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Session extraordinaire de 2001-2002 - 13ème jour de séance, 23ème séance

1ère SÉANCE DU SAMEDI 3 AOÛT 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      AMNISTIE (CMP) 2

      JUSTICE (CMP) 4

      HOMMAGE À M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
      DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET DE LA PRÉSIDENCE 9

      CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002. 9

La séance est ouverte à seize heures.

AMNISTIE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant amnistie.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Michel Hunault, rapporteur de la CMP - La CMP qui s'est réunie le 31 juillet à propos du projet de loi portant amnistie est parvenue à un accord, et je m'en réjouis. Il est vrai que les dispositions restant en discussion à l'issue des deux lectures de chaque assemblée étaient peu nombreuses. Le Sénat avait en effet non seulement retenu la plupart des modifications apportées par l'Assemblée, tendant à allonger la liste des exclusions de l'amnistie, mais encore restreint à son tour le champ de cette dernière. Le projet de loi initial excluait 41 infractions, et le texte issu de l'Assemblée nationale 49. Le Sénat y a ajouté des infractions concernant le port et la détention d'armes, les personnes particulièrement vulnérables, les substances nuisibles, les chiens dangereux, le transport de matières dangereuses, le transport routier et le vol avec violence.

Le Sénat a introduit d'autres modifications importantes, dont l'une en particulier garantit la mise en _uvre de la procédure de dissolution civile de certains mouvements sectaires, que le texte tel qu'il était aurait pu empêcher. Une seule de ces modifications a fait l'objet de débats : celle excluant du bénéfice de l'amnistie des infractions en matière de chasse. Celles-ci sont en effet du domaine contraventionnel, et il semblait paradoxal de multiplier les exclusions de contraventions alors que des délits restaient amnistiés. J'ai proposé de laisser les juridictions faire la part des choses en faisant jouer l'amnistie au quantum de la peine, et la CMP m'a suivi.

Pour le reste, outre une modification rédactionnelle, la CMP a approuvé la proposition sénatoriale de n'exclure de l'amnistie que les délits d'entrave au droit syndical punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an. Elle a aussi exclu de l'amnistie les destructions incendiaires et les interdictions de stade.

Jamais une loi d'amnistie n'a été aussi restrictive. Elle exclut notamment les infractions en récidive, les associations de malfaiteurs et le proxénétisme, et porte une attention particulière aux personnes vulnérables et à la sécurité routière. Si ce texte s'inscrit dans la tradition républicaine, il n'est pas incompatible avec la volonté du Gouvernement de lutter contre l'insécurité et la délinquance - que les deux textes qu'il vient de présenter sur la sécurité intérieure et la justice illustrent - malgré ce qu'ont voulu faire croire certaines interprétations fantaisistes. Je vous invite donc à adopter le texte issu de la CMP, qui concilie les exigences d'éthique posées par le Président de la République...

M. Arnaud Montebourg - C'est une blague !

M. le Rapporteur - ...et la volonté du Gouvernement de lutter avec la plus grande sévérité contre l'insécurité, pour le rétablissement du pacte républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je voudrais remercier le rapporteur et le président de la commission des lois pour le travail qu'ils ont effectué, ainsi que les nombreux députés, du moins du côté de la majorité, qui sont présents à cette séance. Le Gouvernement donne son accord au texte qui a été établi par la CMP mercredi et en remercie les membres.

M. Guy Geoffroy - Le texte sur l'amnistie est loin d'être anodin. D'abord le premier qui nous a été présenté lors de cette nouvelle législature. Mais il a une grande portée. Certains ont voulu en faire le symbole des premiers reniements du Président de la République et de la majorité. Nous leur parlerons tout à l'heure, à propos du texte sur la justice, de leurs propres revirements, et ce sera justifié. Mais en ce qui concerne la loi d'amnistie, elle est au contraire le symbole d'une nouvelle façon de conduire les affaires de l'Etat. D'abord, elle traduit fidèlement les engagements des candidats aux présidentielles et aux législatives, ce qui peut effectivement sembler inhabituel à certains. Ensuite, elle marque son respect pour la tradition républicaine. Certains ont plutôt voulu parler de tradition monarchique. J'en conclus que c'est ainsi qu'ils considèrent les deux mandats du chef de l'Etat élu en 1981 et 1988, dont les lois d'amnistie ont été beaucoup plus importantes et sous certains aspects beaucoup plus libérales, voire libertaires, que la nôtre. Enfin, elle marque une ouverture vers des temps nouveaux. Nous quittons l'orgueil idéologique des gouvernements précédents, et surtout du dernier, pour faire place à l'humilité républicaine. Il est inutile d'opposer de manière artificielle le principe de l'impunité zéro, qui sera à la base de l'action du Gouvernement dans les années qui viennent, et celui du pardon ultérieur. Les deux notions sont au contraire complémentaires. Rien de plus logique, bien que certains, sur d'autres bancs, voudraient que l'on pardonne avant d'avoir jugé.

