M. Maxime Gremetz - Je l'ai dit : nous sommes prêts à voter un projet qui favorise l'emploi des jeunes. Nous pourrions même voter celui-ci, ai-je ajouté, mais à une condition : qu'il comporte un volet pour la formation. Je vais y revenir.

Cette motion n'est pas une exception d'irrecevabilité, donc. En revanche, nous souhaitons le renvoi en commission. Nous avons en effet noté qu'après arbitrage du Premier ministre, vous avez déjà accepté de reporter de deux mois, semble-t-il, l'accord concernant les intermittents du spectacle : rien n'est donc jamais figé ! Les ministres peuvent bouger lorsque les choses bougent...

Cela étant, je vous rappelle qu'un accord est intervenu en juin 2000 entre la FESAC, mandatée par le MEDEF, et l'ensemble des syndicats, et qu'il n'a jamais été examiné. Or, c'est sur cette base qu'il faudrait ouvrir la négociation annoncée, pour parvenir à un accord profitable à toutes les parties. Il suffirait d'avoir la volonté de dialoguer et d'écouter pour réussir !

D'autre part, vous n'avez pu rester totalement sourds à l'inquiétude des titulaires d'emplois-jeunes et de leurs familles : vous avez dû accepter de proroger d'un an ces emplois, dans l'Education nationale. C'est un pas. Mais nous entendons bien agir avec les intéressés pour que ces emplois, dans les autres secteurs de la fonction publique et dans le secteur associatif, se transforment en emplois durables.

Votre projet doit être sérieusement amendé pour faire reculer le chômage des jeunes et la précarité, pour créer des emplois mieux payés et assortis d'une formation. Tel est le sens de nos propositions. Du sort qui leur sera réservé dépendra notre vote. Si vous persistez à refuser le droit à une vraie formation et à permettre aux grands groupes d'abuser des emplois précaires, vous nous trouverez sur votre chemin ! En effet, en toutes circonstances, ce qui déterminera notre attitude, c'est l'intérêt de nos concitoyens les plus durement atteints par les méfaits du libéralisme.

Le chômage demeure le fléau numéro 1 de notre société et la principale cause de l'insécurité. Or, le souci de l'emploi est-il toujours celui qui guide les chefs d'entreprise et les dirigeants de ce pays ? Je n'en suis pas certain. Sept millions de personnes sont directement touchées par le chômage total, la précarité ou le travail à temps partiel contraint ! Toutes les familles se sentent donc menacées. Mais ceux qui sont aux commandes peuvent, eux, peser ainsi sur les salaires ou les conditions de travail. Les patrons ont donc intérêt à ce que l'armée de réserve des chômeurs reste importante.

N'est-ce pas un conseiller d'Alain Juppé qui écrivait dès 1996 : « Dans la conjoncture actuelle, il n'y a que la pression du chômage qui évite une embardée sociale. Une amélioration sur le terrain de l'emploi entraînerait fatalement une pression salariale que le pays ne peut se payer » ?

Les salariés, à l'inverse, ont intérêt à la suppression du chômage, qui leur permettrait d'exiger des salaires plus élevés. C'est pourquoi les députés communistes, qui font de la lutte pour l'emploi leur priorité absolue, continuent de se battre pour des mesures propres à éradiquer le chômage.

Quel est donc le programme du Gouvernement contre l'emploi, et je dis bien contre l'emploi ? Que proposez-vous ? J'ai pensé, un moment, qu'il était peut-être un peu tôt pour dresser un bilan, mais M. Raffarin lui-même a annoncé un « bilan des cent jours ». Dans ces conditions, il ne m'est que plus facile de vous rappeler ce que votre gouvernement a rendu public : la baisse des cotisations sociales ; la baisse des impôts sur le revenu ; l'assouplissement des 35 heures ; la « réforme » des retraites, et un train supplémentaire de privatisations. J'avais écrit ce texte avant même que la privatisation d'Air France soit annoncée !

Par quel miracle une seule de ces mesures pourrait-elle créer un seul emploi ? Démontrez-nous le moindre lien entre chacun de ces projets et l'emploi ! C'est mission impossible.

Prenons, pour commencer, la baisse des cotisations sociales. Nous en parlons aussi, mais nous n'avons pas le même langage. On n'entend de vous que « les charges, les charges, les charges ».

Un député UMP - C'est qu'elles pèsent lourd !

M. Maxime Gremetz - Or, ce que vous appelez indûment « les charges patronales », ce sont des cotisations qui permettent d'assurer la protection sociale de haut niveau dont profitent tous les habitants de notre pays. C'est cela, la spécificité française !

Ces cotisations ne sortent pas de la poche des patrons : elles ont pour origine le travail des salariés des entreprises. Elles permettent de redistribuer les richesses créées et en rétablissant une certaine justice sociale, de limiter et de réparer une partie des dégâts causés par le capitalisme.

Un haut niveau de cotisations sociales est donc une excellente chose, car il permet un haut niveau de protection sociale.

Un député UMP - Payé par les patrons !

M. Maxime Gremetz - Ce qui représente des charges nuisibles pour l'économie, ce ne sont ni les salaires ni les cotisations sociales, mais les prélèvements opérés par les propriétaires des capitaux et dont l'essentiel est consacré aux placements financiers et à la consommation de luxe. Voyez M. Messier, qui joue au monopoly avec l'argent public tout en gagnant 5 millions de francs par mois ! Pendant ce temps, combien de salariés sont payés au SMIC ? Et ce monsieur joue et perd l'audiovisuel français en Bourse !

Ce sont ces prélèvements-là qu'il faut réduire ! Pourtant, la baisse des cotisations sociales est le serpent de mer de toutes les politiques menées depuis plus de 20 ans, sans exception.

Tous les chefs de gouvernement et tous les ministres du travail qui se sont succédé ont prétendu qu'il suffisait de diminuer les cotisations pour favoriser l'embauche et lutter contre la concurrence étrangère.

Ils se sont trompés, ou plutôt ils ont trompé les gens pour la simple raison que cette thèse est complètement stupide : en effet tout chef d'entreprise avoue en privé qu'il embauche lorsqu'il en a besoin pour assurer la production. Les cotisations sociales ou le salaire direct peuvent baisser, il n'embauchera pas un seul salarié de plus s'il n'en a pas besoin ! Évidemment, il ne fera pas le délicat devant une baisse des cotisations qui lui permet d'augmenter ses profits.

La baisse des cotisations n'a pas davantage permis d'améliorer la compétitivité vis-à-vis de la concurrence étrangère, toujours avancée comme prétexte : et pour cause ! Il n'y a pas de concurrence étrangère dans de nombreux secteurs à bas salaires, comme le bâtiment, les travaux publics, le commerce, la restauration, ni chez les coiffeurs, ni dans le nettoyage de locaux, la réparation automobile, les services aux personnes ou les services aux entreprises - sauf une partie de l'informatique -, pas davantage dans les transports intérieurs... puisque tout cela se produit nécessairement sur place.

M. Louis Guédon -Et le textile ?

M. Maxime Gremetz - Dans les secteurs industriels et agricoles exposés, l'externalisation et les achats à l'étranger s'accélèrent, notamment en Europe de l'Est et en Asie. Si l'on voulait résister en ne jouant que sur les salaires, il faudrait les diviser par deux ou trois, ce qui est impossible.

D'ailleurs, est-il vraiment question de résister ? Il semble clair que les grands groupes ont pour stratègie d'augmenter les profits par la surexploitation des travailleurs à l'échelle mondiale.

M. Maurice Giro - Nous y voilà !

M. Maxime Gremetz - C'est la réalité, mais vous ne la connaissez pas, et bien peu nombreux sont ceux qui la connaissent dans cet hémicycle où je suis le seul ouvrier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ouvrier qui fut, de plus, licencié par l'un de vos illustres prédécesseurs, Monsieur le ministre : il s'agit de M. Fontanet, pour ne pas le nommer...

M. Maurice Giro - Belle reconversion !

M. Maxime Gremetz - D'un taux de cotisations de sécurité sociale dites patronales de 30 %, on est passé, avec le plan Juppé, à 12 % au niveau du SMIC puis à 4 % avec le plan Aubry. À cela, il faut ajouter les diverses exonérations ciblées, qui concernent au total deux millions de personnels. Au total, la baisse des cotisations réellement payées atteint 40 %, soit une baisse de l'ensemble « salaires directs et indirects » d'environ 15 %.

Et quel est le résultat de cette « bonne » politique ? On est passé de 2 millions de chômeurs en 1980 à 2,7 millions aujourd'hui, malgré les emplois créés par la réduction du temps de travail et la croissance de ces dernières années. Et que nous proposez-vous ? Le taux « zéro », plus le remboursement des autres cotisations sociales !

Vous annoncez dans la présentation du projet que « ce dispositif préfigure la réforme annoncée sur la refonte globale du dispositif d'allégement de charges sociales patronales. La priorité est d'aboutir à une baisse des charges pesant sur les bas salaires et d'encourager le recrutement des salariés les moins bien formés ». Les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, on sait déjà que ces mesures auront un effet négatif sur l'emploi.

J'en viens à la baisse de l'impôt sur le revenu. Vous prétendez que l'augmentation du revenu disponible va favoriser la croissance. C'est faux. D'une part, les principaux bénéficiaires de cette réduction sont les foyers disposant des plus hauts revenus, qui consacreront une partie de leurs ressources nouvelles à la spéculation boursière.

M. Alain Néri - Ce n'est peut-être pas le meilleur moment !

M. Maxime Gremetz - Combien vous êtes généreux avec M. Messier ou Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Et combien vous êtes pingres à l'égard des smicards, et de la grande majorité des contribuables !

Pour un célibataire sans personne à charge, avec un revenu net imposable de 8080 €, la réduction de 5 % représenterait environ 3 €. Quelle générosité ! Mais pour un couple marié avec deux enfants déclarant un revenu net imposable de 150 000 €, le bénéfice de la baisse de 5 % se monte à 2746 €. Ainsi, plus on est riche et plus on gagne à cette disposition. Où est la justice fiscale dans tout çà ? Mécaniquement, le gain réalisé augmente avec le niveau des revenus.

Un député UMP - Vous êtes hors sujet !

M. Maxime Gremetz - Cinq mille foyers fiscaux sont dans la catégorie la plus privilégiée : avec un revenu imposable de plus de 421 150 €, la réduction d'impôt pour un couple marié devrait s'élever à environ 10 100 €, soit plus de 8 fois le SMIC mensuel brut. Encore un effort, et ces familles, sans doute miséreuses à vos yeux, auront économisé plus que le salaire annuel d'un smicard !

D'autre part, la diminution des recettes fiscales se traduira nécessairement par la baisse des investissements et des services publics, et donc par des destructions d'emplois chez les fournisseurs et dans les services publics.

