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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 10ème jour de séance, 25ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

RISQUES TECHNOLOGIQUES
ET NATURELS (deuxième lecture) 2

AVANT L'ARTICLE PREMIER 11

ARTICLE PREMIER 11

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 12

ART. 2 12

APRÈS L'ART. 2 14

APRÈS L'ART. 3 14

ART. 3 BIS 14

APRÈS L'ART. 3 BIS 15

ART. 4 16

ART. 4 BIS 19

La séance est ouverte à dix heures.

RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Je suis particulièrement heureuse de vous retrouver pour une des dernières étapes parlementaire de ce projet de loi, qui a connu des évolutions majeures : des sept articles déposés par le gouvernement précédent et des 33 articles examinés en conseil des ministres, il est passé à 79 ! De nouveaux sujets sont traités, tels que les sols pollués, les risques miniers, le transport de matières dangereuses ou la décentralisation du domaine public fluvial. De nombreux amendements, issus de la majorité, de l'opposition ou du Gouvernement, sont venus l'enrichir, au terme de discussions souvent passionnantes qui ont montré combien la sécurité était un sujet qui dépasse les clivages politiques. Je ne peux qu'espérer que la dernière lecture soit aussi constructive.

En ce qui concerne les risques technologiques, les positions des deux assemblées semblent converger vers les préoccupations principales du Gouvernement. De nombreux articles dits « sociaux » ne sont ainsi plus soumis à discussion. L'article 4, qui contient la mesure phare du dispositif - le délaissement pour les riverains d'usines à risques - semble faire l'objet d'un débat apaisé, bien qu'il rompe avec la logique des trente dernières années. On s'accorde désormais à éviter de stigmatiser l'un ou l'autre des acteurs et à faire converger les efforts pour réparer l'héritage du passé. Certaines divergences subsistent cependant. L'article premier, instituant des réunions publiques obligatoires lors des enquêtes publiques, ou l'article 14 obligeant les entreprises à publier leur montant prévisionnel des dégâts en cas d'accident ont été à nouveau supprimés par le Sénat. Je suis heureuse que votre commission propose de les rétablir : un projet de loi qui instituerait un mécanisme rapide d'indemnisation des victimes mais ne s'assurerait pas de la solvabilité des entreprises responsables des accidents serait en effet déséquilibré.

Le risque minier sera à nouveau longuement discuté, à en juger par les amendements déposés. Ce sujet concerne directement les conditions de vie de milliers d'habitants de régions déjà sinistrées. Mais des textes de loi récents existent. Oserai-je rappeler qu'ils ont été élaborés par une autre majorité ? Le tout est de les appliquer, tout en s'attachant à régler les cas particuliers qui se font jour inévitablement. Nicole Fontaine a notamment rencontré des sinistrés et accordé des compléments d'indemnisation à titre exceptionnel. Le Gouvernement a également décidé d'introduire à l'article 13 bis des dispositions analogues à celles qui sont en vigueur pour les risques technologiques, ce qui raccourcit considérablement les délais d'indemnisation. Les deux assemblées ont accueilli favorablement cette avancée. Je me prêterai bien volontiers à la discussion sur le risque minier, même si j'aurais préféré qu'elle se tienne en présence de la ministre concernée. Cela aurait pu être le cas lors du récent débat sur la proposition de loi sur les mines. Mais, s'agissant d'amendements que nous avons presque tous étudiés en première lecture, la position du Gouvernement n'a pas évolué.

Les amendements concernant les sols pollués sont désormais pour la plupart consensuels. Un débat fort intéressant a cependant été entamé au Sénat concernant l'objectif pour lequel on doit dépolluer un terrain.

M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques - Très bien !

Mme la Ministre - D'aucuns voudraient qu'un terrain qui a fait l'objet d'une activité industrielle puisse être reconfiguré pour accueillir n'importe quelle activité, y compris une école, par exemple. Cette conception nous conduirait à de mauvaises décisions sanitaires. La réalité nous impose en de nombreux cas d'appliquer le principe de précaution que le Président de la République a souhaité inscrire dans le projet de charte. Ne vous y trompez pas : le débat sur les sols pollués n'est pas seulement financier, mais surtout sanitaire.

Plusieurs sujets avaient été laissés en suspens en première lecture, à charge pour le Gouvernement de les approfondir. En ce qui concerne le transport de matières dangereuses tout d'abord, j'ai engagé une réflexion avec M. de Robien. Ce sujet me paraît avoir été délaissé par les gouvernements précédents. Des moyens existent pour contrôler le transport, mais ils sont méconnus et peu appliqués. Il manque en particulier la pierre angulaire de toute démarche de réduction des risques : une étude de dangers. Un article nouveau, introduit au Sénat, y remédie. Nous avions également débattu de la sécurité des silos, en particulier avec Mme Vautrin. Des discussions ont, depuis, été engagées avec la profession céréalière, et je ne doute pas qu'elles aboutiront rapidement. Elles se fondent sur des expertises strictement scientifiques. Pour ce sujet comme pour les autres, les engagements du Gouvernement seront tenus.

La discussion sur les risques naturels semble aujourd'hui stabilisée. Le texte a été notablement enrichi par le Parlement, qui l'a rendu à la fois ambitieux et réaliste. Pour ne pas perdre un instant dans un tel domaine, mes services ont d'ores et déjà commencé à rédiger les décrets d'application sur les articles adoptés conformes. Mais la lecture des amendements me conduit à penser qu'il existe encore quelques malentendus sur la question des plans de prévention des risques. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment explicite ? Les plans de prévention des risques sont avant tout des instruments juridiques destinés à sauver des vies humaines et à préserver des biens. Ils ne doivent pas être considérés autrement par les élus locaux, et l'Etat devra leur fournir une information complète sur leur processus d'élaboration. Par ailleurs, la distinction, dans les PPR, entre crues à cinétique rapide et crues à cinétique lente n'est pas aussi opérationnelle que certains le pensent. La Seine a beau être classée parmi les fleuves à cinétique lente, ses effets lorsqu'elle sort de son lit sont dévastateurs. Avons-nous oublié les images de Prague, il y a un an, ou les morts des crues de Meuse, en Hollande, le siècle dernier ? Ce projet de loi apporte deux changements majeurs aux PPR : la réforme du fonds de prévention des risques naturels, qui permettra de financer les travaux de prévention sur les habitats, et la création de la commission départementale des risques naturels, qui donnera aux élus un endroit pour faire connaître leurs remarques.

De l'élaboration à la discussion de ce texte, j'ai constamment recherché un équilibre entre le pragmatisme et le bon sens d'une part, l'ambition, la rupture avec les modes de pensée des années passées d'autre part. Il nous faut bâtir une législation applicable et l'appliquer. Dans le domaine de l'écologie, les solutions trop simples et séduisantes se révèlent souvent inefficaces. Sur un sujet qui soulève les passions et marqué par des événements tragiques, garder la mesure était une tâche difficile. Les deux assemblées m'y ont jusqu'à présent aidée. Abordons la dernière ligne droite sous les mêmes auspices, afin d'_uvrer pleinement dans le sens d'un développement durable, conscient des risques et cherchant à les maîtriser sans les sous-estimer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur - Ce projet de loi, adopté par notre assemblée en première lecture en mars, revient devant nous après son examen en deuxième lecture par le Sénat. La commission partage pleinement la volonté de la ministre d'organiser par la loi une prévention à la fois ambitieuse et réaliste. Notre assemblée avait apporté, en première lecture, un certain nombre d'améliorations au texte. Le Sénat s'est rallié à certaines d'entre elles en deuxième lecture et a à son tour adopté des améliorations utiles, mais des divergences subsistent.

En ce qui concerne les risques technologiques, le Sénat a adopté dans les mêmes termes que l'Assemblée la plupart des articles liés au droit du travail, acceptant ainsi l'obligation pour le chef d'entreprise de veiller au respect par ses sous-traitants des règles et mesures de sécurité et l'élargissement du CHSCT. S'agissant des risques naturels, les sénateurs ont accepté la possibilité pour les collectivités de demander le remboursement des subventions qu'elles ont octroyées en faveur de la plantation de haies lorsque celles-ci sont détruites, l'article permettant de déroger aux règles d'un plan local d'urbanisme pour reconstruire des bâtiments endommagés à la suite d'une catastrophe naturelle et celui qui limite les dérogations au statut de fermage pour les terrains agricoles acquis par les collectivités locales dans des zones grevées de servitudes.

Le Sénat a apporté des modifications mineures, généralement d'ordre rédactionnel, à certains articles, concernant la protection des collectivités locales dans le cadre des délaissements prévus aux PPRT, le financement d'actions de réduction du risque à la source, la création des CLIC, la commission départementale des risques naturels majeurs, les règles d'indemnisation pour les terrains agricoles grevés de servitudes.