Ce texte, très limité, tranche avec le laxisme revendiqué sans fard en 1981 et 1988. Dire aujourd'hui qu'il sera le dernier de son genre est en revanche prématuré. Considérons, plus humblement, que le temps n'est pas encore venu de répondre à cette question. Pour l'instant, nous avons affaire à un texte équilibré, qui assure la continuité républicaine et préfigure une nouvelle approche des relations entre les citoyens et la loi. Il sert de préface à d'autres textes fondateurs de cette législature, concernant la sécurité intérieure et la justice. L'UMP ne manquera pas d'apporter son soutien à de tels projets de loi sages, lucides, équilibrés et responsables. Elle le fera jusqu'à leur terme, ainsi que la présence de nombre de ses membres le prouve aujourd'hui, et votera donc ce projet de loi sans hésitation.

M. Arnaud Montebourg - Nous avons exprimé une opposition constante à ce texte, fondée sur des objections qu'aucun débat, pas plus ici qu'au Sénat ou en CMP, n'a permis de lever.

Tradition monarchique contre tradition républicaine : les termes du débat sont désormais connus et gravés dans le marbre du Journal officiel, nos concitoyens trancheront.

Quinquennat aidant, l'amnistie sera de plus en plus un problème. Certains ont eu l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître, je les en remercie. Nous espérons donc que cette loi sera la dernière du genre. La dernière provocation à l'incivisme, en somme.

Nous n'avons reçu aucune réponse quant au coût de l'amnistie pour les finances publiques. Le rapporteur s'est contenté de quelques approximations. Nous n'avons pas non plus obtenu de réponse sur le nombre de détenus qui seront élargis sous l'effet conjugué de la loi d'amnistie et des décrets pris par le Président de la République à l'occasion du 14 juillet.

Au fils des amendements, le nombre des infractions exclues du champ de l'amnistie a crû de façon inflationniste, de sorte que nous nous demandions avec amusement pourquoi la majorité ne décidait pas tout bonnement de renoncer à amnistier. En CMP, d'ailleurs, notre excellent président de la commission des lois nous livra cette remarque : ce n'est pas du tout bien ce que nous faisons... Fallait-il alors, pour cela, déplacer à grands frais et à grands carrosses deux assemblées, en plein été ?

Nous n'avons pas eu la moindre information sur les conditions dans lesquelles le Président de la République entend utiliser le pouvoir d'amnistie que vous lui déléguez. Et bien sûr, le Journal officiel ne publiera jamais la liste des impétrants qui auront obtenu cette phénoménale grâce dite républicaine, mais plutôt de nature royale.

M. Xavier de Roux - Tant mieux.

M. Arnaud Montebourg - Mais comptez sur nous pour exercer la vigilance nécessaire !

Cette loi d'amnistie illustre assez mal le slogan qui fut celui de la droite pendant sa campagne : impunité zéro. Vous nous permettrez donc de nous faire les gardiens de ce slogan en votant, avec résolution et amusement, contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Le groupe UDF maintient sa position car une société de responsabilité ne peut se satisfaire d'une amnistie générale post-présidentielle tous les cinq ans.

L'amnistie est certes un principe de valeur constitutionnelle mais l'utilisation qui en est faite de nos jours ne relève plus, selon nous, de l'esprit de réconciliation nationale ou de l'élan national que l'on a voulu susciter au moment de l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Nous notons toutefois avec satisfaction que cette amnistie est beaucoup plus restrictive et plus lucide que les précédentes, en particulier celles de 1981 et 1988. Le mouvement avait déjà été amorcé d'ailleurs en 1995. Nous saluons l'augmentation du nombre des infractions exclues du champ de l'amnistie. On peut cependant s'interroger sur la portée de ce texte en termes de sécurité routière, thème dont le Président de la République a fait le 14 juillet dernier l'une de ses priorités. Je pense aussi aux honnêtes citoyens qui ont consciencieusement payé leurs PV pendant les dix-huit derniers mois ; et aux victimes, qui ont eu le courage de porter plainte, de témoigner et qui risquent de se retrouver face aux mêmes délinquants dès cet été.

