Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 13ème jour de séance, 33ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 24 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 2

      SAISINES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

      RÉFORME DES RETRAITES (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 4

      QUESTION PRÉALABLE 11

La séance est ouverte à neuf heures.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

SAISINES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel deux lettres m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil constitutionnel a été saisi d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution, d'une part, de la loi pour l'initiative économique, par plus de soixante députés, d'autre part, de la loi de sécurité financière, par plus de soixante sénateurs.

RÉFORME DES RETRAITES (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte élaboré par la CMP.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission mixte paritaire - Un an après la déclaration de politique générale de Jean-Pierre Raffarin annonçant cette importante réforme de nos régimes de retraite, treize ans après l'affirmation par Michel Rocard, alors Premier ministre, de son caractère inévitable, dix ans après l'amorce par Edouard Balladur, Premier ministre, de cette réforme pour le régime général, nous arrivons au terme d'une longue démarche qui aura permis de développer le dialogue et d'enrichir le fond du débat.

Les grands équilibres du texte ont été approuvés, et confortés par l'apport de nos analyses. Le choix du Gouvernement d'allonger progressivement la durée de cotisation, choix qu'ont fait tous les autres pays, est celui qui s'impose.

Rejetant les autres artifices inacceptables - baisse des pensions ou augmentation des cotisations -, nous avons, grâce à cet allongement - qui, du reste, concerne déjà plus de 12 millions de salariés ressortissants du régime général -, trouvé une voie de consolidation durable, offrant aux futurs retraités un taux élevé de remplacement et un pouvoir d'achat garanti par l'indexation de leurs pensions sur les prix.

Ce texte conforte le principe de la solidarité grâce au caractère très progressif de l'allongement de la durée de cotisation, allongement qui, opéré dans la transparence et en concertation avec les partenaires sociaux, permettra de respecter l'équilibre entre temps d'activité et temps de retraite.

Les deux assemblées, ralliées aux grands principes du projet approuvant sans réserve ses dispositions, ont complété les attentes des partenaires sociaux, satisfaites par le Gouvernement au terme d'une négociation qui a permis de fonder ce texte sur un constat partagé : celui de la nécessaire solidarité entre les générations.

Au-delà de la garantie de l'avenir des retraites, les avancées sont importantes, en particulier pour les petites retraites, ...

Mme Martine David - Quelle autosatisfaction !

M. le Rapporteur - ...mais aussi pour les très longues carrières, problème soulevé à maintes reprises, mais auquel aucun Gouvernement n'avait apporté de solution : nous permettons à ces travailleurs d'accéder à une retraite à taux plein avant soixante ans.

M. Alain Néri - Pas à tous !

M. le Rapporteur - Nous nous félicitons de cette avancée considérable. Avancées encore, que la prise en compte de la pénibilité du travail, la mensualisation des retraites agricoles, les dispositions en faveur des conjoints survivants, les parents d'enfants handicapés, des pluripensionnés, des salariés à temps partiel, sans parler des avantages familiaux accordés aux mères fonctionnaires.

Le Sénat est allé dans le même sens, adoptant même un dispositif de retraite anticipée pour les travailleurs lourdement handicapés. La CMP, réunie hier matin, a apprécié à sa juste valeur cette avancée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cette CMP s'est déroulée dans un excellent climat, et a été particulièrement attentive aux avancées apportées, en matière de transparence, par les commissions des finances des deux assemblées. Désormais, retraités et futures retraités seront sur un pied d'égalité face à leurs droits et devoirs. Ainsi aurons-nous franchi une étape décisive dans la sauvegarde de notre pacte social et _uvré utilement pour la nation. Messieurs les ministres, notre assemblée vous en remercie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le Président de la République avait promis à nos concitoyens qu'il sécuriserait l'avenir de nos retraites. Cette promesse devrait être, ce soir, tenue !

Nous sommes au dernier acte de cette réforme. Le débat parlementaire fut dense ; il permit au Parlement d'enrichir et de compléter utilement notre texte. Le projet de loi portant réforme des retraites comprenait initialement 81 articles ; au terme de la discussion parlementaire, 27 articles additionnels ont été adoptés par l'Assemblée nationale, 12 par le Sénat.

Trois principes fondamentaux, inspirent notre réforme des retraites : celui de l'effort équitable et partagé, celui de la justice, celui de la liberté et de la responsabilité. Ces trois principes, le Parlement les a protégés et précisés. L'équilibre de notre projet de loi a été respecté, et son contenu, grâce à votre concours et à celui du Sénat, a été renforcé.

Lors de son examen, du 10 juin au 3 juillet 2003, votre assemblée a solennellement réaffirmé la sauvegarde des régimes de retraite par répartition, en adoptant le résultat d'une négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Dans son souci d'enrichir et d'améliorer le texte, elle a mis l'accent sur la question du maintien dans l'emploi des salariés expérimentés, renvoyant à la commission nationale de négociation collective et à une conférence tripartite, le soin de l'étude de cette question avant les « rendez-vous » prévus en 2008, 2012 et 2016. Elle a adopté une disposition invitant les partenaires sociaux à négocier sur les conditions de travail des salariés expérimentés, la prise en compte de la gestion prévisionnelle des emplois et le développement des compétences et les conditions particulières de cessation d'activité des salariés ayant accompli des travaux pénibles.

Votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales y était attachée : une attention particulière a été portée aux avantages familiaux et conjugaux de retraite. Ainsi une majoration de durée d'assurance a-t-elle été créée pour les parents d'enfants gravement handicapés. Des mesures favorables pour les conjoints survivants ont également été adoptées, comme l'exclusion de la majoration de pension pour trois enfants élevés des éléments de revenu pris en compte pour le calcul de la pension de réversion.

S'agissant des régimes de la fonction publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à instaurer une majoration de durée d'assurance d'une durée de six mois pour les femmes ayant un enfant après le 1er janvier 2004, même si celles-ci n'interrompent pas ou ne réduisent pas leur carrière professionnelle. Elle a assoupli, par ailleurs, les conditions d'entrée dans le dispositif de la cessation progressive d'activité - 57 ans au lieu de 58 ans dans le texte initial.

Enfin, sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, à l'article 79, un amendement précisant les modalités de fonctionnement du plan d'épargne individuelle pour la retraite.

Le Sénat a confirmé l'essentiel des modifications apportées par l'Assemblée nationale. 53 articles ont été adoptés conformes, 51 avec des modifications marginales et 4 ont été supprimés. Le Sénat a notamment adopté un amendement permettant aux personnes gravement handicapées de pouvoir partir à la retraite avant 60 ans. Il a inclus les avocats dans le champ de la réforme en leur donnant la possibilité de partir avant l'âge de 65 ans sans minoration de leur pension, s'ils justifient de la durée d'assurance « tous régimes » nécessaire. Il a également adopté des dispositions permettant une meilleure transition entre le plan partenarial d'épargne salariale volontaire - PPESV - et le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite - PPESVA. A l'initiative du Gouvernement, il a enfin adopté deux amendements assurant, d'une part, la cohérence du prélèvement social sur les régimes de retraite « chapeau », et d'autre part, la sécurisation des institutions de retraite supplémentaires.

Le Gouvernement présentera, pour sa part, un nombre très limité d'amendements, visant essentiellement à revenir sur deux dispositions.

Il s'agit notamment de la surcote spécifique instaurée à l'initiative du Sénat, pour les personnes âgées de moins de 60 ans, satisfaisant aux conditions de départ anticipé, et décidant de rester en activité. Cet amendement répondait à un objectif louable - favoriser le maintien en activité -, mais au-delà de la difficulté de gestion pour les régimes, son articulation semble trop complexe par rapport au dispositif général de « surcote » mis en place au-delà de 60 ans.

Un second amendement concerne le régime additionnel des fonctionnaires. L'Assemblée, puis le Sénat, puis la CMP ont imaginé une formule permettant des versements à la discrétion des fonctionnaires, mais à chaque fois avec des règles différentes. Par souci de clarté, le Gouvernement préfère s'en tenir au principe selon lequel les régimes obligatoires ne reçoivent que des cotisations obligatoires et les régimes facultatifs des contributions facultatives. C'est à la fois plus simple et moins controversé au regard du droit de la concurrence.

La communauté de vues qui s'est formée entre l'Assemblée nationale et le Sénat a facilité le travail de la CMP. Je me réjouis actuellement qu'elle ait pu aboutir à un texte commun, sur un sujet aussi important. Cela traduit l'unité de la majorité et démontre la volonté commune du Gouvernement et du Parlement d'adapter notre pays aux enjeux qui s'annoncent.

Alors qu'il est d'usage de dire que la France est hermétique aux réformes, la preuve est apportée que le changement est possible dès lors qu'il est le fruit du dialogue (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), du courage et de la détermination. C'est le signe d'une double fidélité, et à notre héritage social légué pour partie par le gouvernement du général de Gaulle au lendemain de la Libération, et à l'égard des engagements pris vis-à-vis des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Pascal Terrasse - Ce projet de loi conditionnera largement le devenir économique et social de notre pays. Aussi permettra-t-il à la société dans son ensemble de porter un jugement sur la politique sociale du Gouvernement. A l'heure où nos concitoyens, pour ceux qui le peuvent, rejoignent leurs lieux de vacances, vous nous proposez d'expédier ce texte sans plus attendre (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Et pour cause ! Vous savez que les Français, lorsqu'ils retrouveront le chemin du travail dans quelques semaines, pourraient aussi retrouver le chemin de la rue...

C'est pourquoi il vous paraît urgent de mettre un point final au débat. Mais je crains que votre empressement ne soit inutile. Ne croyez pas que les acteurs des mouvements sociaux se soient résignés. Leur vigilance et leur détermination ne me paraissent guère entamées : ils observent une pause, que chacun appréciera...

Ce projet nous revient donc. Nous aurions pu attendre de la Haute Assemblée qu'elle rétablisse les éléments de solidarité qui lui font tant défaut. Il n'en est rien. Elle n'a pas eu le courage de s'élever contre un projet qui remet en cause la retraite à 60 ans à taux plein, introduit la division où il faudrait de la solidarité, et prépare une plus grande précarité pour celles et ceux qui méritent une vie sécurisée, à l'abri du besoin.

Le Sénat s'est contenté d'une commission de garantie des retraites, au rôle obscur, de quelques mesures pour les salariés handicapés certes bienvenues mais si restrictives qu'elles ne concernent que quelques cas marginaux. Nos collègues sénateurs ont même poussé l'indécence jusqu'à prévoir le rachat, pour le calcul de la retraite, de la période passée auprès d'un proche en fin de vie. Voilà un brin de cynisme qui fera plaisir aux familles dans la souffrance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Pascal Terrasse - J'y viens. Au Sénat comme à l'Assemblée, le groupe socialiste a choisi de faire des propositions, et non de se livrer à une contestation systématique et stérile. Il n'a eu de cesse de replacer le projet dans un contexte plus général, pour mieux montrer que notre modèle social est aussi fragile que précieux, et que sa déstabilisation pourrait entraîner des effets collatéraux insoupçonnés.