Les sénateurs ont aussi adopté des modifications plus importantes. Au titre I, ils ont adopté des amendements du Gouvernement sur la prévention du risque lié au transport de matières dangereuses, ils ont précisé les règles d'indemnisation des dommages d'origine minière. Au titre II, la principale modification concerne le transfert de propriété du domaine public fluvial de l'Etat aux collectivités locales, avec possibilité d'expérimentation préalable.

Toutes ces modifications rejoignent les préoccupations de notre assemblée.

Mais de réelles divergences demeurent sur plusieurs points.

Votre commission a ainsi été amenée à rétablir un certain nombre de dispositions modifiées ou supprimées par le Sénat, comme l'obligation de tenir une réunion publique au cours de l'enquête publique relative à une installation classée « Seveso seuil haut » ; l'explicitation de la méthodologie adoptée pour l'étude de dangers ; des conventions distinctes pour la gestion des terrains acquis dans les zones de PPRT et pour le relogement ; la majoration de 50 % du temps accordé aux membres du CHSCT, plus nombreux dans les installations classées « Seveso seuil haut » ; l'extension de la garantie d'indemnisation, en cas de catastrophe technologique, à tous les biens non professionnels ; diverses indemnisations de sinistres miniers par le fonds de garantie « automobile » ; l'obligation de réaliser une évaluation de la probabilité d'accident et du coût des dommages éventuels ; l'information sur les moyens prévus par l'entreprise pour l'indemnisation des victimes en cas d'accident technologique engageant sa responsabilité.

Dans le même esprit, la commission a modifié certains articles adoptés par le Sénat. Elle a simplifié l'article 4 bis, qui concerne la réalisation d'une étude de sécurité pour l'ensemble des infrastructures de transport ; elle a amélioré l'article 16 quater qui traite de la remise en état d'un site après la fermeture d'une installation classée ; elle a étendu la réduction de la taxe foncière aux travaux concernant l'ensemble des logements sociaux ; elle a amendé plusieurs dispositions relatives au domaine public fluvial des collectivités territoriales ; enfin, elle a prévu, pour les risques technologiques, des garanties similaires à celles en cours pour les catastrophes naturelles.

La commission a ainsi souhaité rétablir et améliorer les dispositions novatrices de ce projet de loi qu'elle vous invite à adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Yves Le Déaut - Il y a vingt-deux mois que s'est produite la plus grande catastrophe industrielle en France depuis la rupture du barrage de Malpasset, il y a une cinquantaine d'années.

Nous avons voulu tirer les leçons de ce drame. Au terme du processus législatif, tout en reconnaissant les avancées réelles opérées par ce texte ou par les amendements adoptés, nous nous inquiétons des restrictions apportées par le Sénat.

Notre première priorité, c'est la réduction du risque à la source. Les études de dangers constituent donc pour nous l'élément essentiel de la procédure d'autorisation des installations classées et nous souhaitons donc revenir à la rédaction adoptée en première lecture, qui encourage toutes les mesures de prévention, de sécurité passive, ce que nous avons appelé le concept de « défense en profondeur ». Le cycle vertueux ne pourra s'enclencher que si les services de l'Etat actualisent les études de danger et si une harmonisation des méthodes scientifiques et techniques est opérée au niveau européen.

La réussite de ce texte passe également par la mobilisation de moyens plus importants. La commission d'enquête parlementaire avait demandé le doublement du budget des DRIRE. Cela n'a pas été le cas dans le budget 2003 : qu'en sera-t-il en 2004, Madame la ministre ?

En ce qui concerne le traitement des affaissements miniers, nous avions déjà fait des propositions à l'occasion du texte sur les mines et on nous a renvoyés à ce projet... Il ne faut pas éluder cette question.

Je regrette que toute une série d'amendements présentés à différentes reprises, sous différentes majorités, et jamais censurés jusque-là, soient tombés cette fois-ci sous le coup de l'article 40 - cela ressemble à un subterfuge pour éviter la discussion.

Mme la Ministre - C'était déjà arrivé quand vous étiez rapporteur !

M. Jean-Yves Le Déaut - A l'époque, ces amendements avaient été finalement acceptés. En tout cas, nous les représenterons sous forme de sous-amendements.

Enfin, un point très important n'est pas réglé, la participation de l'Etat au financement des mesures foncières qui devront être prises par les collectivités locales : leur coût est évalué entre 1,5 et 3,5 milliards d'euros pour les seuls logements. C'est le talon d'Achille de votre projet, car toute l'efficacité des PPRT repose sur la mise en place de servitudes affectant les constructions futures, et aussi les logements existants, à la périphérie des usines à risque. Nous attendons de vous des assurances à ce sujet.

Autre point important, il est évident que les salariés doivent participer activement à la culture de sûreté d'une entreprise. J'espère que nos amendements auront votre soutien.

La création d'un délégué à la sécurité industrielle dans les entreprises me paraît une bonne idée.

Enfin, j'estime qu'il aurait été très intéressant de préciser les compétences des établissements fonciers situés dans les zones à risque pour le traitement des questions de servitudes locales - je vois que mes collègues de l'UMP m'approuvent !

Nous développerons ces points à travers nos amendements, en espérant parvenir à un consensus le plus large possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Folliot - Depuis que l'homme est homme, il a toujours cherché à se protéger de son environnement. Pendant des siècles, il a tenu compte des caprices de la nature dans la disposition de son habitat et dans l'exercice de ses activités.

Après la révolution industrielle du XIXe siècle, puis la révolution technologique et scientifique du XXe siècle, l'homme a cru pouvoir s'affranchir de la nature. Aujourd'hui, nous devons parer aux conséquences de cette imprévoyance collective, qui s'est traduite notamment par l'implantation d'habitations dans les zones inondables.

C'est une tâche difficile que de répondre aux exigences croissantes de sécurité de nos concitoyens sans dissuader le développement d'activités importantes pour notre économie. Il est capital de trouver un juste équilibre.

En effet, des contraintes trop fortes imposées aux entreprises risqueraient de provoquer des délocalisations. Outre les conséquences pour l'emploi, on risquerait ainsi d'envoyer toutes les industries à risque dans des pays où n'existe pas de vraie législation sociale ou sur l'environnement. Après la catastrophe d'AZF, les élus de la région Midi-Pyrénées savent ce qu'il peut en coûter. Il faut donc maintenir un équilibre. Je suis convaincu qu'à bien des égards, votre texte le permet.

Un point majeur est d'informer le public, car le secret engendre les suspicions. C'est une véritable culture de l'information qu'il faut encourager. A titre d'exemple, avant même que ce texte soit voté, la SEPPIC, entreprise chimique de Castres implantée sur une ancienne poudrière, a édité une plaquette très bien faite pour rassurer le public.

D'autre part, il faut veiller à ce que les CLIC ne soient pas trop contraignants pour les entreprises. Quelle sera la fréquence des réunions, qui assumera le coût de fonctionnement, qui tranchera en cas de querelles d'experts ? Autant de questions à résoudre. S'agissant des usines classées Seveso seuil haut, j'appelle votre attention sur le transport et le stockage des matières premières dangereuses. Ce texte comporte de nombreuses avancées en ce qui concerne la formation du personnel des établissements à risque. Il faut souligner que des entreprises avaient déjà beaucoup fait dans ce domaine de façon volontaire.

S'agissant des risques naturels, il est effectivement important d'encourager les partenariats avec les collectivités locales et les agriculteurs et de sensibiliser les citoyens. De même, il importe de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques, car rien ne vaut la prévention. Nous savons bien ce qu'il en est dans ma région qui a connu des crues importantes. A ce propos, il faut aussi veiller à l'entretien des cours d'eau. Avec la déprise agricole, les exploitants ne l'assurent plus correctement. Peut-être dans la future loi sur les affaires rurales, faudra-t-il inscrire cet entretien des petits cours d'eau en contrepartie de certaines aides. Dans le même esprit, la replantation des haies et la reconquête des zones humides sont des moyens de lutter contre les crues. Nous devons aussi être vigilants sur les norme sismiques.

Le groupe UDF et apparentés votera ce bon texte. Dans un esprit constructif, il présentera des amendements pour l'améliorer. Mais il constitue déjà un grand pas en avant pour répondre à l'attente de nos concitoyens.

M. Daniel Paul - Ce projet nous revient à une époque peu propice au débat, alors que vos amis du Sénat ont essayé de réduire les quelques avancées obtenues par notre assemblée. Ce texte étend la possibilité d'imposer des servitudes d'utilité publique aux installations classées, permet à l'Etat d'instaurer des plans de prévention des risques technologiques, étend les possibilités de préemption, généralise les CLIC et prévoit la constitution de services permanents d'incendie et de secours pour les établissements à risque, la mise en place de CHSCT de site, la coordination des CHSCT existants dans le périmètre d'un plan de prévention et des mesures d'information, de consultation et de formation.