L'amnistie est de plus en plus considérée comme inadaptée à notre société. Elle institutionnalise une forme de laxisme à l'égard des délinquants. Le groupe UDF souhaite donc que cette tradition appartienne désormais à une époque révolue.

La discussion générale est close.

L'ensemble du projet de loi mis aux voix, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire est adopté.

JUSTICE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la CMP - Mission accomplie !

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie ce matin, a été un succès. Le texte qui en est issu nous permettra, comme nous l'avons souhaité, d'instaurer des juges de proximité et nous donnera les moyens de lutter contre l'impunité des mineurs.

La CMP a ainsi retenu les sanctions éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans. Désormais, un juge pourra, par exemple, interdire à un jeune dans cette tranche d'âge de fréquenter tel ou tel lieu ; ou encore lui interdire de rencontrer un coauteur ou un complice d'infraction. C'était une proposition parlementaire.

La CMP a approuvé la création de centres éducatifs fermés, création qui répond à la nécessité d'une gradation dans les sanctions. Quand un mineur commet un acte de délinquance, il encourt d'abord tout un ensemble de mesures éducatives. Puis s'il commet un acte passible de cinq ans d'emprisonnement ou plus, le juge l'envoie en centre éducatif fermé. C'est un nouvel étage que nous créons puisqu'auparavant la société n'avait pas d'autre réponse face à ces mineurs multirécidivistes que la prison. Le centre éducatif fermé leur offrira désormais une deuxième chance.

La CMP a retenu également toutes les simplifications de procédures que nous souhaitions, par exemple sur l'utilisation de la visioconférence, la lutte contre le terrorisme biologique et contre l'association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste.

La CMP a aussi retenu les dispositions voulues par l'Assemblée en matière pénitentiaire, à cette modification près : la date du 1er janvier 2003 a été choisie pour la suppression du prélèvement sur les revenus des détenus au titre des frais d'entretien.

Enfin et surtout, la CMP a validé l'ensemble du dispositif financier. Ce sont donc plus de 10 000 emplois qui vont être créés dans les cinq ans et plus de 3,6 milliards d'euros qui seront dépensés pendant cette même période pour moderniser la justice.

Le rapport annexé a également été validé. Il prévoit notamment qu'une loi pénitentiaire sera votée au cours de la présente législature. A également été retenue l'idée importante de la responsabilisation des parents de mineurs délinquants.

Au total, le texte issu de la CMP répond à vos souhaits et aux attentes des Français. Je vous invite donc à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Après cet exposé synthétique, exhaustif et clair, il ne me reste plus qu'à remercier la majorité de donner au Gouvernement les moyens matériels et juridiques d'engager une politique visant à restaurer la sécurité et à renforcer la justice en équité. C'est ce que les Français attendent, ils nous l'ont dit pendant des mois. Nous engageons donc la réforme.

Nous l'avons fait dans un délai très court, c'est vrai, mais le travail approfondi qui a été mené en commission nous permet de dire, comme M. le rapporteur : mission accomplie ! Nous tenons les engagements pris devant les Français et nous restaurons ainsi l'idée qu'ils se font de la politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Christophe Baguet - Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Albertini, retenu par des obligations municipales à Rouen. Des critiques ayant été émises à son endroit, je tiens, au nom de l'UDF, à rendre hommage à sa grande cohérence intellectuelle et à son sens de l'intérêt général.

L'UDF n'a pas de souci existentiel. On existe et on travaille, voilà tout, et cela nous amène à exprimer nos légitimes interrogations - d'ailleurs partagées par d'autres. Nous le faisons en pensant à l'intérêt du pays et dans un souci de cohérence avec la majorité présidentielle.

M. Albertini avait exprimé néanmoins quelques doutes sur certaines dispositions du projet, auxquelles on n'a peut-être pas porté toute l'attention souhaitable (Quelques exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je voudrais y revenir.

