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Session extraordinaire de 2001-2002 - 10ème jour de séance, 16ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 31 JUILLET 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE (suite) 2

ARTICLE PREMIER (suite) 2

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 5

ART. 2 5

APRÈS L'ART. 2 8

ART. 3 8

APRÈS L'ART. 3 11

AVANT L'ARTICLE PREMIER (précédemment réservés) 13

EXPLICATIONS DE VOTE 14

JUSTICE 17

CONVOCATION D'UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE 30

La séance est ouverte à quinze heures.

EMPLOI DES JEUNES EN ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

ARTICLE PREMIER (suite)

Article L. 322-4-6-1 du code du travail (suite)

M. Maxime Gremetz - Nous sommes à un tournant de la discussion. Nous sommes prêts, je le répète, à voter ce projet (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais à une condition : que les jeunes puissent accéder à une qualification et, partant, à une formation adaptée.

C'est pourquoi notre amendement 3 - auquel nous tenons tant que nous demanderons un scrutin public (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) - prévoit que l'employeur s'engage à assurer au jeune l'acquisition d'une formation professionnelle initiale ou complémentaire ou une remise à niveau scolaire permettant l'accès ultérieur à une formation professionnelle dans le cadre d'une convention conclue avec un établissement d'enseignement public ou privé. Un décret fixera les modalités de prise en charge par l'Etat de ces dépenses de formation ou de remise à niveau.

J'y insiste : il ne s'agit pas d'offrir aux jeunes une formation au rabais, qui ne leur permettrait pas de progresser par la suite dans leur vie professionnelle : ce ne serait bon ni pour eux, ni pour notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe C. et R.).

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a repoussé l'amendement, bien qu'elle partage votre souci. Il ne faut pas oublier l'objectif assigné au dispositif : être applicable de façon aussi simple et souple que possible. Aussi nous en remettons-nous aux partenaires sociaux pour mettre en place la formation, l'accompagnement, le tutorat.

Ce que vous proposez revient en fait à créer une nouvelle formule d'alternance, avec 1 200 heures consacrées à la formation, soit presque un mi-temps !

M. Maxime Gremetz - 1 200 heures sur deux ans !

M. le Rapporteur - Le dispositif vise en priorité les jeunes qui, en échec dans le système éducatif, sont enclins à rejeter, dans l'immédiat, la perspective d'une formation - mais l'on peut espérer qu'ils changeront d'avis par la suite, et ils auront d'ailleurs le droit de rompre leur contrat si c'est pour suivre un cycle de formation. La priorité, c'est de les faire accéder au monde du travail.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - L'interruption nocturne de nos travaux a sans doute fait perdre de vue à M. Gremetz la finalité du texte du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe C. et R.). Il nous propose en effet de réinventer la formation en alternance, qui existe et fonctionne déjà, et que nous avons d'ailleurs encouragée à une époque où ses amis la combattaient, mais qui ne répond pas aux besoins des jeunes visés par le dispositif - sans quoi ils y recourraient. Notre pays ne doit pas se résigner à détenir le triste record du nombre de jeunes sans emploi ni qualification ! J'ai noté que M. Gremetz était parfois sensible aux explications du Gouvernement, et qu'il pouvait même lui arriver de retirer ses amendements ! (Sourires) Je suis sûr qu'il aura à c_ur de ne pas persister éternellement dans une argumentation vouée à l'échec...

M. Maxime Gremetz - Si nous insistons autant, c'est justement parce que votre propre argumentation échoue à nous convaincre. Si l'on veut donner une deuxième chance aux jeunes en situation d'échec scolaire, il ne faut pas les envoyer au suicide ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Nous ne proposons pas de revenir à la formation en alternance, mais d'instituer une formation spécifique pour des jeunes qui, sans cela, seront exclus des plans de formation de l'entreprise. Je ne comprends pas le blocage dont fait preuve le Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 139 voix contre 26 sur 166 votants et 165 suffrages exprimés, l'amendement 3 n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - L'amendement 64 rappelle que le présent dispositif « a pour vocation l'accession à une formation qualifiante », non à la manière dirigiste de M. Gremetz (Exclamations sur les bancs du groupe C. et R.), mais sur un mode contractuel, conforme à l'esprit de la loi. Il s'agit en effet de jeunes en rupture scolaire, qui ne souhaitent pas nécessairement bénéficier d'une formation. Si le dispositif complète utilement les contrats de qualification et d'apprentissage qui existent déjà, il convient de rappeler, avant de prévoir par dérogation des possibilités de rupture de contrat permettant d'accéder à ces formations, que le contrat-jeune est un tremplin, non une fin en soi, et s'inscrit dans une logique de passerelles. Nous savons par ailleurs que les partenaires sociaux sont unanimes à souhaiter la satisfaction de tout besoin de formation.

Si le dispositif complète utilement les contrats de qualification et d'apprentissage qui existent déjà, il convient de rappeler, avant de prévoir par dérogation des possibilités de rupture de contrat permettant d'accéder à ces formations, que le contrat-jeune est un tremplin, non une fin en soi, et s'inscrit dans une logique de passerelles. Nous savons par ailleurs que les partenaires sociaux sont unanimes à souhaiter la satisfaction de tout besoin de formation.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, même si elle comprend le souci de M. Proriol. Ce qui est proposé aux jeunes, c'est de signer un contrat de travail de droit commun, très différent des contrats d'apprentissage ou de qualification. Je vous fais donc la même réponse qu'à M. Gremetz, même si votre formule est moins rigide que la sienne (Rires sur les bancs du groupe C. et R.). Le projet vous donne satisfaction, puisqu'il autorise le jeune à quitter son emploi à tout moment pour s'engager dans la voie de la formation.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gaëtan Gorce - M. Proriol reprend en effet l'idée de M. Gremetz, soutenue aussi par le groupe socialiste. Cela montre que notre préoccupation est partagée sur tous les bancs, et je ne comprends donc pas que le Gouvernement s'oppose à insérer dans ce texte une garantie de formation.

M. Maxime Gremetz - Pour vous montrer que nous ne sommes pas dirigistes, le groupe communiste et républicain votera l'amendement de M. Proriol.

M. François Liberti - Gageons qu'il va le retirer ! (Rires).

M. Jean Proriol - Je remercie M. Gremetz pour ce ralliement tardif (Interruptions sur les bancs du groupe C. et R.). Je n'ignorais pas l'existence de son amendement, mais je souhaitais faire préciser que la formation constituait pour le Gouvernement un impératif moral. Les explications données par la commission et reprises par le Gouvernement me satisfont et je retire mon amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe C. et R. et du groupe socialiste).

MM. Gaëtan Gorce et Maxime Gremetz - Nous le reprenons !

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

Article L. 322-4-6-2 du code du travail

M. Jean Proriol - Mon amendement 41 vise à confirmer que les contrats signés pourront se transformer en contrats d'apprentissage ou de qualification. J'ai entendu un certain nombre de déclarations en ce sens, mais il serait utile de le spécifier dans le texte, car si l'on veut optimiser le dispositif, il faut prévoir des passerelles.

Par ailleurs, je suggère de fournir des « kits » d'alternance aux très petites entreprises, qui ne sont pas familières de ces dispositifs. Cela existe déjà pour les particuliers, avec le chèque emploi service.

De même, il serait bon de prévoir, dans les décrets d'application, un contrat-type. Enfin, le dispositif pourrait faire l'objet d'une expérimentation dans certaines régions.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Par dérogation, l'article L. 324-4-6-2 du code du travail autorisera les jeunes à partir à tout moment pour suivre une formation en alternance : vous avez donc satisfaction.

M. le Ministre - Le projet donne en effet satisfaction à M. Proriol. Il ne me paraît pas possible, en revanche, de prévoir un enchaînement juridique entre le nouveau contrat, qui est un contrat de travail de droit commun - ce qui rend inutile, au passage, la rédaction d'un contrat-type - et une formation en alternance.

M. Daniel Garrigue - J'ai du mal à comprendre l'acharnement avec lequel certains de nos collègues veulent à tout prix lier ce dispositif à un objectif de formation (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). Nous rencontrons tous, dans nos permanences, des jeunes qui ont échoué dans toutes les formations, y compris les plus simples. Leur parler encore de formation, ce serait les décourager instantanément (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il y a des jeunes qui ont besoin de travailler et qui ne sont pas en mesure d'acquérir un diplôme. Même s'ils en ont la capacité intellectuelle, ils ne sont pas dans la disposition d'esprit nécessaire pour s'engager dans une telle démarche. En revanche, ils pourront conclure un CDI de droit commun et, après quelques années, rien ne les empêchera d'utiliser les procédures normales en matière de formation.

A s'acharner sur l'obligation de se former, on risque d'interdire à certains jeunes l'accès à l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Anciaux - Enfin du bon sens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.)

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

Article L. 322-4-6-4 du code du travail

M. Gaëtan Gorce - Mon amendement 84 vise à rendre effective la participation des partenaires sociaux en matière de formation. Le projet indique qu'une convention ou un accord de branche « peut prévoir » les conditions dans lesquelles les salariés bénéficieront d'un accompagnement professionnel. Ce n'est là qu'une pétition de principe et mon amendement tend donc à substituer aux mots « peut prévoir » le mot « prévoit ».

Je ne comprends pas l'entêtement du Gouvernement, qui se dit favorable à la formation mais refuse d'en inscrire le principe dans la loi.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement trop formaliste. Les structures d'insertion qui existent à l'extérieur de l'entreprise, comme les missions locales, vont continuer leur travail.

M. le Ministre - L'entêtement du Gouvernement n'a d'égal que l'entêtement de la gauche à refuser de voir la réalité en face (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). Nous avons le triste record du chômage des jeunes en Europe. Pendant cinq ans, vous avez mis en _uvre des mesures qui ont coûté très cher à l'Etat et qui n'ont pas résolu ce problème. Soyez donc un peu plus modestes et laissez-nous essayer une formule qui, sans être magique, devrait améliorer la situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté.

Article L. 322-4-6-5 du code du travail

M. Maxime Gremetz - Ce que nous voulons, Monsieur le ministre, c'est que la formule réussisse. Nous sommes modestes, mais notre expérience du monde du travail nous autorise à faire quelques suggestions ; or vous n'avez accepté aucun de nos amendements !

Notre amendement 11 tend à supprimer l'article L. 322-4-6-5, qui concerne essentiellement le secteur du BTP et qui prévoit que, dans des grands groupes comme Vivendi ou Bouygues, tout ou partie des congés payés soient désormais payés par l'impôt. Ce cadeau est inadmissible : écoutez-nous au moins quand nous défendons la justice !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car le but de cet article, introduit par le Sénat, est tout simplement de faire également bénéficier du dispositif - précisément dans un souci de justice - les entreprises qui créent entre elles une caisse de compensation pour payer les congés de leurs salariés. Peut-être ne l'aviez-vous pas compris... (Protestations sur les bancs du groupe C. et R.)

L'amendement 11, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 27 vise à éviter que le soutien de l'Etat soit apporté deux fois : une fois aux entreprises elles-mêmes, et une autre aux caisses de compensation.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 85 a pour but de tenir les partenaires sociaux régulièrement informés sur les contrats-jeunes signés dans l'entreprise. Sans doute la commission va-t-elle nous dire que ce sont des contrats de droit commun, pour lesquels il n'est pas nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques ; mais il s'agit néanmoins de contrats bénéficiant d'avantages financiers exorbitants...

M. le Rapporteur - En effet, Monsieur Gorce, il n'y a pas lieu d'introduire des dispositions supplémentaires : les représentants du personnel seront normalement informés. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le Ministre - Le seul cas où le code du travail prévoit explicitement une information du comité d'entreprise sur les contrats aidés est celui des contrats exclus de la comptabilisation des effectifs entrant dans le calcul des seuils sociaux. Tel n'est pas le cas ici. Défavorable.

L'amendement 85, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

Mme Martine Billard - Oui, Monsieur le ministre, nous sommes un peu obstinés sur la question de la formation...