Si vous aviez voulu augmenter les revenus disponibles pour la consommation utile à l'emploi, vous auriez augmenté le SMIC et la prime pour l'emploi des plus modestes. Certes, me direz-vous, le gouvernement précédent ne l'a pas fait. C'est exact, mais je n'étais pas d'accord avec ce choix, et je l'ai dit. J'ai donc le mérite de la constance, et je continue de penser que l'augmentation des bas salaires est un élément de la croissance.

Pour maintenir à leur niveau les recettes fiscales, vous auriez pu augmenter l'impôt des plus riches. Certains ont tellement d'argent qu'ils ne s'en seraient même pas rendu compte ! À cet égard, j'aimerais connaître l'avantage fiscal que retirera Mme Bettencourt de la baisse de l'impôt sur le revenu...

M. Alain Néri - Elle est maillot jaune !

M. Maxime Gremetz - ...Et sans travailler.

M. Jean-Paul Anciaux - Elle est dopée ?

M. Maxime Gremetz - Sa fortune, évaluée à 17,2 milliards d'euros a progressé de 70 % en quatre ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'argent, on le gagne en dormant.

Je pourrais en citer d'autres, comme Bernard Arnault avec ses 13,6 milliards, Gérard Mulliez avec ses 13 milliards, François Pinault et ses 8,8 milliards, Serge Dassault - le petit-fils n'est pas là ? - avec 5,3 milliards, Jean-Louis Dumas, de Hermès, avec 4,8 milliards ...

Pour vous rattraper, vous allez accroître les impôts qui frappent les pauvres. Vous avez commencé avec l'essence et les tarifs publics - enfin, pour EDF, on a dit non et on a eu la preuve qu'en bougeant on peut changer des choses. Le pouvoir d'achat va donc diminuer, ce qui entraînera d'autres destructions d'emplois.

Votre mot d'ordre semble être celui d'un politicien du siècle dernier, « mieux vaut faire payer les pauvres, ils sont plus nombreux ». Vous pourriez ajouter, « et ils sont habitués ».

Plusieurs députés UMP - Et les contrats jeunes ?

M. Maxime Gremetz - J'en arrive aux 35 heures (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Ce que vous appelez assouplissement, c'est la possibilité de faire faire plus d'heures supplémentaires, donc d'augmenter globalement la durée du travail. Comment ferez-vous croire que si dix ouvriers qui font 35 heures passent à 39 heures, cela va créer un emploi ? Evidemment, il y aura un ouvrier de moins.

Plusieurs députés UMP - Hors sujet !

M. Maxime Gremetz - Mais nous n'avons sûrement pas la même façon de compter (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour obtenir l'adhésion des salariés, on leur dit qu'ils gagneront plus s'ils travaillent plus.

Plusieurs députés UMP - C'est vrai.

M. Maxime Gremetz - Mais leurs enfants, leurs frères, privés d'emploi, ne gagneront plus rien. De toute façon, on leur raconte des histoires. Dans le privé, 7 millions de salariés sont encore aux 39 heures et font donc quatre heures supplémentaires chaque semaine.

M. Jean-Paul Anciaux - Heureusement.

M. Maxime Gremetz - Est-ce qu'ils gagnent davantage que ceux qui sont passés aux 35 heures ?

Plusieurs députés UMP - Oui !

M. Maxime Gremetz - Non. Interrogez vos services, ils le confirmeront. D'ailleurs ces ouvriers s'en plaignent. Si vous voulez qu'ils gagnent davantage, faites donc un peu de publicité à un arrêt du 4 juin de la chambre sociale de la Cour de cassation qui précise que, lorsqu'il existe un accord de branche sur les 35 heures avec maintien du salaire, c'est-à-dire presque partout, les salariés restés à 39 heures ont droit au salaire maintenu plus le paiement de quatre heures supplémentaires, et non à la petite bonification de 10 ou 25 %. Les juges interprètent la loi de façon opposée à la circulaire ministérielle.

M. François Goulard - De quel ministre ?

M. Maxime Gremetz - Il y a deux mois que vous connaissez cet arrêt. Je vous ai interpellé, vous ne m'avez pas répondu. Vous n'avez pas eu le temps. Mais cela change la situation de centaines de milliers de salariés. Qu'attendez-vous pour modifier la circulaire et expliquer aux employeurs que dans ce cas ils doivent augmenter les salaires mensuels de 11,3 % ? C'est l'occasion d'appliquer votre slogan « Gagner plus en travaillant plus ».

Mais que les salariés ne se fassent pas trop d'illusion. Le paiement des heures supplémentaires serait vite compensé par le blocage des salaires mensuels. Les heures supplémentaires ont toujours servi à faire travailler plus pour le même salaire. De toute façon, selon les directeurs départementaux du travail, les employeurs n'utilisent même pas leur contingent. Pourquoi voulez-vous l'augmenter ?

Passons aux retraites.

Plusieurs députés UMP - Hors sujet !

M. Maxime Gremetz - Non, c'est lié à l'emploi. Comme l'a dit le ministre, on ne peut comprendre des mesures ciblées que dans le cadre d'une politique globale (Rires).

Le Gouvernement veut porter à 40 le nombre d'annuités dans le secteur public. Attention, souvenez-vous de l'expérience de 1995. Les salariés du public ne sont pas prêts à se laisser faire.

M. Jean-Paul Anciaux - Il faut nous aider !

M. Maxime Gremetz - Vous aider plutôt à revenir aux 37,5 annuités de cotisation en abrogeant la réforme de M. Balladur. Ensuite, vous voulez porter à 63 ans l'âge de la retraite et un document à ce sujet a été signé au sommet de Barcelone. Enfin, vous voulez mettre en cause la retraite par répartition au profit de la capitalisation. Les salariés devront financer davantage leur retraite au détriment du pouvoir d'achat, donc de la consommation, donc de l'emploi. Il est vrai qu'Enron est passé par là, et que les retraités américains s'y laisseront moins prendre.

De plus la capitalisation conduirait de nombreux salariés à rester dans l'entreprise au-delà de 60 ans. Il faudra beaucoup d'imagination pour montrer en quoi cela favorisera l'emploi des jeunes.

On ne peut parler d'emploi sans aborder aussi les privatisations.

Vous voulez vendre à des intérêts privés ce qui appartient à la nation. En tête de gondole de cette immense braderie, je pensais qu'il y aurait EDF. Non, c'est Air France, une entreprise solide sur le plan financier et technologique, et qui a su se redresser.

M. Jean-Marc Roubaud - Et vous, qu'avez-vous privatisé ?

M. Maxime Gremetz - Ensuite ce sera EDF, l'entreprise la plus performante, qui assure le service public le plus indispensable. Ce projet est immoral, antirépublicain, inutile et nuisible, lourd de risques technologiques en raison du nucléaire. Nous nous y opposerons.

Pour en rester à l'emploi, la privatisation c'est la recherche du profit maximum, la dictature des marchés financiers avec toutes ses dérives et malversations. Les actionnaires des fonds de pension veulent leurs 15 % de rentabilité minimum, sinon on casse, on licencie. La privatisation ne crée pas d'emploi, elle en détruit des dizaines de milliers comme chez Alcatel, Renault, France Télécom. Là où la privatisation passe, l'emploi trépasse !

Il faut faire cesser le massacre, rendre à la nation ce qui lui appartenait.

Donc, aucun des grands projets du Gouvernement ne fera reculer le chômage. Au contraire, ils détruiront des centaines de milliers d'emplois. Sauf miracle improbable d'une conjoncture internationale très favorable, c'est un nouvel essor du chômage que porte en elle la politique que vous mettez en place de manière dogmatique et dans la précipitation, comme si vous aviez peur d'une réaction des Français.

Cette réaction, nous la souhaitons. Il faut se mobiliser contre votre politique, pour vaincre le chômage.

La redistribution des richesses doit favoriser une croissance favorable à l'emploi, la demande intérieure constituant le meilleur soutien à la croissance. Comme le disait récemment quelqu'un, « la feuille de paie n'est pas l'ennemi de l'emploi, c'est plutôt le contraire ». Nous, nous le pensons toujours. Depuis vingt ans, la part des salaires dans les richesses produites a continuellement baissé au profit de celle des revenus du capital. Les gains de productivité sont allés aux détenteurs des moyens de production et les salariés n'en ont reçu qu'une part infime.

On nous parle de récompenser l'effort. Chiche ! Récompensons ! Portons le SMIC, sur cinq ans, à 1 372 €, soit 9 000 F net par mois ! Indexons les minima conventionnels sur l'évolution du SMIC ! Une telle mesure de justice sociale bénéficierait in fine à l'emploi. Il faut réformer les cotisations sociales. Je vous recommande un ouvrage non partisan, le rapport de la Cour des comptes. Il relève que l'assiette des cotisations sociales, constante depuis des années, prend de moins en moins en considération les revenus du capital et les revenus financiers, et suggère donc de la redéfinir.

Nous proposons que le taux de cotisation soit désormais fonction du rapport entre les salaires payés par l'entreprise et la valeur ajoutée, afin d'encourager la stabilité de l'emploi.

Nous plaidons aussi pour une réforme des aides à l'emploi, actuellement constituées d'exonérations de cotisations sociales qui assèchent ou fiscalisent les ressources de la protection sociale, et de les remplacer par des prêts bonifiés attribués sur des critères d'emploi et de formation.

Libérons des emplois grâce à une vraie réduction du temps de travail et une réforme des retraites. Les adversaires de la réduction du temps de travail ont beau jeu de s'attaquer à cette grande réforme en arguant du mécontentement d'une partie des salariés. Nous l'avions dit : les lois Aubry sont trop peu contraignantes (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP).

Tirant parti des insuffisances des textes et du laissez-faire ministériel, les patrons ont imposé de mauvais accords de branche ou d'entreprise : remise en cause des avantages acquis comme les pauses, annualisation anarchique, forfaits jours pour les cadres, jours de RTT à la discrétion de l'employeur, salaires gelés, intensification du travail, maintien à 39 heures - et plus - de millions de salariés, tout cela, ce ne sont pas les défauts des 35 heures, mais de l'absence des 35 heures.

Très souvent, la loi n'a pas été correctement appliquée ; on n'a pas tenu compte des améliorations obtenues au cours du débat par les députés communistes, verts et citoyens. Cette RTT en trompe-l'_il limite fortement les créations d'emplois. La première loi Aubry avait exigé 10 % de réduction du temps de travail et 6 % d'emplois en plus, mais lors de la deuxième, on n'a pas voulu entendre parler de création d'emplois !

M. Bernard Accoyer - C'est vrai que ce sont de mauvais textes !

M. Maxime Gremetz - Que les adversaires de la RTT ne se réjouissent pas trop vite : des luttes débouchent aujourd'hui, les tribunaux font appliquer la loi, et des accords aussi emblématiques que ceux d'Aventis ou Otis ont été mis en cause au sujet de l'annualisation ou des cadres. Des arrêts de Cours d'appel ou de la Cour de cassation menacent des milliers d'accords conclus sur ler même modèle.