Loin de vous ce genre de préoccupation, puisque c'est surtout la logique comptable qui vous a motivés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Par votre attitude, faite d'obstination aveugle plus que de détermination éclairée, vous avez échoué à rassembler la représentation nationale autour d'un débat dont les enjeux méritaient pourtant mieux. Ainsi, vous avez refusé par principe que nos propositions puissent se mêler aux vôtres, y compris lorsque nous avons su faire naître le doute dans vos rangs.

Les Français, eux, ont joué de la calculette, et ont compris que le scénario du printemps ne correspondait pas à la pièce que l'on s'apprêtait à leur jouer. Ils ont compris qu'en l'absence de ressources nouvelles, ce seront toujours les mêmes qui supporteront l'effort. Ils ont compris que si votre nuit de noces avec le Medef devait se prolonger, cela aurait un coût pour eux, et que la réforme pèserait plus sur les employés que sur les employeurs.

Le Medef a en effet de bonnes raisons d'applaudir. La France des sommets, dont vous parlez peu mais que vous chérissez tant, ne sera pas touchée. Au contraire, elle est si attachée à l'application de cette réforme qu'elle a déjà annoncé, par la voix du Baron, qu'elle siégerait dans toutes les instances, y compris au COR, pour veiller à la mise en _uvre effective de la réforme.

Le Français savent que de votre projet naîtront les pires désillusions : érosion des pensions et départs repoussés. C'est ainsi que se préparent les mouvements sociaux de demain.

La diminution du niveau des pensions, l'allongement brutal de la durée de cotisation étaient évitables, nous l'avons démontré. Un vrai partage de l'effort était possible, et cette alternative a aujourd'hui trouvé sa place dans l'opinion. La France qui travaille a compris qu'elle était le dindon de la farce.

Et que dire de votre terrible négligence sur la question essentielle de l'inégalité devant l'espérance de vie ? Ceux qui gagnent le plus sont souvent ceux qui vieillissent le mieux, et inversement. Comment réformer les retraites sans tenter de corriger cette terrible réalité ? Comment avez-vous osé faire l'impasse sur la pénibilité des métiers ? Non content d'éluder cette question, vous avez même démantelé les dispositifs de préretraite ou de retraite progressive, qui ne devraient plus bénéficier qu'à de rares élus.

Quant au niveau des pensions, il n'est plus garanti. Après la sanction infligée par Balladur en 1993, voici venu le temps de la peine prolongée, avec celle infligée par Raffarin dix ans plus tard.

M. Xavier Bertrand - Caricature !

M. Pascal Terrasse - L'atteinte portée aux retraités contredit vos intentions affichées de relance de la croissance : les retraités sont des acteurs économiques à part entière et le maintien de leur niveau de vie aurait permis de garantir un certain volume de consommation.

En vérité, vous orientez les Français vers l'assurance individuelle. Vous savez que vous inoculez ainsi un poison qui agira sur la répartition. Au fil du temps, la solidarité des actifs à l'égard de leurs aînés perdra son sens.

M. le Rapporteur - Et qu'a fait M. Jospin ?

M. Pascal Terrasse - L'épargne individuelle grignotera le régime par répartition au point que ce dernier s'effacera presque naturellement.

M. le Rapporteur - Parlez-nous plutôt de la loi Fabius !

M. Pascal Terrasse - Quelle est la crédibilité d'un gouvernement qui démantèle l'épargne populaire en baissant le taux de rémunération du livret A, détenu par plus de 40 millions de Français ? Faut-il y voir une réorientation de l'épargne populaire vers l'épargne retraite... et demain vers les fonds de pension ?

M. le Rapporteur - On dirait un discours d'Arlette Laguiller !

M. Pascal Terrasse - Ces choix politiques, dictés par des considérations idéologiques, auront un coût social. Gouverner, c'est prévoir, or vous ne semblez pas prévoir à quel point l'insécurité sociale que ce texte prépare sera lourde de conséquences, y compris pour des finances que vous prétendez vouloir mieux maîtriser.

Avec ce projet, le Gouvernement vient de lancer dans le ciel de France un imprévisible boomerang. Le boomerang s'éloignera pour accomplir sa trajectoire. Il finira par revenir, probablement sans attendre 2008. Et si l'on n'y prend garde, il arrive parfois qu'il frappe celui qui l'a lancé...

Vous avez mis un terme, sans le dire, à la retraite à 60 ans. Alors que François Mitterrand, en 1982, offrait aux Français de vivre pleinement ce nouvel âge de la vie, voilà que vous le rendez improbable, incertain et obscur.

La retraite à taux plein à 60 ans devient un leurre. Allongement de la durée de cotisation, entrée de plus en plus tardive dans la vie active, décote et risques de chômage : autant de facteurs qui préparent des générations de retraités aux pensions amputées. Seuls les plus fortunés, qui auront déjà tiré profit de l'assurance individuelle, auront le loisir de racheter au prix fort quelques années d'études.

L'âge moyen d'accès au premier emploi se situant aux environs de 22 ans, un départ à 60 ans impliquera de renoncer à plus du quart d'une retraite à taux plein. Où est le progrès ? Où est le partage de l'effort ?

Ce triste démantèlement de notre protection sociale sacrifie sans complexe les femmes, dont les carrières sont souvent plus courtes. Au lieu de compenser cet état de fait, vous en profitez pour réaliser de substantielles économies. Leurs pensions seront souvent dérisoires, particulièrement celles des femmes isolées, qui devront assumer seules la fin de leur existence. S'y ajoute une réduction des avantages familiaux, qui les frappe également de plein fouet.

L'évolution du taux de réversion reste dans le flou le plus complet, et la limitation des seuils de ressources limitera encore la portée du dispositif. L'assurance veuvage est abrogée, la majoration pour enfants de moins de 20 ans perd son caractère forfaitaire, et celle pour conjoint à charge reste incertaine, malgré les souhaits exprimés par le Sénat.

Les femmes seront condamnées à rechercher çà et là des solidarités familiales et à faire valoir un principe d'obligation alimentaire qui n'est que trop rarement respecté.

Ces éléments de régression révèlent, en outre, une carence majeure de votre projet : son financement. Le Président de la République lui-même a annoncé « d'autres efforts » pour compléter une réforme qui, de son propre aveu, n'est financée qu'à hauteur de 30 % ! Voilà qui laisse présager le pire ! Votre réponse à cette absence de financement ? Une hypothétique baisse du chômage, qui permettrait de ponctionner l'UNEDIC pour financer les régimes de retraite. C'est faire preuve de beaucoup d'optimisme que de compter sur une manne aussi incertaine, qui susciterait d'ailleurs bien d'autres convoitises : chômage résiduel, besoins de la branche maladie, baisse promise des impôts, autant de besoins qui s'imposeront le moment venu, si tant est que le chômage diminue, ce qui n'est guère probable étant donné les très mauvais résultats de la France depuis près d'un an. Altadis annonçait ce matin la suppression de 1 300 emplois en Europe, dont plus de 500 en France.

Or, vous avez refusé de coupler votre projet avec une véritable politique de l'emploi comme nous le demandions. C'est ainsi que vous portez vous-mêmes atteinte à votre crédibilité. L'amélioration du marché de l'emploi répondrait à la question du financement, mais vous ne l'encouragez guère. Et le doute grandit devant les atteintes portées aux dispositifs de préretraite ou de retraite progressive, atteintes qui viendront grossir les effectifs des chômeurs âgés !

Cette question du financement révèle finalement le peu de considération que vous portez à notre système de retraite par répartition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En refusant de lever des ressources nouvelles, notamment sur les bénéfices des sociétés, vous ne pouviez que vous heurtez au problème du financement.

En ce sens, votre réforme marque une rupture profonde et inquiétante : jusqu'à présent, l'évolution des prélèvements a toujours suivi celle du PIB. Ne pas recourir aux revenus du patrimoine et du capital, c'est condamner notre système de retraite à mourir à petit feu, à moins de faire de la France qui travaille une vache à lait ! C'est là pourtant, que se trouvent les marges de man_uvre. Les revenus du travail cèdent du terrain à ceux du capital et du patrimoine. Comment la survie de notre système de retraite pourrait-elle dépendre de revenus du travail qui s'étiolent ?

Prisonniers d'une promesse électoraliste de baisse d'impôts, vous avez tari toutes les sources de financement potentiel. Cette position, irresponsable, est aussi intenable. Vous le savez bien, car M. Fillon a annoncé dans la presse, la semaine dernière, qu'il ne pouvait exclure une augmentation des cotisations patronales.

Cette situation deviendrait ubuesque si elle n'était dramatique. En effet, les deux points de PIB nécessaires au financement en 2020 représentent autant que la baisse d'impôts promise par le Président de la République. Vous vous condamnez donc à reprendre d'une main ce que vous donnez de l'autre. Chacun sait ce que nos concitoyens pensent de ce genre de pratique !

Je crains que vous ne soyez passés à coté de l'essentiel. La nécessaire réforme des retraites était l'occasion d'engager un débat, avec tous les Français, sur notre modèle social. Par le dialogue et la pédagogie, ce projet aurait dû permettre à chacun de reconsidérer sa place dans la société.

Par une propagande de masse, vous avez organisé un débat en trompe-l'_il. Le sacrifice ou le chaos, voilà les termes de l'alternative que vous avez soumise aux Français. Cette manipulation regrettable a empêché que soient abordées les vraies questions : celles de la solidarité entre générations, de la place du travail dans notre société, du partage des richesses.

Quant au dialogue social et à la négociation, il suffit d'observer le traitement que vous infligez aux intermittents du spectacle pour comprendre que ces pratiques n'appartiennent pas à votre culture. Il n'y a plus guère que le Président de la République pour prétendre que cette réforme est le fruit d'un accord négocié... Ce n'est ni un échange, ni un dialogue que vous avez proposé aux partenaires sociaux. Dès lors que vous aviez exclu le recours à de nouveaux financements et érigé l'allongement de la durée de cotisation en principe incontournable, toute négociation était mort-née.

Une majorité d'organisations syndicales reste sous le choc. Votre attitude laissera des traces, que vous aurez à assumer à l'avenir. Cette réforme arbitraire ne saurait être mieux comprise des Français au fil du temps, bien au contraire. Elle ne fera qu'ajouter la ranc_ur à l'amertume, permettant aux extrêmes de faire leur miel du désarroi social.

M. le Rapporteur - Le député apiculteur ! (Sourires)

M. Pascal Terrasse - Comment la majorité des organisations syndicales aurait-elle pu parapher un texte muet sur les conditions de travail, sur la formation professionnelle et continue, et sur le retour à l'emploi des chômeurs âgés ? Vous vous contentez, par presse interposée, de menacer les entreprises d'une hausse des cotisations patronales si elles recourent trop aux préretraites. Mais c'est à vous que revient la responsabilité de les en dissuader réellement et de les inciter à mettre en _uvre une véritable politique de formation, qui rende ces salariés indispensables à l'entreprise. C'est à vous de trouver les mesures qui éviteront à la fois leur renvoi prématuré du monde du travail et leur maintien abusif dans l'entreprise.