On y retrouve donc des propositions des organisations syndicales. A la première lecture, nous semblons avoir été écoutés. Mais un examen plus détaillé montre que ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux.

D'abord, le flou subsiste sur les installations concernées par l'article L. 515-8 du code de l'environnement. Le renvoi trop fréquent au décret peut entraîner des délais et des restrictions, même si j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur les articles votés conformes. Sur l'information, la consultation, on est très loin de ce que nous demandons en ce qui concerne l'emploi, la précarité, la sous-traitance, la formation professionnelle et la sécurité.

A partir de l'exemple de ma région et des propositions de la commission parlementaire qui a suivi la catastrophe d'AZF, nous avions déposé en première lecture des amendements pour corriger les effets pervers de la sous-traitance en cascade. Au-delà du cadre de cette loi, si demain la logique de rentabilité commande la gestion d'EDF, comment la sécurité y resterait-elle une priorité ? Non seulement les missions de service public et d'aménagement du territoire seront altérées, mais on fera des économies sur la qualification, la formation, la maintenance et la recherche fondamentale dans le domaine du nucléaire. On recourra de plus en plus aux « nomades du nucléaire » comme on en trouve à Paluel. Je vous invite à prendre toutes vos responsabilités lorsque le conseil des ministres du 6 août examinera le projet concernant EDF.

M. François-Michel Gonnot - Il n'y a pas de conseil des ministres le 6 août.

M. Daniel Paul - Les dispositions concernant les CHSCT de site sont confuses et comportent des risques de contentieux. Vous n'avez pas retenu le droit d'alerte renforcé que nous préconisons. La place des salariés et des syndicats n'est pas explicitement prévue dans les organismes de concertation, où les pouvoirs publics restent en tête à tête avec les dirigeants, la présence éventuelle des associations servant d'alibi démocratique. Qui présidera la CLIC, quelle sera sa composition et quel pouvoir de contrôle exercera-t-elle ?

D'autre part, si la loi de finances prévoit des recrutements de personnel pour les DRIRE et les inspections du travail - nous verrons ce qu'il en est -, en pratique, il n'y a pas d'évolution fondamentale de l'intervention publique. Après l'explosion d'AZF, l'unanimité s'était faite pour que plus jamais une telle catastrophe ne se reproduise, et elle se traduit dans le rapport de la commission parlementaire, qui reste notre document de référence. On pouvait donc s'attendre à ce que votre projet contienne des mesures plus efficaces concernant la prévention des risques et l'indemnisation des victimes. Pour nous, ce sont les entreprises responsables qui doivent réaliser les investissements nécessaires à la sécurité.

Mais chaque fois que nous avons fait des propositions à ce sujet, votre majorité, toujours plus soucieuse de défendre des intérêts partisans que ceux de la population, les a repoussées en prétextant des risques de délocalisation. C'est ainsi que vos amis sénateurs ont tenté de supprimer l'obligation de réunion publique ; ont supprimé la disposition selon laquelle le rapport annuel des sociétés doit préciser les moyens prévus pour l'indemnisation des victimes en cas d'accident technologique ; ont réduit les moyens accordés aux CHSCT ; se sont attaqués à la partie du texte imposant aux exploitants des installations les plus dangereuses de transmettre au préfet et au président du CLIC une estimation de la probabilité d'occurrence d'un accident et du coût des dommages qu'il causerait aux tiers.

Nous nous réjouissons que notre rapporteur ait fait preuve de sagesse en refusant de céder aux sirènes les plus ultralibérales.

En seconde lecture, nous déposerons bien sûr plusieurs amendements, dont un que je vous recommande d'examiner avec une attention particulière : il vise à exonérer de franchise d'assurance les victimes de catastrophes lorsqu'un plan de prévention a été demandé mais pas établi. Et bien sûr, nous continuerons à pointer vos contradictions et à tenter d'enrichir ce texte important.

M. François-Michel Gonnot - Il y a quelques jours, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi portant charte de l'environnement, qui devrait - si le Parlement en décide ainsi - être adossé à notre Constitution. Le principe de précaution y est posé et je crois que nos débats sur le présent texte illustrent ce que pourrait être son contenu. Le principe de précaution ne consiste pas à ne plus rien faire, mais à anticiper le risque de façon à le réduire, à garantir la transparence sur les décisions qui s'y rapportent et à assurer une cogestion responsable de celui-ci.

Nous ne devons pas voir le présent projet comme un projet pour les riverains contre les entreprises. Nous commettrions en effet une erreur en alourdissant et en compliquant trop la gestion des entreprises dites « à risques » mais qui forment le socle industriel de notre pays. L'idée est plutôt de faire en sorte que partout où ces usines existent, un dialogue puisse s'établir avec les riverains, les élus et les services de l'Etat en vue de limiter le risque et d'en assurer une cogestion responsable.

Ce projet ne doit pas non plus être vu comme une loi contre tous les risques, même si cette tentation a été perceptible ici, en première lecture, de même qu'au Sénat. Il ne peut pas en effet couvrir l'intégralité des risques liés aux activités humaines.

Cela dit, nous abordons la deuxième lecture dans le même esprit que la première, c'est-à-dire avec passion, résolution et l'envie d'enrichir encore le texte. Le Sénat est revenu sur certaines des dispositions que nous avions adoptées : le dialogue doit donc se poursuivre avec lui.

Ce projet est très attendu, nous le savons, en particulier par tous ceux qui habitent près d'un site industriel ou dans une zone naturelle à risque. Et même si nous évoquons les inondations à un moment où notre pays redécouvre la sécheresse, son caractère nécessaire ne fait aucun doute. Au nom du groupe UMP, je vous remercie, Madame la ministre, d'avoir présenté un dispositif applicable, c'est-à-dire adaptable aux réalités du terrain, et d'avoir marqué votre volonté d'apporter des réponses à des problèmes compliqués tels que le transport et le stockage des matières dangereuses, les silos agricoles ou encore la dépollution des sites industriels en fin de vie.

Au total, ce texte à la fois raisonnable, attendu et nécessaire dotera la France d'une des législations d'Europe les plus complètes en matière de prévention des risques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Bascou - Le titre II traite essentiellement des inondations, ce qui se justifie pleinement car celles-ci représentent 75 % des dégâts causés par l'ensemble des catastrophes naturelles. Et l'on sait combien elles ont été meurtrières et dévastatrices ces dernières années dans l'Aude, le Tarn, l'Hérault, la Somme et plus récemment, dans le Gard et le Vaucluse. Nos concitoyens réclament aujourd'hui, à juste titre, des mesures nouvelles pour mieux protéger personnes et biens.

Si des progrès notables ont été réalisés ces dernières années en matière de connaissance et de prévention des crues, il fallait une loi pour concrétiser le long travail de réflexion mené au travers des rapports parlementaires d'Yves Dauge ou de Thierry Mariani, de la commission d'enquête sur les inondations présidée par Jacques Fleury et des propositions de loi issues de la commission des affaires économiques.

Ce projet aurait pu utilement s'inscrire dans une grande loi sur l'eau, et ce d'autant plus que celle-ci avait été adoptée en première lecture le 11 janvier 2002. Malheureusement, vous n'avez pas souhaité qu'elle soit examinée au Sénat. Le problème méritait pourtant une approche globale.

Cela étant, le présent projet représente une avancée. Mais dans plusieurs domaines, il est incomplet ou imprécis. Il faudrait notamment clarifier les compétences de chacun des intervenants - Etat, collectivités locales, agence de l'eau, syndicats mixtes, agences de bassin, ententes interdépartementales - ainsi que nous y invitait d'ailleurs la Cour des comptes.

L'approche par bassin, la seule vraiment pertinente, est insuffisamment exploitée. Des PPR de bassin auraient pourtant assuré une meilleure information des populations et une meilleure association de tous les acteurs d'un bassin versant, notamment les élus - qui ne sont pas systématiquement consultés lors de l'élaboration d'un PPR.

Limités au niveau communal, vos PPR se bornent à édicter des interdictions concernant l'urbanisation future, mais ne traitent pas de l'habitat existant. Certes, le champ du Fonds Barnier est étendu, mais on ne sait pas à quel niveau et selon quels critères il financera des études et travaux d'amélioration de l'habitat.

On ne sait pas non plus quel sera le coût des procédures d'expropriation, de délaissement ou d'acquisition des terrains d'expansion ou de sur-inondation.

La création d'un domaine public fluvial des collectivités locales ne va-t-elle pas se traduire par un nouveau transfert de charge sur celles-ci ?

L'Etat va-t-il encore assurer la solidarité nationale en matière de prévention et de reconstruction ? Le fera-t-il au même niveau qu'avant ?