La réduction du temps de travail reste largement à conquérir. Elle demeure une aspiration des salariés et une nécessité pour l'emploi.

C'est aussi pour libérer des centaines de milliers d'emplois que nous adhérons au mot d'ordre syndical « Mieux vaut payer des retraités que des chômeurs ». Nous respectons bien sûr le droit de chacun de travaille au-delà de 60 ans s'il le désire, mais nous demandons aussi que chacun puisse partir à soixante ans, s'il le désire, avec un bon niveau de pension.

D'autre part, nous maintenons l'exigence que nous avions traduite dans une proposition de loi au début de l'année, d'un droit à la retraite avant 60 ans pour ceux qui ont cotisé quarante ans.

Combien de temps encore s'opposera-t-on à cette demande légitime de personnes qui ont commencé à 14 ans comme ouvrier de céder leur place à un jeune ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Ils méritent bien plus de la nation que les Jean-Marie Messier et consorts.

Plusieurs députés UMP - C'est vrai !

M. François Goulard - C'est un patron de gauche !

M. Maxime Gremetz - Si j'évoquais la nécessité de la cohérence dans nos propositions, c'est parce qu'il ne suffit pas de créer ou de libérer de nombreux emplois... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard - Messier était un grand partisan des 35 heures !

Mme la Présidente - Laissez parler l'orateur !

M. Maxime Gremetz - Encore faut-il que tous les citoyens privés d'emploi puissent occuper ceux qui sont libérés, ce qui n'est pas toujours le cas.

L'emploi non qualifié est depuis longtemps minoritaire dans notre pays et le deviendra de plus en plus. Pas d'avenir, donc, sans la formation professionnelle dont des millions de salariés sont encore dépourvus, y compris parmi les jeunes.

Le développement de la formation professionnelle est donc une priorité, même si la France ne part pas de zéro. La formation initiale y est d'un haut niveau, quantitatif et qualitatif, tout comme la formation continue, avec des institutions telles que l'AFPA et certains organismes privés.

Les dispositifs d'aide à la formation sont également intéressants, avec le congé individuel de formation ou, lorsqu'ils sont bien utilisés, les contrats d'apprentissage et de qualification et le programme TRACE.

Si certaines entreprises consentent des efforts méritoires, les obligations existantes sont trop souvent détournées de leur objet, et les bénéficiaires de la formation dans les plans d'entreprise sont généralement ceux qui en ont le moins besoin : les cadres. Votre projet ne résout donc pas la question de la formation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Brunel - Ce n'est pas vrai !

Un député UDF - N'importe quoi !

Mme la Présidente - Laissez terminer l'orateur !

M. Maxime Gremetz - Il ne répond ni aux besoins des entreprises, ni à ceux des salariés et des jeunes.

Il faut élaborer un véritable plan pluriannuel pour la formation professionnelle, à partir d'une loi cadre augmentant les moyens matériels et humains de l'éducation nationale et de l'AFPA, et qui comporterait aussi un dispositif amplifiant le programme TRACE, afin de permettre à tout jeune de moins de 30 ans de garantir sa formation professionnelle pour trois ou cinq ans selon les cas. En échange de son acceptation des parcours de formation et d'emploi proposés et de son assiduité, on lui assurerait un revenu décent.

Nous estimons le coût de ce dispositif à 15 milliards d'euros par an. C'est un investissement considérable, mais un investissement dans l'être humain, le plus juste et le plus rentable qui soit.

Reste le problème de l'attractivité des métiers de l'industrie et du bâtiment, qui concerne directement les chefs d'entreprise. À eux d'offrir des salaires et des conditions de travail qui donnent plus envie de travailler sur un chantier que d'être vendeur.

Il faut bien constater, à voir les salaires, qu'ils sont plutôt timides. Peut-être ont-ils renoncé à attirer les jeunes de France, toutes origines confondues, et préféré faire venir de la main-d'_uvre qualifiée de pays situés hors de la Communauté européenne et notamment d'Europe de l'Est. Evidemment, c'est moins cher.

Mais est-ce conforme à l'intérêt de notre pays ? Si les chefs d'entreprise ne règlent pas ce problème, sans doute faudra-t-il le faire à leur place, en fixant par exemple un salaire minimum de l'ouvrier qualifié.

Dans votre exposé des motifs, vous relevez que le chômage des jeunes a augmenté de 15 % en un an, soit deux fois plus que le chômage moyen, mais vous n'indiquez pas la raison de cette nouvelle explosion. Les causes en sont pourtant connues. Le recul du chômage des années 1998, 1999 et 2000 a été permis par une création massive d'emplois, mais on oublie toujours de préciser que pour l'essentiel, ceux-ci ont revêtu une forme précaire : contrat à durée déterminée ou intérim. La hausse du chômage, depuis un an, procède du non-renouvellement de ces contrats précaires.

Comme les jeunes sont plus touchés par la précarité que leurs aînés, leur taux de chômage augmente davantage. J'ai dit que 7 millions de salariés étaient touchés par le chômage ou la précarité, soit un salarié sur trois. Mais cela est encore plus vrai pour les jeunes. Chômage total, emploi à temps partiel contraint, emplois clandestins, contrats à durée déterminée, intérim, CES, emplois-jeunes, formations en alternance : trois jeunes sur quatre sont concernés par l'un ou l'autre de ces statuts.

On connaît les conséquences sur la vie quotidienne de cette précarisation généralisée : difficulté à fonder une famille, angoisse du lendemain, difficultés pour trouver un logement ou obtenir un crédit (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Et certains privilégiés se permettent encore de leur faire la leçon, de les désigner comme les fauteurs de trouble ! C'est éc_urant.

Il faut arriver à convertir les emplois précaires en emplois stables, ce qui peut passer par la limitation du taux de CDD et d'intérim dans les entreprises. Le contrat à durée indéterminée à temps plein doit redevenir la règle.

Si notre régime politique est démocratique, notre système économique est aristocratique : dans les entreprises, la propriété est concentrée en effet dans les mains des plus importants actionnaires, et le pouvoir exercé par un conseil d'administration de quelques membres, souvent même par le seul président.

En fait, comme le rappelait le journal Le Monde du 19 juillet, ce sont trente personnes qui en cumulant 160 sièges de conseil d'administration, dirigent les plus grandes sociétés, et directement ou indirectement l'essentiel de l'économie du pays. Ces sociétés constituent trois grandes nébuleuses autour de la BNP Paribas, de la Société Générale et du Crédit Lyonnais (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ces dirigeants, ou leurs représentants dans les réseaux d'entreprises, décident de tout, et ne rendent de compte qu'à leurs principaux actionnaires. Leur seul critère de gestion : le profit.

Si encore leur compétence était garantie ! Mais ce n'est pas le cas, comme le montrent les affaires Alcatel et Vivendi.

La démocratie doit faire son entrée dans les entreprises. Il faut des droits nouveaux pour les salariés. Leurs représentants élus doivent recevoir des pouvoirs de cogestion, voire un droit de veto pour les délocalisations (Claquements de pupitres et mouvements d'impatience sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Si vous voulez que M. Gremetz termine, il faut d'abord l'écouter !

M. Maxime Gremetz - Laissez-les se détendre un peu, moi ça me repose.

Mme la Présidente - Continuez, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Ils ne vont tout de même pas contester à l'opposition son temps de parole ! Elle en a si peu !

L'expérience a montré que le pouvoir de consultation, d'ailleurs peu respecté, des comités d'entreprise, est insuffisant.

Je vous ai lu avec consternation, Monsieur le ministre, dans le Journal du Dimanche, au sujet de la loi de modernisation sociale. Certes, vous acceptez d'en conserver certains éléments, mais vous rejetez les nouveaux droits accordés au comité d'entreprise.

Vous voulez remettre en cause son droit d'opposition à un licenciement boursier ou à une délocalisation motivée par la recherche de rentabilité financière, du type de Whirlpool.

Vous voulez lui enlever le droit de recours suspensif ! Les salariés n'ont presqu'aucun pouvoir, et vous voulez encore leur ôter le peu qu'ils ont !

Un député UMP - Mais ce n'est pas la réalité des entreprises !

M. Maxime Gremetz - Nous n'avons pas les mêmes amis, je l'ai bien compris !

Il faudrait que le plan de formation de l'entreprise soit élaboré par le comité d'entreprise et ne puisse entrer en application qu'avec son accord et que, d'une façon générale, la place et le rôle des représentants des salariés dans les conseils d'administration et de surveillance soient renforcés. Où est la démocratie quand deux élus seulement, avec une simple voix consultative, représentent les milliers de salariés qui produisent les richesses, pendant qu'une dizaine de personnes représentent, avec voix délibérative, les plus gros actionnaires qui s'enrichissent en dormant ?

Ensuite, il faut appliquer aux accords collectifs de branche ou d'entreprise, le principe de la représentativité majoritaire. Ces accords traitent directement de la vie des salariés, ils ne doivent plus être élaborés par des élus qui ne représentent qu'une minorité de salariés.

C'est grâce à ces droits nouveaux que l'on peut espérer substituer, au seul profit, d'autres critères de gestion tels que la satisfaction des besoins, le développement humain, l'emploi, l'écologie.

J'en viens au projet de loi qui nous est soumis. Vous voulez favoriser l'emploi des jeunes. Nous aussi. Le côté positif de votre projet c'est qu'il conditionne l'octroi des aides prévues à la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée. Est-il normal d'avoir à remercier un ministre du travail qui ne fait qu'appliquer la loi, en rappelant que le CDI est la règle ? Quelle époque !

Mais votre projet présente quelques insuffisances et notamment l'absence de contrepartie. L'embauche n'est pas une contrepartie, c'est un besoin de l'entreprise ; quant au CDI, c'est la norme légale. La vraie contrepartie serait un volet formation.

Il n'y a pas d'avenir sérieux pour un jeune en dehors de la formation professionnelle. Or, que leur propose-t-on ? De faciliter leur embauche à un prix réduit pour l'employeur comme nettoyeur, manutentionnaire, man_uvre ? Vous écartez délibérément le volet formation en prétextant que votre dispositif s'adresse à des jeunes résolument opposés à toute forme d'école. Il est quelque peu démagogique de flatter les jeunes qui dénigrent l'école et de confondre échec scolaire et refus de se former : les jeunes en situation d'échec scolaire sont prêts à faire l'effort d'apprendre un métier pour peu qu'on leur fasse des propositions concrètes. À nous de leur offrir la seconde chance à laquelle ils ont droit et de leur faire confiance. Mais ne nous leurrons pas : il sera difficile de faire accéder directement à une formation ceux qui, pendant des années, auront été employés à des tâches peu qualifiées. Pour eux, une phase de remise à niveau personnalisée est indispensable avant la formation professionnelle proprement dite. Vous prétendez que les jeunes pourront être intégrés dans les plans de formation des entreprises. Une telle ambition est-elle réaliste ?