Vous ne pouvez, en même temps, laisser toujours plus de latitude aux entreprises dans la gestion de leurs effectifs et vous indigner de les voir laisser au bord de la route des salariés qui ont derrière eux toute une vie de labeur. Vous ne pouvez allonger la durée de cotisation sans vous préoccuper de la durée d'activité dans un contexte où les carrières complètes sont de plus en plus rares.

Quelles sont les leçons que les Français retiendront de ces mesures ? L'idée, tout d'abord, que la société est faite de deux entités qui s'opposent : il y aurait, dans votre bréviaire idéologique, ceux qui travaillent et ceux qui sont dans l'oisiveté, quels que soient leur statut ou les raisons de leur inactivité. Savez-vous que certains travailleurs qui aspirent aujourd'hui légitimement à la retraite n'osent plus l'avouer, de peur d'être considérés comme des parasites ? Cette conception manichéenne de la société porte en elle les germes d'une opposition entre deux mondes. C'est ainsi que la solidarité intergénérations pourrait laisser place à un conflit de générations qui renforcerait la course à l'individualisme, cause que seuls les plus forts sont en mesure de remporter.

Par sa vision du monde, ce texte réintroduit un rapport archaïque entre l'homme et le travail alors que nous attendions une réorganisation qui tienne compte des impératifs d'une société moderne. Il pousse chacun à se construire aux dépens de l'autre. Il fait fi des règles élémentaires de la démocratie sociale.

Un certain nombre des dispositions de ce texte présente du reste un caractère inconstitutionnel. Aussi les 149 députés du groupe socialiste saisiront-ils le Conseil constitutionnel sur plusieurs de ses articles. Ce recours, qui ne vous surprendra pas, portera notamment sur le fait que votre réforme s'appuie sur un accord minoritaire entre partenaires sociaux, ainsi que sur les nombreuses ruptures d'égalité auxquelles elle conduit, particulièrement entre les femmes et les hommes.

Au vu du vaste mécontentement suscité et de ces millions de Français descendus dans la rue pour dire leur désapprobation, je ne peux m'empêcher de penser à l'après-réforme. Pour la première fois, les Français se voient imposer un incroyable recul, et le jeunes générations doivent intégrer l'idée que leur avenir pourrait être moins rose que celui de leurs parents.

C'est toute la cohésion nationale qui risque d'en sortir ébranlée. Cette réforme ne s'inscrit pas dans une recherche de progrès social mais dans une logique économique, qui vise à satisfaire les intérêts d'un petit nombre. Elle est née dans l'affrontement pour s'appliquer dans le mécontentement. Elle obscurcit des horizons plus qu'elle n'ouvre de perspectives. Elle fragilise plus qu'elle ne consolide.

L'effort a un sens lorsqu'il est partagé. Tel n'est pas le cas de celui que vous vous apprêtez à imposer aux Français. Toute autre atteinte portée à notre modèle social accentuera le malaise et l'agitation de la société. Le rapport de forces instauré rendra plus difficile à l'avenir toute réforme sociale. L'onde de choc commence à peine à se faire sentir.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Vous aurez compris, en entendant M. Terrasse, que l'argumentation en faveur de l'irrecevabilité de ce texte est aussi vide que la pensée du parti socialiste sur les retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Comme l'écrivait Louis Aragon, il ne suffit pas d'être contre quelque chose, il faut aussi dire pour quoi on est. Or, depuis le début de ce débat, le parti socialiste n'a jamais présenté la moindre ébauche de proposition de réforme des retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je propose donc à l'Assemblée nationale de mettre un terme à ce débat qui a bien plus fait souffrir l'opposition que la majorité (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Rapporteur - Pascal Terrasse n'a fait que redire ce qu'il a déjà répété des milliers de fois au cours des dernières semaines. Mais il y a encore quelques socialistes qui réfléchissent - Michel Rocard, Jacques Delors, Bernard Kouchner, Jacques Attali, Claude Evin, qui n'a d'ailleurs jamais assisté à notre débat : tous ont dit qu'il n'y avait pas d'alternative à cette réforme.

La commission vous propose donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Goulard - M. Terrasse, après avoir occupé la tribune pendant des dizaines d'heures (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), en exploitant toutes les ressources de notre Règlement, défend aujourd'hui une exception d'irrecevabilité. On ne peut le lui reprocher : c'est la stricte application de nos règles de fonctionnement (Interruptions sur divers bancs).

Simplement, chers collègues, les Français nous regardent, et il est à craindre qu'ils ne jugent sévèrement ceux qui ont cumulé l'irresponsabilité de l'immobilisme quand ils étaient au pouvoir et l'irresponsabilité de propositions creuses quand ils sont dans l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Les arguments juridiques présentés sont d'une vacuité totale. Comment parler de rupture d'égalité quand on assure à tous les Français la survie de leur retraite, quand on rapproche le régime du secteur public de celui du secteur privé, quand on prend des mesures en faveur de ceux qui ont travaillé très jeunes ou qui ont exercé des métiers pénibles ? Si une loi est conforme à la Constitution, c'est bien celle-ci ! L'esprit des institutions de la Ve République veut qu'un gouvernement responsable sache prendre les décisions courageuses qu'exige l'intérêt des Français et du pays. Messieurs les ministres, vous avez été à la hauteur de vos responsabilités et, avant de voter avec enthousiasme la réforme des retraites, nous rejetterons cette motion de procédure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe des députés communistes et républicains votera l'exception d'irrecevabilité.

Oui, ce texte est irrecevable car il va accroître les inégalités, les injustices et aggraver la situation de milliers de salariés et de retraités. Vous n'avez de cesse d'invoquer la négociation, mais vous êtes restés sourds à la demande du mouvement social de rouvrir celle-ci, comme vous êtes restés sourds aux propositions alternatives du groupe communiste et républicain.

En revanche, votre gouvernement a satisfait le Medef (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qui ne cherche qu'à faire toujours plus payer les salariés pour gonfler toujours plus les placements boursiers. Vous faites le choix de rendre les riches toujours plus riches : on l'a vu ces jours-ci avec la réforme de l'ISF et la baisse du taux du livret A.

Cette réforme est antisociale et antiéconomique. Ne pensez pas que le vote émis aujourd'hui par votre majorité la fera oublier. A la rentrée, on reparlera des retraites ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles de Courson - On juge un parti sur ses actes plus que sur ses paroles. Où est le parti du courage et de la réforme ? Pour la seconde fois en dix ans, il est du côté de la majorité. Où est le parti de l'immobilisme et de la montée des inégalités et des injustices ? Du côté de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). D'ailleurs, que ferait-elle si elle revenait au pouvoir dans quatre ou dans neuf ans ? La réponse est connue : elle ne toucherait à rien ! Rappelez-vous la campagne de 1997 : les socialistes avaient promis de revenir sur l'indexation des retraites du régime général sur les prix ; une fois au pouvoir ils n'en ont rien fait ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP) Quant aux communistes, ils avaient promis le retour aux 37 années et demie de cotisation. Qu'ont-ils fait durant les cinq ans où ils ont été au pouvoir ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Et quand les socialistes osent dire que ce texte porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité, nous n'en croyons pas nos oreilles : au contraire, ce texte réduit les inégalités dans une proportion importante. Il est incroyable d'entendre de tels propos da la part de ceux qui, depuis 1989, n'ont pas agi, et ont laissé s'aggraver les inégalités entre secteurs public et privé, entre ceux qui ont travaillé dès l'âge de 14 ans et ceux qui ont débuté à 22 ans, entre les métiers pénibles et les autres.

Le groupe UDF votera contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Alain Néri - L'Assemblée doit aujourd'hui se prononcer sur le projet de loi de régression sociale de M. Fillon (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ce gouvernement n'a pas permis qu'ait lieu le débat de fonds que la France attendait. Et quant aux arguments juridiques, M. Goulard ne manquait pas de les utiliser tous quand il était dans l'opposition (Rires sur les bancs du groupe socialiste) : il devrait donc se montrer un peu plus modeste.

De même, M. Fillon aurait dû manifester moins d'arrogance à l'égard de nos propositions car pendant le débat, il les avait jugées « intéressantes par certains côtés ».

Ce qui caractérise ce débat, c'est l'arrogance, la surdité et l'aveuglement du gouvernement Raffarin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

D'ailleurs, le président de notre assemblée participe lui-même à notre réflexion...

M. le Président - Laissez-moi en dehors du débat, s'il vous plaît... (Sourires)

M. Alain Néri - Si j'en crois une dépêche AFP de ce jour, le Président de l'Assemblée nationale souhaite éviter au Gouvernement « certaines erreurs » - et c'est vrai que la baisse du taux du livret A en est une ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le Président, vous avez eu raison aussi de dire que, pour réussir une réforme, il ne sert à rien de passer en force. Or le Gouvernement n'a eu de cesse de le faire, éludant toutes les questions de fond. Concernant le financement des retraites, par exemple, rien n'est réglé, et nous serons obligés d'y revenir.

Vous avez parlé d'équité, mais où est l'équité quand vous remettez en cause la retraite par répartition en encourageant des plans d'épargne défiscalisés au profit des plus riches, tout en baissant le taux du livret A ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Voilà la politique sociale de votre gouvernement ! Le pays n'est pas dupe : ce projet remet bel et bien en cause le droit à la retraite à 60 ans pour tous, introduit par la gauche. Le pays sait que le niveau des retraites va diminuer, passant des trois quarts du dernier revenu aux deux tiers. Il sait aussi que vous pénalisez tout particulièrement les femmes, et que c'est inadmissible (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Votre projet ne répond pas aux véritables questions : le maintien de la retraite par répartition, le maintien de l'égalité entre les Français. Nous vous demandons, dans un dernier sursaut républicain (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), de voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Alain Bocquet - Ce projet, qui est bien à l'image de toute la politique du Gouvernement - froide, autoritaire, insensible aux aspirations profondes de notre société - s'inscrit dans un processus « historique » de démolition. Il participe à la remise en cause des acquis sociaux et des principes fondamentaux de solidarité, pour répondre à l'avidité de profit de la haute finance et aux exigences du Medef.

Mais notre peuple, majoritairement, n'en veut pas. Tout l'indique, le mouvement social, comme les enquêtes d'opinion. D'ailleurs, vous vous êtes bien gardés de consulter les Françaises et les Français par référendum. Sans aucun doute, la réponse serait un non franc et massif, à l'instar du non de nos compatriotes corses au statut que vous vouliez leur imposer.