Telles sont les questions que nous poserons au cours du débat. Les réponses qui leur seront apportées détermineront notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Decool - Je voudrais, tout d'abord, vous remercier, Madame la ministre, ayant pris acte des différentes catastrophes technologiques et naturelles, de nous avoir soumis ce texte. On peut bien sûr regretter que ces dispositions soient prises a posteriori, mais il s'agit désormais de penser à l'avenir de nos enfants et de limiter au maximum les risques.

Agriculteurs, riverains, propriétaires, collectivités locales, utilisateurs du territoire... tous sont et seront concernés par les nouvelles dispositions. Comme l'a montré la solidarité nationale lors des inondations importantes survenues ces dernières années en France, chacun a pris conscience de la nécessité d'un plan de prévention des risques, de l'importance de l'entretien des cours d'eau et de l'intérêt de bonnes pratiques agricoles propres à limiter au maximum les risques d'érosion des sols.

Je voudrais insister sur les avancées issues de nos travaux parlementaires. Ainsi, les collectivités pourront demander le remboursement des aides financières, dès lors que les haies, pour lesquelles des subventions ont été accordées, ont été détruites volontairement. L'arrachage des haies, les sillons dans le sens de la pente, le retournement des prairies, l'absence d'entretien des cours d'eau sont à éviter car ils facilitent l'érosion des sols.

En outre, le Sénat a adopté l'article 24 bis B, élargissant la servitude de passage des engins mécaniques de curage et de faucardement à six mètres pour l'entretien et le curage des cours d'eau. L'inscription de cette largeur dans la loi était nécessaire dans un souci de prévenir les risques naturels.

D'autres pratiques réglementées doivent être encouragées telles que les jachères permanentes le long des cours d'eau, dans la mesure où la surface minimale concernée est de dix ares et que la largeur est de dix mètres. Dans ce cas, il est logique que les engins mécaniques puissent y pénétrer afin d'assurer l'entretien de ces cours d'eau. De même, il est important que les boues de curage puissent être déposées sur le terrain en jachère, soit pour être égalées ultérieurement, soit le temps qu'elles puissent se ressuyer afin d'être évacuées dans des sites de confinement ou en décharge.

Je soutiens ce texte. Qu'il soit la preuve de notre engagement contre les risques de catastrophes naturelles ou technologiques pour les générations à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre - Je vous en remercie.

M. David Habib - Ce projet est attendu par les populations exposées aux risques technologiques majeurs. Le dramatique accident du 21 septembre 2001 a soulevé un certain nombre de questions, et aux industriels, et aux décideurs locaux, sur la présence de certains sites auprès des populations.

A force de conviction, nous avons rassuré les riverains en leur certifiant que l'industrie chimique avait fait les efforts nécessaires pour juguler ou réduire les risques.

Il importe qu'un texte de loi vienne confirmer cette orientation. En première lecture, je m'étais permis de dire qu'à mon sens, la pièce essentielle de cette loi devait être la réduction du risque à la source. Vous avez accepté un certain nombre d'amendements qui ont fait progresser ce texte et je vous en remercie.

Le projet est néanmoins injuste : en effet, vous traitez les citoyens différemment selon qu'ils subissent des servitudes anciennes ou nouvelles ; vous laissez à la charge des propriétaires des travaux de confinement ou de protection qui devraient relever des industriels.

Le texte n'aborde pas non plus la doctrine de confinement, dont la catastrophe de Toulouse a montré combien elle devrait être réexaminée. Un texte de loi sur la sécurité civile, avez-vous dit, concernerait cette question, mais il aurait été utile je crois de l'aborder dès ce projet.

Le texte ne revient pas, de plus, sur la nécessaire adaptation de notre réglementation aux territoires. Ainsi, à Toulouse, AZF était installée dans un no man's land avant que l'urbanisation n'en rapproche les populations.

Dans de nombreux sites, des industries se sont également implantées à proximité d'habitations.

Le texte est enfin trop vague, notamment en ce qui concerne le droit de délaissement : pas de conventionnement, pas de propositions de financement.

Le 21 septembre 2001 a confirmé la possibilité de graves accidents technologiques qui peuvent à nouveau survenir.

M. Pierre Cohen - Tout à fait.

M. David Habib - Il est donc nécessaire de prendre toutes les garanties, en repoussant les initiatives les plus libérales.

Nous avons ainsi reçu de l'Union de l'industrie chimique des propositions de modification dont certaines sont profondément choquantes, en particulier en ce qui concerne la réduction du risque à la source, qui, selon elle, ne devrait pas être mentionnée.

Nous devons réexaminer une sorte de contrat civique entre l'industrie chimique et l'ensemble du pays, d'autant plus que cette industrie investit de plus en plus à l'étranger. Or, l'acceptation de la population est le gage du maintien d'un fort tissu industriel.

Mon groupe se prononcera sur le texte en fonction de son éventuel enrichissement pendant notre débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Je vous remercie très chaleureusement pour la tonalité d'ensemble de notre discussion.

Les incontestables avancées du texte ont été saluées sur tous les bancs, et je vous en remercie.

Ce texte a été considérablement enrichi puisqu'il est passé de 7 à 79 articles. Que M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et M. le rapporteur Venot trouvent ici l'expression de ma profonde reconnaissance.

Le texte a conservé son équilibre.

MM. Folliot et Habib ont reconnu qu'il ne fallait pas stigmatiser tel ou tel acteur, en particulier dans le chapitre consacré aux risques technologiques, sauf à entraîner des risques de délocalisation et de désindustrialisation.

Il convient de saluer d'ores et déjà les efforts de certaines industries, particulièrement responsables. C'est du reste sur ces démarches novatrices que nous nous sommes souvent appuyés pour construire ce projet.

Je regrette la vision passéiste de M. Daniel Paul. Même en cas de changement de statut d'EDF, dont il n'est pas question ici...

M. Daniel Paul - C'est déjà fait !

Mme la Ministre - ...la sécurité des installations nucléaires françaises relèvera toujours des fonctions régaliennes de l'Etat. Nous bénéficions d'autorités de sûreté nucléaire performantes, l'IRSN et la DGSNR, dont nous avons tous contribué à la mise en place.

Nous continuerons à renforcer l'Etat dans ses missions régaliennes. Nous avons ainsi pris l'engagement de créer 400 postes d'inspecteur pour les installations classées, et nous le tiendrons.

La gestion des risques miniers, Monsieur Le Déaut, relève de l'application des lois que vous avez vous-même votées. Je vous rappelle que vous étiez rapporteur en 1999. Nous veillerons à ce qu'elles soient appliquées et, dans tous les cas difficiles, nous avons apporté des compléments d'indemnisation, que Nicole Fontaine a détaillés.

A l'article 13 bis, des dispositions analogues à celles qui ont été prises dans le cas des risques technologiques permettront une indemnisation dans des délais plus brefs.

Comment ne pas se rappeler le drame d'AZF à Toulouse ? 30 morts, 8 000 blessés, des maisons et des appartements détruits, une population traumatisée. Lors de mon dernier déplacement à Toulouse, j'ai souhaité assister à la réunion du comité d'information, qui préfigure les comités locaux d'information et de concertation sur les risques technologiques, pour apporter le salut de l'Etat à toutes les victimes.

La gestion des risques naturels a été moins souvent évoquée, sinon par M. Decool.

Dans ce domaine, et je pense en particulier à la prévention des inondations, l'action du Gouvernement ne se limite pas à ce texte.

J'ai fait un appel à projets et je viens de présenter, à Compiègne, le palmarès des projets retenus.

Nous allons poursuivre dans cette direction avec l'examen du projet de loi sur l'eau. M. Bascou a regretté que je n'aie pas repris le texte préparé par le gouvernement précédent. Mais il était trop technocratique. Préférant la concertation, j'ai tenu à rencontrer les six comités de bassin et j'ai participé à leurs travaux.

Savez-vous, Monsieur Bascou, qu'en trente ans les responsables de ces comités n'avaient jamais rencontré le ministre chargé de l'environnement ? J'ai fait ce qu'aucun de mes prédécesseurs n'avait fait, car j'ai souhaité connaître personnellement ces acteurs essentiels de notre politique de l'eau, conformément à la loi de 1964, fondée sur les réalités hydrogéographiques.

Nous allons aussi consulter les usagers à travers des conférences citoyennes, un sondage et un site internet. Puis se tiendra ici-même, au Palais Bourbon, un colloque de synthèse.

Nous retournerons ensuite devant les comités de bassin pour savoir ce qu'ils retirent de la consultation citoyenne. Le projet de loi sur l'eau pourra ainsi vous être présenté au premier trimestre 2004.