Vous nous dites que les jeunes concernés par le dispositif rejettent la formation : or, tel n'est pas le cas, en tout cas de ceux qui sont allés jusqu'au CAP ou BEP... Pourquoi leur refusez-vous la possibilité d'une progression ? Renvoyer à des négociations dans le cadre des plans de formation est quelque peu léger, surtout quand on connaît la réalité de ces plans : souvent, la formation se limite à l'apprentissage des gestes nécessaires au processus de production. Les jeunes ne doivent pas être condamnés à rester indéfiniment dans le même poste : il faut leur donner une formation qui leur permette d'évoluer professionnellement.

M. Victorin Lurel - Nous sommes, outre-mer, également obsédés par l'impératif de formation. L'article 2 s'en remet en la matière à des accords collectifs de branche : aucune obligation n'est donc imposée aux entreprises en contrepartie des aides qui leur sont attribuées.

Ce texte risque, chez nous, d'accentuer la déqualification des jeunes. En effet ceux-ci, lorsqu'ils « galèrent » dans leur formation, seront tentés de prendre immédiatement un travail, au risque de ne plus en avoir dans quelques années, faute de qualification.

Les chambres consulaires et chambres de métiers, de même que les organisations syndicales, réclament que soit incluse dans le dispositif une formation obligatoire. Mais vous n'avez organisé aucune concertation sur ce texte. « Notre politique libérale nous conduit à faire confiance aux patrons », déclariez-vous hier dans cet hémicycle, Monsieur le ministre... Pourtant, vous savez pertinemment qu'aucun accord ne semble possible sur ces questions.

Comme pour la sécurité, hier, comme pour la justice tout à l'heure, vous nous demandez de signer pour l'outre-mer un chèque en blanc sur des questions essentielles pour elle.

Vos réponses ne m'ont guère satisfait. La loi d'orientation pour l'outre-mer, qu'a fait adopter le précédent gouvernement, contient des dispositions favorables au développement économique et à l'emploi, grâce en particulier à de larges exonérations de charges patronales. Votre projet, lui, est très en retrait. Supprimer les emplois-jeunes, qui ont tant profité à l'outre-mer, serait un drame.

La date de dépôt du projet de loi de programme pour l'outre-mer que vous avez annoncé n'étant pas fixée, je vous demande de ne pas ostraciser l'outre-mer, et de lui faire toute sa place dans un dispositif de formation obligatoire et adaptée. Si c'est le cas, je n'aurai pas de mal à voter votre texte.

M. Gaëtan Gorce - L'emploi du futur potentiel dans un texte de loi m'étonne toujours.

Nous préférons, par notre amendement 86, rétablir l'indicatif présent, et écrire qu'une convention ou un accord de branche « prévoit » les actions de formation professionnelles destinées aux salariés et les conditions de la validation des acquis.

Nous ne cherchons pas par là à dénaturer votre dispositif, ou à l'alourdir, mais à y faire figurer l'obligation de formation. Pas de faux procès : il ne s'agit pas de revenir au système de l'alternance. Comme le ministre l'a lui-même rappelé, la formation professionnelle bénéficie le plus souvent à ceux qui sont déjà les mieux formés. Nous proposons donc un mécanisme mieux adapté.

En dépit d'une souplesse souvent affichée, le ministre semble bien rigide sur les sujets dont nous débattons. C'est pourtant la garantie de l'avenir professionnel des jeunes qui est en jeu. Au sein même de votre libéralisme, le social devrait être plus présent (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 86, ainsi qu'au 87 qui lui est presque semblable. Vous voulez lier l'entrée en vigueur de la loi à la conclusion d'accords de branche étendus, puis introduire un délai de six mois, bref : repousser d'autant l'application du dispositif. Pour nous, il n'est pas question d'attendre !

M. le Ministre - Même avis que la commission.

L'amendement 86, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - J'ai défendu l'amendement 87.

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rodolphe Thomas - La formation demeure la meilleure garantie pour un emploi durable. Trop de jeunes reçoivent comme réponse à l'envoi de leur curriculum vitae : « qualification mais pas d'expérience » ou « expérience mais pas de qualification ». Notre amendement 29 corrigé tend donc à introduire un dispositif d'accompagnement. Par ailleurs, Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il s'il apparaît qu'un jeune, après avoir déclaré n'être pas bachelier, l'est en réalité ?

Mme Martine Billard - L'amendement 12 est défendu.

M. le Rapporteur - Rejet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

M. Maxime Gremetz - C'est le rejet permanent !

M. le Rapporteur - L'accompagnement demandé figure déjà au nouvel article L 322-4-6-4 du code du travail.

M. François Liberti - Sans être assorti d'aucune obligation !

M. le Rapporteur - Faisons confiance aux chefs d'entreprise ! Qui peut croire qu'ils vont laisser les jeunes sans rien faire, sans s'occuper d'eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous voulez subordonner au dialogue social l'application du dispositif : c'est tout le débat entre nous.

L'amendement de M. Thomas, dont je comprends la philosophie, n'a pas du tout la même rigidité dont vous faites preuve, Messieurs Gremetz et Gorce (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

M. le Président - Sur l'amendement 29 corrigé, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. le Ministre - Nous partageons avec les députés UDF le souci que l'insertion dans l'entreprise débouche sur une formation. Mais nous voulons aussi changer la nature des relations entre pouvoirs publics et partenaires sociaux. La crise politique et sociale que nous traversons, et dont la gauche a été victime, tient pour une large part à la faiblesse des corps intermédiaires, à la faiblesse des partenaires sociaux. Ce n'est pas en fixant en détail dans la loi la façon dont ces derniers auront à valider les acquis que l'on y remédiera. Nous voulons inaugurer l'ère de la confiance envers les partenaires sociaux et envers les entreprises. Le groupe UDF, me semble-t-il, a satisfaction. Mais j'ai scrupule à lui demander à nouveau de retirer son amendement... (Sourires)

M. Alain Néri - On va dire que nous sommes têtus (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), mais c'est une vertu propre aux Auvergnats (Sourires). Aussi aurais-je souhaité que M. Proriol soit plus têtu et ne retire pas ses amendements ! Nous sommes tous convaincus que la formation est la meilleure garantie d'un emploi pérenne. En effet elle permet aux salariés de s'adapter à des évolutions nécessaires.

Or il peut même arriver qu'une entreprise soit contrainte de fermer. Prenons le cas de Ducellier, à Issoire ; M. Proriol sait de quoi je parle. Longtemps, les jeunes furent conduits à quitter l'école à quatorze ans pour entrer dans la production, et ils étaient heureux de rapporter quelque argent à leur famille. Mais quand Ducellier a dû fermer, que ses salariés ont été licenciés, les collectivités locales désireuses de les aider à se recycler et à se remettre à niveau n'y sont pas parvenues.

Si, donc, vous persistez à refuser toute formation, vous accroîtrez les difficultés de jeunes qui en connaissent déjà (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Alors le « contrat Fillon » deviendra un contrat « filon » pour les entreprises (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Tous les amendements relatifs à la formation ont été repoussés. En sera-t-il de même pour l'accompagnement ? Sur l'amendement du groupe UDF, que nous voterons, chacun devra prendre ses responsabilités. S'il n'est pas non plus adopté, cela voudra vraiment dire que la rigidité l'aura emporté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 190 voix contre 63, sur 254 votants et 253 suffrages exprimés, l'amendement 29 corrigé n'est pas adopté.

L'amendement 12 n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 89 est défendu.

L'amendement 89, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 88 a pour but de tirer la conclusion du non-respect du contrat par l'employeur : si une action de formation n'est pas mise en place, l'aide de l'Etat doit être suspendue. Sans quoi nous ne ferions que revenir aux vieilles recettes du libéralisme : des baisses de charges sans contrepartie.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, car il crée une obligation pour l'employeur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.) : celle de contraindre son salarié à partir en formation, alors que celui-ci souhaite peut-être ne le faire que quand il en ressentira le besoin. Et que se passera-t-il si c'est le jeune lui-même qui refuse la formation ? L'Etat devra-t-il sous ce prétexte suspendre son aide à l'entreprise ?

L'amendement 88, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 4 est malheureusement devenu sans objet, en raison du rejet des précédents.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 90 est défendu.

L'amendement 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Nous avons appris beaucoup de choses au cours de ce débat : qu'il fallait faire confiance aux entreprises, mais un peu moins aux partenaires sociaux... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Chaque fois que nous avons proposé un encadrement, souhaité préciser la nature de la formation et l'intervention des partenaires sociaux, vous avez refusé nos amendements. Pour vous, il faut mettre en place ce dispositif rapidement et sans contrainte - je note que dans votre discours le dialogue social est devenu une contrainte... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous jugeons donc logique que le dispositif fasse au moins l'objet d'une évaluation au bout d'un an, car il va engager beaucoup d'argent public. Avec notre amendement 97, qui prévoit cette information du Parlement, nous donnons une ultime chance à la commission de faire preuve d'ouverture, alors qu'elle a refusé jusqu'à présent tous les amendements de l'opposition.

M. le Rapporteur - La commission est évidemment sensible à ce souci d'évaluation, mais M. le ministre a déjà donné des garanties à ce sujet : lui-même et ses services assureront un suivi régulier de la mise en place du dispositif et en tiendront évidemment informées l'Assemblée et sa commission des affaires sociales. Cela nous semble préférable à un rapport de plus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Au temps encore récent où vous étiez la majorité, vous trouviez normal que le ministère du travail, à travers la DARES, évalue chaque année l'ensemble des politiques pour l'emploi. Nous continuerons donc à faire de même (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Je regrette que vous ne puissiez pas même accepter un amendement tendant à la simple information du Parlement, information dont vous ne sauriez prétendre qu'elle retardera la mise en _uvre du dispositif ! Nous devrons donc, faute de ce bilan social, en faire le bilan politique et nous vous donnons rendez-vous dans les mois qui viennent pour juger de votre politique de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

M. Patrick Bloche - Le 17 juillet au Sénat, Monsieur le ministre, vous avez, invoquant l'urgence, fait voter un amendement qui est devenu l'article 3. Tant pis si le matin même, au conseil supérieur de l'emploi, deux syndicats particulièrement représentatifs des professionnels du spectacle, FO et la CGT, avaient exprimé leur opposition à l'accord du 19 juin qui entraîne le doublement des cotisations d'assurance chômage des intermittents du spectacle et de leurs employeurs. Deux semaines plus tard, l'argument de l'urgence a perdu de sa force et vous y avez contribué, Monsieur le ministre, en annonçant le report de deux mois de la mise en _uvre de cet accord, qui devait initialement s'appliquer au 1er juillet. Votre collègue de la Culture a obtenu de Matignon qu'il respecte sa quiétude festivalière : tant mieux, mais le cavalier subsiste, ainsi que les conséquences à terme de la décision du 19 juin.

Or cet accord, loin d'être exemplaire d'un dialogue social constructif, a été signé dans la précipitation, sous la pression du MEDEF, qui attendait depuis longtemps le contexte politique qui lui permît ce mauvais coup contre le régime des intermittents du spectacle. Comment expliquer autrement l'absence de concertation préalable avec les organisations représentatives du secteur, négociatrices de l'accord du 15 juin 2000 que l'UNEDIC a constamment refusé de prendre en compte, malgré l'intérêt de certaines de ses clauses.

Nul ne conteste que ce régime particulier doive être réformé, pour gagner en cohérence et en rigueur, et notamment pour limiter les abus qui dispensent les grandes entreprises du secteur d'embaucher à temps complet nombre de salariés. Sauver le régime en corrigeant ses dérives, oui ! Mais pas comme vous le proposez, en mettant en cause le principe de la solidarité interprofessionnelle qui régit l'UNEDIC ; ni en créant une rupture d'égalité entre les salariés de droit commun et les intermittents du spectacle. L'article 3, en introduisant une différenciation des cotisations entre branches au sein de l'UNEDIC, traduit la volonté du MEDEF de balkaniser progressivement l'assurance chômage, ce qui est inacceptable. Loin de préserver les annexes VIII et X, cet article risque de les condamner à terme, soit par dissolution dans les dispositions relatives aux intérimaires - ce qui serait paradoxal, ce régime était déjà déficitaire -, soit, plus probablement, par la remise en cause du statut salarial de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de services pourrait ainsi supplanter la présomption de salariat établie par l'article 762-1 du code du travail.