Les insuffisances du texte en matière de formation expliquent que l'ensemble des partenaires sociaux - à l'exception bien entendu du MEDEF - le rejettent sans ambiguïté. La CGPME a exprimé leurs plus vives réserves, cependant que l'union professionnelle des artisans relevait que « le projet de loi ne répond pas au principal défaut dont souffre notre économie : le manque de formation d'une part importante de la population ! »

À juste titre, les organisations professionnelles redoutent que les contrats de qualification soient délaissés. Et les chiffres leur donnent raison : pour un jeune, le taux horaire moyen du contrat de qualification est de 7,65 € ; dans votre dispositif, il serait ramené sans aucun contrôle à 6,83 € ! Et vous osez parler de dialogue social, alors que chacun le sait, vous n'écoutez que le MEDEF !

Seul un amendement tendant à assortir votre texte d'un volet formation sérieux serait de nature à le rendre acceptable. Nous défendrons une proposition visant à améliorer le contrat de qualification pour le transformer en CDI rémunéré au moins au niveau du SMIC.

S'agissant de la validation des acquis professionnels, la gauche s'est battue sans relâche pour en faire accepter le principe. Mais la validation de ses acquis ne doit pas priver le salarié de formations adaptées. Même ceux qui ont de l'expérience ont aussi besoin de tuteurs et de programmes adaptés pour évoluer. Et au bout de trois ans passés à faire le man_uvre, quelle compétence va-t-on valider ?

Il est vrai que votre texte vise tous les jeunes dont le niveau est inférieur à un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel, et que, pour faire bonne mesure, le Sénat a cru bon de préciser « second cycle long ». Les jeunes détenteurs d'un CAP ou d'un BEP sont donc concernés ! Est-ce à dire qu'il faut les considérer comme dépourvus de toute qualification ? Etant moi-même titulaire d'un CAP, vous comprendrez que je sois quelque peu surpris d'apprendre que je ne possède plus aucune qualification professionnelle !

Il faut choisir : soit le Gouvernement entend offrir au patronat une main-d'_uvre qualifiée à moindre coût, soit il considère que les CAP et BEP ne valent plus rien ! Les jeunes qui ont fait l'effort d'acquérir ces qualifications apprécieront !

Je sais que les titulaires d'un CAP du secteur tertiaire ont du mal à trouver un emploi, mais il n'en va pas de même pour les jeunes qui possèdent un CAP ou BEP ouvrier. Votre gouvernement se targue de bien connaître les entreprises : il ne peut ignorer que les chefs d'entreprise sont unanimes à déplorer une pénurie de main-d'_uvre dans les métiers techniques. Dès lors, pourquoi leur faire le cadeau d'une main-d'_uvre qualifiée à moindre coût puisqu'ils seraient prêts à embaucher dans les conditions de droit commun ?

Le souhait du Sénat d'étendre le dispositif à l'ensemble des entreprises n'est pas plus justifié. On ne peut réserver le même sort aux multinationales, qui n'ont besoin d'aucune aide, et aux PME-PMI qui connaissent des difficultés particulières. Nous présenterons à ce sujet un amendement de retour au texte initial. Néanmoins, si notre amendement sur le volet formation était adopté, nous renoncerions à celui vers la taille des entreprises éligibles, car le dispositif devenant réellement performant, il n'y aurait plus de raison d'en limiter le champ d'application.

J'en viens à une autre contradiction majeure de votre texte. On ne peut dans le même temps prétendre lutter pour l'emploi des jeunes et favoriser la précarité. Nous avons pu constater, ces dernières années, les dégâts causés par les CDD et autres missions d'insertion. Il n'est que temps d'y mettre un terme. Certes, vous réservez le dispositif aux CDI ; mais les entreprises qui occupent de manière permanente jusqu'à 90 % de salariés précaires en plus de leurs effectifs titulaires n'en sont pas exclues ! Or, elles tombent sous le coup du « délit de marchandage », passible de sanctions pénales allant jusqu'à des peines d'emprisonnement, et le code du travail interdit expressément de les rendre éligibles à des aides publiques ? Il n'est pas acceptable d'aider les délinquants, fussent-ils en col blanc !

Il n'y a pas lieu non plus d'aider les entreprises qui recruteront sur ce mode pour des emplois à temps partiel. On sait bien que la plupart des jeunes aspirent à un travail à temps plein, et il est paradoxal de voir la droite, qui dénonce à l'envi l'incitation à la paresse des 35 heures, inciter les entreprises à persévérer dans la voie du temps partiel imposé, qui condamne les salariés concernés à vivre une demi-vie ! Nous présenterons par conséquent trois amendements contre le travail précaire, qu'il s'agisse des CDD abusifs, de l'intérim prolongé ou du temps partiel subi.

S'agissant de la nature des exonérations - pudiquement rebaptisées « soutien de l'Etat » au terme d'un exercice de créativité que je salue -, j'avais pensé à la première lecture de votre projet qu'elles concernaient exclusivement les cotisations de sécurité sociale et que vous paracheviez ainsi l'_uvre de vos prédécesseurs. Une lecture plus poussée m'a ramené à la triste réalité : les exonérations concerneront les « cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures dont le paiement est exigé à raison du reversement du salaire à l'intéressé ». Et le Sénat a même ajouté, dans sa grande mansuétude envers les familles Bouygues et consorts : « tout ou partie des indemnités de congés payés dans le BTP ». Trop c'est trop ! On charge les salariés en cotisations ASSEDIC, on veut doubler les cotisations pour les intermittents du spectacle et, pour les remercier de bien vouloir exploiter le travail des jeunes, on rembourse les cotisations aux grandes entreprises avec l'argent des contribuables !

Et il en va de même pour les retraites puisque l'on s'engage dans un processus de fiscalisation des ressources des caisses de retraites complémentaires, dont votre texte constitue la première étape - un galop d'essai en quelque sorte -, à l'occasion de cet innocent projet sur l'emploi des jeunes.

Vous entrouvrez la porte qui conduit à la mise en cause des retraites par répartition ! À terme, les salariés devront financer eux-mêmes leurs retraites, ce qui fera baisser leurs salaires disponibles, et, partant, la consommation des ménages. On imagine les conséquences pour la production et donc pour l'emploi. Mais la leçon donnée en 1997 à M. Juppé a été retenue et vous ne voulez pas prendre le risque d'un nouveau mouvement social de grande ampleur. Votre démarche est plus habile. Elle n'en est pas moins désastreuse !

Notre groupe présente par conséquent deux amendements visant à interdire l'exonération des cotisations retraites, ASSEDIC et congés payés, même sous la forme d'un remboursement par l'Etat.

Vous le voyez donc, notre groupe peut voter votre projet s'il devient une bonne loi pour l'emploi des jeunes. Pour cela, il suffit d'adopter nos amendements, sur le seuil des entreprises et, surtout, sur le volet de la formation. C'est pour nous donner la possibilité d'examiner sérieusement ces deux propositions que je vous demande de voter la motion de renvoi en commission ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. le Ministre- Malgré mon désir de ne pas allonger nos débats, je ne puis laisser sans réponse le propos de M. Gremetz, tant il me semble dangereux pour notre société. Pourtant, l'orateur avait bien commencé : oui, c'est vrai, la situation économique et sociale du pays n'est pas satisfaisante. Mais ses propositions permettraient-elles de l'améliorer ?

Vous êtes opposé à la baisse des charges et des impôts, Monsieur Gremetz : sans doute préféreriez-vous les augmenter ? Vous êtes hostile aux patrons : sans doute souhaitez-vous leur disparition ? Ce n'est pas par de telles mesures qu'on confortera la position de la France face à la concurrence internationale - mais il est vrai que vous ne croyez pas à l'existence de cette dernière...

Confronté à l'essoufflement de notre modèle économique et social, le gouvernement a, lui, mis au point une stratégie qui n'ignore pas l'environnement international et qui permettra à la France de tenir son rang tout en préservant son pacte social. Votre discours, au contraire, n'est qu'un discours de division : ce n'est pas en appauvrissant les riches que vous enrichirez les pauvres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ce n'est pas en stigmatisant les chefs d'entreprise que vous servirez les intérêts des salariés !

Nous parlons, nous, le langage de la vérité et nous essayons de rendre sensibles à nos concitoyens les réalités de l'économie contemporaine. Nous entendons moderniser le pacte social au lieu de le penser comme une ligne Maginot, ce qui ne peut conduire qu'à sa disparition. Nous voulons réconcilier les Français entre eux : pour nous, en effet, le progrès ne peut être que collectif et nous devons donc tous tirer dans le même sens. Telle est la définition de la République moderne que nous appelons de nos v_ux, aux antipodes du monde que vous nous avez décrit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Bertho Audifax - Ce renvoi en commission s'impose-t-il quand le Gouvernement nous propose un texte simple et efficace, que nous ne pouvons qu'approuver si nous mesurons la gravité du chômage des jeunes ? Enfin un projet qui offre à ceux-ci un véritable contrat de travail, un projet qui permet à tous ceux qui sortent du collège ou du lycée avec un sentiment d'échec et de rejet de s'insérer effectivement dans la vie active, de se former et de valoriser au fil des années les acquis de leur expérience professionnelle ! Enfin un projet sans effet de seuil pour les entreprises ! Enfin un signal fort adressé au monde du travail ! Enfin le témoignage d'une confiance accordée à nos entreprises après avoir été trop longtemps chichement mesurée ! On comprend que ce texte surprenne ceux qui ont constamment alourdi les procédures, mais il répond au v_u de simplification de ceux qui créent l'emploi et nous vous en remercions donc, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Après l'examen au Sénat, notre commission s'est saisie de ce projet. Elle a entendu le gouvernement et engagé un large débat, abordant toute une série de questions : travail à temps partiel, travail saisonnier, travail des intermittents du spectacle ou des handicapés... Elle a adopté de multiples amendements aussi. Mais elle a tenu à garder à ce projet toute son efficacité et son caractère d'urgence. Nous refuserons donc le renvoi demandé, qui n'a aucune raison d'être.

Si certains souffrent d'absences de mémoire, je leur rappellerai que, le 28 novembre 1991, la majorité de l'époque avait adopté, à la suite d'un amendement du Sénat, un dispositif dit « exo-jeunes » qui n'a pas fait l'objet d'une loi et n'a donc pas été examiné en commission. Ce dispositif, prévu d'ailleurs pour durer sept mois seulement, s'adressait à des jeunes de 18 à 25 ans et aucun de ceux qui l'ont voté n'a soulevé la question de la concurrence qu'il pouvait faire aux dispositifs antérieurs !