Tout d'abord, le problème de la délinquance des mineurs ne saurait être résolu seulement par la police et l'institution judiciaire. C'est une tâche de plus grande envergure, qui doit mobiliser tous ceux qui entourent l'enfant : l'éducation nationale, les services sociaux, les associations - et surtout les parents. Nul ne conteste la nécessité de réinculquer le respect de la loi et des règles de la vie en société.

C'est dès le primaire que devraient être inculqués les fondements de la République, par exemple en apprenant la Marseillaise. Puis c'est au collège que devrait débuter l'apprentissage de la loi, de la notion du bien et du mal. C'est peut-être moins de sévérité que nous avons besoin que d'une méthode différente. L'enfermement sans la réinsertion, sans l'éducation des mineurs et de leurs parents, ne mènera pas à grand-chose.

Nous soutenons au demeurant les orientations du texte. La création du juge de proximité va dans le bon sens, même si nous aurions préféré un juge de paix aux compétences un peu élargies, avec une procédure autonome par rapport au tribunal d'instance, plus simple et plus lisible.

Au total, voilà donc une loi qui s'imposait. Indissociable de la loi sur la sécurité intérieure, elle devait être élaborée en même temps. Ces dispositions sont urgentes, et attendues des Français, qui l'ont manifesté au cours des campagnes électorales. Le Gouvernement a tenu ses engagements, et nous saluons l'effort annoncé pour la rénovation de l'institution pénitentiaire. La construction de nouveaux centres est indispensable ; mais que se passera-t-il en attendant ? La prison doit être un lieu de réinsertion, non de perdition. J'espère que les crédits consacrés à la réhabilitation des structures carcérales seront rapidement utilisés, afin que les prisonniers puissent saisir une deuxième chance. Mais nous approuvons l'esprit du texte. Le Gouvernement a défini un nouveau cap, et c'était nécessaire. Nous ne pouvons qu'être satisfaits des moyens annoncés, des programmes de recrutement et d'équipement. L'UDF salue le travail du Gouvernement et approuve les quelques modifications introduites par la CMP. Mais elle espère que ce texte sera un point de départ. Nous soutiendrons votre action, Monsieur le ministre, et nous attendons de travailler sur les textes qui viendront combler à l'avenir les silences de cette loi, sur lesquels M. Albertini et le groupe UDF ont appelé votre attention. Nous voterons ce projet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est légitime de combattre la violence et la délinquance. Mais fallait-il le faire en risquant de mettre en cause les principes de la présomption d'innocence ? Il est nécessaire de chercher des réponses à la délinquance des mineurs. Mais fallait-il le faire en renvoyant au second plan l'assistance et l'éducation, malmenant ainsi les principes de l'ordonnance de 1945 et de la déclaration universelle des droits de l'enfant :...

M. le Rapporteur de la CMP - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...abaissement de l'âge de la responsabilité pénale, élargissement du champ de la détention des mineurs, déspécialisation de la compétence du juge pour en connaître ?

M. le Rapporteur de la CMP - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est légitime de parfaire la procédure pénale. Mais fallait-il le faire en ébranlant les principes fondamentaux de notre droit...

M. le Rapporteur de la CMP - C'est insensé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...conformes à la déclaration européenne des droits de l'homme, notamment sur la présomption d'innocence, le caractère exceptionnel de la détention provisoire et les droits de la défense ?

C'est pourtant ce que vous faites en créant un référé-détention, en donnant à l'avis du procureur, pour le maintien en détention, la priorité sur la décision d'un juge du siège, en étendant les possibilités de comparution immédiate, en ôtant aux parties la faculté de demander au juge d'instruction des investigations.

Il est légitime de mieux ouvrir les voies d'accès à la justice, notamment pour les petits litiges. Mais vous n'y parviendrez pas en créant une nouvelle juridiction incompréhensible pour les justiciables. Il est légitime d'amplifier la mobilisation des moyens, engagée par le précédent gouvernement, pour rénover les structures carcérales, et en créer d'autres à taille humaine. Mais faut-il pour autant créer de nouvelles procédures de marché public, éloignées de celles qui en garantissent aujourd'hui la transparence ?

Ce ne sont pas les objectifs annoncés de ce projet qui sont critiquables, mais ceux qui sont restés inavoués ; ce sont les solutions qu'il apporte, leur nature, leur imprécision, et les atteintes qu'elles portent à des principes essentiels. Ce projet comporte des mesures de nature fort diverses, certaines très particulières, d'autres de portée générale, mais dont les conséquences restent inconnues, ce qui est grave en matière de justice.