En prenant l'initiative, à l'invitation de Jean Le Garrec, de discuter et d'adopter la loi du 5 mars 2002, nous avions pour seul objectif de combler un vide juridique afin de sécuriser les intermittents et leurs employeurs. En nous demandant de donner une base légale à l'accord du 19 juin, vous contribuez au contraire à les insécuriser. Dans un étonnant esprit de solidarité envers votre collègue de la culture, d'ordinaire plus malmené par Bercy, vous avez approuvé au Sénat un élu de la majorité qui suggérait que des subventions supplémentaires de l'Etat viennent compenser l'effet du doublement des cotisations. M. Aillagon se veut « le ministre des artistes » : il faut craindre qu'il devienne bientôt un ministre sans artistes... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Pour sauvegarder le régime des intermittents, mais aussi le ministre des artistes, le groupe socialiste a déposé un amendement de suppression de l'article 3.

M. le Ministre - La décision des partenaires sociaux de relever les cotisations est évidemment impopulaire. Mais je pense que les professionnels du secteur - aussi bien les intermittents que les employeurs - ont mesuré les risques qu'engendrerait l'inaction. M. Bloche a parlé de solidarité. Je rappelle que, pour les intermittents du spectacle, le rapport des prestations aux cotisations est de 8,37. Cela signifie que pour un euro versé par les intermittents, plus de 7 le sont par les autres salariés. Si la solidarité interprofessionnelle supporte ce déséquilibre, elle ne le fera durablement que si l'on _uvre à le réduire. L'entrée en vigueur de l'avenant signé le 19 juin ramènera le rapport prestations sur cotisations à 4,20, ce qui demeure considérable, mais du moins aura-t-on donné un signe de bonne volonté.

Que se passerait-il sinon ? Les partenaires sociaux se verraient désavoués, tandis que seraient remis en cause non seulement l'avenant du 19 juin, mais aussi le compromis négocié pour sortir l'UNEDIC de l'impasse financière de plus de 3 milliards d'euros, dans laquelle il se trouve.

Pis, la crédibilité de l'Etat lui-même serait atteinte, car il se doit de soutenir les partenaires sociaux lorsque ceux-ci prennent des décisions courageuses (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.), au lieu de se laisser influencer par quelques lobbies à la vue courte... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je dis : à la vue courte, car c'est l'avenir du système des intermittents du spectacle que votre inaction a mis en cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Oui ou non, acceptons-nous de faire confiance aux décisions des partenaires sociaux ?

Mme Martine David - C'est une minorité !

M. le Ministre - Je vous en prie : vous avez gouverné pendant cinq ans sans jamais envisager de modifier le mode de validation des accords ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - C'est de la provocation !

M. le Ministre - La sur-cotation est possible parce que les conditions d'indemnisation des intermittents du spectacle sont nettement plus favorables que celles du droit commun. L'avenant fixant sa propre date d'entrée en vigueur au 1er juillet, rien n'autorise un tiers, en l'occurrence le Gouvernement, à la modifier ; en revanche, le Parlement a tout loisir de décider la date d'entrée en vigueur de la loi. Les partenaires sociaux comprendront, quant à eux, qu'il vaut mieux éviter la rétroactivité, préjudiciable aux festivals d'été. Le Gouvernement acceptera donc l'amendement de votre rapporteur, qui retient la date du 1er septembre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, c'est à tort que vous prétendez que nous n'avons jamais débattu du système de validation des accords ! Pour notre part, nous avons toujours défendu le principe d'accords majoritaires. La question est donc bien à l'ordre du jour, et vous vous êtes vous-même déclaré prêt à l'examiner. Or, voici qu'on vous présente un accord minoritaire, auquel s'opposent les syndicats majoritaires que sont FO et la CGT, et vous vous empressez de demander au Parlement de prendre une décision autoritaire ! Laissons donc les partenaires sociaux poursuivre la négociation : une table ronde est prévue.

Je rappelle que la FESAC et tous les syndicats étaient parvenus en juin 2000 à une base d'accord que l'UNEDIC n'a jamais voulu examiner ! Je m'interdis, pour ma part, d'intervenir dans la concertation entre partenaires sociaux. Ce serait céder à l'étatisme !

M. Charles de Courson - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 5 vise donc à supprimer cet article 3 : nos nouveaux collègues ne l'auront peut-être pas vu, mais il s'agit bel et bien d'un cavalier.

M. le Président - Sur le vote des amendements de suppression 5, 20 et 91, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard - Même à la nouvelle députée que je suis, il est difficile de ne pas s'apercevoir que l'article 3 est un cavalier ! Nul ne conteste la nécessité d'une réforme, non plus que l'existence d'abus, ou le problème posé par le rapport entre prestations et cotisations. Mais pourquoi une telle précipitation, alors que des propositions ont été formulées et que c'est du fait de l'UNEDIC elle-même qu'elles n'ont pas abouti ? Certes, vous allez repousser la date d'entrée en vigueur au 1er septembre pour des raisons politiques. Mais nous pouvons parfaitement laisser la négociation suivre son cours et remettre la décision au 1er octobre, au lieu de la prendre dès aujourd'hui sans d'ailleurs résoudre le problème de fond. L'amendement 20 tend donc, lui aussi, à supprimer l'article 3.

M. Patrick Bloche - Ne laissez pas entendre, Monsieur le ministre, que l'accord du 19 juin a été refusé par certains syndicats seulement, quand il l'a été aussi par la FESAC pourtant mandatée par le MEDEF pour négocier une réforme du système. Non, les partenaires sociaux ne sont pas exemplaires ! Doubler des cotisations pour combler un déficit, ce n'est pas du courage, mais de la facilité ! Beaucoup plus délicate s'avère l'inéluctable réforme du régime lui-même...

Plus grave, ce cavalier remet en cause la solidarité interprofessionnelle de l'assurance chômage. Aujourd'hui, les intermittents du spectacle ; demain, qui ?

Pour ces raisons, notre amendement 91 tend à supprimer l'article 3.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements : comme le Gouvernement, le Parlement doit prendre ses responsabilités en validant les dispositions arrêtées par les partenaires sociaux.

Si l'accord sectoriel évoqué par M. Bloche n'a pas été repris, c'est dans un souci de responsabilité : il creusait encore davantage le déficit de l'UNEDIC. Faisons donc preuve de la même responsabilité que les partenaires sociaux !

La commission, pour sa part, présentera un autre amendement, différant de deux mois l'entrée en vigueur du dispositif, et qui devrait satisfaire nombre d'entre vous.

M. le Ministre - Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements de suppression. Je précise, pour que l'information de l'Assemblée soit complète, que l'accord a été signé par la CFDT, la CGC, la CFTC, l'UPA, la CGPME et le MEDEF (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

A la majorité de 200 voix contre 51 sur 251 votants et 251 suffrages exprimés, les amendements 5, 20 et 91, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Nous savons tous combien les mois de juillet et d'août sont essentiels pour l'animation culturelle de nos villes et de nos villages. L'entrée en vigueur au 1er juillet de cet article, mesure que nous venons d'adopter risquant d'entraîner des conséquences brutales pour les organisateurs et pour les collectivités locales, et M. le ministre s'étant montré attentif aux inquiétudes parlementaires qui remontent du terrain, la commission a adopté, avec mon accord, l'amendement 95, qui consiste à reporter cette entrée en vigueur au 1er septembre.

M. le Ministre - Favorable !

M. Patrick Bloche - Nous nous abstiendrons. Vous apportez là une bien faible compensation ! Le 1er septembre, dites-vous... Nous sommes le 31 juillet ! Les budgets sont calculés sur une année ; quand on connaît, de plus, les procédures de subventionnement, ce n'est pas sérieux.

Si le Gouvernement, sur le calendrier, voulait faire un geste - et je regrette que vous ayez joué le MEDEF contre les entrepreneurs du spectacle -, vous auriez pu attendre le 1er janvier 2003.

L'amendement 95, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Charles de Courson - L'année dernière, dans le cadre du vote de la loi de financement de la sécurité sociale, j'avais déposé un amendement qui visait à créer un contrat-vendanges -nouveau contrat de travail à caractère saisonnier et exonéré de toutes cotisations sociales salariées - et à supprimer les règles qui interdisaient aux salariés de participer aux travaux de vendanges pendant leurs congés payés.

Il avait pour objectif de lutter contre la mécanisation accélérée des travaux de vendange, contre le travail au noir, la délinquance - liée à l'arrivée de gens du voyage - et d'encourager le travail.

Cet amendement avait été adopté à l'unanimité moins une voix, celle de M. Evin. Et voilà que, six mois plus tard, des services du ministère du travail et des dirigeants de la CCMSA ont soulevé diverses objections pour empêcher la mise en _uvre du contrat-vendanges.

Heureusement, le nouveau ministre de l'agriculture, M. Gaymard, est intervenu pour élaborer un projet de circulaire qui rappellera que le contrat-vendanges est bien saisonnier et n'est pas un CDD ; les services se sont en effet emparés d'une erreur de report au Journal officiel de l'amendement adopté pour expliquer qu'il s'agissait d'un CDD.

Les demandeurs d'emplois sont également bénéficiaires de ce contrat - nous souhaitons que les règles de cumul de droit commun leur soient appliquées. Par ailleurs, il semble qu'une seule personne peut avoir, dans la limite d'un mois, deux contrats successifs avec le même employeur.

L'amendement 37 est un amendement d'appel, presque identique à celui de la commission - sauf sur le problème du cumul des indemnités de chômage avec les rémunérations des vendangeurs.

Nous retirerons notre amendement en fonction de votre réponse, dont nous ne doutons pas qu'elle nous donnera satisfaction.

M. le Rapporteur - L'amendement 34 rectifié de la commission s'inspire du même esprit que ceux de nos collègues. Le sujet est sensible, dans nombre de régions viticoles. Nous avons ici-même voté une disposition reconnaissant la particularité du contrat-vendanges saisonnier. Il importe que M. le ministre nous confirme la validité de cette reconnaissance.

La différence entre notre amendement et ceux de nos collègues est mineure : l'amendement de M. de Courson rajoute une disposition qui existe déjà dans le code du travail. Je demanderai à nos collègues de s'en tenir à l'amendement de la commission.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Je retire mon amendement 65 au profit de l'amendement de la commission.

M. le Ministre - Ces amendements ont pour objet de préciser que le contrat-vendanges est un contrat saisonnier. Cette précision nous semble inutile. La loi prévoit que, pour les emplois saisonniers, un employeur peut recourir à un CDD avec certaines facilités. Comment le contrat-vendanges ne serait-il pas un contrat saisonnier ?

Il est vrai qu'une regrettable erreur, dans le Journal officiel, a pu être la source de confusions regrettables. Cette erreur sera rectifiée très rapidement.

Les demandeurs d'emploi peuvent conclure un contrat-vendanges et bénéficier des exonérations prévues de cotisations de sécurité sociale.

Je demande à M. de Courson et à la commission de retirer leurs amendements.

Une instruction conjointe avec le ministère de l'agriculture, j'en prends l'engagement, écartera toute ambiguïté ; elle sortira dans les prochains jours.

M. Kléber Mesquida - L'amendement 30 rejoint également ces préoccupations.

En ce qui concerne le contrat-vendanges, il existe des interprétations locales, relevant d'administrations qui représentent la Direction de l'emploi, et il en résulte des difficultés d'application.

La rédaction de l'amendement 30, en explicitant que le contrat-vendanges entre dans le droit commun du travail saisonnier, enlèverait toute ambiguïté.

De plus, si l'expérience est concluante, une pareille mesure pourrait à l'avenir s'appliquer à d'autres professions agricoles.

M. Charles de Courson - Je suis disposé à retirer l'amendement 37, mais je souhaiterais connaître l'avis de M. le ministre en matière de contrats successifs avec le même employeur. Une personne peut-elle bien signer deux contrats successifs avec un même employeur, dans la limite d'un mois pour chacun des contrats ? En outre, les coopératives peuvent-elles bénéficier de la mesure ?