Vous, Monsieur le ministre, vous avez voulu une loi largement discutée. Elle l'a été et nous l'adopterons avec le sentiment de faire notre devoir, dans un contexte qui appelle des mesures d'urgence.

Vous me permettrez cependant de souhaiter, toujours au nom de l'efficacité, qu'un bilan de l'application de ce texte nous soit soumis dans un an : la nouvelle gouvernance doit être souple et ce suivi permettra d'amplifier les premiers effets de cette loi ou d'y apporter éventuellement des corrections. Soyons modestes et rejetons tout dogmatisme, particulièrement dans ce domaine de l'emploi, où il a exaspéré nos concitoyens.

Je souhaite enfin, au nom de plusieurs de mes collègues d'outre-mer, appeler votre attention sur la situation de l'emploi des jeunes dans les DOM. Notre jeunesse étant plus nombreuse qu'en métropole et notre tissu d'entreprises bien faible, cette loi risque chez nous d'avoir un impact modeste. Compte tenu de la loi d'orientation, elle s'adressera en effet surtout à des entreprises de plus de dix salariés. Si, à la Réunion par exemple, nous détections dans l'Hexagone des emplois que nos jeunes pourraient occuper, le Gouvernement serait-il prêt à faciliter la chose par des mesures de mobilité et de préparation à l'emploi ?

Par ailleurs, nous attendons également beaucoup en ce domaine de la future loi-programme. Nous voterons avec enthousiasme votre texte, mais que celui-ci, après avoir soulevé un grand espoir, ne nous oublie pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Paul Bacquet - Le groupe socialiste votera la motion de renvoi : sur un texte de cette importance, on ne peut se contenter d'invoquer l'urgence et de travailler à la va-vite, après un simulacre de concertation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce projet ne satisfait d'ailleurs personne, puisque le MEDEF, après avoir réclamé un droit d'ingérence, déclare aujourd'hui que vous « reculez dans le bon sens » ! Il ne pérennise pas les emplois-jeunes, que vous vous contentez de caricaturer en oubliant de préciser combien de titulaires de ces emplois les ont quittés pour des emplois définitifs (Mêmes mouvements). Il ne contient rien de sérieux en matière de formation : les titulaires de CDI seront ainsi les premiers licenciés demain, faute de qualification !

Urgence pour baisser l'impôt des plus riches, pour relever le prix de l'essence (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais aussi pour imposer un texte bâclé en période de vacances : le bilan qu'on vient de suggérer, nous le demandons nous aussi. Nous ne souhaitons que votre succès, mais si, dans un an, le bilan n'est pas à la hauteur de ce que vous promettez, je crains qu'un nouveau plan Juppé ne vienne démontrer les effets de la précipitation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Rodolphe Thomas - Messieurs de l'opposition, nous n'avons pas de leçons à recevoir de ceux qui ont bafoué le dialogue social, notamment lors de la mise en place autoritaire et doctrinaire des 35 heures ! Nous en constatons aujourd'hui les effets : combien d'emplois créés, en réalité ? Vous n'avez fait qu'affaiblir notre économie, poussant aux délocalisations par une pression fiscale accrue.

Il appartient aujourd'hui à notre gouvernement de restaurer la confiance pour relancer la machine économique. Et, s'agissant des seuils, vous seriez bien avisés de comprendre que, dans notre pays, travaillent beaucoup de filiales de sociétés : les nouveaux contrats donneront aux jeunes une chance d'y entrer.

Oui ou non, y a-t-il urgence à tirer de la précarité les jeunes sans qualification ? Si oui, il faut s'en donner les moyens ! Et je pense que, dans un an, vous pourrez constater que nous aurons créé des emplois, contrairement à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Comme vous l'avez dit, on verra dans un an - et ce que l'on verra, ce sont des emplois en plus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et davantage de formation, ce que ni vos emplois-jeunes ni vos 35 heures n'ont permis.

Le groupe UDF ne votera pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Maxime Gremetz (se levant pour prendre la parole)- Je... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Messieurs de la majorité, vous vous sentez forts, mais cela ne doit pas vous empêcher de respecter l'opposition au risque, sans cela, que la séance ne dure très avant dans la nuit. Au vu de ce grave incident, je demande une suspension de séance (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 23 heures 30, est reprise à 23 heures 35.

Mme la Présidente - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

M. Gaëtan Gorce - Je prends la parole pour un rappel au Règlement fondé sur l'article 95. Nous avons constaté, à la lecture de la liste des amendements, que l'ensemble de nos amendements ayant trait aux emplois-jeunes ont été repoussés en toute fin de discussion des articles. Nous souhaitons au contraire que le débat s'engage immédiatement, au lieu d'être ainsi évacué. Si le Gouvernement est, comme il le dit, convaincu de l'utilité de préserver ce programme, qu'il le montre.

M. Manuel Valls - Très bien !

Mme la Présidente - Conformément à l'article 95, alinéa 5, de notre Règlement, la réserve est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. En conséquence, les amendements 42 à 52 sont réservés jusqu'à la fin de l'examen des amendements après l'article 3.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales - Non seulement le Règlement autorise les réserves mais il est cohérent d'examiner en bloc les amendements traitant des emplois-jeunes après avoir examiné le projet, qui porte sur tout autre chose.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Gaëtan Gorce - Je regrette la position prise par la commission. Nous avons besoin de clarté sur les emplois-jeunes ; manifestement, le Gouvernement ne le souhaite pas.

L'amendement 72 tend à compléter le programme TRACE en instaurant un droit à la formation et à une première expérience professionnelle rémunérée pour chaque jeune âgé de 16 à 25 ans. Ainsi consacrera-t-on un droit au lieu de décider une mesure ponctuelle, tout en évitant à la fois un éventuel effet d'aubaine, et l'éviction des salariés qui n'appartiennent pas à la catégorie d'âge ciblée.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires sociales - La commission a rejeté l'amendement, qui va à l'encontre de l'esprit d'un dispositif que le Gouvernement a voulu simple. La mesure proposée est compliquée...

M. Bernard Accoyer - ...Encore une usine à gaz !

M. le Rapporteur - En tout cas, elle serait source de délais supplémentaires, alors qu'il y a urgence. Le groupe socialiste veut voir le texte repoussé alors que les jeunes se présentent aux portes des entreprises !

M. le Ministre - L'idée qu'on pourrait créer par la loi un droit sans en définir le financement ni les conditions de mise en _uvre est révélatrice des pratiques des gouvernements précédents. L'amendement renvoie certes, in fine, à une négociation interprofessionnelle ; je préfère, quant à moi, vous proposer un texte après que les partenaires sociaux se seront mis d'accord sur une solution satisfaisante pour la formation professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - On ne peut se satisfaire de cette réponse inutilement polémique sur un sujet qui mobilise les acteurs sociaux depuis des mois. Dans son rapport, la commission du Plan a préconisé que, dans le prolongement du programme TRACE, on apporte aux jeunes les garanties de rémunération et de formation sans lesquelles ils ne peuvent bâtir un projet professionnel et un projet de vie. On se doutait que cela n'intéressait pas le Gouvernement ; il nous le confirme (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - Les jeunes demandent à travailler.

L'amendement 72 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - On ne prêtera pas à M. Fillon l'intention de créer un dispositif rien que pour lui donner son nom. Pourquoi, dès lors, instaurer des contrats jeunes sans aucune réflexion sur leur articulation avec les dispositifs existants ni évaluation de la formation en alternance ? Par l'amendement 73 nous demandons qu'une réflexion s'engage avec les partenaires sociaux sur l'harmonisation des différents dispositifs ou, puisqu'on nous oppose l'urgence, qu'on encourage la négociation interprofessionnelle dans les six mois suivant la mise en place du nouveau dispositif. Cette harmonisation est indispensable au succès des politiques d'insertion.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Le dispositif ne pourrait s'appliquer qu'après l'accord national. Or on sait le temps qu'il faut pour négocier un accord interprofessionnel étendu. L'efficacité requiert la rapidité.

L'amendement 73, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le seul argument qu'on nous oppose est l'urgence. Dans ce cas, qu'on lance parallèlement le dispositif et la négociation entre partenaires sociaux ! C'est l'objet de l'amendement 74. Si le Gouvernement prétend faire du dialogue social l'élément-clé de l'action pour l'emploi, c'est l'occasion de passer aux actes.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. La loi doit s'appliquer sans condition pour offrir toute sécurité juridique, quitte à ce que d'autres dispositions viennent plus tard parfaire le dispositif. D'autre part, Monsieur Gorce, que se passerait-il pour les contrats en cours si l'expérimentation que vous préconisez échouait ?

L'amendement 74, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Huguette Bello - Paradoxalement, la Réunion connaît l'un des taux de création d'emplois les plus forts, mais aussi le taux de chômage le plus élevé de France. C'est que la population augmente plus vite que l'emploi. Pourtant, ces dernières années, et pour la première fois depuis vingt ans le taux de chômage a diminué ; mais il s'élève encore à plus de 31 %. Les jeunes sont les plus touchés, d'autant qu'ils arrivent plus tôt qu'ailleurs sur le marché de l'emploi, ou plutôt du non-emploi. 60 % des actifs de moins de 25 ans sont au chômage, près d'un chômeur sur quatre a moins de 25 ans. À cet âge, à la Réunion, il n'est pas rare d'être déjà chômeur de longue durée surtout si l'on est une fille.

C'est forte de cette expérience que j'ai examiné votre projet. Je souhaiterais d'abord des précisions sur l'articulation entre ce nouveau dispositif et les mesures sur l'emploi spécifiques à l'outre-mer. La loi d'orientation pour l'outre-mer prévoit, à l'article 2, des exonérations de charges sociales sans condition d'embauche pour les entreprises de moins de 11 salariés, soit 95 % d'entre elles. Dans ce projet, l'exonération prend la forme d'une aide de l'Etat. La combinaison des deux mesures conduira-t-elle à une réduction du salaire net égale au montant de l'aide, comme ce fut le cas pour la ristourne Juppé et l'allégement Aubry ? Autrement dit, ce contrat jeune servira-t-il à financer une partie du salaire net du jeune. Et sinon, les mesures ne seront-elles pas redondantes ?

De même, comment le nouveau dispositif s'articulera-t-il avec le contrat d'accès à l'emploi institué par la loi Perben et assorti d'une aide forfaitaire en sus de l'exonération de charges patronales ?

L'absence de toute formation dans le nouveau contrat ne permet pas de le distinguer vraiment des mesures existantes. On peut s'attendre à ce que ses effets soient limités pour les jeunes de la Réunion, d'autant que les créations d'emplois aidés dans le secteur marchand sont à la baisse et que le marché du travail devient plus sélectif à mesure que le nombre de diplômés augmente, surtout pour les jeunes femmes avec enfant.