Vous vous obstinez dans vos choix politiques sous prétexte de lutter contre l'immobilisme. Certes, vous n'êtes pas immobiles, mais dans quel sens allez-vous ? Dans celui du progrès social, des avancées de civilisation ? A l'évidence, non ! Vous avez enclenché la marche arrière du char de l'Etat. Alors que les progrès des sciences et des technologies vont encore s'accélérer et les profits financiers s'accumuler - avec votre politique les générations de demain vivront moins bien que celles d'aujourd'hui - et c'est peu dire quand on connaît les difficultés de millions de Français.

Votre politique est celle des mauvais records : record absolu pour le déficit - 50 milliards pour le budget de l'Etat et 16 milliards pour l'assurance maladie -, record du taux de chômage - qui devrait s'établir à 9,6 % en fin d'année -, record de la baisse des impôts pour les plus riches - 500 millions d'allégement d'ISF, 1,2 milliard pour les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu -, record des gels et annulations de crédits, record des coupes dans les effectifs de la fonction publique. Et je ne m'étends pas sur votre décision inique, parmi les mauvais coups de l'été, de baisser le taux du livret A.

Rien d'étonnant à ce que tous les indicateurs soient au rouge. L'emploi salarié a reculé pour la première fois depuis 1996 ; cette dégradation sera lourde de conséquences pour les finances sociales. Le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages ne progressera que de 1,2 % en 2003 contre 2 % en 2002 et 3,9 % en 2001, avec pour conséquence la baisse de la consommation et bien évidemment, une croissance en chute libre, à 0,8 % - loin du taux de 2,5 % sur lequel avait été bâti le budget.

Le plus stupéfiant est que le Président de la République, dans son discours du 14 juillet, ait persisté dans l'affirmation que la politique du Gouvernement était bonne et qu'il convenait de la poursuivre. Selon lui, il n'y a que des problèmes de communication, et les échecs ne proviennent que de cette France qui ne sait pas « ouvrir son esprit » et qui « cultive l'affrontement » ! Faut-il comprendre que tous ceux qui luttent pour avoir une vie meilleure et pour préserver leurs acquis seraient des conservateurs et n'auraient rien compris aux évolutions du monde ? Nous pensons au contraire qu'ils ont compris l'enjeu de cette réforme, mais que des alternatives sont possibles à cette politique ultra-libérale, qui leur fait supporter tous les sacrifices.

Pendant que le Président Chirac appelait au consensus sur cette réforme des retraites, le Gouvernement s'est employé à diviser, à opposer les salariés du privé à ceux du public. Il est resté sourd aux appels du mouvement social. Tous les moyens ont été utilisés : intimidation, menace, attaques contre les militants syndicaux... José Bové en prison en est le symbole (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La régression sociale s'accompagne toujours d'un recul démocratique.

Cette réforme des retraites répond à une logique dogmatique. Si les entreprises continuent à licencier pour faire flamber leurs cours en Bourse, si l'Etat se défausse et si les services publics s'affaiblissent, il n'y a pas d'autre solution que d'allonger le temps de cotisation, de faire chuter le niveau des pensions et d'encourager les fonds de pension.

C'est le même engrenage pour l'assurance maladie, qui dans votre logique, devrait réduire les remboursements, incitant les moins pauvres à se tourner vers les assurances privées et proposant aux autres un panier de soins a minima. Ces principes servent également à justifier la privatisation d'une partie du service public de l'éducation, d'EDF, de La Poste, d'Air France... Vous livrez aux marchés financiers des pans entiers de notre économie.

Vous prétendez que votre réforme est équitable parce qu'elle restaure l'équilibre entre les secteurs public et privé, mais il ne faudrait pas oublier les raisons des décalages qui ont grandi tout au long de ces dix dernières années. L'indexation des pensions sur les prix, décidée par la réforme Balladur de 1993, a eu des conséquences dramatiques, en enfonçant dans la misère plus de 40 % de retraités. Quant à l'allongement, pour le secteur privé, de la période de référence de dix à vingt-cinq ans et la durée de cotisation de trente sept et demi à quarante ans, elle a définitivement installé le déséquilibre entre privé et public. Vous voulez restaurer l'équité ? Abrogez ces réformes !

Vous prétendez que votre réforme ne remet pas en cause le droit à la retraite à 60 ans. Vous savez bien pourtant, même sans changement dans les modes de calcul et sans allongement de la durée de cotisation, le droit à une retraite pleine et entière à 60 ans, est déjà un leurre pour les jeunes générations du public comme du privé. Avec vous, la retraite à 60 ans, c'est bel et bien fini...

Vous prétendez que l'allongement de la durée de cotisation permettra de répondre à l'arrivée massive de salariés à l'âge de la retraite à l'horizon 2020. C'est encore une contrevérité, qui ne prend pas en compte la réalité de l'emploi et du marché du travail. Aujourd'hui, seul un actif sur trois parvient à l'âge de départ en retraite alors qu'il est encore en activité. Le décalage est encore plus prononcé pour les salariés du secteur privé, qui cessent leur activité à 57,5 ans en moyenne. Quant aux jeunes entrés sur le marché du travail après 23 ans, ils ne pourront, même avec la meilleure volonté du monde, acquérir quarante-deux ans de cotisations avant 65 ans.

Vous prétendez revaloriser le niveau minimum des pensions et fixer un plancher à 85 % du SMIC net. Or, cette garantie ne vaut que l'année du départ du salarié : les pensions n'étant plus indexées sur les salaires, elle disparaît pour les années suivantes, quinze ans plus tard, la retraite sera tombée à 65 % du SMIC !

En réalité, vous ouvrez toute grande la porte à la capitalisation. Le soir même du vote, en première lecture, ici même, de votre projet, nous avons pu voir un reportage télévisé édifiant : le PDG du groupe d'assurance La Mondiale se délectait de la brèche qu'ouvrait le projet gouvernemental et expliquait qu'il allait pouvoir rapidement doubler ou tripler ses clients pour l'épargne-retraite.

Mais alors que les cotisations sociales assurent la mutualisation du risque, le recours à la capitalisation individualise le risque financier. D'Enron à Worldcom, les exemples sont nombreux qui montrent que les salariés font les frais de cette financiarisation du système de retraite. En Grande-Bretagne, un retraité sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté.

En outre, selon de récentes études, loin de constituer pour les entreprises, un nouveau matelas de sécurité, les fonds de pension d'entreprise représenteraient un danger comptable, l'arrivée massive en retraite des salariés et la dégradation des marchés boursiers grevant les bilans.

Enfin, les experts sérieux sont unanimes à considérer que la capitalisation ne permet pas de résoudre le problème du financement des retraites, tout simplement parce qu'elle n'est pas autre chose qu'une forme de prélèvement obligatoire sur les revenus du travail.

Après les étapes de 1986, 1993, 1995 et 1996, ce projet apparaît comme le point d'orgue de toute la construction qu'avec votre majorité, vous avez patiemment élaborée.

Les salariés ne pourront travailler aussi longtemps que le projet le prévoit, et les retraités devront assumer individuellement le coût de l'allongement de la vie. Vous condamnez en fait le principe même de la répartition et de la solidarité intergénérationnelle, qui a fait ses preuves durant les cinquante dernières années.

Tous les acteurs des mouvements sociaux se sont prononcés en faveur d'une autre réforme. Tous se sont mis autour de la table lorsque vous les y avez conviés, et tous ont crus à l'honnêteté de votre démarche. Tous ont été trompés. Vous n'avez jamais voulu entendre leur propositions, pas plus que nos solutions alternatives, préférant camper sur le texte a minima issu d'un accord minoritaire avec les partenaires sociaux. Il faudra d'ailleurs revenir sur ces accords, dont les intermittents du spectacle font aujourd'hui eux aussi les frais.

Personne ne conteste la réalité du défi démographique, mais lorsque M. Raffarin rappelle qu'en 1960 il y avait quatre actifs pour un retraité, il oublie de préciser que deux actifs d'aujourd'hui produisent une fois et demi de plus que les quatre d'hier... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Et qu'en 2020, un seul actif produira plus que les deux actuels. Le problème de la retraite par répartition ne réside donc pas dans la hausse du nombre des retraités, mais dans la faculté des actifs à contribuer au financement des retraites, qui dépend à la fois du niveau et de la qualité de l'emploi et du niveau des rémunérations soumises à cotisations sociales. Or, la politique générale de précarisation de l'emploi menée par le Gouvernement rend la situation en la matière réellement préoccupante.

D'autres solutions existent pourtant. Elles sont soutenues par nombre de nos concitoyens et vous ne pouvez les rejeter d'un revers de main. Elles exigent la construction d'une nouvelle sécurité sociale et d'un système de sécurité d'emploi et de formation. Elles posent comme priorités le maintien du pouvoir d'achat des retraités et le droit à une retraite à taux plein à 60 ans. Nous proposons ainsi d'indexer les retraites sur l'évolution moyenne des salaires bruts, de garantir une retraite au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années dans le privé - ou des six derniers mois dans le public - et de prendre en compte les primes et les heures supplémentaires dans le calcul des pensions.

L'augmentation des petites retraites est un impératif social. Le minimum contributif devrait être porté à 63 % du SMIC brut, comme à sa création, et le taux de réversion à 60 %. Pour corriger les effets des mesures Balladur, il faut garantir le droit de partir avec une retraite à taux plein dès 60 ans, avec 37 annuités et demie. Les périodes non travaillées correspondant aux études, aux contrats d'insertion, à la recherche du premier emploi et au chômage doivent être validées gratuitement. Par ailleurs, nous n'acceptons aucune décote des pensions.

Il faut également prendre en considération les situations particulières. Ainsi, les salariés ayant exercé des travaux pénibles doivent pouvoir faire valoir leur droit à la retraite à taux plein dès 55 ans. Il en est de même pour tout salarié totalisant quarante annuités, même avant 60 ans. Mais vous n'avez retenu qu'une infime partie de la proposition de loi de notre groupe, qui concernait 800 000 personnes alors que votre projet n'en touche que 180 000... Enfin, les personnes ayant eu à charge un handicapé ou une personne âgée dépendante doivent bénéficier de mesures particulières.

Nous assumons les coûts que ces propositions induisent, et vous avons exposé des solutions de financement nouvelles et progressistes tout au long du débat. Vous, au contraire, vous n'assurez pas le financement de votre réforme. Vous repoussez même cette question à 2008... Le besoin de financement des retraites pose le problème de la répartition de la richesse produite par le travail. Il faudra bien dépasser un jour l'idéologie selon laquelle il convient de baisser les dépenses publiques pour relever l'emploi et la croissance. La part des salaires dans la valeur ajoutée a déjà chuté de plus de dix points, pour s'établir à 57,2 %, avec pour résultats une croissance faible, du chômage et des déficits publics explosifs. Aux Etats-Unis, la part des salaires a chuté à 65 %, tandis que le chômage repartait à la hausse, et dans l'Union européenne elle est passée à 67,5 % - en moyenne - et s'est assortie de chômage et de pauvreté.