M. le Rapporteur - Je suis prêt à retirer l'amendement 34 rectifié dans la mesure où M. le ministre a pris devant nous un engagement très clair : la publication, dans les plus brefs délais, de ce texte d'application. Les vendanges sont proches. Dans les régions viticoles françaises, les organisations professionnelles et les organismes sociaux mettent en place en ce moment même les dispositifs relatifs aux vendanges. Nous devons donc avoir l'assurance que les textes seront applicables dès avant la fin de la semaine. Je souhaite en outre que M. de Courson obtienne une réponse satisfaisante à ses questions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Le Gouvernement s'en voudrait de retarder les vendanges ! Il fera en sorte que l'instruction précédemment évoquée soit rapidement publiée. Elle permettra de répondre aux deux questions soulevées par M. de Courson.

M. Kléber Mesquida - Je maintiens l'amendement 30, qui a le mérite d'être explicite.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 1 rectifié permet que les contrats d'aides-éducateurs conclus avant le 30 juin 1998 soient prolongés jusqu'au 30 juin 2003, l'aide de l'Etat étant maintenue jusqu'au terme de cette période.

Dans l'éducation nationale, les contrats des jeunes gens recrutés depuis le 16 octobre 1997 et avant le 30 juin 1998 expirent au cours de l'année scolaire 2002-2003 - au terme des cinq ans prévus. Afin d'éviter une rupture dans la continuité du service public de l'école, nous proposons qu'ils soient prolongés jusqu'au 30 juin, date des vacances scolaires.

L'amendement 1 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (précédemment réservés)

M. le Président - Vingt-trois des amendements réservés ont été retirés.

M. Christian Paul - Nous avons compris que vous enterrez le programme emplois-jeunes. A cet égard, je remercie le président Dubernard d'avoir réservé nos amendements jusqu'à la fin de discussion, ce qui donnera à cet enterrement davantage de solennité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Nous avons compris que, pour des raisons partisanes, il fallait diaboliser les emplois-jeunes (Mêmes mouvements). L'éducation, l'environnement, la sécurité, l'animation des quartiers ne justifient donc pas que des jeunes consacrent quelques années de leur vie à l'intérêt général. Nous en prenons acte. Mais souffrez au moins que nous demandions des garanties fermes pour les quelques centaines de milliers de jeunes Français concernés. Je n'ai pas trouvé vos explications suffisantes.

Mon amendement 42 vise à garantir que les contrats signés iront bien à leur terme, sous réserve du respect par l'employeur de ses obligations.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car nous n'avons jamais entendu le Gouvernement dire que les emplois-jeunes seraient remis en question avant leur terme. Cet amendement est donc sans objet. Il appartient au ministre de nous donner toutes les assurances.

M. le Ministre - Je confirme à l'Assemblée nationale qu'il semble raisonnable au Gouvernement d'arrêter la création de nouveaux postes. Veut-on créer une fonction publique bis, au statut précaire, sans perspectives de carrière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous comprenons que la majorité précédente ait utilisé cette formule pendant une période difficile. Nous en tirons aujourd'hui les enseignements et nous organiserons une sortie en bon ordre.

Nous assumerons les engagements de l'Etat. Les contrats signés iront à leur terme et le budget pour 2003 sera calculé en conséquence. Cela enlèvera un argument à Mme Guigou, qui prétendait hier que la suppression des emplois-jeunes allait financer la baisse de l'impôt sur le revenu.

Au contraire, nous allons inscrire 3 milliards d'euros au budget pour les emplois-jeunes. Pour éviter toute rupture brutale, nous soutiendrons les associations par une aide dégressive sur trois ans. Enfin, le Gouvernement souhaite engager avec les collectivités locales une réflexion sur les moyens de la vie associative.

Sur la question des emplois-jeunes, il faut faire preuve de davantage de responsabilité, qu'il s'agisse de l'usage des fonds publics, de l'avenir des jeunes ou du rôle des associations. Nous trouverons des solutions qui seront mises en _uvre pour le bien public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - J'observe qu'il nous faut arracher des explications au Gouvernement . Cela montre que notre travail est utile.

Le groupe socialiste demande un scrutin public pour le vote de l'amendement 53.

Comme disait Winston Churchill, « quand on doit tuer quelqu'un, il faut le faire courtoisement ». Puisque vous voulez tuer les emplois-jeunes, faites-le dans les formes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 42, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Mon amendement 55 vise à réaffirmer l'engagement financier de l'Etat s'agissant des contrats qui viennent d'être conclus dans le cadre du programme emplois-jeunes.

L'amendement 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 53 est celui de la dernière chance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il vise à garantir la consolidation des emplois-jeunes pour les associations. J'invite les députés de la majorité à réfléchir à deux fois avant de voter contre cet amendement. Nous avons tous favorisé la création d'emplois-jeunes par les associations. Pensez aux conséquences qu'aurait sur celles-ci le rejet de mon amendement. Il faut garantir la consolidation prévue dans le décret d'octobre 1997. Le Gouvernement est-il prêt à le faire ? Il doit aller au delà des « assurances » floues que M. Fillon vient de condescendre à donner à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement précédent avait pris des engagements fermes et précis (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Votre majorité doit prendre ses responsabilités.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Le but n'est pas de subventionner des emplois à vie. Vous voulez transférer vos responsabilités sur la majorité actuelle : les Français sauront juger votre attitude (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cet amendement est inutile. Le ministre s'est exprimé très clairement et il faut lui faire confiance (« Non !» sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre - Même avis.

A la majorité de 217 voix contre 50 sur 269 votants et 267 suffrages exprimés, l'amendement 53, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Mon amendement 54 vise à faire bénéficier les emplois-jeunes de la validation des acquis.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Au bout de trois ans, toute personne en activité peut en bénéficier.

M. le Ministre - Cet amendement résume tout notre débat : les emplois-jeunes ne comportaient ni formation ni validation des acquis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 52 est défendu.

L'amendement 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Gaëtan Gorce - Dans sa déclaration de politique générale, M. Raffarin a tenu des propos lénifiants pour nous rassurer. Mais M. Fillon, dans le présent débat, a affiché la couleur ! Ce projet obéit à la volonté, non de combattre le chômage des jeunes, mais d'affirmer des orientations idéologiques. Vous avez fait référence au « libéralisme social ». Il y a beaucoup de libéralisme dans le social tel que vous le concevez et peu de social dans le libéralisme. Vous voulez porter des coups non seulement à la gauche, mais - bien plus grave - à toutes les avancées sociales obtenues entre 1997 et 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R. ; protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Vous vous êtes livrés à une véritable déclaration de guerre contre les lois sociales votées pendant cette période. Les applaudissements les plus nourris sur les bancs de la majorité ont concerné les attaques en règle contre la réduction du temps de travail, mais aussi contre les emplois-jeunes, qui ont été qualifiés par certains responsables de cette majorité de « domesticité subventionnée ».

M. François Brottes - C'est scandaleux !

M. Gaëtan Gorce - Je vous donne rendez-vous dans quelques mois, chers collègues, lorsque vous devrez expliquer dans vos circonscriptions que certains services ne seront plus rendus. Il faudra que vous assumiez vos décisions !

Vous revendiquez un discours de droite. Ainsi, ce n'est pas au nom de l'efficacité économique ou de l'emploi que vous vous attaquez à la réduction du temps de travail, mais parce qu'elle mettrait en cause les valeurs traditionnelles, encouragerait la paresse, découragerait le travail.

Il est paradoxal de dire que la réduction du temps de travail, qui a créé tant d'emplois (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)...

M. le Président - Laissez M. Gorce s'exprimer.

M. Gaëtan Gorce - ...et qui a plus contribué au progrès du travail que l'action des gouvernements auxquels, Monsieur Fillon, vous avez participé, est critiquable au regard du travail.

Mais au fond, lorsque vous parlez de travail, ce n'est pas de droit du travail, mais de liberté de l'employeur. De même, lorsque vous parlez de hausse des salaires, vous revendiquez en fait la hausse des heures supplémentaires, comme s'il s'agissait d'un élément normal du salaire ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Dans le même esprit, vous refusez aujourd'hui dans ce texte la simple mention de la formation et de l'accès à la qualification. Vous avez pour argument la simplification, mais de votre simplification à la déréglementation, il n'y a qu'un pas, qu'à l'évidence vous franchirez. Aucune contrepartie aux aides accordées n'est demandée aux entreprises.

Monsieur le ministre, à travers ce texte, vous n'enterrez pas seulement les emplois-jeunes : vous enterrez aussi le gaullisme social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Marsaudon - Pas vous !

M. Gaëtan Gorce - Tout au long de ce débat, nous avons essayé de défendre le droit des jeunes à une insertion professionnelle et réclamé une stratégie pour soutenir l'emploi. Or non seulement votre politique n'assurera pas aux jeunes un emploi, mais elle n'apportera pas le soutien indispensable à la croissance et à l'emploi. Nous regrettons de ne pas avoir pu enrichir ce texte, mais nous continuerons à travailler dans un esprit constructif et offensif pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - Pour ma part, je m'abstiendrai de polémiquer sur un sujet aussi important que le chômage des jeunes. Nous avons essayé d'améliorer ce texte, en reconnaissant qu'il propose un vrai contrat de travail, avec une rémunération au SMIC. Il nous paraissait essentiel d'y ajouter un volet formation, afin de donner aux jeunes de nouvelles chances : si vous aviez écouté les attentes qui se sont exprimées pendant la campagne électoral, vous ne nous auriez pas répété cent fois « non ».

Pourquoi considérer que votre texte n'est susceptible d'aucun enrichissement ? Vous nous demandez d'être humbles, mais ne soyez pas vous-mêmes arrogants ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Puisque, malgré les demandes exprimées sur tous les bancs, ce texte ne comporte pas de volet formation, nous sommes contraints de voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe C. et R.).

M. Rudy Salles - Chers collègues socialistes, j'ai été un peu étonné par les arguments que vous avez développés pendant de longues heures : si nous sommes réunis en urgence, en plein été, pour débattre de ce projet de loi, c'est bien parce que, pour ce qui est de l'emploi des jeunes, vous avez échoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Il est donc un peu tôt pour nous donner des leçons !

M. Alain Néri - Vous aviez échoué avant !

M. Rudy Salles - Moins que vous, qui pourtant avez bénéficié d'une conjoncture beaucoup plus favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Ce dispositif va concerner 300 000 jeunes. Certains ont regretté qu'il puisse être utilisé dans les grandes entreprises : sans doute iront-ils l'expliquer aux jeunes qui auront pu y trouver un emploi !

Il s'agira de vrais emplois, non d'emplois inventés. Dans ma circonscription, nombre d'entreprises me disent qu'elles sont prêtes et me demandent quand le dispositif va entrer en vigueur.

Dans les quartiers difficiles, quand nous avons institué des zones franches urbaines, nous avions également créé des emplois. Vous avez supprimé ce dispositif. Heureusement, les électeurs nous ont mis en état de le rétablir !

Nous avons eu ces deux jours un débat enrichissant. Le groupe UDF a beaucoup insisté sur la nécessité de la formation pour les jeunes. Monsieur le ministre, vous nous avez entendus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

M. Alain Néri - Sans résultat !

M. Rudy Salles - Merci également d'avoir entendu les arguments de Charles de Courson relatifs au contrat-vendanges. Enfin, pour les intermittents du spectacle, dont la majorité précédente avait laissé la situation en suspens, le Gouvernement a accepté un moratoire jusqu'au 1er octobre, comme nous l'avions proposé en commission.

Aussi le groupe UDF votera-t-il le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Paul Anciaux - Ce qui distingue le groupe UMP de l'opposition, c'est que nous sommes constructifs, et que vous êtes sectaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.) Ce projet simple, efficace et rapide, vous avez essayé par tous les moyens de retarder son adoption.

Vous référant au programme TRACE, vous avez indiqué qu'il était efficace pour 55 % à 60 % des jeunes concernés. Que deviennent les 40 % qui restent ? C'est à eux que s'adresse, partiellement, le dispositif dont nous sommes saisis.

M. Alain Néri - Partiellement !

M. Jean-Paul Anciaux - Nous l'avons dit ! Il n'existe pas de recette miracle. Sinon, nous l'aurions trouvée avant vous (Rires sur les bancs du groupe socialiste), et ces cinq dernières années vous ne l'avez pas trouvée non plus.