Vous avez justifié la déclaration d'urgence et le rythme effréné du travail parlementaire par la volonté d'apporter aux citoyens les réponses promises par le Président de la République et les candidats de l'UMP. Nous mesurons autant que vous les attentes de nos concitoyens. Mais votre réponse improvisée, confuse et inadaptée traduit surtout une stratégie d'affichage, la volonté d'adresser un signal à l'opinion. Et vous le faites en malmenant des principes fondamentaux du droit auxquels vous adhérez, nous n'en doutons pas, mais qui ne sauraient souffrir altération, ni compromission, tant les conditions économiques et sociales et la perte des valeurs rendent déjà inaudible l'action du politique et de l'autorité publique. C'est pied à pied qu'il faut défendre ces principes, dans la réflexion et la concertation la plus large : ainsi seulement peuvent se construire les vraies réponses qui réconcilieront les Français avec la justice.

Vous avez placé la majorité - dont certains membres éminents n'ont pas ménagé leurs critiques, alors que d'autres trahissaient des orientations sécuritaires, démagogiques, et populistes - dans l'obligation de renoncer à ce devoir : faire la loi la plus utile au plus grand nombre. Vous l'avez fait aussi en malmenant, contrairement aux v_ux du Président de la République et du Premier ministre, l'attention due à l'opposition, dont les questions - y compris celles qui étaient de portée constitutionnelle - sont restées sans réponse. Après le pitoyable refus d'augmenter réellement le salaire minimum, après la valse-hésitation sur les augmentations de tarifs publics (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous venez encore de manquer un important rendez-vous. Et vous avez pris le risque d'échouer dans un domaine où notre pays ne peut plus se le permettre. La question est déjà posée, de la capacité de cette majorité à répondre efficacement aux attentes des Français.

M. Jacques Myard - Sans rire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le groupe socialiste votera contre ce projet, et prendra l'initiative, comme l'a annoncé le sénateur Badinter, de saisir le Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Un risque guette toute nouvelle majorité : c'est l'ivresse de la victoire. Et nous l'avons vu dans ce débat. Il était pourtant nécessaire : s'il s'était agi de répondre à l'urgence par des moyens supplémentaires, pour une justice plus rapide, plus efficace, plus attentive aux préoccupations des Français, alors l'opposition aurait joué son rôle et travaillé à améliorer le texte. Mais vous avez voulu aller plus loin, et là intervient l'ivresse. Bien des majorités, sûres d'elles, sont persuadées que leurs mesures répondent à une profonde attente de l'opinion. C'est ce qu'on disait par exemple, le président de notre assemblée s'en souvient, des lois de 1997 sur l'immigration, avant que la dissolution vienne révéler ce qu'il en était réellement... Vous invoquez aujourd'hui l'opinion, mais on peut lui faire dire ce qu'on veut (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

L'opinion, dans ce débat, vous a servi de prétexte pour ne répondre à de profonds problèmes de sécurité que par l'enfermement et le durcissement carcéral (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Cette solution n'est pas la bonne. La prison doit être un recours ultime, quand tous les autres sont épuisés.

Sur la délinquance des mineurs, vous auriez pu partir de notre expérience, et faire le bilan de ce qui avait marché ou non. Vous ne l'avez pas voulu. Vous avez pris la responsabilité de porter atteinte à cet acquis de notre histoire juridique : l'ordonnance de 1945. Cette journée restera marquée par la réouverture des maisons de correction pour les jeunes, ainsi que par divers amendements en vertu desquels les familles seront désormais tenues pour responsables du comportement de leurs enfants.

Oui, vous aurez une majorité pour voter ce texte. Mais une majorité dans cet hémicycle ne garantit pas une capacité de répondre aux problèmes du pays. Dans les mois qui viennent, ces questions rejailliront, et vos mesures ne les régleront pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen - Voici enfin voté ce texte attendu depuis des années. Voici enfin modifiée l'ordonnance de 1945, tenue pour intangible par nos prédécesseurs, et cela conformément au v_u de nos concitoyens et à l'évolution, hélas, de la délinquance juvénile.

Enfin, Monsieur le ministre, vous donnez la possibilité de rétablir non seulement l'ordre, mais la justice.