Je veux signaler à M. Decool, à M. Bascou et surtout à M. Gonnot, qui est à l'origine de la création d'un domaine public fluvial des collectivités, que le texte sur les affaires rurales comportera un chapitre sur les zones humides. Vous savez que leur respect est nécessaire pour prévenir les inondations. Au cours du premier semestre 2004 seront prises des dispositions sur le patrimoine naturel assorties, je l'espère, de mesures fiscales, qui compléteront le dispositif de prévention des inondations.

La qualité de la discussion générale m'a permis de vous répondre de façon générale et peut-être trop sommaire. L'examen des amendements me donnera l'occasion de vous apporter les précisions nécessaires (Applaudissements bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 25.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Pierre Cohen - Mon amendement 43 vise à préciser que « l'enquête publique sur une installation classée doit prendre en compte les critères de développement durable ».

En première lecture, vous aviez repoussé un amendement identique au motif qu'un débat était en cours. Vous l'avez animé sur l'ensemble du territoire et, la semaine dernière, le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi constitutionnelle qui tend à donner valeur constitutionnelle au respect de ces critères et au principe de précaution. S'il y a bien un texte qui doit intégrer ces critères, c'est celui que nous examinons. Après Toulouse, nous ne pouvons plus ignorer l'exigence de développement durable.

M. le Rapporteur - La commission reste défavorable à cet amendement. Sans s'opposer au respect de ces critères, qui va s'imposer à tous après l'adoption du projet de loi constitutionnelle, votre commission a considéré que cet amendement, en ne prévoyant qu'une « prise en compte », n'avait pas de portée normative.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 7 de la commission vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée en première lecture afin d'imposer la tenue d'une réunion publique au cours de l'enquête relative à l'autorisation d'une installation classée « Seveso seuil haut ».

Le Sénat a supprimé cette disposition en première et en deuxième lecture, lui substituant une consultation du CLIC. Or, cette solution n'est pas satisfaisante, car il n'y aura pas de CLIC si le site d'implantation ne comprend pas déjà une installation classée « Seveso seuil haut ».

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement est adopté à l'unanimité.

Mme Claude Darciaux - Le projet ne prévoit de réunion publique que pour autoriser une installation classée « Seveso seuil haut ». Mon amendement 45 vise à exiger une telle réunion pour toute installation à risque. D'ailleurs, ces réunions ont déjà lieu dans certains sites.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette extension porterait sur quelque 60 000 établissements !

L'amendement 45, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. David Habib - L'amendement 46 est un amendement technique qui vise à rendre les enquêtes publiques plus transparentes. Le développement de l'intercommunalité rend primordial que les EPCI compétents en matière de développement économique en soient informés. En première lecture, le rapporteur nous avait affirmé que l'information se faisait de façon naturelle, mais, chacune des collectivités ayant la personnalité morale, il n'y a aucune obligation pour elles d'informer l'EPCI. Il faut donc maintenir une information par les services de l'Etat.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les mêmes raisons qu'en première lecture.

L'amendement 46, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Pierre Cohen - L'amendement 47 est l'occasion d'évoquer le fondement même de ce texte, qui confère aux industriels la responsabilité de procéder à des études de danger et de se donner tous les moyens de limiter les risques le plus possible. Or, le débat est le meilleur moyen d'assurer la transparence à ce propos et d'aboutir aux meilleures dispositions de sécurité possibles. Il arrive que les risques soient circonscrits à l'enceinte du site industriel. Dans le cas contraire, nous proposons que les industriels ne puissent évoquer la confidentialité militaire ou industrielle pour limiter le débat et l'information du public.

La réponse faite en première lecture à cet amendement n'était pas acceptable : il ne s'agit en rien de vouloir mettre au grand jour les secrets militaires ou industriels ! Lorsque les industriels ont besoin de secret, ce qui peut être parfaitement légitime, ils doivent simplement exercer leur activité dans un périmètre foncier suffisant. Mais les riverains ne doivent en aucun cas payer ce besoin de secret par un manque de débat et de transparence.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les mêmes raisons qu'en première lecture.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Pierre Cohen - Ce n'est pas sérieux !

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. François Brottes - J'espère, cette fois, ne pas recevoir la même réponse qu'en première lecture, car les données ont changé. J'avais raison de pressentir, en première lecture, que le vent allait tourner ! Les CLIC sont au c_ur de la prévention des risques et représentent une avancée importante, tout le monde en convient. L'amendement 48 tend donc à les doter de la personnalité morale, afin notamment qu'ils puissent diligenter des expertises en toute indépendance. En effet, le Sénat a supprimé la possibilité pour les comités de diligenter des tierces expertises, en ne mentionnant plus qu'un simple appel à des experts. Il y a une volonté d'affaiblir le rôle de ces comités, et cet amendement entend s'y opposer.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas vu assez d'éléments nouveaux pour changer sa position... Avis défavorable.

Mme la Ministre - Je suis également toujours défavorable à cet amendement. Je souhaite que les CLIC puissent travailler en réseau et échanger leurs expériences. C'est pourquoi j'avais évoqué l'éventualité d'une charte de fonctionnement de ces commissions locales. En revanche, chaque CLIC doit rester spécifique. La CLIC d'une installation comme à AZF à Toulouse n'a rien à voir avec celle de telle activité pharmaceutique du Maine-et-Loire. Enfin, la possibilité d'une tierce expertise n'est en aucun cas réduite par la formule qui a été retenue, qui est celle déjà en vigueur pour les installations classées.

M. François Brottes - Y a-t-il eu un changement sémantique ? Les comités sont-ils devenus des commissions ?

Mme la Ministre - C'était une erreur de ma part.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - La ministre souhaite améliorer la transparence, et je suis donc sûr qu'elle va être sensible à l'amendement 49. Le texte ne concerne que les quelque 670 établissements classés Seveso seuil haut. Nous proposons d'y inclure les installations Seveso seuil bas visées par l'arrêté du 10 mai 2000, soit 700 ou 800 sites de plus sur les 350 000 installations classées que nous connaissons. L'information sera ainsi la même que pour les installations seuil haut. Il s'agit d'éviter que certains industriels essayent de se faire classer en site Seveso seuil bas pour couper court à la concertation.

M. le Rapporteur - La commission ne s'est pas montrée plus sensible en deuxième lecture. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis. Je rappelle que le préfet peut toujours créer une structure d'information et de concertation autour de chaque site pour lequel il le jugerait nécessaire. Je préfère une telle démarche, souple et pragmatique, à une machine administrative coûteuse, autoritaire et inadaptée.

M. François Brottes - J'ai, dans ma circonscription, une entreprise Seveso seuil bas à laquelle le préfet a imposé les normes Seveso seuil haut, car elle n'appliquait pas les règles de façon très vertueuse. Dans de tels cas, pourrait-on imaginer que les comités soient mis en place ?

Mme la Ministre - Le préfet peut naturellement créer cette structure d'information et de concertation, que cela soit pour répondre à une attitude peu civile de la part de l'entreprise ou en raison de ses spécificités.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cohen - Ce projet de loi a pour objectif de responsabiliser les industriels, en les obligeant à réaliser des études de danger et en les soumettant au débat public. Les CLIC seront une instance de débat naturelle, mais la loi ne fixe pas leur composition. On sait très bien qui a compétence pour intervenir. L'amendement 51 précise donc que le CLIC comprend des représentants des associations de riverains et de défense de l'environnement, des salariés, des industriels, des pouvoirs publics et des collectivités locales. Par ailleurs, on peut craindre que les représentants les plus motivés - riverains, défenseurs de l'environnement... - ne se retrouvent seuls en réunion avec le président du CLIC. L'amendement précise donc que la présence des représentants des collectivités, des pouvoirs publics et des industriels est obligatoire.

M. le Rapporteur - Avis de nouveau défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable. La charte des comités permettra un échange d'expérience entre chacun d'eux, mais il faut laisser à chaque site industriel sa spécificité, qu'il s'agisse de son activité ou de son environnement. Votre amendement rendrait le dispositif beaucoup trop technocratique.

M. Philippe Folliot - J'ai déjà appelé votre attention sur les nombreux points qu'il conviendrait de préciser par décret, notamment la fréquence des réunions et le sort à réserver aux expertises. On sait que des experts différents peuvent aboutir à des conclusions contradictoires. Quel sera le nombre maximum d'expertises autorisées ? Qui arbitrera en cas de divergence ?

M. Pierre Cohen - Madame la ministre, je préférerais que les précisions que nous demandons soient inscrites dans la loi, mais puisque vous avez parlé de charte, pouvez-vous nous garantir que les associations seront bien représentées dans les CLIC et que les représentants des industriels, de l'Etat et des collectivités locales auront l'obligation morale d'assister à toutes les réunions ?

Mme la Ministre - Je prends l'engagement moral que ces points seront précisés dans le décret.