Ces 40 % des jeunes, en entrant en entreprise avec un CDI, auront désormais un emploi, un revenu, donc un projet de vie. Ces jeunes-là, vous ne les rencontrez pas, mais ils existent. Si nous avions suivi M. Gorce, le dispositif ne serait pas encore en vigueur l'an prochain, et vous nous reprocheriez alors de n'avoir pas agi. Mais nous avons choisi d'aller vite et dès l'automne, j'en suis sûr, nous constaterons déjà des résultats significatifs.

Les députés UMP ont débattu pour de vrai (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous pouvez sourire, M. Paul, vous n'étiez pas là cette nuit !

Ce dispositif marchera, et le groupe UMP le votera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - La France détient le triste record, parmi ses partenaires européens, du chômage des jeunes. Tous les gouvernements ont cherché à soigner ce mal qui mine notre pacte républicain. La solution que nous proposons n'est pas miraculeuse. Nous avons choisi de compléter des dispositifs déjà existants et de les amplifier : la formation en alternance, les contrats de qualification, le dispositif TRACE, enfin les emplois-jeunes, qui bénéficieront dans le prochain budget d'une inscription de crédits proches de trois milliards. Au total, l'Etat accroît très sensiblement son effort, en 2003, en faveur de l'emploi des jeunes. Voilà qui devrait rassurer Mme Guigou.

Notre texte a également valeur de symbole : il consacre un nouveau partage des pouvoirs entre la puissance publique, l'entreprise et les partenaires sociaux. Nous misons sur la confiance. Peut-être est-ce cela, M. Gorce, l'actualisation du gaullisme social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous allons offrir un vrai contrat de travail avec un vrai salaire à des jeunes qui sont abonnés aux galères. Je souhaite bien du plaisir aux députés de l'opposition quand ils expliqueront dans leurs circonscriptions qu'ils ont combattu ce texte ! D'autant qu'ils ne nous ont épargné aucun des poncifs qui leur tiennent lieu de philosophie politique : amendement « Mc Donald », soupçon systématique à l'égard des entreprises et des partenaires sociaux, refus de prendre en compte la réalité du chômage des jeunes... La gauche ne semble pas avoir encore pris la mesure de sa responsabilité dans la grave crise politique et sociale que nous affrontons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La majorité n'aura pas à rougir de ce premier texte social du Gouvernement. Il concerne les jeunes les plus en difficulté, et représente un premier pas dans une politique ambitieuse d'allégement de charges. Il consacre une politique plus favorable à l'entreprise.

Je vous donne rendez-vous en octobre, pour débattre de la hausse des bas salaires et du retour au SMIC unique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), d'une reconfiguration de l'ensemble des politiques d'allégement de charges pour les rendre plus profitables à l'emploi, enfin de l'assouplissement des 35 heures (Mêmes mouvements).

Quand nous aurons réalisé cette importante réforme, nous aurons franchi un grand pas vers une modernisation substantielle de notre système économique et social (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDF se lèvent et applaudissent longuement).

La séance, suspendue à 17 heures 25 est reprise à 17 heures 35.

JUSTICE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le 2 juillet dernier, par votre voix, Monsieur le Président, le Président de la République s'adressait ainsi à l'Assemblée : « Réunis en session extraordinaire par la nécessité et l'urgence de l'action, il vous revient de donner sans délai force de loi à la volonté nationale (...). Dès le milieu de l'été, vous aurez adopté des textes essentiels pour renforcer l'autorité de l'Etat, garantir la sécurité des Français, restaurer la compétitivité de la France et assurer la solidarité nationale. » Eh bien, nous y sommes ! nous voici réunis par la nécessité et l'urgence de l'action pour la justice.

L'action du Gouvernement pour rétablir l'autorité de l'Etat et garantir la sécurité des Français, qui est une, s'appuie dans cette session extraordinaire sur deux piliers : la loi pour la sécurité intérieure, que vous avez adoptée et qu'examine le Sénat, et le présent projet, adopté par le Sénat. Je rends hommage au président Clément, à votre rapporteur M. Warsmann, ainsi qu'au président de la commission des finances, M. Méhaignerie, qui prit l'initiative de la précédente loi de programmation pour la justice. Je salue également M. Pélissard, rapporteur pour avis. Le travail de grande qualité qu'ils ont accompli malgré les contraintes du calendrier traduit la connaissance concrète qu'ont les élus des problèmes de nos concitoyens.

Vos travaux montrent combien ce projet répond à des besoins urgents. Jamais sans doute l'attente des Français envers la justice n'a été si forte. Jamais sans doute la justice n'eut à affronter une telle crise de confiance des citoyens. C'est ainsi que nous lisons, pour ce qui la concerne, les résultats des dernières élections, et singulièrement du premier tour de l'élection présidentielle. Il est vrai que la crise de la justice n'est qu'un aspect d'une crise plus profonde qui traverse notre société : crise des valeurs et de l'autorité, crise de confiance dans l'Etat, crise des rapports sociaux...

Cette crise de la justice nous donne non seulement des raisons d'agir, mais nous en fait un devoir. Encore faut-il partir d'un bon diagnostic. Celui-ci est aujourd'hui largement partagé : la justice est lente, complexe, opaque et lointaine. Ce n'est pas là le fait des magistrats, fonctionnaires de justice, éducateurs et surveillants : leur engagement et leur professionnalisme méritent d'autant plus l'éloge qu'ils n'ont cessé de faire face à des charges sans cesse accrues, avec des moyens toujours en retard. Lors des nombreuses rencontres que j'ai eues avec eux dès mon arrivée, j'ai été frappé par leur découragement devant le manque de moyens adaptés. Mais je l'ai été aussi par leur passion et leur dévouement.

En raison même de l'urgence, et contrairement à ce qu'on a dit ici ou là, j'ai mené une concertation approfondie sur ce projet, recevant plus de soixante délégations, dont vingt-neuf organisations syndicales. De cette écoute sont issues plusieurs propositions contenues dans le projet. En outre le travail parlementaire a permis d'enrichir cette concertation, notamment grâce aux auditions publiques qu'a organisées, mercredi dernier, M. le président de la commission des lois. Le diagnostic est connu et largement partagé. Ceux qui nous reprochent de vouloir agir trop vite se rendent-ils compte que nos concitoyens, tout comme les acteurs de la justice, demandent précisément à la représentation nationale et au Gouvernement d'agir, et d'agir vite, pour en finir avec cette impuissance publique qui est la première cause de désaffection de certains citoyens à l'égard des institutions de la République ?

La première condition d'une action cohérente est la lucidité sur la situation, qui nous impose de nous départir de l'hypocrisie comme de la naïveté - paravents de ceux qui n'ont pas su ou pas voulu agir. En la matière, comme l'a dit le Président de la République, la naïveté n'est pas une excuse : c'est une faute !

C'est pourquoi, face à la montée de l'insécurité, qui rend la vie difficile, voire impossible à nos compatriotes, et d'abord aux plus modestes, nous devons agir, nous voulons agir. L'Etat trop souvent défaillant, la justice trop souvent absente, doivent retrouver leur place pour les protéger et les défendre. Nous voulons agir parce que nous avons, que vous avez entendu l'appel des Français.

Le Gouvernement a fait de l'action pour la sécurité et la justice sa priorité. C'est pourquoi ce projet constitue la chance historique d'un renouveau de la justice au service des Français. Avec ce texte, je vous propose une nouvelle ambition pour la justice, je vous propose de lui donner les moyens d'agir.

Il s'agit de restaurer la cohérence de la politique de sécurité, de fournir au Parlement et aux citoyens une vision à moyen terme de l'action de l'Etat dans le domaine de la justice, enfin de se donner les moyens d'atteindre ces résultats.

Préparé dès l'entrée en fonction du Gouvernement, ce projet de loi est sans précédent. Il programme des moyens considérables qui, tant en investissement qu'en fonctionnement, progresseront davantage que par le passé. Ces moyens s'élèvent, sur cinq ans, à 3,65 milliards d'euros, qui s'ajoutent à la reconduction des crédits ouverts en 2002.

Ceux qui vilipendent ce texte sont-ils contre la création de 10 100 emplois permanents - soit une augmentation de 15 % des effectifs - de 4 450 emplois pour les services judiciaires, de 3 740 pour l'administration pénitentiaire ou de 1 250 pour la protection judiciaire de la jeunesse ? 7 273 emplois ont certes été créés sous la précédente législature, mais ils compensaient pour partie les 35 heures. Quant aux autorisations de programme non négligeables qui ont été ouvertes, elles n'ont souvent servi que des effets d'annonce.

Oui, une vision d'ensemble est nécessaire.

Je vous propose de fixer un nouveau cap pour cinq ans, conformément aux engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. Ce texte scelle donc un nouveau contrat pour la Justice.

Le Parlement pourra assurer son contrôle dans un cadre clairement défini : les crédits programmés pour les cinq prochaines années sont connus, et le Gouvernement s'engage précisément sur quatre objectifs.

Pour le premier, améliorer l'effectivité de la réponse pénale, 762 millions d'euros sont prévus en dépenses ordinaires et 1,198 milliard en autorisations de programme.

Pour le deuxième, améliorer l'efficacité de la justice, 1,329 milliard sont prévus en dépenses ordinaires et 382 millions en autorisations de programme.

Pour le troisième, mieux traiter la délinquance des mineurs, 423 millions sont prévus en dépenses ordinaires et 170 en autorisations de programme.

Le quatrième consiste à améliorer l'accès des citoyens au droit et à la justice.

L'effort d'investissement déjà significatif du ministère se trouve ainsi doublé, principalement au profit du secteur pénitentiaire.

De nouveaux établissements seront construits. Sur 11 000 places nouvelles, 7 000 correspondent à une augmentation de capacité et 4 000 au remplacement de bâtiments vétustes.

Ce projet encouragera les opérations immobilières en partenariat avec le secteur privé. Outre les dispositions générales contenues dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, des dispositions spécifiques aux investissements immobiliers de la justice figurent dans le présent texte.

Ces moyens s'accompagneront d'actions destinées à améliorer le fonctionnement, afin de moderniser par la gestion autant que par le droit. Tout cela passe par un investissement fort de la collectivité nationale et des agents du ministère de la justice, dont le professionnalisme doit être reconnu.

Je vous propose d'améliorer l'efficacité de la justice en la rapprochant des justiciables, grâce à l'institution du juge de proximité, véritable juridiction. Les Français l'attendent, car les petits litiges du quotidien restent trop souvent sans réponse.

Dans un sondage récent réalisé par l'institut CSA, 90 % d'entre eux se déclarent favorables à la création de cette juridiction.

Les audiences des tribunaux d'instance sont en effet surchargées aujourd'hui et les délais de jugement trop longs. Qui plus est, bon nombre de petits conflits ne sont pas portés à la connaissance des juridictions, en raison du coût des procédures et de la complexité de la saisine du juge.

Au pénal, les infractions aux règles de la vie en société commises par certains jeunes ne sont pas toujours poursuivies, d'où un sentiment de défiance à l'égard de l'institution judiciaire.

Il faut y mettre fin. Nous avons reçu un message très clair des électeurs il y a trois mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Ce projet institue un juge de proximité dont il détermine les compétences. Il sera complété par un projet de loi organique que j'ai présenté au Conseil des ministres mercredi et dont vous débattrez à l'automne, afin de préciser son statut, ses conditions de recrutement, sa formation, les exigences déontologiques et son régime disciplinaire.

Les garanties sont là. Le juge de proximité, bien que non professionnel, devra disposer d'un bagage juridique garantissant sa compétence tout en assurant un large recrutement. Pourront ainsi être nommés des magistrats retraités, des auxiliaires de justice, des universitaires et des juristes d'entreprises. Ils seront soumis au statut de la magistrature pour toutes les dispositions qui ne sont pas incompatibles avec le caractère temporaire et intermittent de leurs fonctions. Ils seront nommés pour sept ans par décret du Président de la République, pris sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Des incompatibilités de fonction sont prévues pour garantir leur indépendance et leur impartialité. Ils seront rémunérés, à la vacation, par un traitement comparable à celui des magistrats exerçant à titre temporaire. Nous sommes loin du magistrat « de second rang » évoqué par certains. Statuant à juge unique, le juge de proximité rendra des décisions qui auront force exécutoire.