Nous sommes devant un véritable choix de société. Qui doit prendre en charge le besoin de financement des retraites ? La condition sine qua non est de sortir du dogme libéral selon lequel tout impôt est par définition une charge insupportable, surtout pour les entreprises. Les réductions d'impôt sur le revenu, qui vont atteindre 30 milliards d'ici à 2006, équivalent ainsi au total des besoins de financement pour les retraites des trois fonctions publiques !

Nous ne pourrons réformer notre système qu'en nous appuyant sur une véritable politique de l'emploi et des salaires. Dans cette perspective, nous avançons l'idée d'une refonte globale du financement de la sécurité sociale. L'assiette des cotisations sociales patronales doit notamment être modulée pour favoriser la dynamique de l'emploi et la création de richesses. C'est une réforme structurelle décisive.

Enfin, il est inadmissible que la finance soit exonérée de toute contribution sociale. Nous proposons donc une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des ménages, hors épargne populaire, à un taux identique à celui des salariés. Cela aurait représenté 70 milliards d'euros en 2000, en retenant un taux de 10,3 %. Si le système de financement des retraites ne saurait être assis sur les revenus financiers, qui sont par définition fluctuants, la taxation de ceux-ci procurerait des ressources immédiates et permettrait d'assécher le puits sans fond des placements spéculatifs. En outre, les stocks-options devraient être durement taxées. Les dirigeants des très grands groupes, qui militent activement pour la réduction des retraites, se font affilier par leur entreprise à des « caisses de retraite supplémentaire » qui leur garantissent 75 à 85 % de leur dernier salaire ! Je suggère à la mission d'information de l'Assemblée, présidée par M. Clément, de s'y intéresser de plus près...

Votre projet considère le financement des retraites comme un gâteau à partager. Nous préférons opérer des réformes structurelles pour agrandir le gâteau. Au final, l'emploi et la formation, améliorés, garantiraient les retraites par répartition, qui serviraient elles-mêmes la croissance. C'est à ce prix que nous pourrons envisager sérieusement une réforme qui se construise avec les travailleurs et les salariés de notre pays, et non contre eux.

Vous avez obstinément refusé de rouvrir les négociations avec les organisations syndicales majoritaires. Vous avez eu tort. Je persiste à proposer un Matignon des retraites : il n'est jamais trop tard pour bien faire. Messieurs les ministres, vous disposez d'une majorité écrasante, ici comme au Sénat. Mais votre projet s'oppose aux aspirations de nos concitoyens comme à l'histoire de notre pays. Vous vous inspirez de modèles étrangers qui ne font pourtant pas référence, telles l'Angleterre, l'Espagne ou l'Allemagne. Les réformes de M. Schröder, que ce soit en matière de retraite - on parle d'un âge de départ à la retraite de 67 ans - ou de santé, ne constituent pas un modèle social. Vous avez sapé les fondements même de notre spécificité : le dialogue social et la solidarité entre les générations. C'est un projet contre nature que vous proposez à notre société.

Le projet de réforme des retraites, qui nous revient à l'issue de six semaines de débats et d'une commission mixte sans surprise, où les députés communistes n'ont pas eu le droit de siéger, n'est ni juste, ni équitable.

M. le Rapporteur - Il y avait un sénateur communiste !

M. Alain Bocquet - Notre investissement dans le débat méritait que nous soyons représentés ! Les parlementaires communistes se sont attachés à faire barrage à ce texte et à faire valoir leurs propositions alternatives. Après nous avoir accusés d'obstruction, chacun a été amené à reconnaître que le débat a été sérieux, constructif et utile.

M. le Rapporteur - Mais néanmoins obstrué !

M. Alain Bocquet - Un journal titrait ce matin : « Voté, le dossier des retraites n'est pas clos ». Nous ne le renvoyons pas, pour notre part, à l'échéance de 2007 : nous poursuivrons le combat sans attendre, aux côtés du monde du travail et de la création, qui souffre de votre politique ultra-libérale et qui n'entend pas se laisser faire. Sachez que le mouvement populaire n'a pas dit son dernier mot. Devant tant d'hostilité, il est du devoir du Président de la République de surseoir à la promulgation de cette loi et d'écouter le peuple souverain par la voie du référendum (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). En vérité, vous en avez peur ! (Mêmes mouvements) Le groupe de M. de Courson avait certes avancé l'idée d'un référendum, mais de façon bien timide...

M. le Président - M. de Courson est un grand timide (Sourires).

M. Alain Bocquet - Sauf en voiture ! (Mêmes mouvements)

Pour toutes les mesures que j'ai dites, nous demandons à l'Assemblée de voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je ne vois rien, dans le discours de censure du président Bocquet, qui puisse justifier le refus de débattre de la réforme des retraites. Son argumentation est cohérente avec sa pensée politique, même si celle-ci l'isole de plus en plus de la réalité et du reste du monde (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Selon lui, les entreprises seraient taxables à l'infini, et tout problème social aurait sa réponse fiscale ! J'admire votre ténacité, Monsieur Bocquet, mais je plains votre solitude (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Votre effort pour présenter des contre-propositions, fussent-elles irréalistes, ne vous autorise pas à caricaturer le projet du Gouvernement, en prétendant en particulier, qu'il mettrait fin au système par répartition pour ouvrir grandes les portes à la capitalisation.

En vérité, le groupe communiste, comme l'opposition en général, aurait rêvé d'un grand et beau débat contre les fonds de pension. Mais, faute de fonds de pension dans le projet, vous moulinez dans le vide contre des ennemis imaginaires ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Si le Gouvernement avait voulu ouvrir la voie à la capitalisation, il serait resté, comme vous ces cinq dernières années, passif face à la dégradation du montant des pensions et au développement de tous les produits d'épargne imaginables ! Nous avons au contraire décidé de sécuriser le régime par répartition, et le meilleur moyen de soutenir la répartition est de repousser la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Xavier Bertrand - Quelle que soit l'action que l'on compte mener à la rentrée, il y a bien lieu de débattre et de délibérer. Nous avons choisi la voie de la pédagogie pour expliquer les avancées sociales de cette réforme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), et pour répondre aux nombreuses questions que se posent les Français après des mois et des mois de désinformation.

Nous assumons les choix que nous avons faits, et au nom desquels nous repousserons votre question préalable, vous épargnant du même coup de commettre une erreur politique en bloquant la réalisation d'une avancée sociale que vous aviez vainement réclamer à vos partenaires socialistes lorsqu'ils étaient au pouvoir...

Surtout, en décidant de délibérer, nous évitons le pire, c'est-à-dire le statu quo et l'absence de réforme, qui auraient provoqué selon le COR lui-même, une chute de moitié des pensions de retraite en 2040, l'augmentation drastique des cotisations, ou encore l'allongement de neuf ans de la durée de cotisation. Grâce à cette réforme, aucun de ces scénarios catastrophe ne verra le jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Charles de Courson - « S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là » : tel pourrait être le slogan du parti communiste sur les retraites (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). A la différence du PS, le PC est constant dans l'erreur : selon lui, il ne faut pas réformer les retraites, mais abaisser encore l'âge de départ et augmenter encore les cotisations, en faisant payer « le capital » - même si l'on ne sait pas très bien ce que c'est (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) - et en asseyant les cotisations sur la valeur ajoutée.

Or, qu'est-ce que la valeur ajoutée ? C'est la somme des salaires, des amortissements et des bénéfices. Et toutes les études montrent qu'une telle réforme de l'assiette provoquerait une explosion du chômage, car les secteurs les plus capitalistiques, ceux qui font le plus de bénéfices, sont aussi ceux qui créent le plus d'emplois (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Jeune magistrat à la Cour des comptes, j'avais d'ailleurs réussi à persuader M. Bérégovoy, lorsqu'il était ministre des affaires sociales, que cette idée était une énorme erreur (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Les propositions communistes entraîneraient une explosion des cotisations, des impôts, et du chômage, dont les premières victimes, mes chers collègues, seront, une fois de plus, les Français les plus défavorisés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Elles isoleraient, en outre, la France de tous ses partenaires européens (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'UDF, qui a toujours été pro-européenne et qui soutient la présente réforme, votera contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Le groupe socialiste votera la question préalable (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Tout au long de ce débat, nous n'avons pas cherché à faire de l'obstruction (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais à faire _uvre de pédagogie, à se montrer constructif, votant même certains articles du projet.

Reste que, comme le Président de la République l'a lui-même reconnu le 14 juillet, votre dispositif n'est pas financé : sur 43 milliards d'euros nécessaires à l'horizon 2020, vous n'en apportez que 18 ! Votre refus dogmatique d'augmenter les prélèvements obligatoires pèsera sur les générations futures, car il faudra bien « passer à la caisse » en 2008 ! Si vous aviez accepté d'augmenter dès aujourd'hui les cotisations sociales de 3 %, vous auriez « lissé » les effets de ce relèvement inéluctable.

S'agissant des modes de financement non contributifs, force est de reconnaître que le travail ne pourra financer à lui seul toute la protection sociale. Nous avons eu le courage, en 1990, de créer la CSG, qui a permis de sauver la sécurité sociale. Pourquoi ne pas faire de même pour les retraites ?

M. de Courson caricature les propositions qui ont été faites concernant la valeur ajoutée. Il serait certes dangereux d'asseoir l'ensemble des cotisations salariales sur la valeur ajoutée, mais une partie des prestations non contributives pourrait être financées de cette façon.

Enfin, c'est l'emploi qui conditionne la réussite de toute réforme. Or, cette année, le nombre de chômeurs s'est accru de 200 000, et ce n'est pas fini : Altadis vient d'annoncer 1 500 suppressions d'emplois ! Comment garantir l'avenir des retraites sans une politique dynamique de l'emploi ?

Nous proposons, pour notre part, un système de départ progressif et choisi, tandis que vous mettez fin à tous les dispositifs de cessation progressive d'activité. La pénibilité n'apparaît pas non plus dans votre texte, sauf à l'article 12 et M. Chérèque a reconnu, dans une interview accordée au Monde que vous étiez très en retrait sur cette question.

Vous n'avez rien fait, en outre, pour garantir le financement à long terme des régimes de retraite ; vous avez notamment refusé d'abonder le fonds de réserve.

Quant à la « négociation » dont vous vous gargarisez, elle s'est tenue dans la nuit du 15 au 16 mai, et a duré huit heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Vous n'y étiez pas !

M. Pascal Terrasse - Huit heures de négociation pour un texte que vous-même, Monsieur le ministre, présentez avec arrogance (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) comme le plus important depuis la fin de la guerre !

Huit heures de négociation avec les partenaires sociaux, et cent soixante heures de débat dans l'hémicycle : nous aurions préféré le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat - M. Bocquet a évoqué un processus de démolition. Heureusement pour lui que les vacances arrivent, car il semble avoir des troubles de lecture : il s'agit en vérité d'un processus de construction et de sauvegarde.

C'est le statu quo, au contraire, qui aurait mis en faillite le système par répartition, car rien n'est pire que l'immobilisme. Nous avons écouté, nous avons posé des diagnostics, fait des propositions et nous allons maintenant voter. L'UMP travaille pour l'ensemble des Français...