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cohen - L'amendement 50 vise à permettre aux CLIC d'organiser des réunions publiques.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même position.

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. David Habib - Dans le cadre du PPI, sont prévus des systèmes d'alerte par sirène à tonalité particulière. L'amendement 52 vise à garantir la mise en place et le bon entretien de ces dispositifs. En première lecture, on nous avait expliqué les raisons des dysfonctionnements constatés dans les Pyrénées-Atlantiques. Mais nous savons que de tels dysfonctionnements peuvent avoir aussi des causes financières. C'est pourquoi l'amendement fait porter la charge financière des systèmes d'alerte par sirène aux industriels qui créent les risques.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis. Mais c'est vrai que l'ampleur des risques a été largement sous-estimée ces dernières années. J'ai donné des instructions très précises à ce sujet et le projet de loi que nous préparons avec M. Sarkozy tiendra compte de votre préoccupation.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Jean-Yves Le Déaut - Madame la ministre a elle-même insisté sur la nécessité de ne pas multiplier des législations qui peuvent être contradictoires. Or je pense qu'avec le projet que nous votons, il peut y avoir conflit entre le code de l'environnement et le code de l'urbanisme, et c'est pourquoi mon amendement 53 vise à supprimer l'article L. 421-8 de ce dernier.

Mme la Ministre - Vous y allez fort !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. Même si la volonté de simplification est louable, l'article en question est important car il concerne des installations dangereuses, mais ne justifiant pas d'élaboration d'un PPRT.

Mme la Ministre - Monsieur Le Déaut, votre amendement est en contradiction complète avec les positions que vous défendez depuis le début ! Vous supprimez un article qui est un instrument juridique utile puisqu'il permet de créer des servitudes autour des sites concernés par la loi.

M. Jean-Yves Le Déaut - Je retire l'amendement. Mais je regrette que les trois mois écoulés entre la première et la deuxième lecture n'aient pas permis cette clarification législative.

ART. 3 BIS

M. le Rapporteur - L'amendement 8 de la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 3 bis.

Le texte adopté en première lecture était issu d'un amendement que j'avais préparé avec M. Le Déaut : il indiquait une liste de pistes à explorer, dans l'étude de dangers, pour réduire à la source le risque d'accident. Le Sénat a trouvé cette rédaction trop détaillée.

Dans un souci de compromis, la commission vous propose une nouvelle définition de l'étude de dangers. Sa méthodologie doit être explicitée, mais nous n'avons cité expressément que deux types de mesures de réduction des risques, le changement des procédés de fabrication et le fractionnement des stocks de produits dangereux.

Le sous-amendement 55 de M. Le Déaut revient à la rédaction initiale.

Le sous-amendement 129 du Gouvernement, au contraire, simplifie encore le texte.

Nous partageons tous le souci de réduire les risques à la source. La question est de savoir si la loi doit mentionner les méthodes les plus pertinentes ou s'en tenir aux grandes lignes. La commission estime que le sous-amendement du Gouvernement constitue un compromis satisfaisant. Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Déaut - C'est le point du texte le plus important ! On ne peut traiter le problème des risques que si des études de dangers précises sont effectuées. Elles sont le seul moyen d'évaluation dont dispose le citoyen qui vit ou envisage de s'installer dans un périmètre dangereux. Il doit savoir si le danger est dû, par exemple, au stockage de gaz explosifs, ou au passage de wagons de chlore.

On peut traiter le risque si on le connaît bien, et la commission d'enquête parlementaire a souhaité à l'unanimité qu'on le définisse dans une étude de danger. Il existe des pistes pour diminuer les risques, en utilisant moins de produits dangereux, en réduisant le stockage. Il serait dommageable de ne plus les indiquer aux industriels, comme nous étions d'accord pour le faire en première lecture. Or la rédaction du Gouvernement réduit ces dispositions à la portion congrue. Sans doute en CMP faudra-t-il chercher un accord, mais n'allons pas aussi loin aujourd'hui. On a un peu le sentiment que certains groupes de pression ont insisté pour que le texte soit moins précis.

Mme la Ministre - J'aurais pu, en première lecture, me réfugier derrière le Règlement, je ne l'ai pas fait. Il faut en effet inscrire l'étude de danger dans la loi. C'est sans qu'aucun groupe de pression ne soit venu me voir - sans doute me jugent-il moins malléable que M. Le Déaut - que je propose ce sous-amendement. En effet, citer dans le dernier paragraphe de l'amendement deux moyens pour réduire le danger, alors qu'il en existe bien d'autres, est limitatif. C'est à l'industriel de les proposer, sans que la loi l'oriente ou le bride.

De ce fait, je suis défavorable au sous-amendement 55, qui est plus exhaustif encore, mais que l'emploi d'un « notamment » ne rend guère opérationnel. Les moyens de réduire le risque évoluent, et par exemple ce sous-amendement ne fait pas place à tout ce qui concerne le transport des matières dangereuses. L'enfer - auquel vous ne croyez pas, Monsieur le Président (Sourires) - est pavé de bonnes intentions.

M. François Brottes - Puis-je suggérer au Gouvernement de modifier ainsi son sous-amendement : « Elle définit et justifie les mesures propres... » ?

Mme la Ministre - C'est une suggestion que je reprends.

M. le Président - C'est donc le sous-amendement 129 rectifié.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La commission est d'accord.

M. Jean-Yves Le Déaut - Le sous-amendement 55 est retiré.

Le sous-amendement 129 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 8, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 3 bis est ainsi rédigé.

L'amendement 54 tombe.

APRÈS L'ART. 3 BIS

M. Antoine Herth - L'amendement 1 de M. Michel Bouvard permet à l'exploitant de recourir à des organismes de contrôle agréés ou à des procédures agréées de contrôle interne pour les installations concernées.

M. le Rapporteur - Défavorable. Cette mesure est d'ordre réglementaire.

Mme la Ministre - Même avis. Je demanderai même le retrait de cet amendement qui pose problème. Ainsi il est ennuyeux d'inscrire dans la loi des obligations moins fortes que celles qui existent. Actuellement, la conformité des installations doit être permanente, non soumise à des contrôles périodiques. D'autre part, l'article L. 512-3 du code de l'environnement satisfait en partie l'amendement.

M. Antoine Herth - M. Bouvard aurait à coup sûr retiré l'amendement 1 ; je le fais donc.

M. David Habib - L'amendement 90 est fondamental pour donner une base législative à une pratique ancienne dans le bassin de Lacq. L'instabilité au ministère de l'environnement nous avait empêché d'y parvenir. Je rends hommage à la ministre actuelle, avec qui nous y avons travaillé. Le vote de cet amendement nous permettra d'envisager notre développement dans la durée.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis favorable à l'unanimité.

Mme la Ministre - Je remercie M. Habib d'avoir élaboré cet amendement, qui permet de donner un fondement juridique à la pratique, autorisée depuis vingt-cinq ans par arrêté préfectoral, de l'injection d'effluents industriels dans la structure géologique qui contenait le gaz de Lacq et qui est tout à fait exceptionnelle. Une étude de sûreté a été conduite, le BRGM et le Conseil supérieur des installations classées ont émis un avis favorable. Nous pouvons l'autoriser avec le contrôle adéquat.

M. David Habib - Je vous exprime toute ma gratitude.

L'amendement 90, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cohen - Certaines opérations présentant des risques ne sont pas couvertes par l'étude de danger et concernent un cadre plus large que celui de l'exploitation proprement dite. C'est le cas des transports. C'est un problème assez complexe, sur lequel il faudra bien se pencher un jour, car on sait que nombre de gares sont de véritables bombes.

Notre amendement 89 tend donc à ce que toute opération créant un risque, même transitoire, et dépassant les limites de l'exploitation fasse l'objet d'une information non seulement des autorités publiques chargées du contrôle des installations, mais aussi des riverains.

M. le Rapporteur - La commission a considéré cet amendement comme irréaliste et inapplicable, car par définition toute intervention dans un installation dangereuse comporte un risque, fût-ce une simple soudure. S'il fallait que chaque opération de maintenance fasse l'objet d'une information des riverains, la vie quotidienne des entreprises deviendrait impossible.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Pierre Cohen - Que le rapporteur n'ait pas depuis la première lecture poussé sa réflexion sur nos propositions, je trouve cela dommage, mais qu'il les caricature et les écarte d'un revers de main est carrément inacceptable. Nous ne visons pas toutes les opérations mais celles qui ne sont pas prévues dans l'étude de danger et qui dépassent le territoire foncier de l'exploitant. Dès lors qu'elles mettent en danger la vie des gens, on ne peut pas faire comme si de telles opérations relevaient simplement du processus industriel et étaient tout à fait banales ! A-t-on déjà oublié les 8 000 blessés de la catastrophe d'AZF ?