Sur le plan civil, il connaîtra des affaires de nature personnelle mobilière d'un montant inférieur à 1 500 euros.

Le Sénat a précisé qu'il pourrait homologuer les procès-verbaux d'accord dressés par les conciliateurs de justice.

La procédure, simple, s'inspirera de celle en vigueur devant le tribunal d'instance et privilégiera la conciliation.

Pour se rapprocher des justiciables, le juge de proximité pourra tenir des audiences foraines dans tout lieu public approprié. En cas de difficulté, il renverra l'affaire devant le juge d'instance. Sur le plan pénal, il pourra connaître de certaines contraventions des quatre premières classes. S'il est habilité à cet effet, il recevra, pour les mineurs, une compétence actuellement détenue par les tribunaux de police, lui permettant de prononcer une admonestation, d'ordonner une mesure de réparation ou d'infliger une amende. Il validera également les mesures de composition pénale.

Bref, il constituera un maillon essentiel de la justice de première instance.

Le projet de loi prévoit de recruter 3 300 juges de proximité, ce qui correspond à 330 à 350 emplois à temps complet.

Tant que ces juges ne seront pas en nombre suffisant, les juges d'instance continueront à statuer.

Loin de marquer une quelconque défiance à l'endroit des tribunaux d'instance, la réforme leur permettra de se recentrer sur les tâches techniques, qui pourront d'ailleurs être étendues.

La concertation que j'ai menée m'a montré la nécessité de veiller à une bonne articulation entre justice de proximité et conciliateurs de justice. Le juge de proximité ne remet pas en cause la mission des conciliateurs de justice, que nous entendons développer.

Leurs rôles diffèrent : le conciliateur est chargé de rapprocher les parties, le juge, s'il privilégie également la conciliation, est avant tout là pour dire le droit et rendre une décision exécutoire.

Il nous faut aussi améliorer le fonctionnement de la juridiction administrative, les procédures étant trop longues. Notre plan d'urgence comprend la création de 480 postes et des mesures d'accompagnement, notamment l'instauration d'assistants de justice.

La délinquance des mineurs est un sujet majeur de préoccupation pour les Français et mieux lutter contre elle un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement.

Les mineurs commettent de plus en plus jeunes des infractions et des actes de violence.

Elu local, père de famille et responsable politique, j'y vois un défi fondamental pour l'action politique.

La Justice n'est pas la seule institution concernée. Le premier maillon est évidemment la famille, qui doit être mieux aidée à assumer sa fonction éducative. L'école est un autre maillon essentiel : elle doit pouvoir accomplir sa mission de transmission des savoirs et des valeurs, et sa mission d'intégration républicaine. La Justice n'en doit pas moins assumer ses responsabilités, d'abord en consentant un exceptionnel effort éducatif en direction des mineurs. Nous augmentons de 25 % le nombre des éducateurs. C'est sans précédent : nous marquons ainsi une priorité politique claire en faveur de l'éducation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), notamment en milieu ouvert, mais aussi dans les structures d'accueil existantes.

Il faut ensuite ouvrir une gamme de réponses graduées et cohérentes tout au long de la chaîne éducative et pénale.

Cette volonté politique est très nouvelle. Oui, nous tenons nos engagements ! Nous créons des centres éducatifs fermés pour éloigner de la récidive un petit nombre de jeunes qui participent au « noyau dur » de la délinquance mis en évidence par les travaux récents, que nous ne savons pas traiter aujourd'hui.

Les jeunes placés dans ces centres suivront un programme d'activités organisé par des éducateurs, ainsi qu'un programme d'enseignement dispensé par l'éducation nationale. Leur fonctionnement relèvera du secteur public et du secteur associatif.

Leur vocation éducative est essentielle. Je me suis assuré, avec mes collègues Luc Ferry et Xavier Darcos, que l'éducation nationale assumera le suivi pédagogique de ces jeunes, afin de mettre en oeuvre les enseignements adaptés à leurs besoins.

On a beaucoup glosé sur mon intention de mettre en prison les mineurs de 13 à 16 ans. Il serait contraire à tous les principes de priver les jeunes de liberté par une simple mesure de placement : les centres fermés ne sont pas des prisons.

Nous avons besoin d'une solution plus énergique pour les mineurs qui refuseraient la règle du jeu.

M. Jacques Myard - Tout à fait !

M. le Garde des Sceaux - Elle doit obéir au régime de la détention, non sans de nombreuses garanties.

Nous ne pouvons exclure le recours à la détention provisoire pour les jeunes de 13 à 16 ans, mais il sera exceptionnel. Elle se déroulera non en prison, mais dans un établissement spécialisé. Lorsque j'ai pris mes fonctions, 110 mineurs, de 13 à 16 ans, étaient en prison. Pourquoi ? Parce qu'au stade de la condamnation, la prison est déjà possible ! Qu'on cesse de feindre de l'ignorer ! Assez d'hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Les conditions actuelles de détention sont insatisfaisantes. Nous créerons donc des établissements pénitentiaires spécialisés qui prépareront à la réinsertion. Il n'y aura aucun détenu majeur, une stricte séparation sera établie entre les classes d'âge ainsi qu'entre les prévenus et les détenus. Dans un esprit pragmatique, nous nous sommes inspirés des exemples étrangers qui ont fait leurs preuves.

Votre commission des lois a bien compris la gradation des réponses apportées dans le projet de loi initial. Elle a donc souhaité revenir sur un amendement adopté au Sénat qui brouille la progression des réponses entre le centre de placement immédiat, le centre éducatif renforcé et le centre éducatif fermé. Je suis donc favorable à l'amendement de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Sans remettre en cause les principes qui fondent l'ordonnance du 2 février 1945, le Gouvernement vous propose d'adapter ce texte en diversifiant les moyens mis à la disposition des juges.

Le principe de la responsabilité pénale des mineurs existe, mais il doit être réaffirmé clairement par la loi.

Dans l'intérêt des mineurs, nous devons disposer d'un ensemble de réponses adaptées à leur personnalité.

Je propose de créer des sanctions éducatives, comprenant un réel contenu pédagogique : interdiction de paraître, interdiction de rencontrer la victime, confiscation, mesure de réparation, obligation de suivre un stage de formation civique.

Ces sanctions s'appliqueront aux mineurs dès l'âge de 10 ans. Le non-respect de la décision pourra être suivi d'une décision de placement.

Ces propositions sont inspirées par un souci de réalisme. Il s'agit de trouver les outils nouveaux qui nous permettront d'endiguer cet immense gâchis humain et social. La délinquance fonctionne comme un escalier dont on monte les marches progressivement : il est donc préférable d'intervenir plus précocement, de manière à éviter ultérieurement une peine de prison.

Les mesures que je vous propose n'ont d'autre but que de marquer les limites et les règles. Qui peut aujourd'hui prétendre qu'il y ait là quoi que ce soit de contraire à l'éducation ?

Nous ne savons pas, aujourd'hui, lutter contre la délinquance très précoce. Ce projet nous en donne les moyens. Ceux qui crient au « tout répressif » refusent de voir la réalité en face (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'accélération des procédures de jugement constitue également un enjeu essentiel pour lutter contre le sentiment d'impunité. La procédure de comparution à délai rapproché, trop complexe, est peu utilisée. L'extension aux mineurs de la comparution immédiate n'est ni réaliste ni opportune.

Il existe une voie médiane.

Pour les mineurs bien connus des tribunaux pour enfants, je propose que le jugement puisse intervenir dans un délai de dix jours à un mois. En attendant, une mesure provisoire sera requise par le parquet auprès du juge des enfants.

Les mineurs délinquants multirécidivistes, eux, commettent les actes les plus graves. Il convient d'enrayer cette escalade par des mesures appropriées.

Aujourd'hui, ils sont détenus en maisons d'arrêt. Je vous propose de créer des établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs. Ainsi, la direction de l'administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pourront mettre en place une prise en charge adaptée à leur âge, pour les garçons comme pour les filles, qu'ils soient détenus provisoirement ou condamnés.

L'intervention éducative auprès des mineurs incarcérés doit être systématique. Il est anormal que les mineurs les plus difficiles soient privés d'éducateurs lorsqu'ils sont privés de liberté. J'ai visité récemment deux établissements, l'un en Grande-Bretagne, l'autre en Belgique, qui sont deux exemples à suivre.

En matière de prévention de la récidive, l'objectif du Gouvernement est de continuer à développer la mesure de réparation et le programme des classes-relais. Ces dispositifs ont prouvé leur efficacité.

Il convient, enfin, de réduire les délais de prise en charge des mesures de milieu ouvert par la protection judiciaire de la jeunesse. Le Gouvernement veut y consacrer une partie des moyens accordés à cette institution.

Autre nécessité : la simplification de la procédure pénale. Les réformes successives intervenues ces dernières années ont abouti à une complexité qui affaiblit l'efficacité de la répression.

Il est indispensable de rééquilibrer les règles applicables, sans remettre en cause les principes fondamentaux de notre droit - dont la présomption d'innocence et le respect des droits de la défense.

Je vous propose de lever certains facteurs de blocage ou de ralentissement du traitement des affaires ; de rééquilibrer la situation de la victime face au délinquant ; de rééquilibrer les possibilités d'interventions répressives, sans lesquelles l'effort indispensable de prévention en amont n'est qu'illusion.

Dans cet esprit, le Gouvernement vous propose d'étendre le champ d'application et l'efficacité de la composition pénale. Il s'agit de donner plus de portée à cette mesure. Sa validation pourra en outre être confiée au juge de proximité. Cette alternative efficace se développe dans les juridictions.

En matière de détention provisoire, il m'a paru nécessaire de renforcer le rôle du procureur de la République. Représentant l'intérêt général et la société, ce magistrat doit disposer des instruments juridiques lui permettant de veiller à une exacte et juste application de la loi, comme à la garantie de l'ordre public et des libertés.

Ainsi, le juge d'instruction qui ne suit pas les réquisitions du parquet en cas de demande de placement en détention provisoire devra rendre sans délai une ordonnance motivée, qui sera immédiatement portée à la connaissance du ministère public.

En ce qui concerne les demandes de mise en liberté, je vous propose d'instituer une procédure de « référé-détention » qui permet au parquet de corriger les effets d'une éventuelle erreur d'appréciation du juge d'instruction ou du juge des libertés.

Nous devons rétablir le ministère public dans son rôle de représentation et de protection de l'intérêt de la société.

En ce qui concerne l'examen des demandes de mise en liberté, je vous propose de différencier leurs conditions d'examen selon la situation pénale de l'intéressé, afin d'éviter l'asphyxie des chambres de l'instruction.

Nous devons bien simplifier la procédure, et non augmenter le nombre de prévenus en détention - d'où mon souhait de développer l'usage du bracelet électronique.

Le projet que je vous soumets respecte le principe de « délais butoirs » pour le maintien des prévenus en détention provisoire.

Pour éviter des remises en liberté intempestives, il est toutefois prévu que des délais exceptionnels de prolongation puissent être acceptés par la chambre d'instruction : 4 mois en matière correctionnelle et deux fois 4 mois en matière criminelle.

Je vous propose de renforcer la cohérence de la procédure d'instruction.

Dans la continuité de la réforme de 1995 sur le juge unique, je vous propose de créer les conditions d'un écoulement plus rapide du contentieux.

Le Sénat a renforcé le respect des droits de la défense en ce qui concerne la procédure du « témoin anonyme ».

L'extension de la procédure de comparution immédiate donne au parquet un outil supplémentaire pour le traitement de la délinquance et introduit davantage de souplesse dans la politique pénale.

Plusieurs organisations s'en sont inquiétées. Je me permets donc d'insister sur sa portée exacte : il s'agit de permettre le jugement rapide d'affaires simples. Or, la difficulté d'une affaire n'est nullement liée au niveau de la peine encourue. Je suis d'ailleurs disposé à aménager cette disposition.