M. Jacques Desallangre - Surtout pour le Medef !

M. Denis Jacquat - ...et veut un réel progrès social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bocquet a critiqué la réforme Balladur de 1993. Je suis quant à moi très heureux de l'avoir votée : sans elle, notre système se serait, passez-moi l'expression, « cassé la figure ». Je note, de surcroît, que la précédente majorité ne l'a pas remise en cause...

En tant que rapporteur de l'assurance vieillesse, j'ai bien souligné que le minimum contributif n'était pas le minimum vieillesse et qu'il convenait de le revaloriser, car il n'est pas normal que quelqu'un qui a travaillé touche moins que s'il n'avait pas travaillé. Une fois de plus, l'UMP tient ce qu'elle promet (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Notre projet est global et évolutif ; il s'appuie sur les travaux du COR, sur les expériences européennes, sur les nombreuses réunions de travail tenues avec les partenaires sociaux, et de nombreuses personnalités de sensibilité de gauche, de plus, l'ont approuvé.

M. Jacques Desallangre - Et surtout le Medef !

M. Denis Jacquat - Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Personne ne s'étonnera que le groupe communiste et républicain vote la question préalable tant cette mauvaise réforme va aggraver les conditions de vie des salariés et des retraités.

Vous vous inquiétiez, Monsieur le ministre, de la solitude du parti communiste. Mais nous ne sommes pas seuls : 60 % des Français désapprouvent votre réforme, et de très nombreuses organisations et associations appuient nos propositions.

Comme nous le disions tout à l'heure, nous reparlerons des retraites à la rentrée. Nous veillerons à ce que le mouvement de protestation s'amplifie encore, d'autant que nous serons confrontés à la même politique concernant le financement de la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Luc Préel - Nous voici enfin au bout de ce marathon parlementaire. L'UDF votera ce projet, qui constitue un pas important pour la sauvegarde de notre régime de retraite, et félicite le Gouvernement, en particulier les deux ministres qui se sont courageusement impliqués.

Notre système de retraite est au c_ur de notre pacte républicain. Il est fondé sur la répartition, la solidarité entre actifs et inactifs mais aussi entre les différents régimes. Or, il est en péril car confronté au papy boom - 850 000 personnes arriveront à l'âge de la retraite à partir de 2005 au lieu de 500 000 - et à l'allongement de la durée de la vie - un trimestre par an.

La réforme proposée complète celle de 1993. Les gouvernements précédents ont perdu trop de temps. Leurs représentants ou leurs soutiens auraient dû avoir la décence de faire preuve de modestie, même si certains, parmi leurs leaders, ont reconnu le bien-fondé d'une réforme que tous les pays européens, confrontés aux mêmes problèmes, ont déjà entreprise.

Le Gouvernement, après une phase d'explication et de concertation, a présenté au Parlement un projet qui tend vers l'égalité et qui comprend de nombreuses améliorations : harmonisation des durées de cotisation d'ici à 2008 ; partage de l'espérance de vie gagnée entre temps de travail et temps de retraite ; mise en _uvre à terme, dans le secteur public, d'une décote et d'une surcote identiques à celles du privé ; indexation pour tous de la retraite sur les prix, de façon à garantir le pouvoir d'achat. Le Gouvernement veut ainsi maintenir un haut niveau de retraite, pour permettre à ceux qui ont contribué à la richesse du pays de bénéficier d'un temps de retraite de qualité.

Nous saluons donc la garantie d'une pension de 85 % d'un SMIC net pour les salariés rémunérés au SMIC, mais également la diminution de la décote du privé - de 10 % à 5 % par an -, la prise en compte des carrières longues avec possibilité de partir à la retraite entre 56 et 59 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans, la création d'une surcote de 3 % par an pour ceux qui continueraient à travailler, la possibilité de rachat de trois années d'études, la création d'une retraite complémentaire des fonctionnaires basée sur une partie des primes, l'amélioration de la retraite des polypensionnés, l'amélioration de la situation des conjoints survivants - puisque la pension de réversion sera versée sans condition d'âge.

Cependant, ce projet comporte des lacunes. Ainsi, il ne traite pas des régimes spéciaux dont le besoin de financement en 2020 sera de 13 milliards d'euros par an, laissés à la charge de la solidarité nationale, et donc de tous les Français. On ne peut leur expliquer que la réforme concerne tout le monde alors qu'elle laisse de côté, en vérité, les régimes les plus favorables, dont l'UDF préconisait la mise en extinction. De fait, ce projet n'est pas totalement équitable, puisque les taux de cotisation demeurent différents, l'âge de départ à la retraite à taux plein demeure plus favorable pour certains, et que le salaire de référence pour le calcul de la retraite - six derniers mois pour les uns, vingt-cinq meilleures années pour les autres - permet toujours les promotions « coup de chapeau ».

Le projet, s'il améliore le financement et réduit le déficit prévisionnel, n'assure pas l'équilibre financier sauf à espérer une très forte croissance économique et une très forte diminution du chômage. Sans doute sera-t-il nécessaire de prévoir une augmentation des cotisations plus importante, afin de permettre le maintien du niveau des pensions. Il ne démontre pas non plus clairement comment améliorer l'employabilité des plus de 50 ans, et mettre fin à ce qui est un gâchis pour les individus comme pour la société. Enfin, il aurait dû s'accompagner d'une mise en perspective de la politique familiale, essentielle pour l'avenir démographique du pays et donc pour les retraites.

L'UDF souhaite renforcer la démocratie sociale en donnant aux partenaires sociaux la place qui leur est due. Ils ont montré leur compétence et leur responsabilité dans la gestion de l'UNEDIC et des régimes complémentaires. Nous avons donc proposé que la caisse du régime général des salariés ait enfin une réelle autonomie, et qu'elle puisse notamment décider des cotisations, des prestations, et de la valeur du point. Dans le même esprit, nous avons souhaité la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat, gérée paritairement.

L'UDF préconise l'instauration d'une retraite à la carte et préconise donc un système par points permettant d'accorder des bonifications pour ceux qui ont fait des métiers pénibles, pour ceux qui continuent à travailler au-delà de l'âge légal, pour les mères de famille, et pour les accidentés de la vie.

Enfin, l'UDF souhaite plus d'équité et se prononce pour l'évolution, à terme, vers un régime de retraite universel.

Nos amendements n'ont pas rencontré un grand succès, y compris ceux qui permettaient d'améliorer le projet, notamment pour les conjoints survivants. La pension de réversion doit ainsi être au minimum au niveau de l'assurance veuvage et correspondre à un droit acquis au moment du veuvage, sans être remise en cause chaque année. Je pense que Denis Jacquat sera d'accord.

M. Denis Jacquat - En effet.

M. Jean-Luc Préel - Le projet aurait été également amélioré par la prise en compte des années travaillées en tant qu'apprenti ou qu'aide familial, ainsi que du service national, par le rachat possible de cinq années d'études ou de congé parental, et par la réalisation, promise de longue date, de l'égalité entre enseignants du privé et du public.

Cependant l'UDF a apprécié que quelques-unes de ses propositions aient été retenues : la mensualisation des retraites agricoles à compter du 1er janvier 2004, reprise par le Gouvernement et qui était à l'origine un amendement UDF ; l'exonération fiscale des cotisations de rachat d'années d'études ; la modification du régime de retraite des parlementaires, si chère à notre ami Charles-Amédée de Courson ; l'extension au régime agricole du départ à la retraite anticipé pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes.

L'UDF votera bien évidemment ce projet qui marque un pas important pour la sauvegarde de notre système de retraites, mais nous aurions aimé être davantage écoutés comme des partenaires. Cette réforme demandait du courage politique, le Gouvernement en a fait preuve. Elle exige un effort de chacun, mais ce n'est qu'à ce prix que nous sauvegarderons l'intérêt de tous : c'est cela l'équité et la solidarité.

Je remercie le Gouvernement et MM. Fillon et Delevoye, qui ont _uvré à cette réforme essentielle, et suis heureux de pouvoir enfin voter dans quelques minutes ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean Le Garrec - Monsieur le ministre, vous voilà au bout de votre tâche. Provisoirement, car nous aurons d'autres rendez-vous.

Une fois n'est pas coutume, je rejoins M. Accoyer, qui disait ce matin dans un quotidien que la loi ne serait jamais terminée. Eclair de lucidité !

Reprenant les termes de M. Fillon, je redirai combien nous avons apprécié le travail remarquable de Pascal Terrasse (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Il a parfaitement maîtrisé ce débat difficile, au terme duquel notre position s'est renforcée. Je trouve lassant d'entendre invoquer les positions d'hommes que je respecte infiniment - Michel Rocard, Jacques Delors - mais à qui il est arrivé de se tromper. Ils ne sauraient exprimer la position du parti socialiste, qui résulte d'un travail collectif (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Notre opposition à cette réforme est fondée sur une analyse précise de la réalité sociale. Bâtie pour l'essentiel sur l'allongement de la durée de cotisation, votre réforme ne résistera pas au temps.

M. Fillon n'est pas là, mais je vais lui répondre : il a qualifié de manière très déplaisante la pensée du parti socialiste de vide. J'ai mené ici des débats difficiles avec M. Accoyer, M. Barrot ou M. Mattei. Jamais je ne me serais autorisé un tel jugement de valeur. C'est inacceptable, et je suis prêt à en débattre avec M. Fillon quand il le voudra (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Qualifier notre pensée de molle, de vide, quand nous évoquons l'angoisse des salariés devant le chômage de masse - qui perdure depuis vingt-cinq ans en dépit de l'accalmie qu'a permise le gouvernement Jospin (Protestations sur les bancs du groupe UMP) -, devant la course à la productivité, qui fait du coût du travail la seule variable d'ajustement, devant le transfert des problèmes sur les sous-traitants et les PME-PMI, saignées à blanc ! Vous n'avez pas de politique de l'emploi : François Chérèque lui-même l'écrit ; il affirme que le Gouvernement attend tout de la reprise économique, tourne le dos aux politiques d'accompagnement social, baisse les charges sociales sans contrepartie en termes d'emploi pour les entreprises et nourrit l'obsession des baisses d'impôts, qui engendre l'épargne plutôt que la consommation.

Cessons ce débat absurde sur la perte supposée de l'intérêt au travail, que récuse le Conseil économique et social. J'ai vu à Lille des pancartes annonçant « Usine à vendre - ouvriers qualifiés - bas prix ». C'est cette réalité sociale que nous dénonçons, et vous parlez d'une pensée vide !

Ceux qui manifestent ne peuvent concevoir de travailler un, voire deux ans de plus pour toucher la même retraite. L'un de nos meilleurs spécialistes du travail dit que « le travail est maltraité » et qu'il faudrait commencer par réparer les torts qui lui sont faits. Selon une directrice de recherche au CNRS, les salariés veulent le respect des règles. Ils ont en effet un sentiment de rage, l'impression d'être floués. Personnellement, je ressens une angoisse collective et un sentiment républicain d'inquiétude.