Il est indispensable de développer à la Réunion une véritable économie solidaire, susceptible de créer des milliers d'emplois. Les emplois-jeunes ont eu un effet indéniable et ont révélé de nombreux besoins de services de proximité. Pour ne pas aggraver la situation, il faut les maintenir pendant les quinze prochaines années, soit jusqu'à ce que la tendance à la hausse de la population active commence à s'infléchir.

Il ne s'agit pas de substituer ou d'opposer un dispositif à un autre, mais de les combiner de façon cohérente, par exemple grâce à une conférence permanente pour l'emploi qui réunirait tous les partenaires concernés. C'est ainsi que nous agirons de façon exigeante et généreuse pour la jeunesse, et que nous éviterons que l'échec scolaire devienne échec professionnel et conduise à l'exclusion.

Après ce texte, nous examinerons le projet relatif à la justice qui prévoit d'étendre les possibilités de mise en détention des jeunes de 13 à 18 ans. Je ne souhaite à aucun prix que notre société en soit réduite à une gestion pénale du désarroi, de l'échec et de l'exclusion des jeunes. C'est pourquoi je vous demande ardemment de prendre en compte les remarques de ceux qui connaissent leurs difficultés et croient deviner leurs aspirations (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés C. et R. et du groupe socialiste).

M. Kléber Mesquida - Un aspect négatif du nouveau dispositif est qu'il ne comporte aucune obligation de formation, à l'opposé des emplois-jeunes de 1997, qui ont permis à de nombreuses collectivités locales d'améliorer les services de proximité et l'animation. Avec l'aide de l'Etat, collectivités et associations ont sorti 300 000 jeunes de l'impasse du chômage et leur ont fourni un travail qui, pour la grande majorité d'entre eux, devait être pérennisé dans les cinq ans.

Le conseil général de l'Hérault, par exemple, a embauché environ 200 emplois-jeunes qui, après un cycle de formation, devaient être pérennisés. Or récemment, vous avez supprimé le dispositif des emplois-jeunes, ce qui remet en cause le financement de ceux qui existent ainsi que les services à la population. Les maires du département m'interrogent régulièrement à ce sujet. Pour prendre un exemple plus précis, nous avions mis sur pied un contrat éducatif local, et un animateur devait être recruté dans le courant de l'année sur un emploi-jeune après accord de la direction départementale du travail. Or, par une instruction nationale, le ministère des affaires sociales vient de suspendre la conclusion de tout nouveau contrat. Comment les collectivités locales pourront-elles, dans ces conditions, financer les emplois existants et les pérenniser ? Comment assureront-elles les nouveaux services mis en place grâce aux emplois-jeunes ?

En supprimant les aides aux emplois-jeunes dans le secteur public, vous cassez la dynamique qui s'était mise en place, et dont la formation constituait un élément essentiel. Pourquoi n'a-t-on pas cherché plutôt à améliorer tous les dispositifs existants ? Ce désengagement au profit du secteur privé, qui exploitera une main-d'_uvre à moindre coût sans obligation de formation, est ressenti par les responsables d'associations et de services publics comme un choix partisan et regrettable.

M. Edouard Landrain - Votre projet est bon, simple, efficace et porteur d'espoir. Deux points méritent d'être soulignés : il concerne les jeunes de 16 à 22 ans, et il s'agit de contrats à durée indéterminée. Or, dans le monde du sport, la loi n'autorise que les CDD. Les pensionnaires des centres de formation ayant entre 16 et 22 ans, ne serait-il pas logique de faire bénéficier ce secteur, qui joue un rôle considérable dans notre pays, des mêmes avantages que les autres ? L'amendement que j'avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable, mais je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour répondre à mon souci dans un proche avenir.

M. Alain Néri - Attention au miroir aux alouettes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis-Joseph Manscour - Le dispositif proposé devrait offrir un nouveau moyen de lutte contre le chômage des jeunes dans les départements d'outre-mer, où le taux de chômage reste élevé - 26 % en Martinique - et où les jeunes, diplômés ou non, représentent une part importante des demandeurs d'emploi.

Mais votre projet de loi est très en retrait de la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui comporte déjà, comme l'a rappelé notre collègue Payet, plusieurs dispositions favorisant la création d'emplois. Pour être efficaces outre-mer, les mesures proposées doivent être incitatives, ce qui n'est pas le cas. En tout état de cause, je m'opposerai fermement à tout recul par rapport à la loi d'orientation.

Rappelons aussi que les emplois-jeunes restent indispensables, outre-mer, au bon fonctionnement de l'éducation nationale, des hôpitaux, des mutuelles, des associations. Nous voulons être sûrs que votre dispositif n'aboutira pas à supprimer les emplois-jeunes du secteur public, car si tel était le cas, les conséquences pourraient être dramatiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Sordi - L'analyse du Gouvernement est pertinente et nous lui sommes reconnaissants de ses propositions efficaces et d'une grande simplicité. Espérons que les textes d'application le seront aussi...

Le public concerné, à savoir les jeunes en situation d'échec scolaire ou à faible qualification, est bien connu des réseaux d'accueil que sont les PAIO et les missions locales. Ce nouveau dispositif d'insertion sera donc le bienvenu, mais je ferai cependant quelques remarques. Il repose sur une exonération de charges propre à encourager l'embauche, ainsi que sur la validation des acquis professionnels. Mais les jeunes connaissent d'autres problèmes qui freinent leur insertion, et les entreprises, les PME notamment, sont mal armées pour les aider à les résoudre et à construire un parcours de formation. À défaut de tuteur dans l'entreprise, il faut donc s'appuyer sur les missions locales et les PAIO - entre lesquelles soit dit en passant, la séparation vingt ans après leur création, n'est plus guère justifiée... La loi quinquennale du 20 décembre 1993 a fait un premier pas en transférant aux régions la gestion des formations en alternance, mais le chemin est encore long... Les mesures proposées aujourd'hui sont certes plus pertinentes que les emplois-jeunes dont on connaît les limites...

M. Alain Néri - Et le succès ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Sordi - Mais de nombreuses petites collectivités locales ont investi dans ces nouveaux services. Il serait regrettable que l'Etat se détourne de ces dossiers d'emplois-jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alfred Marie-Jeanne - Il est des secteurs sensibles où tout changement ne peut se concevoir sans faire table rase du passé. L'emploi des jeunes est de ceux-là et en ce domaine on a produit davantage de mesures que de résultats. En Martinique, le taux de chômage atteignait, en décembre 2001, près de 25 % et même de 63 % pour les jeunes malgré la création de 3 900 emplois-jeunes dont plus des deux tiers aidés par le conseil régional à hauteur de plus de 8 millions d'euros. Le soutien à l'emploi des jeunes demeure donc une priorité. Quel sort réservez-vous aux emplois-jeunes existants ?

Le projet de loi fait l'impasse, d'autre part, sur l'indispensable soutien à la formation dont dépend directement le niveau de l'emploi. Si vous voulez donner ses chances à l'insertion et pérenniser les emplois créés, ne négligez pas la formation !

Mme Martine Billard - Le texte d'origine censé répondre aux difficultés d'insertion des jeunes dans le monde du travail, suscitait déjà certaines interrogations. Modifié par le Sénat, il ne conserve qu'un seul et unique objet : diminuer le coût de la main-d'_uvre non qualifiée. Si la question peut se poser pour les entreprises de petite taille ou à forte densité de main-d'_uvre, la généralisation d'une telle mesure à toutes les entreprises est venue révéler la motivation idéologique de la loi qui est de défendre devant l'opinion l'idée selon laquelle le coût du travail est trop élevé. Curieusement, le dispositif inclut les jeunes titulaires de diplômes reconnus tels que les CAP ou les BEP.

M. le Ministre - Pourquoi sont-ils au chômage ?

Mme Martine Billard - Les entreprises qui ont falsifié leurs comptes, ou dont les dirigeants ont continué à s'attribuer des stock-options en dépit des difficultés qu'elles rencontrent, auront-elles aussi accès à ces aides ? On aurait pu au moins attendre car les symboles comptent aussi, qu'elles soient exclues du dispositif au moment où les salariés de Vivendi, par exemple, tremblent pour leur emploi.

Concernant l'exclusion des contrats à temps partiel, croyez-vous que les entreprises de restauration rapide, ou la grande distribution, aient besoin d'aides de l'Etat pour engager des cuisiniers à temps partiel ? Et croyez-vous que l'on puisse durablement vivre, en France, avec un demi-SMIC ?

Un député UMP - Grâce à vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Vous ne faites qu'aggraver la situation, au lieu de chercher à résoudre la précarité des jeunes et des femmes.

Monsieur le ministre, dans une interview au Journal du Dimanche, vous expliquez, au sujet de l'APA, qu'il y a des limites à la capacité budgétaire de l'Etat. Mais pourquoi n'y a-t-il pas de limites lorsqu'il s'agit des aides aux entreprises ? Votre projet initial comportait au moins une limite, puisqu'il ne concernait que les entreprises de moins de 250 salariés.

Nous déplorons également l'absence d'un volet consacré à la formation. Si certains jeunes refusent effectivement de passer par des « stages parking », pourquoi ne parviennent-ils pas à trouver un emploi, alors que l'on sait qu'il y a des entreprises qui embauchent des jeunes sans qualification ? Il est vrai que certains viennent de quartiers ayant mauvaise réputation, et peuvent faire l'objet de discrimination à l'embauche en raison de leur origine - qui n'est pas celle de la très grande majorité de cette assemblée... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Votre loi ne résoudra pas ce problème, et risque de ne favoriser finalement que des jeunes titulaires d'un CAP ou d'un BEP, laissant à la porte des entreprises ceux qui sont dépourvus de toute qualification.

Pour toutes ces raisons, les trois députés verts voteront contre le projet de loi (Applaudissements sur quelques bancs).

M. André Thien Ah Koon - Les 35 heures ont largement mécontenté la population réunionnaise, les PME, les PMI, les personnels des hôpitaux, les gendarmes, la police, les entrepreneurs. Ne serait-il pas temps de repenser, voire de remettre en cause la loi Aubry dont les travailleurs eux-mêmes ne veulent pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; Mme Huguette Bello proteste).

La Réunion connaît un taux très important de chômage : 46 %. Le dispositif des emplois-jeunes permet à des gens sérieux d'accomplir un travail efficace au sein du secteur associatif et social, et leur disparition provoquerait de grandes difficultés. M. le ministre n'a pas dit vouloir les supprimer, mais je voudrais l'entendre confirmer que le dispositif en faveur de l'insertion des jeunes dans les entreprises vient compléter celui des emplois-jeunes, et non s'y substituer (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Au minimum, il faudrait prévoir le remplacement poste par poste des gens qui quitteront ces emplois, sans quoi nous nous retrouverons dans une situation plus difficile encore (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe socialiste).