Certes, le gouvernement précédent avait affecté des moyens à l'administration de la justice, mais leur utilisation était contestable et les déperditions exigeaient une remise en ordre. Les moyens que vous programmez pour les cinq ans à venir sont considérables, grâce aux arbitrages financiers que vous avez su imposer.

M. Arnaud Montebourg - On en reparlera !

M. Claude Goasguen - Bravo pour ce texte mesuré. La politique de nos prédécesseurs était marquée par le paradoxe et la facilité : on dénonçait dans des rapports lénifiants les méfaits de la prison sur la délinquance juvénile, mais on continuait à mettre des jeunes en prison. Vous rompez avec cette attitude, en décidant de construire des centres éducatifs fermés.

Il faut en finir avec le sentiment d'impunité (M. Montebourg s'exclame). C'est pourquoi je me réjouis de l'institution d'une véritable juridiction foraine au sens propre du terme, une justice de proximité, rendue par des juristes aguerris, que les Français attendent.

Vous améliorez la procédure pénale par diverses mesures, notamment l'ordonnance pénale, qui permettront d'alléger le travail des magistrats.

Les cinq années passées ont été marquées par un vaste débat juridique sur la place du parquet. Je me félicite d'être un de ceux qui ont arrêté la dérive vers l'indépendance, qui conduisait à une véritable distorsion.

M. Jacques Myard - Le chaos !

M. Claude Goasguen - Nous venons heureusement de rendre au parquet des pouvoirs qui rétablissent un certain équilibre dans la procédure.

Par ailleurs, nous avons rappelé la loi, puisqu'elle n'était plus appliquée, en ce qui concerne les allocations familiales. Il est savoureux que la gauche aujourd'hui proteste contre une loi de 1986, qui émanait du gouvernement de M. Fabius ! Certes, on sait bien que la gauche ne pratique pas seulement l'amnistie, mais aussi l'amnésie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La campagne électorale a eu l'avantage de nous faire entendre nos concitoyens, mais l'inconvénient de paralyser l'action de l'Etat. Fallait-il attendre encore jusqu'au mois de décembre, après le débat budgétaire, pour répondre à l'attente des Français ?

Vous nous dites que cette loi est réactionnaire. Non : elle est juste et forte. Je vous concède qu'elle est en réaction, contre le laxisme de vos gouvernements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Elle n'aurait pas plu à François Mitterrand ni à M. Jospin : tant mieux ! Mais continuez à vous gargariser de mots, si vous voulez persévérer dans votre logomachie héritée d'un marxisme décadent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons vu à quel point vous étiez marqués par les stigmates de vos formations passées, qui vous font rater le train de la modernisation !

Je remercie le Gouvernement de nous avoir fait voter successivement la loi sur la sécurité et cette loi sur la justice dont je souhaite, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous l'appliquiez avec la fermeté dont vous avez fait preuve pendant ce débat. En l'adoptant, nous donnons à la France ce dont elle manquait depuis de longues années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Julien Dray - Un vrai député du XVIe !

L'ensemble du projet mis aux voix, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.

HOMMAGE À M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET DE LA PRÉSIDENCE

M. le Président - Dans l'attente de l'issue des travaux du Sénat, et avant de suspendre la séance, je voudrais saluer tout particulièrement M. Pierre Hontebeyrie, secrétaire général de l'Assemblée nationale et de la Présidence, qui assiste aujourd'hui à sa dernière séance puisqu'il prend sa retraite après quarante ans de service. En votre nom, je lui exprime toute notre reconnaissance (Mmes et MM. les députés, MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement).

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 18 heures 5.

M. le Président - J'ai été informé que le Sénat avait adopté dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale les deux projets de loi inscrits à l'ordre du jour de la présente séance.

CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002.

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre me faisant parvenir une ampliation du décret du Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.

Je donne lecture du décret annexé à cette lettre, décret portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.

« Le Président de la République, sur le rapport du Premier ministre, vu les articles 29 et 30 de la Constitution, vu le décret du 27 juin portant convocation du Parlement en session extraordinaire, décrète :

« Article premier - La session extraordinaire du Parlement est close ;

« Article 2 - Le Premier ministre est responsable de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 3 août, signé : Jacques Chirac, par le Président de la République et le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. »

Conformément à ce décret, la session extraordinaire est close.

Je vous souhaite de bonnes vacances.

La séance est levée à 18 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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