« Pensée vide », alors que nous posons le problème de la complexité de la société ! Oui, il fallait débattre de l'équité entre le public et le privé, mais en prenant en compte les réalités complexes des trois fonctions publiques et les différences selon les métiers. Comment, par exemple, construire des carrières d'enseignants plus longues face aux nouvelles demandes sociales, alors que diminuent les budgets et les effectifs des aides-éducateurs ? Il faudrait fabriquer de nouvelles expériences professionnelles. C'est un travail considérable, qui bouscule les idées reçues et les rigidités statutaires, et dont le besoin se fait plus criant avec votre décision de ne pas remplacer tous les fonctionnaires qui partent à la retraite. Comment en gèrerez-vous les conséquences ? La réalité vous rattrapera !

Ce travail préalable n'ayant pas été fait, les inégalités vont se multiplier. 45 % des femmes cotisent déjà moins de cent trimestres. Quel niveau de retraite peuvent-elles espérer demain ? Le rachat d'années de cotisation ou l'épargne ne combleront pas la perte.

« Pensée vide », alors qu'il fallait d'abord négocier et non se contenter d'une concertation ! C'est assurément difficile, mais avec du temps un accord majoritaire des organisations syndicales aurait pu être trouvé. Vous avez laissé passer là une occasion historique.

Vous promettez de négocier, mais sur quoi ? Sur la garantie du niveau des retraites complémentaires ? Qui vous dit que cette négociation aboutira ? Sur la pénibilité ? Le chantier est à peine ouvert ! Sur l'employabilité des plus de cinquante-cinq ans ? C'est absolument nécessaire, mais contradictoire avec la politique menée par les plus grandes entreprises. Rien n'ayant été négocié au préalable, il est à craindre que votre édifice soit réduit à néant par l'échec des négociations. Voyez le cynisme brutal du baron Seillière : (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) « Cela va dans le bon sens, mais pas assez vite, pas assez loin... » Le Medef a refusé de participer aux travaux du COR qui ont posé le diagnostic. Maintenant que la loi va être votée, il est prêt à siéger au COR pour en surveiller l'application !

Voilà nos désaccords et aucun d'entre vous, Messieurs les ministres, n'a le droit de porter un jugement de valeur sur ce qui ressort de notre responsabilité fondamentale d'opposition.

Rapport au travail et politique de l'emploi, complexité de la société, concertation au lieu de la nécessaire négociation : ces points sont majeurs pour l'avenir.

En outre, votre projet n'est pas financé. François Hollande le disait à cette tribune, à peine 50 % du financement est assuré pour les fonctions publiques, à peine un tiers pour le privé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). S'y ajoute le risque du transfert du financement sur les allocations chômage, voire les arrêts maladie. C'est ainsi que la question sera tranchée !

A ceux qui sont poussés dehors avant quarante ans de cotisation par les entreprises, vous proposez de cotiser quarante et un ou quarante-deux ans ! Vous connaissez pourtant l'impasse : vous avez prévu d'ajouter 0,2 % de cotisation en 2003, 3 % en 2008 par un improbable transfert de l'UNEDIC.

C'est que Jean-Pierre Raffarin s'est enfermé dans la nasse. Baisse des impôts pour les plus favorisés, baisse de l'impôt sur les sociétés au profit des héritiers actionnaires minoritaires, dérapage des dépenses de santé. Malgré vos déclarations contradictoires, vous ne pouvez exclure une hausse de la CSG. Je comprends qu'il vous soit difficile d'avoir une vision à long terme et d'engager un débat sur le seul sujet qui vaille : quelle distribution de la richesse pour la protection sociale dans un pays qui doublera son PIB dans les trente prochaines années ? Les chiffres du COR pouvaient servir de base à une véritable réflexion : sept points supplémentaires sur le PIB entre 1960 et 2000 ; il en faudrait 6,5 entre 2000 et 2040. C'est possible à condition de poser le problème. Le débat est engagé par Futuribles ou la Fondation Copernic. Vous faites comme s'il n'en était rien. Les statisticiens CFDT et CGT de l'INSEE ont écrit que ce projet ne pouvait sauver la retraite par répartition.

Nous avons fait dans ce débat des propositions de financement très précises...

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vrai !

M. Jean Le Garrec - Si, relisez mon intervention ! Mais aucune de ces propositions n'a pu se traduire en amendement car elles sont tombées sous le coup de l'article 40.

Je ne peux m'empêcher de m'interroger : auriez-vous un autre projet ? S'agit-il de réduire la part de la retraite par répartition pour ouvrir le champ de la capitalisation ?

Une société ne peut se réduire à l'addition de contraintes et obligations : elle a besoin d'une lecture de l'avenir, sinon elle se rétracte.

Comme l'écrit mon vieux maître, André Gorce, dans l'Immatériel, « qui donc mènera la nécessaire bataille de l'esprit ? » Cette bataille, nous la poursuivrons dans les mois et les années à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat - Ce débat marquera la législature, tant par sa durée exceptionnelle que par les passions qu'il a déchaînées sur certains bancs de cet hémicycle.

Malheureusement, les discussions n'ont pas toujours été à la hauteur de l'enjeu que représente la réforme de notre système de retraite. Nous avons en effet, grâce à l'opposition, eu droit, à une révision en profondeur du Règlement de notre assemblée.

En dépit de leur longueur, ces débats, n'ont pas permis de dessiner un projet alternatif à la réforme proposée. Le recours à l'impôt, la taxation des bénéfices des entreprises sont autant d'alibis pour le maintien du statu quo, sans parler des effets négatifs d'une hausse des prélèvements obligatoires sur le pouvoir d'achat des actifs, et en particulier sur les bas salaires.

Cette réforme est légitime parce qu'elle est juste : elle s'appuie sur un effort partagé de l'ensemble des Français. Equité entre les générations, d'abord : le projet garantit le niveau des pensions sans faire peser sur les actifs une charge excessive. Equité également entre les salariés : l'opinion publique ne comprendrait pas que certaines catégories soient exemptées de l'effort collectif.

Contrairement à ce que prétend l'opposition, le projet ne se limite pas à une approche comptable. Il faut, à ce sujet, saluer la contribution des partenaires sociaux, qui ont enrichi ce texte. Cette réforme des retraites aura permis de consacrer une méthode, celle du dialogue social (« Ah oui ! ?» sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Dès le mois de janvier, les discussions ont commencé et à aucun moment elles n'ont été rompues. Il faut rendre hommage au sens de la responsabilité des syndicats, y compris de ceux qui ont décidé de ne pas approuver la réforme, mais qui ont joué le jeu. Ils ont participé à l'élaboration de ce projet qui met fin à certaines injustices et améliore les garanties offertes aux Français - en particulier aux salariés aux revenus modestes, puisque le minimum contributif va augmenter dès l'année prochaine et qu'il n'y aura plus de pension inférieure à 85 % du SMIC en 2008 pour une carrière complète.

Autre disposition favorable aux salariés, la décote appliquée dans le régime général va être réduite pour atteindre 5 % par annuité manquante en 2013, contre 10 % actuellement.

L'opposition a fait de la prise en compte de la pénibilité son nouveau cheval de bataille, nous reprochant de passer sous silence cette notion. C'est faux. Seulement nous pensons que c'est aux partenaires sociaux d'engager cette réflexion. Le projet leur fixe un délai de trois ans, le Gouvernement pouvant ensuite reprendre leurs propositions dans un texte de loi.

D'ores et déjà un geste fort est fait pour tous les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, souvent dans des métiers pénibles. Ils pourront désormais percevoir leur retraite avant 60 ans, s'ils ont la durée d'assurance nécessaire. C'est une demande ancienne qui est enfin prise en compte et je m'étonne encore de l'amendement de suppression déposé par les députés du groupe communiste en première lecture, d'autant que le dispositif initial a été amélioré par la prise en compte des périodes de service national.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous sommes d'autant plus satisfaits que nous avons le sentiment d'avoir contribué à enrichir ce texte. Le travail de terrain accompli pendant des mois nous a permis de mesurer les inquiétudes et attentes des Français et d'en tenir compte.

Sur les pensions de réversion, sujet évoqué par M. Préel, président du groupe d'études sur les conjoints survivants, de nombreuses avancées ont été obtenues, et en tant qu'ancien rapporteur de la branche vieillesse du PLFSS, je ne peux que m'en féliciter. Ainsi, nous sommes revenus sur une mesure adoptée par le précédent gouvernement qui pénalisait les veuves et les veufs ayant eu au moins trois enfants. Les conjoints survivants de chefs d'exploitation agricole pourront bénéficier d'une pension de réversion complémentaire. Enfin, dans la fonction publique, il n'y aura pas de décote sur la pension de réversion quand c'est le décès de l'assuré qui l'a empêché de réunir le nombre de trimestres nécessaires.

Autre dossier sur lequel nous avons obtenu satisfaction, celui des handicapés, grand chantier du Gouvernement. L'accès à la retraite est source de préoccupation pour les salariés atteints d'un handicap, car celui-ci les pénalise dans leur déroulement de carrière. Le travail remarquable effectué par nos collègues sénateurs a permis l'adoption d'un amendement ouvrant le droit à la retraite anticipée pour les personnes lourdement handicapées. Les fonctionnaires handicapés, qui sont nombreux à temps partiel, auront également la possibilité d'améliorer leur pension en cotisant sur un équivalent temps plein pendant huit trimestres au lieu de quatre. Les associations ont salué ces dispositions, qui complètent celles adoptées en première lecture à l'Assemblée en faveur des parents d'enfants handicapés. Désormais, ils pourront majorer leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de 30 mois, dans la limite de deux ans. En outre, le bénéfice de l'assurance vieillesse et de l'allocation vieillesse des parents au foyer a été étendu aux conjoints, aux descendants ou aux proches d'un adulte handicapé.

La question des avantages familiaux a fait l'objet d'un débat de qualité. Il fallait concilier les exigences de la législation européenne et une politique familiale dynamique, essentielle pour financer les retraites de demain. Je salue le travail remarquable de notre rapporteur, Bernard Accoyer, qui a permis l'adoption d'un amendement attribuant aux femmes fonctionnaires une majoration de durée d'assurance de six mois, ceci avec l'approbation du rapporteur de la commission des finances, Xavier Bertrand.

Le débat nous a permis également de mesurer les attentes des Français dans plusieurs domaines essentiels, qui devront être au c_ur de l'action du Gouvernement dans les prochains mois.

Je pense, en particulier, à l'accès à l'emploi des salariés de plus de 50 ans. La fin de carrière se résume trop souvent, en France, par une période de chômage, suivie de la préretraite. Cette logique n'est plus soutenable du fait de l'évolution démographique qui va confronter les entreprises à un problème d'encadrement. Il nous faut donc changer les mentalités et les comportements.