M. Jean-Paul Anciaux - J'avais déposé un amendement, dont l'objet était de cumuler l'aide créée par le projet de loi avec celle versée au titre de l'emploi en faveur des handicapés. Il est tombé sous le couperet de l'article 40, mais pouvez-vous nous assurer, Monsieur le ministre, que vous le reprendrez à votre compte d'une façon ou d'une autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Toutes les questions liées au cumul du présent dispositif avec ceux propres à l'outre-mer seront réglées par la loi de programmation en cours d'élaboration, et ce dans l'objectif de lutter contre le chômage, qui est plus grave encore outre-mer qu'en métropole.

Quant aux handicapés, le Gouvernement prépare actuellement un important projet de loi, dans le cadre duquel sera traitée la question soulevée par M. Anciaux.

Article L 322-4-6 du code du travail

M. le Rapporteur - L'amendement 22 est rédactionnel : il s'agit de « remonter » à l'article L. 322-4-6 une disposition figurant à un article ultérieur.

L'amendement 22, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Rodolphe Thomas - L'amendement 33 consiste à remplacer le terme « soutien de l'Etat » par « exonération de charges ». Il y a remboursement par l'Etat des charges sociales dues par l'employeur, mais il s'agit en fait d'une exonération. Ce que je propose est de rendre le texte plus précis et plus clair. Les entreprises ne veulent pas l'aumône : elles veulent embaucher et être exonérées en conséquence.

M. le Rapporteur - Cet amendement a été repoussé : le dispositif n'est justement pas une exonération, mais un remboursement forfaitaire. Ce ne sont pas les organismes de sécurité sociale, mais l'Etat qui est mis à contribution.

M. Maxime Gremetz - C'est un amendement d'honnêteté ! Il faut appeler un chat, un chat !

M. le Ministre - Le même souci de clarté qui inspire M. Thomas nous a conduits à choisir la formule du remboursement forfaitaire ; si nous avions opté pour l'exonération, il nous aurait fallu passer convention avec quelque 70 organismes différents... Je souhaite que l'amendement soit retiré.

L'amendement 33 est retiré.

M. Antoine Herth - L'amendement 39 tend à revenir à l'économie initiale du projet, en excluant les contrats à temps partiel. Le temps partiel n'offre en effet aux jeunes ni une réelle autonomie financière, ni une bonne insertion professionnelle : en particulier, si l'on veut faire profiter les jeunes concernés des plans de formation de l'entreprise et leur assurer une véritable chance d'intégration professionnelle, il est difficile d'imaginer qu'ils ne soient pas employés à temps complet.

Mme Martine Billard - Très juste !

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 75 est identique. On a vu se développer diverses formes de sous-emploi allant du contrat précaire au temps partiel imposé. Il n'est que temps d'y mettre un terme, et l'on ne peut donc encourager les jeunes sans qualification à accepter un temps partiel ne leur permettant pas d'accéder à une véritable autonomie.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 7 vise à introduire une référence explicite à la durée légale du travail, soit 35 heures par semaine. Il convient de rappeler la norme de référence avant de parler de mi-temps.

M. Antoine Herth - Mon amendement 40 est un amendement de repli : à défaut d'exclure les salariés à temps partiel du dispositif de soutien, au moins faudrait-il le réserver à ceux qui sont effectivement présents dans l'entreprise au moins 21 heures par semaine, soit trois journées complètes.

M. le Rapporteur - L'amendement 23 de la commission satisfait pour une bonne part les préoccupations qui viennent d'être exprimées, puisqu'il vise à préciser le temps de travail de référence à partir duquel est apprécié le mi-temps, soit une durée de travail « au moins égale à la moitié de la durée collective du travail applicable ».

S'agissant des amendements de nos collègues Herth, Gorce et Gremetz, je ne puis que leur rappeler notre position de principe : mieux vaut un travail à temps partiel que pas de travail du tout !

M. le Ministre - Favorable au 23 et défavorable aux quatre autres. Notre objectif est d'offrir aux jeunes un vrai contrat de travail. Le temps partiel est parfaitement légal et il n'y a aucune raison de priver les jeunes ou les entreprises de cette possibilité.

Les amendements 75 et 39, mis aux voix ne sont pas adoptés.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

Mme Hélène Mignon - Notre amendement 76 vise à faire en sorte que les jeunes accueillis dans le cadre du programme TRACE bénéficient pleinement du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Il ne faut pas que ces jeunes, dont près de 60 % ont rejoint une formation ou un emploi et qui sont souvent titulaires d'un BEP ou d'un CAP, retombent dans la spirale de l'exclusion.

M. le Rapporteur - Dépourvu de toute valeur normative, cet amendement est sans objet puisqu'il est évident que les jeunes inscrits dans le programme TRACE pourront bénéficier du dispositif. La commission l'a donc repoussé.

L'amendement 76, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 13 vise à concentrer le dispositif sur les jeunes les plus défavorisés n'ayant obtenu aucun diplôme. Son adoption permettrait en outre de revaloriser les BEP et CAP, quelque peu dévalués par leur inclusion dans le champ du texte.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le projet vise l'ensemble des jeunes sans qualification. Il serait hypocrite d'ignorer les difficultés que rencontrent les titulaires de BEP ou de CAP pour s'insérer durablement dans la vie professionnelle.

L'amendement 13, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 8 tend à ce que seules les cotisations patronales de sécurité sociale puissent faire l'objet d'une exonération et non les « cotisations et contributions sociales patronales de toutes natures ». Alors qu'il n'est question que des difficultés de financement des retraites, il ne serait pas raisonnable de s'engager dans un processus d'assèchement des ressources des caisses de retraite complémentaire.

M. le Rapporteur - Défavorable. Sans doute M. Gremetz a-t-il mal compris l'économie générale du dispositif : il ne s'agit pas de mettre à la charge des organismes de sécurité sociale, des caisses de retraite ou de l'UNEDIC le financement d'un système qui bénéficiera du soutien financier de l'Etat et de lui seul. L'UNEDIC ne sera en charge que de la gestion. En outre, l'adoption d'un tel amendement priverait le dispositif des deux tiers de ses ressources.

Plusieurs députés UMP - Gremetz n'avait rien compris !

M. le Ministre - C'est précisément parce que je fais confiance aux capacités de compréhension de M. Gremetz que je l'invite à retirer son amendement. Il n'est pas prévu d'exonération stricto sensu, mais d'une compensation par l'Etat des charges exigibles.

M. Maxime Gremetz - J'avais bien compris le mécanisme mais je souhaitais, comme notre jeune collègue de l'UDF M. Thomas, auquel je ne tiens pas rigueur de porter le même nom que l'auteur d'une loi funeste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous faire préciser le dispositif. M. Thomas voulait parler franc jeu : vous l'en avez retenu avec beaucoup de persuasion, mais nos interventions respectives ont contribué à éclairer le débat. Pour vous prouver que je suis de bonne composition, je retire l'amendement.

L'amendement 8 est retiré.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 78 tend à calculer le soutien de l'Etat en proportion de la durée de travail du salarié lorsque celui-ci exerce son activité à temps partiel. Il convient en effet d'éviter de donner une « prime au temps partiel » - souvent subi - comme le faisait la ristourne Juppé. Une telle précision pourrait être introduite par la voie réglementaire mais il ne nous a pas semblé inutile de le préciser dans la loi pour marquer notre volonté de lutter contre toute forme de précarité.

M. le Rapporteur - Rejet : nous faisons confiance au ministre pour inscrire dans le décret cette proportionnalité.

M. le Ministre - Il en sera bien ainsi.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 79 est défendu.

M. le Rapporteur - Il serait facteur de complexité alors que, pour ce soutien forfaitaire, nous avons fait le choix de la simplicité. Certes, quelques entreprises bénéficieront d'un gain net de quelques dizaines d'euros en raison de la multiplicité des SMIC, mais nous savons que celle-ci va être abolie et la mesure proposée perdra alors tout objet.

L'amendement 79, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Avec les amendements 80 et 81, nous revenons à notre débat de tout à l'heure sur le rôle des partenaires sociaux et sur la place à donner à la formation dans le dispositif. Etant donné l'importance de l'aide accordée par l'Etat, il est indispensable que celui-ci ait des garanties quant à la manière dont ces contrats seront mis en place. Nous demandons donc que l'employeur passe avec le jeune et avec un organisme agréé un accord précisant les actions de formation dont ce jeune bénéficiera. Nous pensons notamment à un bilan de compétences, à un accompagnement ou à un tutorat et à la garantie d'une formation par étapes, débouchant sur une validation des acquis. Dans l'amendement 81, afin d'aider l'entreprise à s'organiser, nous prévoyons qu'elle pourra passer convention à cet effet avec un organisme agréé.

On gagnerait beaucoup à inscrire dans la loi ce qui ne fait pour l'instant l'objet que de déclarations d'intention. On peut comprendre que les caractéristiques des jeunes visés justifient un contrat différent du contrat en alternance, mais une garantie de formation est absolument indispensable.

M. le Rapporteur - Contre l'amendement 80. Pourquoi, s'agissant d'un contrat de droit commun, poser cette obligation supplémentaire ? Il n'existe rien de tel pour les autres salariés ! De plus, les jeunes sont plutôt réfractaires à de telles mesures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ils peuvent par ailleurs recourir à des dispositifs tels que le congé de formation. Enfin, comment mettre sur pied en six mois un plan qui suppose un accord de branche étendu ?

L'amendement 81, quant à lui, confirme votre volonté de faire sans cesse intervenir l'Etat dans la vie des entreprises. Demander qu'il aide celles-ci à élaborer des plans de formation part peut-être d'un souci généreux, mais cela va contre l'esprit du projet et contre notre souci d'une application simple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre - Rejet : nous faisons confiance aux entreprises et aux partenaires sociaux. D'ailleurs, le programme emplois-jeunes ne comportait pas non plus d'obligation de formation et j'observe que, dans plusieurs branches, cela n'a pas fait obstacle à la conclusion d'accords sur la formation. Il en sera certainement de même avec notre dispositif.

M. Gaëtan Gorce - Pourquoi le Gouvernement s'entête-t-il à ne pas inscrire dans le texte une obligation qui lui paraît naturelle ? Au surplus, si, comme il est probable, nous supprimons tout à l'heure le seuil de 250 salariés, cette obligation pourra encore plus aisément être satisfaite.

Actuellement, la participation financière des entreprises de plus de 2 000 salariés à l'effort de formation tend à décroître. Je veux bien faire confiance, mais cette confiance prévaudra d'autant plus facilement qu'on aura fixé des règles garantissant le bon emploi de l'argent public. Certes, il s'agit ici de contrats de droit commun, mais pour lesquels la collectivité consent un effort considérable, dans l'espoir d'offrir à ces jeunes une insertion professionnelle effective ! Or comment assurer cette insertion si l'on n'assure ni la formation ni la qualification ? Prenez garde que le CDI ne soit alors qu'un leurre...