M. le Rapporteur - Je suis un peu surpris par la virulence et l'injustice de votre propos et je vous assure que, depuis la première lecture, j'ai tenté, à ma modeste mesure qui n'égale sans doute pas la vôtre, de continuer à réfléchir. Loin de vouloir caricaturer à votre propos, je m'en suis tenu à la stricte lecture de votre amendement qui vise bien « toute intervention ou opération ». Peut-être auriez-vous pu mettre à profit les semaines écoulées depuis la première lecture pour mettre au point une rédaction qui corresponde mieux à vos intentions. Quoi qu'il en soit, je maintiens mon avis défavorable.

L'amendement 89, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. Daniel Paul - Notre amendement 93, de bon sens, tend à ce que le préfet tienne compte, dans l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques, de l'avis du comité local d'information et de concertation, instance dont nous avons tous souligné l'importance au regard de la culture du risque.

M. le Rapporteur - La consultation du CLIC par le préfet est déjà prévue par le texte. La commission n'a donc pas retenu cet amendement.

M. Daniel Paul - Le texte ne parle pas de prise en compte.

M. le Rapporteur - Qui dit consultation dit prise en compte.

Mme la Ministre - C'est une idée qui est tellement de bon sens qu'elle est déjà dans le projet. Même avis.

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - Je vais retirer l'amendement 56, mais j'insiste pour que les PPR soient élaborés le plus rapidement possible, afin de réduire au maximum la période de flou juridique qui sépare le vote d'une loi de son application réelle dans tous ses aspects. La loi sur l'après-mines a été votée en 1999, mais quatre ans plus tard, les plans de prévention des risques miniers ne sont toujours pas sortis, ce qui nous place dans une situation de non-droit, la responsabilité de l'administration ne pouvant être mise en cause.

Mme la Ministre - Je vous remercie de retirer votre amendement et je donnerai des instructions en vue d'une sortie rapide des PPR, car je partage complètement votre point de vue.

M. David Habib - Notre amendement 57 est destiné à permettre aux activités indispensables au bon fonctionnement des sites à risque de se maintenir ou de se développer aux abords de ceux-ci. Je pense notamment aux activités de logistique ou de maintenance, pour lesquelles on ne peut pas forcément parler de « connotation chimique » mais qui sont en tout cas indispensables. Fonctionnant la plupart du temps en régie, les salariés de ces entreprises sont parfaitement au fait des règles de sécurité.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, comme en première lecture.

Mme la Ministre - Il va de soi que les activités nécessaires au bon fonctionnement des entreprises à risque seront maintenues voire développées dans ces zones, dans la mesure où elles contribuent à la prévention du risque à la source. L'exposé des motifs est parfaitement clair sur ce point et il ne me paraît donc pas nécessaire de le redire. J'ajoute que la rédaction de votre amendement me semble peu opérante et je préférerais donc que vous le retiriez.

M. David Habib - J'accepte d'autant plus facilement que vos propos, Madame la ministre, feront foi et témoigneront de l'intention du Gouvernement, en particulier auprès des préfectures.

M. Pierre Cohen - Notre amendement 59 précise que le droit au délaissement ne réduit pas la responsabilité de l'auteur de l'accident, qui doit pleine réparation aux victimes et qui doit les indemniser sur la valeur de remplacement à l'identique.

M. le Rapporteur - Le délaissement est un droit, non une obligation, sinon nous serions dans le cadre d'une expropriation. Ne pas en avoir bénéficié n'entame en rien le droit à indemnisation. Avis défavorable, donc.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Pierre Cohen - Ne serait-il quand même pas judicieux d'inscrire dans la loi que les riverains qui ont pris le risque de ne pas utiliser le droit au délaissement ont, comme les autres, la possibilité d'être indemnisés ?

Mme la Ministre - La question ne se pose pas.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 60 est retiré.

M. le Rapporteur - Mon amendement 133 vise à prendre, dans le cadre du PPRT, des mesures réglementant l'utilisation des véhicules de transport de matières dangereuses. Cette préoccupation a été émise en commission, notamment par M. Brottes.

Mme la Ministre - Favorable.

M. François Brottes - Je me rallie à l'amendement de M. le rapporteur qui se substitue à l'amendement 9 que la commission avait adopté.

L'amendement 133, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cohen - L'amendement 61 est défendu.

L'amendement 61, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. David Habib - Je retire l'amendement 62, mais je demande à Mme la ministre de donner des instructions aux préfets pour que les principes rappelés dans cet amendement - sur lesquels nous nous sommes largement étendus en première lecture - soient rappelés.

Mme la Ministre - Je ne peux répondre aujourd'hui sur cet amendement concernant les équipements sportifs et culturels adaptés aux besoins des riverains des zones à risques, d'autant qu'il est imprécis quant à leur financement. Je prends néanmoins l'engagement d'étudier la question.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 vise à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et que le Sénat a modifié.

Les bailleurs sociaux propriétaires d'immeubles expropriés n'ont pas à être parties à la convention entre exploitants et collectivités locales sur la gestion des terrains les plus exposés aux risques. Mieux vaut prévoir une convention spécifique sur le relogement des occupants des immeubles expropriés.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 a également pour but de revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée en première lecture.

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Même chose pour l'amendement 12.

Mme la Ministre - Pour une fois, je suis en désaccord avec M. le rapporteur, même si je comprends sa préoccupation.

En effet, il souhaite que le délaissement ne soit pas un mouvement sans fin dans lequel les zones délaissées seraient investies par des industries à risques qui augmenteraient ainsi les périmètres soumis aux risques, entraînant un nouveau délaissement et ainsi de suite. Cette inquiétude doit être dissipée : le délaissement et l'expropriation s'appliquent à une situation passée et valent pour solde de tout compte. Si une industrie à risque veut s'implanter, elle devra déposer une demande d'autorisation. Le préfet appréciera si le risque est ou non acceptable. S'il décide d'accorder l'autorisation, il pourra instaurer des servitudes qui seront alors indemnisables autour de la nouvelle installation. En aucun cas, l'extension ne pourra donner lieu à un nouveau processus de délaissement.

Je n'exclus pas a priori la réutilisation des zones libérées d'habitations pour l'implantation d'industries. Il peut être dans certains cas bienvenu de regrouper dans un même endroit plusieurs industries à risques, comme le préconisait le rapport de la mission ESSIG.

Au contraire, figer l'utilisation de ces zones priverait d'une marge de man_uvre intéressante. La rédaction de M. le rapporteur qui précise que le préfet pourra autoriser ou non la nouvelle installation même vingt ans après le processus de reconquête aboutit à un blocage dont je ne comprends pas la logique.

Le sous-amendement 130 du Gouvernement vise à n'autoriser les nouvelles implantations d'industries à risques que si la commune ou l'établissement public qui ont procédé à l'acquisition du terrain par expropriation, délaissement ou préemption, en est d'accord. Cette solution a l'avantage de ne pas obérer indéfiniment le développement de ces secteurs tout en offrant une garantie pour limiter les risques de spéculation ou d'expansion de zones industrielles non souhaitées par les communes.

M. le Rapporteur - J'entends bien ces arguments. Néanmoins, ce sous-amendement place les élus locaux en position d'arbitres entre des intérêts qui peuvent être contradictoires : la sécurité de leurs concitoyens et le développement économique.

Aussi la commission a-t-elle repoussé ce sous-amendement. Pourtant, à titre personnel, je pense que l'Assemblée pourrait se laisser fléchir par votre talent, Madame la ministre (Sourires). Je souhaite qu'à l'occasion, vous sachiez faire preuve de la même compréhension (Sourires).

Mme la Ministre - Je vous rappelle que les collectivités locales se placent d'elles-mêmes en position d'arbitre en vendant le terrain.

M. Jean-Yves Le Déaut - Je ne me laisserai pas fléchir par les arguments de Mme la ministre. Je préfère l'amendement de la commission.

L'association des communes qui ont, sur leur territoire, des établissements classés Seveso, a reconnu les avancées juridiques de ce texte, en particulier le droit au délaissement. Mais ces commune sont en première ligne sur le plan financier, dès lors que les CLIC feront état de grands risques - mise en place d'une ceinture verte, maisons à acheter, propriétaires qui feront jouer leur droit au délaissement. Des responsabilités régaliennes ne doivent pas, une fois de plus, leur incomber.

Vous évoquez, Madame la ministre, le cas où les risques auront au cours du temps été réduits. Il est nécessaire de mettre en place un système automatique de réexamen des périmètres de danger pour constater les évolutions.

M. Daniel Paul - M. Le Déaut a raison. Le sous-amendement du Gouvernement me surprend, car alors que le projet réaffirme les prérogatives régaliennes en matière de sécurité, on fait peser là sur les communes des risques de pression supplémentaires. Je souhaite que nous votions le dispositif proposé par la commission sans le sous-amendement du Gouvernement.