L'amélioration de la situation des victimes est un volet essentiel de ce projet de loi.

J'ai reçu de nombreuses associations de victimes. Je me suis rendu compte à quel point elles se sentent oubliées, mal informées, soumises à des démarches qu'elles ne comprennent pas.

J'ai tenu à leur apporter des aides concrètes. Je suis choqué de les voir maintenues, dans les procédures, dans une situation d'infériorité. Je souhaite qu'elles puissent disposer de l'aide la plus immédiate, et que la solidarité de l'Etat à leur égard se manifeste mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le projet prévoit un accompagnement juridique immédiat : la victime pourra se faire désigner un avocat par le bâtonnier - dispositif bien précisé par le Sénat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je propose que l'aide juridictionnelle de plein droit soit étendue, sans conditions de ressources, aux victimes d'atteintes corporelles (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). A la liste de ces infractions pénales, le Sénat a ajouté le viol. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur ce point.

En second lieu, le rapport annexe prévoit que la victime pourra disposer, y compris au moment de l'exécution de la peine, de renseignements appropriés. Un décret sera prochainement pris à cette fin. Le Sénat a ajouté la possibilité pour la victime de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction.

En troisième lieu, le projet instaure une procédure judiciaire d'enquête ou d'information pour rechercher les causes d'une disparition suspecte. Ce dispositif permettra de poursuivre les enquêtes en interrompant la prescription, quelle que soit la date à laquelle remontent les disparitions.

D'autres actions seront entreprises, qui sont mentionnées dans le rapport annexé. Ainsi, seront mis sur pied des dispositifs d'urgence permettant de faire face aux premiers besoins des victimes, par exemple pour la personne agressée dans la rue qui n'a pas les moyens de rentrer chez elle.

Des schémas types d'intervention seront également mis en _uvre pour mieux coordonner les différentes interventions en cas de catastrophe. L'exemple de Toulouse a montré à quel point il était indispensable de disposer d'une cellule opérationnelle et de fonds d'urgence.

Enfin, des travaux seront entrepris pour rendre l'indemnisation plus juste et plus transparente, grâce à l'élaboration d'un barème indicatif pour évaluer les préjudices. Les victimes ne comprennent pas les divergences existant entre les juridictions.

Ce projet constitue un véritable plan d'ensemble destiné à donner à la justice les moyens d'agir pour cinq ans. L'engagement du Gouvernement sera sans faille. Je compte beaucoup sur vos contributions pour améliorer ce texte, mais aussi pour le faire entrer dans les faits, au service de notre ambition commune pour la justice, car je la sais partagée.

Cette ambition, le projet vous donne les moyens de la mettre en _uvre.

Au fond, ce texte n'est pas autre chose qu'une épreuve de vérité. Comme l'a affirmé le Président de la République : « La plus grande épreuve de vérité pour le politique, c'est de démontrer sa capacité à garantir la sûreté, la dignité et la liberté de chacun. C'est son honneur et son devoir ».

Je vous propose, non sans une certaine gravité, d'apporter votre pierre à la construction d'une justice plus sereine, plus efficace, plus proche de nos concitoyens. Une justice qui réponde à leurs attentes légitimes, au service du peuple français, au nom duquel elle rend ses décisions, au service de la République et de ses valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois - Conscients de l'importance de ce projet, nous avons consacré le temps nécessaire à son examen en commission. Nous avons entendu les représentants de plus de quarante organisations professionnelles, des forces de police aux éducateurs.

Ce texte apporte à la justice des moyens sans précédent. Jamais, dans l'histoire de la République, on n'avait consacré autant de moyens à la justice : 3,65 milliards d'euros en crédits de paiement sur cinq ans, 1,65 milliard d'euros en autorisations de programme et plus de 10 000 embauches. Dans cinq ans, le montant des crédits de paiement aura quasiment doublé et celui des autorisations de programme, triplé. Cet effort était rendu indispensable par l'état de notre justice.

La justice pénale ne parvenant pas à faire face à l'explosion de la délinquance, elle utilise comme moyen de régulation ce classement sans suite qui choque tant nos concitoyens. Ceux-ci n'admettent pas que les sanctions pénales varient selon les juridictions ou qu'un grand nombre de délits restent impunis alors même que leurs auteurs sont identifiés. Ils n'admettent pas non plus que de nombreuses décisions rendues ne soient pas exécutées. Selon la principale organisation professionnelle des magistrats, plus d'un tiers des peines d'emprisonnement prononcées ne sont pas appliquées. Je ne sais pas si cette statistique est exacte à 5 ou 10 % près. Mais je sais que l'Etat s'affaiblit lui-même chaque fois qu'une décision de justice, rendue au nom du peuple français, n'est pas appliquée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La justice civile n'ayant pas la possibilité de classer sans suite, son encombrement se traduit par un allongement considérable des délais. La durée moyenne pour qu'une affaire soit jugée par le tribunal de grande instance est supérieure à neuf mois, référés compris. Si une des parties fait appel, il faut ajouter plus de dix-sept mois de délais ! Nous voici donc au bord du déni de justice. Nous sommes tous affectés quand la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme parce qu'elle ne garantit pas un jugement dans des délais raisonnables.

La situation de la justice administrative est catastrophique. La contestation d'un permis de construire prend en moyenne un an et huit mois, et plus de trois ans en appel, soit près de cinq ans au total. Voilà ce que nous ne pouvons plus accepter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Gardons-nous de l'autosatisfaction - même si ce projet donne une impulsion historique aux moyens de la justice, nous devrons rester vigilants. Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez accepté qu'un organisme extérieur procède à une évaluation. C'est courageux et c'est important. Compte tenu de l'effort demandé aux contribuables, il est bon qu'on compare les moyens mis en _uvre aux résultats.

S'il faut rester vigilant, c'est aussi parce que M. Sarkozy a engagé un fantastique effort pour renforcer l'efficacité des forces de police et de gendarmerie. La montée en puissance de la justice devra suivre celle de la police et de la gendarmerie. Rien n'est plus démoralisant, pour les fonctionnaires qui garantissent notre sécurité, de voir que leur travail est inutile parce que la justice n'arrive pas à suivre.

Combattre la délinquance des mineurs, c'est une priorité. En 2001, 177 000 mineurs ont été mis en cause : c'est 15 % de plus qu'il y a quinze ans. Les mineurs représentent 21 % des personnes mises en cause et même 36 % pour les infractions de voie publique. Cette délinquance, en outre, devient de plus en plus violente. On estime que 60 à 85 % des infractions sont dues à seulement 5 % des mineurs mis en cause, tant sont actifs les multirécidivistes. Les délinquants sont de plus en plus jeunes. Certes, personne ne détient de solution miracle. Il faut simplement adapter la loi. Il n'y a pas en ce domaine des lois de droite et des lois de gauche, mais des lois adaptées ou inadaptées à leur temps. Et il n'est pas besoin d'avoir fait de longues études pour comprendre qu'un jeune de 17 ans en 2002 ne ressemble pas à un jeune de 17 ans en 1945 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Quand un jeune de 12 ans s'engage sur la voie de la délinquance, la justice doit pouvoir prononcer des sanctions éducatives : lui interdire, par exemple, de fréquenter certains lieux. Si un adolescent fréquente un centre commercial où sévit une bande, c'est le rôle des parents de lui interdire d'y aller seul. Quand les parents sont défaillants, il est normal que le juge prenne le relais. Je sais bien que certains jeunes ne respectent pas une telle interdiction, mais si nous empêchons seulement cent ou deux cents jeunes de tomber dans la délinquance, nous aurons déjà bien travaillé.

Pour faire disparaître le sentiment d'impunité, il faut rapprocher la sanction de l'infraction. Dans certains départements, la sanction intervenant plus d'un an après le délit, n'a aucun effet éducatif. Un mineur ayant déjà eu affaire à la justice pourra désormais être jugé de dix jours à un mois après l'infraction. Il s'agit de bien lui montrer qu'il a franchi la ligne blanche. L'important n'est donc pas la gravité de la sanction, mais la rapidité de son prononcé et de son exécution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Autre cas où nous sommes démunis : celui des délinquants multirécidivistes. Quand un mineur délinquant qui a déjà fait l'objet de mesures éducatives commet une nouvelle infraction grave, que pouvons-nous faire ? Quand un mineur multirécidiviste qui a été placé dans un centre éducatif fugue et recommence, que pouvons-nous faire ? Aujourd'hui, rien.

Le devoir de la société est de donner à ces jeunes une deuxième chance, quand l'école et la famille ont échoué : tel est le but des centres éducatifs fermés. Au jeune qui sera placé dans un de ces centres, le juge dira : « Cette fois, fais attention, car si tu ne joues pas le jeu, je pourrai te condamner à une peine de prison ».

Là encore, nous restons humbles : nous ne prétendons pas que ces centres vont résoudre tous les problèmes. Mais si grâce à eux nous arrivons à réinsérer dans la société quelques dizaines, quelques centaines de jeunes chaque année, nous n'aurons pas perdu notre temps.

N'oublions pas que les premières victimes de ces délinquants multirécidivistes sont des jeunes, qui aspirent à vivre tranquilles dans leur quartier. Nous leur devons une réponse.

J'en viens au juge de proximité.

Depuis des dizaines d'années, de très nombreux parlementaires, de toutes sensibilités politiques, ont défendu cette idée. Bien sûr, la justice doit d'abord être rendue par des magistrats professionnels, comme le prouve ce projet de loi qui prévoit d'en recruter ; mais parallèlement, nous souhaitons utiliser les compétences juridiques des concitoyens qui sont prêts à consacrer une partie de leur temps à rendre la justice. Ce ne sera pas la première fois que des citoyens seront appelés à exercer cette mission.

Au-delà des petites affaires civiles, il s'agit de répondre aux petits actes de délinquances qui rendent invivable le quotidien de nos concitoyens - tapage nocturne, utilisation d'un deux-roues au pot d'échappement trafiqué... - et dont, bien souvent, la police et la justice n'ont pas le temps de s'occuper. Le juge de proximité n'infligera pas de sanctions graves, mais il sera là pour rappeler les règles de vie en société.

Autre priorité : la simplification des procédures.

Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre que des personnes poursuivies pour des actes extrêmement graves puissent être mises en liberté parce qu'elles ont su exploiter une faille de la loi : c'est tout le problème, en particulier des délais couperets.

Je terminerai sur la question des prisons.

Nous avons fait il y a deux ans un travail considérable sur ce sujet dans le cadre d'une commission d'enquête, parallèlement à nos collègues sénateurs.

Nous avions souligné l'état de vétusté d'un certain nombre de nos établissements pénitentiaires. Ce projet prévoit donc un gros effort pour construire des prisons neuves et fermer celles qui sont obsolètes.

La deuxième grande avancée concerne la détention des mineurs. Actuellement, les quartiers de mineurs ne garantissent pas que les mineurs seront séparés des majeurs pendant toute la journée. Le projet a donc l'immense intérêt de prévoir des établissements réservés aux mineurs, afin que la prison ne soit pas pour eux une école de la délinquance, mais permette en revanche d'entreprendre une action éducative.

Enfin, la commission des lois a souhaité à l'unanimité qu'une loi pénitentiaire soit élaborée au cours de cette législature.

Tous les moyens contenus dans ce projet permettront de renforcer l'efficacité de la justice. Un gros travail nous attend ces prochains jours, mais quand nous rentrerons dans nos circonscriptions, nous pourrons dire à nos concitoyens : « Oui, j'ai travaillé sur le projet de loi sur la justice ; oui, je l'ai voté ; oui, j'en suis fier ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances - Dans sa déclaration de politique générale, Jean-Pierre Raffarin s'est engagé à donner à l'Etat les moyens d'assurer avec efficacité la sécurité et la justice. Nous voici donc appelés à examiner, après le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, le projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice.

La décision de présenter une loi de programme est particulièrement pertinente dans ce domaine pour trois raisons.