Je ne veux pas rouvrir la polémique sur les emplois-jeunes, mais je ne voudrais pas non plus que le gouvernement qualifie de contrainte insupportable ce qui n'est qu'une obligation normale, compte tenu de la participation financière de l'Etat. Accessoirement, cette dernière ne relève-t-elle pas d'ailleurs des interventions qu'on nous reproche ? Ne nous accusez donc pas sans cesse de réintroduire l'Etat dans l'entreprise !

Les amendements 80 et 81, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Art. L.322-4-6-1 du code du travail

M. le Rapporteur - L'amendement 25 est la conséquence de l'amendement 22 que nous avons adopté tout à l'heure.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 82 s'impose d'autant plus que nous n'avons pas adopté tout à l'heure l'obligation de formation. On pouvait encore mettre celle-ci en question tant qu'on ne s'adressait qu'aux petites entreprises, mais dès lors que le dispositif est ouvert à de grandes entreprises qui ont de toute évidence les moyens de l'assumer, ce refus est difficilement justifiable. C'est pourquoi nous estimons nécessaire de revenir au texte initial du Gouvernement et au seuil de 250 salariés. Cela évitera au surplus les effets d'aubaine ou d'éviction.

M. Maxime Gremetz - Cela ne me gênerait pas qu'on ouvre le dispositif à l'ensemble des entreprises, mais à condition qu'on pose une obligation de formation. En effet, contrairement à ce qu'on assure, dans les grandes entreprises, les plans de formation bénéficient à une infime minorité de salariés : essentiellement les plus qualifiés et les cadres. Les techniciens, pourtant demandeurs, en sont exclus : imaginez ce qu'il en sera de ces jeunes sans qualification ! Si nous ne faisons pas un effort sur ce point, le dispositif, dont la philosophie nous convient, échouera. Or nous souhaitons son succès. Cela passe par un volet formation. D'où l'amendement 9.

Je note d'ailleurs que ceux qui ont préparé le projet avaient prévu un seuil de 250 salariés. Or ils n'étaient certainement pas idiots ! (Sourires) Pourquoi le Gouvernement a-t-il cédé si facilement à la pression conservatrice du Sénat ?

Mme Martine Billard - La majorité des salariés de ce pays travaille dans des entreprises de moins de 250 salariés. Ce contrat vise à créer des emplois pour les jeunes, et non, bien sûr, à remplacer des salariés par d'autres. Or peut-on croire que les grandes entreprises comme Renault, Peugeot, Michelin ou McDonald attendent une aide de l'Etat pour embaucher des jeunes ? Non, et mieux vaut donc recentrer ce dispositif vers les petites entreprises et les artisans et commerçants, qui peuvent hésiter, eux, à embaucher. Cela s'impose d'autant plus que le budget de l'Etat n'est pas indéfiniment extensible, comme vous l'avez rappelé. D'où l'amendement 18.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces trois amendements, pour trois raisons : parce que les grandes entreprises sont particulièrement armées pour accueillir et former les jeunes ; parce que l'effet d'aubaine éventuel n'est pas plus important dans les grandes entreprises que dans les plus petites, et que ce qui importe, pour l'éviter, est de bien cibler le public visé ; enfin, parce que nous souhaitons tout faire pour que le plus grand nombre de jeunes possible trouve rapidement un emploi.

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements. Pourquoi, a demandé M. Gremetz, s'est-il rangé à l'avis du Sénat ? Parce qu'il a été convaincu par les sénateurs que l'extension du dispositif permettrait d'accroître d'un tiers le nombre de jeunes concernés. L'objectif - car c'est bien d'un objectif qu'il s'agit, ce qui explique que les chiffres puissent varier - passera ainsi de 200 000 à 300 000 jeunes embauchés.

Comme l'a indiqué votre rapporteur, il n'a jamais été démontré que l'effet d'aubaine serait plus important dans les grandes entreprises que dans les sociétés plus petites. Enfin, il est incontestable que les grandes entreprises sont mieux armées que les PME pour dispenser une formation active, d'autant que le dialogue social est vivace.

Il est donc de l'intérêt des jeunes de ne pas restreindre le dispositif proposé aux entreprises de moins de 250 salariés.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Je suis saisie par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 9.

À la majorité de 71 voix contre 20 sur 92 votants et 91 suffrages exprimés, l'amendement 9 n'est pas adopté.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Manuel Valls - Si l'amendement 92 était adopté, il ne rendrait pas le texte acceptable mais il en limiterait les dangers. En l'état, le dispositif proposé risque de provoquer l'éviction pure et simple des salariés plus âgés et, parce que plus âgés, plus coûteux. De tels abus sont possibles dans les secteurs employant une main-d'_uvre non qualifiée. Par ailleurs, les secteurs qui ont massivement recours à une main-d'_uvre jeune - y compris des lycéens -, telle la restauration rapide, pourraient détourner la mesure pour gonfler leurs bénéfices, grâce à ce cadeau fiscal, sans pour autant garantir à leurs jeunes salariés une formation digne de ce nom. Nous supposons que vous ne souhaitez pas financer de telles pratiques. C'est pourquoi nous proposons de limiter le dispositif à deux contrats pour les entreprises de moins de 10 salariés et à 20 % de l'effectif au-delà. Ainsi évitera-t-on un recours abusif au temps partiel ; de plus, les grandes entreprises n'accapareront pas le dispositif au détriment des artisans par exemple qui font d'ores et déjà état de leur crainte que cette mesure ne leur bénéficie pas.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement qui tend à instituer des quotas. Cette volonté de restriction, cette rigidité nouvelle que vous prétendez imposer tranche singulièrement avec l'attitude qui a été la vôtre lors de la création des emplois-jeunes. Avez-vous jamais songé, alors, à en limiter le nombre pour les collectivités locales ou les associations ? Quelle incohérence !

M. le Ministre - Ce que le groupe socialiste semble craindre, c'est que le dispositif fonctionne ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Ce que nous venons d'entendre est renversant : ainsi les grandes entreprises assécheraient en quelque sorte le marché des jeunes salariés au détriment des PME ! C'est donc qu'elles s'apprêtent à recruter 300 000 personnes ! Soyons sérieux : les crédits ne sont pas limités, et ils iront à toutes les entreprises qui participeront au dispositif.

Mme Catherine Génisson - Il n'empêche que le bilan sera intéressant.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Pouvez-vous nous informer, Madame la Présidente, sur l'organisation de la suite de vos travaux ?

Mme la Présidente - Il est prévu d'interrompre le débat vers 1 heure 30.

Mme Martine Billard - Le Gouvernement, conscient du risque de jeu de « chaises musicales » que pourrait induire le dispositif qu'il propose, prévoit un délai minimum de six mois entre un licenciement économique et la conclusion du contrat défini par le projet. Ce garde-fou est insuffisant pour éviter l'effet d'aubaine, et il faut renforcer le texte en portant cette durée à un an. C'est ce à quoi tend l'amendement 21. J'ajoute que cette durée figure déjà à l'article L.322-12 du code du travail.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 83 corrigé est identique.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le délai de douze mois est excessif. Vous faites référence à un article du code du travail qui le prévoit ; mais il porte sur la possibilité de réembaucher quelqu'un après un licenciement économique. Tous les articles concernant les aides à l'emploi spécifient un délai de six mois. C'est une garantie sans être un frein.

M. le Ministre - Avis défavorable. Ce délai est celui prévu pour le CIE, créé en 1995 mais mis en _uvre par le gouvernement que vous souteniez sans que cela vous pose problème.

M. Maxime Gremetz - Je soutiens cet amendement car je vois bien comment les choses se passent concrètement. Sur la zone industrielle d'Amiens, il y a 1 200 CDD et intérimaires, dont 200 chez Whirlpool, qui est en train de délocaliser en Slovaquie. Il s'agit de jeunes techniciens bien formés, jamais titularisés, mais jamais licenciés non plus : on se contente de ne pas renouveler leurs CDD... Si l'on maintient le délai prévu par la loi, que va-t-il se passer pour eux ?

Les amendements 21 et 83 corrigé, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - L'amendement 17 exclut du dispositif les entreprises qui n'ont pas acquitté les taxes locales.

M. le Rapporteur - La commission a évidemment repoussé cet amendement. La loi prévoit que l'entrepreneur soit à jour de ses cotisations sociales, mais l'UNEDIC ne peut contrôler ce qui concerne le fisc ! En introduisant une telle complexité, vous rendriez le dispositif inapplicable.

L'amendement 17, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 10 pose le problème que je viens d'évoquer : celui des milliers de jeunes utilisés par les entreprises, sous couvert de CDD et d'emplois intérimaires, et qui devraient être titularisés. Est-ce que les entreprises ne seront pas tentées de les prendre en CDI pour empocher les nouvelles aides ? Mais je conçois que ma rédaction ne soit pas idéale, et je suis prêt à retirer l'amendement..

M. le Rapporteur - Tel qu'il est rédigé, l'amendement irait en effet à l'encontre de ce que nous souhaitons c'est-à-dire lutter contre la précarité, car il aboutirait à ce qu'une personne en CDD doive attendre 12 mois avant de pouvoir être embauchée en CDI.

L'amendement 10 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 26 répond à votre souci : il permet à une personne en CDD de rompre ce contrat pour être intégrée dans l'entreprise en CDI.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Il faut s'attaquer à la précarité. Sous la précédente législature, nous avions essayé sans trouver vraiment la solution. C'est pourquoi je suis finalement favorable à limiter à un certain pourcentage les emplois précaires dans l'entreprise. C'est l'objet de l'amendement 2. Pour développer les CDI, il ne faut pas multiplier les CDD et les emplois intérimaires.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui va, encore une fois, à l'encontre du but que nous poursuivons. En instituant ce seuil, vous interdirez à des jeunes d'être recrutés par des entreprises qui ont pourtant besoin d'augmenter leur effectif de façon momentanée, sur des emplois qui pourront être ultérieurement transformés en CDI.

M. Maxime Gremetz - J'ai beau écouter, je ne vous comprends pas. Si une entreprise peut continuer à utiliser les CDD comme bon lui semble, elle ne choisira pas votre dispositif. Seule la limitation de l'utilisation abusive des CDD résoudra le problème.

M. le Rapporteur - Il ne s'agit pas forcément des mêmes emplois.

M. Maxime Gremetz - Venez les voir, vous constaterez que ce sont les mêmes !

L'amendement 2, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 31 juillet, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 31 JUILLET 2002

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 107), portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

M. Bernard PERRUT, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 149)

2. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 154), d'orientation et de programmation pour la justice.

M. Jean-Luc WARSMANN, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n°157)

M. Jacques PÉLISSARD, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 158)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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