M. le Président de la commission - Je ne refuse pas qu'on donne des pouvoirs aux maires, mais les communes qui ont du foncier sont de petite taille. Si on renforce les pouvoirs des maires, il faut leur donner des moyens d'expertise. Comment le conseil municipal d'une petite commune pourra-t-il évaluer le risque ? Faute de services compétents, les élus décideront sur la base d'appréciations très subjectives.

Je ne suis pas contre votre sous-amendement dans son principe, mais j'ai peur qu'il ne soit pas opérationnel.

Mme la Ministre - Que dirait-on si je ne laissais pas cette possibilité à la commune ? Si le maire n'a pas les moyens d'évaluer le risque, il peut suivre la décision de l'autorité préfectorale. Mais je lui donne aussi une possibilité de refus : c'est un sous-amendement qui devrait faire l'unanimité.

M. François Goulard - En effet.

M. François Brottes - Entre l'amendement de la commission et le sous-amendement du Gouvernement, il y a une opposition totale et absolue. Le plus judicieux serait de lever la séance pour examiner ce problème.

M. le Président de la commission - Je préférerais que nous votions le sous-amendement du Gouvernement, à charge pour nous d'améliorer le dispositif en CMP.

Le sous-amendement 130, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 12 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4 BIS

M. le Rapporteur - Le Sénat a adopté trois amendements du Gouvernement visant à prévoir la réalisation d'études de dangers autour de diverses infrastructures de transport. Ces dispositions posent de nombreuses difficultés de forme. En outre, rien n'est prévu pour les infrastructures routières.

L'amendement 13 rectifié de la commission vise donc, dans un souci de simplicité, à rassembler dans un article unique du code de l'environnement les dispositions relatives aux études de dangers autour des infrastructures de transport, y compris les infrastructures routières. En outre, alors que le texte adopté par le Sénat prévoit la réalisation de ces études dans un délai maximal de cinq ans pour les infrastructures existantes, il vous est proposé de ramener ce délai à trois ans. Enfin, il est prévu d'organiser la réactualisation périodique de ces études sur le même rythme que les études de dangers des installations classées, c'est-à-dire tous les cinq ans.

Mme la Ministre - Les sous-amendement 136, 137 et 138 du Gouvernement sont rédactionnels.

Quant au sous-amendement 131 rectifié, il porte sur les études de dangers relatives aux n_uds de transport de matières dangereuses. La commission propose de revoir ces études tous les cinq ans, comme s'il s'agissait d'installations Seveso. Or, si les matériaux eux-mêmes varient en permanence, leur mode de gestion évolue à un rythme moins rapide que les procédés de fabrication. La révision des études ne s'impose donc pas à une fréquence aussi élevée.

Il peut certes paraître satisfaisant de voter la fréquence la plus élevée possible, mais notre responsabilité est de mettre au point une législation efficace et adaptée. Le Gouvernement vous propose donc un réexamen décennal.

M. le Rapporteur - Les sous-amendements 136, 137 et 138 n'ont pas été examinés par la commission. A titre personnel, je suis favorable à leur adoption.

S'agissant du délai de révision, celui que propose la commission n'est ni excessif ni contraignant. Il est bon de s'assurer que les études correspondent à la réalité. Avis défavorable au sous-amendement 131.

M. Jean-Yves Le Déaut - Je me félicite qu'ait été ajusté cet article 4 bis. Il fallait intégrer dans le dispositif les infrastructures de transport, la commission d'enquête ayant montré que celles-ci pouvaient être plus dangereuses que certaines installations classées.

Comme le rapporteur, je préfère un réexamen tous les cinq ans, ce qui est le délai prévu pour les sites « Seveso ». Si les règles étaient trop différentes, certaines industries pourraient être tentées de faire circuler certains produits dangereux pour contourner la loi.

Le délai de cinq ans me paraît raisonnable.

Mais il sera très difficile de définir à partir de quel moment une infrastructure de transport sera assimilable à une installation Seveso. Toutes les routes, autoroutes et gares routières pourraient être déclarées dangereuses. A Lyon, d'après le préfet lui-même, l'endroit le plus dangereux est la gare de la Part-Dieu. Comment va-t-on définir ce qui est dangereux ?

Mme la Ministre - En première lecture, je m'étais engagée à vous faire des propositions précises s'agissant du transport des matières dangereuses. Les services de mon ministère ont examiné le problème avec ceux de Gilles de Robien. Il existe de nombreuses dispositions dans ce domaine, éparpillées dans différents codes. La dangerosité est toujours appréciée sur deux paramètres : la nature des substances et la quantité transportée.

Ce qui a manqué, c'est la volonté politique de faire respecter ces dispositions. Vous pouvez être assuré que ce gouvernement aura la volonté d'appliquer la législation, comme le montre l'initiative commune des ministères de l'environnement et de l'équipement. Auparavant, ces deux administrations étaient complètement cloisonnées.

En ce qui concerne le deuxième point, vous connaissez l'importance des études de danger et vous avez souhaité les réintroduire dans l'article 3 bis. J'ai présenté au Sénat, qui les a acceptés, des amendements pour soumettre à cette étude les principaux lieux de transport de matières dangereuses que sont les ports et les gares de triage, et j'avais modifié les codes correspondants pour préserver leur cohérence. Vous préférez une approche intégrant tous les modes de transport dans un article unique du code de l'environnement. J'avais dans un premier temps estimé qu'il était trop tôt pour légiférer sur le transport routier, car il est difficile de définir les lieux regroupant des grandes quantités de véhicules, alors que les ports et gares sont bien localisés. Je ne m'oppose pas à votre proposition, mais je la trouve difficile à mettre en _uvre et je préfère mon sous-amendement, même si je sens bien que je ne vous ai pas convaincus...

M. Philippe Folliot - Pour rejoindre un lieu multimodal, il faut bien passer par la route ! L'agglomération de Castres-Mazamet connaît une importante activité chimique. C'est pourtant la seule de près de 100 000 habitants qui ne soit desservie par aucune autoroute et aucun voie interurbaine digne de ce nom. Les matières chimiques circulent donc sur des routes nationales, voire départementales, et au c_ur de nos villes... Bien qu'il n'y ait pas de lien direct...

Mme la Ministre - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Philippe Folliot - ...j'espère donc que Mme la ministre saura intervenir auprès de son collègue de l'équipement pour accélérer le désenclavement du sud du département du Tarn.

M. le Président - C'était un message personnel...

M. François Brottes - Les routes nationales ne sont pas exclues du champ d'application de l'amendement du rapporteur.... Je me félicite que celui-ci n'exclue aucun mode de transport mais, ainsi que M. Le Déaut l'a déjà fait remarquer à d'autres occasions, sa rédaction est très peu normative. Qu'est-ce en effet qu'un risque « très important » ? Comment le définir ? Nous allons au devant de contentieux compliqués. Je propose donc de supprimer la notion de risque « très important ».

M. Daniel Paul - Je ne comprends pas que la ministre puisse considérer que la révision tous les dix ans des études de danger est suffisante juste après avoir souligné la variabilité des produits transitant dans les structures. Les risques s'aggravent, quel que soit le mode de transport, de façon permanente en raison de la nature même des produits. S'y ajoute la dégradation constante des moyens de transport. C'est vrai pour les transports maritimes, et on en paye les conséquences sur les côtes basques et landaises en ce moment même, mais aussi pour les transports terrestres. Et il ne faudrait des études de danger que tous les dix ans ? Je préfère la proposition du rapporteur, modifiée pour tenir compte de la remarque de M. Brottes.

Mme la Ministre - La variabilité que vous évoquez est prise en compte dans les études de danger !

Le sous-amendement 131 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 136, mis aux voix, est adopté, de même que les sous-amendements 137 et 138.

M. le Rapporteur - La proposition de M. Brottes conduirait à supprimer toute référence à l'importance du risque considéré, ce qui me paraît peu judicieux. Toutefois, l'article 512-1 fait référence à de « graves dangers ». Cette notion pourrait remplacer celle de « risque très important ».

M. le Président - La rédaction du deuxième alinéa deviendrait donc « ...peut présenter de graves dangers pour la sécurité des populations » au lieu de « ...peut présenter des risques très importants pour la sécurité des populations ».

Mme la Ministre - Je n'accepterais pas de supprimer toute référence à l'importance du danger, mais la formule a peu d'importance.

M. François Brottes - La notion de grave danger est déjà présente dans la loi et permet de mieux définir le champ d'application de la disposition. Je suis favorable à cette rectification.

L'amendement 13 deuxième rectification, mis aux voix, est adopté. L'article 4 bis est ainsi rédigé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 h 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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