D'abord, cela permet au Gouvernement d'avoir une vision d'ensemble. Le précédent gouvernement avait commis l'erreur de ne pas procéder de cette manière, et ses réformes ont désorganisé l'appareil judiciaire : la loi sur la présomption d'innocence, par exemple, a absorbé 40 % des emplois de magistrats créés ; de même, dans l'administration pénitentiaire, 700 des 1 500 emplois créés par la loi de finances pour 2002 ont été absorbés par l'application des 35 heures. L'intérêt d'une loi de programmation est d'associer à la définition d'une politique la définition des moyens.

Une loi de programmation permet aussi d'assurer la visibilité qui est essentielle au contrôle parlementaire. Le ministère de la justice est le premier constructeur de l'Etat ; avec une telle loi, le Parlement dispose d'une vue d'ensemble des opérations prévues puis engagées.

Enfin, une loi de programmation réhabilite le principe essentiel de l'action politique : susciter et justifier la confiance. En effet, les crédits qui y sont prévus ne sont qu'indicatifs, mais le Gouvernement prend un engagement moral : il a l'ardente obligation de respecter le contrat, année après année, dans les lois de finances - et la commission des finances y sera spécialement attentive. Enfin, les résultats sont mesurés par une évaluation ; sur ce point, l'article 6 du projet devra être amélioré.

Cette loi de programme est ambitieuse : pour répondre aux légitimes attentes des Français, vous entendez consacrer à la justice des moyens sans précédent. L'enveloppe destinée à financer les emplois, les investissements et les mesures d'accompagnement s'établit à 3,65 milliards d'euros pour la période 2003-2007, en sus de la reconduction annuelle des moyens d'engagement et de paiement ouverts en 2002 - il nous faudra préciser ce point.

Dans les services judiciaires, il est prévu de créer 4 450 emplois, dont 950 emplois de magistrats - et 4 postes de greffier pour 1 magistrat, et non plus 2 pour 1 comme sous le Gouvernement précédent, ce qui correspond beaucoup mieux aux nécessités.

Pour les services pénitentiaires, 3 740 créations d'emplois sont programmées, et 1,313 milliard inscrits en autorisations de programme permettront de réaliser 11 000 places. La nécessité absolue de ce programme de construction, inédit par son ampleur, a été mise en évidence par de nombreux rapports parlementaires dénonçant des conditions de détention indignes. Il faut agir vite. La population pénitentiaire a augmenté de 13,4 % en un an, atteignant 56 385 détenus pour 47 500 places. Vous disposerez d'instruments juridiques permettant de gagner un temps précieux.

La protection judiciaire de la jeunesse est elle aussi fortement dotée : 1 250 emplois pour 293 millions de dépenses ordinaires, et 55 millions d'autorisations de programme pour financer les centres éducatifs fermés, innovation importante du projet.

Les juridictions administratives, complètement embouteillées, sont dotées de 481 emplois nouveaux, de 114 millions de dépenses ordinaires et 60 millions d'autorisations de programme pour la création de deux tribunaux administratifs et de la cour administrative d'appel de Versailles.

Tous ces moyens financiers, considérables, ne suffiraient pas s'ils n'étaient pas accompagnés d'une réflexion d'ensemble sur l'organisation de la Justice. Dans le rapport de la MEC, Patrick Devedjian écrivait avec raison qu'il ne fallait pas « se contenter d'une augmentation toujours plus grande des crédits qui permettrait d'éluder des réformes de structure ». De fait, l'effort demandé au contribuable ne doit pas dispenser les services judiciaires de rechercher à améliorer la qualité du service public de la Justice.

Parmi les voies de réforme figure la modernisation de la PJJ, dont certains dysfonctionnements doivent être stigmatisés : le délai moyen de prise en charge des mesures et des peines s'élève à 52 jours, et le taux de consommation des crédits de paiement, qui n'a pas dépassé 24 % en 2001, n'était que de 13 % au 1er juillet 2002. Citons aussi le lancement d'une véritable réforme de la carte judiciaire et la piste des tribunaux de première instance évoquée par le rapport annexe, et encore l'achèvement de la mise en place des services administratifs régionaux. Le rapport annexe suggère d'autres voies qui méritent aussi d'être explorées.

C'est en poursuivant dans cette démarche de rationalisation, en conjuguant moyens nouveaux et réformes de fonctionnement et de structures que nous relèverons le défi d'une justice digne de notre démocratie.

Reste à surmonter deux obstacles. Le premier est celui du recrutement, au travers des écoles nationales et des centres de formation, le problème le plus délicat touchant l'administration pénitentiaire. Le deuxième est celui de la consommation des crédits. Pour le chapitre 57-60, le taux s'est élevé à 47,5 % en 2000, et 38,8 % seulement pour l'équipement pénitentiaire. Deux innovations donnent des raisons d'espérer : le rôle joué par la nouvelle Agence pour la maîtrise d'ouvrages et de travaux d'équipement, et surtout la création du secrétariat d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, dont il y a beaucoup à attendre de l'effet d'entraînement.

Messieurs les ministres, vous incarnez une volonté politique forte. La commission des finances a approuvé votre projet, qui marque un nouveau démarrage pour la justice de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Tout à l'heure, M. Gremetz a dit ceci : « Quand on va voir ses électeurs, la question n'est pas de savoir si cela vient de la gauche ou de la droite, mais de savoir si c'est bon ou mauvais pour eux. » M. Gremetz avait raison.

M. Patrick Braouezec - Ce n'est pas la Bible !

M. Jean-Pierre Brard - Ou alors l'évangile selon saint Maxime ! (Sourires)

M. le Président de la commission - Si nous sortions ce projet de son contexte partisan, il serait accepté par l'ensemble des Français (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). Vous ne le croyez pas ? Pourtant nous réalisons ainsi deux promesses de M. Jospin : le juge de proximité et le centre éducatif fermé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.).

Vos reproches ne sont donc pas crédibles, et surtout pas ceux qui nous accusent de procéder dans la précipitation, à la faveur de l'été. En effet, est-ce nous qui avons voulu inverser l'ordre des élections ? Sans cette modification, nous aurions travaillé en mai.

De plus, nous avons eu cinq ans pour réfléchir sur l'explosion de la délinquance et sur l'inutilité de vos initiatives. L'opposition, chers collègues, sert surtout à réfléchir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous l'avons fait, et nous pouvons aujourd'hui mettre en _uvre le fruit de nos réflexions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous avons dû aussi répondre aux déboires d'une loi récente, qui a dû, elle, souffrir de la précipitation puisque vous avez été contraints de la réviser à brefs délais, en missionnant l'un de nos brillants collègues.

Enfin, au cours de la campagne, les électeurs ont exprimé unanimement une préoccupation : « Le Gouvernement va-t-il s'occuper de ce qui nous intéresse, et d'abord de l'insécurité ? »

Il y a un débat intellectuel qui paraît tourner autour des ordonnances de 1945. Parmi les quarante auditions conduites par notre rapporteur, dans une chaleur insupportable, M. le Président...

M. le Président - Je n'y peux rien !

M. le Président de la commission - Vous êtes le Président !

M. le Président - Mais je ne fais pas la pluie et le beau temps !

M. le Président de la commission - Vous pouvez faire la climatisation... Je voulais vous en adresser discrètement la requête... (Sourires)

Une grande majorité des personnes entendues ont approuvé le projet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R.). Vous n'étiez guère présents en commission ! Mais certaines d'entre elles ont déclaré regretter que nous revenions sur les ordonnances de 1945 : travers bien français que celui de la sacralisation d'un texte ; quiconque y touche est montré du doigt par les belles âmes de notre pays, et de fait ce soir même, dans le journal qui sert de conscience à l'intelligentsia, l'éditorial de première page attaque de front.

L'ordonnance de 1945, est-il admis, privilégie la prévention par rapport à la répression, tant il est vrai qu'il n'y est pas concevable de seulement sanctionner les mineurs ; l'aspect éducatif, pour eux, doit l'emporter. Tant que la situation dans laquelle étaient nées les ordonnances a prévalu, et qu'elles ont donné de bons résultats, personne n'a songé à les mettre en cause. La mettons-nous en cause aujourd'hui ? Non ! Nous la complétons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe C. et R. ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Depuis dix ans, la délinquance a augmenté de 80 % : une véritable explosion. Or 5 % des délinquants commettent 80 % des délits. Jusqu'à présent, ce problème des 5 % n'a pas été traité. Naturellement, ces 5 % sont tous multirécidivistes. La question n'est pas, comme l'opposition veut le faire croire, de stigmatiser la jeunesse française, mais de régler le problème posé par ces 5 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Comment régler le problème ? Il l'a été d'une manière inattendue, j'entends tout à fait différente de ce que vous dénoncez. On se rappelle la contrevérité qui fit le titre du Monde : « la prison dès treize ans ». Qu'en est-il en réalité ? Il y a trois étapes dans la chaîne pénale pour les mineurs. La première consiste en mesures éducatives. La seconde, c'est le contrôle judiciaire ; mais, au lieu de revêtir sa forme traditionnelle, il se fera en maisons éducatives fermées. Que se passe-t-il jusqu'à présent quand le mineur se conduit mal et ne respecte pas les règles du contrôle judiciaire ? Il est remis à ses parents ! La troisième étape enfin, c'est l'incarcération. Elle existe déjà, nous ne l'avons pas inventée, et ce n'est nullement là que réside la nouveauté de cette loi : c'est dans la maison d'éducation.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est dans l'incitation à l'incarcération ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission des lois - Remarquez qu'à mesure que la démonstration pénètre dans certains esprits, ils crient, parce qu'ils sont gênés ! Nous avons donc : les mesures éducatives, puis le contrôle judiciaire, et dans certains cas l'incarcération pour quinze jours ou un mois, suivie du retour vers une maison d'éducation fermée ou un autre établissement. C'est ce que nous souhaitons et ceci respecte les ordonnances de 1945. Ce que celles-ci, il est vrai, n'avaient pas prévu, c'est la répression. Prévention plus répression, en français, cela veut dire éducation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : quel père de famille n'a jamais sanctionné son enfant ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Ne riez pas, le problème est grave. M. Jospin avait annoncé qu'il le réglerait et proposait notamment des juges de proximité. M. Lang y reconnaissait d'ailleurs il y a quelques jours une de vos propositions. Maintenant, il paraît que vous êtes contre : mettez-vous d'accord entre vous !

Contre les maisons d'éducation fermées, vous montez sur vos grands chevaux. Mais vos maisons d'éducation renforcées diffèrent des maisons fermées... en ceci qu'elles sont ouvertes. Si vous y placez un jeune multirécidiviste, pour accepter ensuite qu'il s'en aille quand il veut, comment espérer le redresser ? Je suggère à M. le Garde des Sceaux de reprendre les maisons d'éducation renforcée et de les faire fonctionner immédiatement comme maisons éducatives fermées : il disposera ainsi d'emblée de cinquante-quatre maisons.

Parmi les sujets de controverse figure notre volonté d'aller vite, avec le référé-détention et la comparution immédiate. On se souvient de certaines libérations intempestives qui ont choqué l'opinion : le référé-détention est un correctif à votre loi votée trop vite. Quant à la comparution immédiate, on ne peut déplorer la lenteur et l'engorgement de la justice et refuser les moyens d'y remédier - étant entendu que les droits de la défense et ceux du mineur sont parfaitement respectés. Ce texte n'a donc vraiment rien de choquant ; mais au signal de l'intelligentsia, vous vous précipitez dans l'erreur, de la manière brillante dont vous savez le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Je souhaite vous fournir deux sujets de méditation pour les cinq ans à venir. Le premier est la fameuse phrase de Brecht : le peuple ayant perdu notre confiance, il faut le dissoudre et en élire un autre... Vous avez feint durant la campagne de comprendre le problème de l'insécurité, mais vous voici de nouveau à nous dire qu'il ne faut pas toucher à l'ordonnance de 1945, autrement dit qu'il ne faut rien faire ! Ce que vous ne comprenez pas, c'est que les Français sont heureux d'avoir un gouvernement et une majorité qui répondent enfin aux questions qu'ils posent.

Second sujet de méditation, cette remarque de Jünger : « il y a dans la vie de tout régime politique un moment tragi-comique où il dénonce comme une trahison toute tentative de le sauver ». Vous auriez pu être sauvés ; vous avez manqué l'occasion et vous ne comprenez toujours pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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