Plusieurs dispositions du texte visent à relever ce taux d'activité : recentrage des préretraites sur les métiers à forte pénibilité et en cas de restructurations ; assouplissement des règles de cumul emploi-retraite ; report à 65 ans de la mise à la retraite par l'employeur.

Mais notre priorité doit être de favoriser l'accès à la formation professionnelle afin que, passé 50 ans, un salarié ait toujours la possibilité d'acquérir de nouvelles connaissances pour demeurer compétitif. Les partenaires sociaux ont engagé depuis plusieurs mois des négociations sur ce sujet et nous souhaitons tous qu'ils parviennent à un accord. En tout état de cause, le Gouvernement prendra ses responsabilités, dès l'automne, en présentant un projet qui pourrait reprendre les termes de cet accord.

La réforme des retraites aura également montré la nécessité de revoir les règles de la négociation collective afin de faire émerger la démocratie sociale dont notre pays a besoin. Nous avons pu mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir pour bâtir une culture de la réforme et je salue l'engagement de François Fillon sur ce dossier.

Enfin, comme notre rapporteur Bernard Accoyer l'avait rappelé, l'avenir de notre système de retraite passe par une politique familiale dynamique : sans une natalité suffisante, ce système fondé sur la solidarité entre les générations ne saurait perdurer. Il est donc indispensable de poursuivre nos efforts, notamment pour permettre de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

L'avenir de nos retraites exigeait une volonté politique forte. Pendant de trop nombreuses années, l'immobilisme a prévalu. Nous avons refusé cette facilité, conscients que les principaux perdants du statu quo seraient, comme toujours, les salariés les plus modestes. Mais nous avons aussi refusé les faux-semblants de la précédente législature, la multiplication de groupes de travail et des rapports (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Il y a ici des intermittents de l'hémicycle qui parlent sans connaître le sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

C'est à l'honneur de ce gouvernement et de sa majorité d'avoir eu le courage d'accomplir cette réforme, certes difficile, mais qui renforce la solidarité entre les générations. En sécurisant le niveau des pensions, en allongeant la durée de cotisation, non seulement nous avons garanti l'avenir de nos retraités mais nous avons allégé le fardeau des jeunes actifs.

Bien entendu, nous n'avons pas tout réglé. La réforme amorce un processus de révision en continu, en fonction des changements de notre société et de notre économie. Des rendez-vous réguliers sont prévus, qu'il s'agisse de la fixation de la durée de cotisation ou de l'évaluation du pouvoir d'achat des retraités. Rien n'est inscrit dans le marbre et cette capacité d'évolution constitue l'une des garanties de la réussite. De plus, des négociations importantes vont s'ouvrir sur la pénibilité et sur l'accès à l'emploi des salariés seniors ; les députés du groupe UMP seront particulièrement vigilants sur ces sujets et se réjouissent que les travaux du COR soient appelés à alimenter leur réflexion.

Au moment où nous nous apprêtons à prendre nos responsabilités en votant ce projet de loi, je souhaiterais bien évidemment remercier les ministres, François Fillon pour les affaires sociales et Jean-Paul Delevoye pour la fonction publique, qui, par leur détermination et leur sens de l'écoute, ont permis à cette réforme d'aboutir. De leur côté, les députés ont essayé d'enrichir ce texte et je salue en particulier le travail accompli par les rapporteurs des commissions, Xavier Bertrand pour les finances, François Calvet pour la défense, Claude Greff pour la délégation aux droits des femmes et, bien entendu, Bernard Accoyer pour les affaires sociales. C'est avec la sincère conviction que nous avons _uvré pour l'ensemble des Français que le groupe UMP votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - A l'issue d'un passage au Sénat qui a tout fait pour préserver l'équilibre du texte et d'une CMP sans surprise au sein de laquelle nous n'avons pas eu le droit de siéger, ce projet souffre toujours des mêmes critiques.

Nous attendions des adaptations de nos régimes de retraite répondant au triple objectif de respecter le dialogue social, de relever le défi démographique et de corriger les effets iniques des dispositions prises par le passé. Hélas, érigeant la surdité en vertu politique, vous avez poussé encore plus loin les feux de l'ultralibéralisme, faisant fi des aspirations profondes de notre société et des attentes qui se sont exprimées lors des mouvements sociaux du printemps.

Nos concitoyens ont manifesté leur volonté que s'engagent de véritables négociations, leur refus qu'on casse le droit à la retraite à 60 ans et qu'on leur fasse supporter tous les sacrifices financiers, enfin leur rejet de la capitalisation. Ils ont su décrypter le véritable objectif de votre texte, en dépit de votre campagne d'information machiavélique qui a multiplié les contrevérités.

C'est une dégradation sans précédent des pensions de retraite de 20 à 30 % qui va en réalité être adoptée. La troisième partie de l'existence ne pourra plus être considérée comme une libération, comme du temps pour soi et les siens, mais deviendra une période de vie extrêmement précaire. L'allongement de la durée de cotisation, l'indexation des pensions sur les prix et l'ouverture aux fonds de pension vont abaisser le niveau de vie des retraités et offrir sur un plateau aux institutions financières la manne de la protection sociale.

Vous avez tenté de décrédibiliser toutes les propositions alternatives, en usant d'artifices pour imposer cette réforme de régression sociale, qui est fondamentalement injuste et inéquitable. L'allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier du taux plein contraindra beaucoup de salariés du public, comme du privé, à cesser leur activité avant de l'avoir atteinte. La proratisation et la décote feront baisser fortement le niveau des retraites. Les femmes, davantage concernées par les interruptions de carrière et la précarité de l'emploi, seront les premières victimes.

Prétendant sauver le système par répartition, vous l'affaiblissez pour mieux exiger dans quelques années sa disparition complète. Si vous aviez vraiment eu le souci de préserver notre système, vous n'auriez pas forcé les salariés à travailler plus longtemps alors que les seniors sont les premières victimes des suppressions d'emplois, vous n'auriez pas entériné la baisse du niveau des pensions engagée par M. Balladur, et, surtout, vous n'auriez pas introduit la capitalisation qui viendra inévitablement phagocyter la répartition.

A l'inverse, vous auriez accepté nos propositions alternatives visant à assurer un haut niveau de pension, le droit à la retraite à taux plein à 60 ans et une pension égale au salaire pour les salariés au SMIC, en reconnaissant les droits que les salariés se sont acquis par leur contribution à la richesse nationale.

Nous avons fait des propositions de financement, sauf qu'elles touchent au porte-monnaie de ceux qui vous soutiennent, et qui guident votre politique, Messieurs les ministres ! Je pense particulièrement au Medef (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Alors, la solidarité et l'effort partagé sont des vocables bannis !

Pour votre part, vous faites supporter 91 % du coût de votre réforme aux salariés et vous prenez le pari d'une baisse sensible du chômage, alors que nous n'en prenons pas du tout le chemin. Et quand je vois des collègues de la majorité déposer une proposition de loi pour supprimer le rôle de l'inspection du travail, je suis confortée dans mon pessimisme quant aux bienfaits de votre politique de l'emploi.

Vous ruinez les chances de sauver notre système de retraite parce que vous refusez d'engager une action volontaire pour lutter contre le chômage et la précarité. Vous ne prenez aucune mesure sérieuse pour contraindre les employeurs à changer d'attitude vis-à-vis des salariés âgés. Vous vous en remettez exclusivement aux partenaires sociaux s'agissant de la pénibilité du travail et de la formation professionnelle, grandes absentes de votre réforme.

Ainsi, à l'issue de près de deux mois de travaux parlementaires, cette réforme demeure inacceptable. C'est une réforme partisane, qui préserve les intérêts de quelques-uns et enfoncera encore un peu plus les plus fragiles dans la précarité, et qui aura été adoptée à l'abri de tous les regards en fin de session extraordinaire, et en pleine période estivale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Ce jeudi 24 juillet, la majorité UMP signe la fin de la répartition, la fin de la retraite à 60 ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et la fin de la spécificité de certains de nos régimes (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Une réforme d'envergure aurait pu être envisagée, soucieuse de la solidarité entre les générations et de la cohésion nationale et s'inscrivant dans la ligne de celles du siècle dernier. Elle n'aura pas lieu à la fin de ce « temps du Parlement », mais la partie n'est pas finie. Le peuple français a le droit de s'exprimer. Pour que cette réforme soit crédible, il appartient au chef de l'Etat et au Gouvernement de la soumettre au référendum.

Le Premier ministre a dit qu'il espérait que la réforme des retraites ne serait pas une victoire des uns contre les autres et qu'il n'y aurait pas de cicatrice après la contestation à laquelle elle a donné lieu. Mais l'injustice et les inégalités sont, dans ce pays, une plaie béante que vous ne faites rien pour refermer. Il y aura donc des cicatrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en venons au texte de la CMP. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.

M. le Ministre - L'amendement 4 concerne l'article 16. Le Sénat avait adopté un dispositif, confirmé en CMP, qui accorde une surcote aux personnes qui remplissent les conditions de départ anticipé mais qui décident de rester en activité. Cette mesure est conforme à notre objectif d'allongement de la durée d'activité, mais elle pose des problèmes d'application et d'équité. Le Gouvernement avait attiré l'attention de la Haute Assemblée sur les difficultés de gestion qui se poseraient. La commission des affaires sociales avait donc accepté d'en reporter l'entrée en vigueur au 1er janvier 2006, mais un examen plus approfondi a confirmé ces difficultés d'application : s'agirait-il, par exemple, d'un droit accordé en tout état de cause, ou seulement sur demande de l'assuré ?

Outre les difficultés de mise en _uvre, trois raisons de fond plaident contre cette mesure. D'abord, aucune disposition de même nature n'existe dans la fonction publique. La disparité de traitement avec le régime général serait alors caractérisée. Ensuite, le dispositif représenterait un surcoût important pour les régimes. Enfin, il serait difficile à articuler avec la surcote de l'article 17, qui ne s'applique qu'aux périodes accomplies après 60 ans par les personnes qui disposent des annuités nécessaires pour partir avec un taux plein. Un salarié ayant commencé à 17 ans, justifiant de quarante-trois annuités à 60 ans, ne bénéficiera de la surcote qu'à partir de 60 ans tandis qu'un salarié ayant commencé à 15 ans et ayant acquis quarante-deux annuités à 57 ans bénéficierait, selon le dispositif du Sénat, d'une surcote entre 57 et 60 ans. Les deux logiques sont difficilement conciliables.

Enfin, les salariés qui décideront de rester en activité malgré leur droit à une retraite anticipée seront récompensés par les points supplémentaires acquis dans les régimes de retraite complémentaire. Voilà pourquoi, après une longue réflexion, le Gouvernement souhaite la suppression de cette disposition, qui aura été néanmoins utile et pourra guider la réflexion dans l'avenir.

M. le Rapporteur - La CMP a effectivement validé cette disposition introduite par la Haute assemblée, mais elle était très divisée. Elle a rappelé que la revendication essentielle des salariés disposant de quarante annuités avant 60 ans était d'accéder à la retraite plus tôt ! C'est ce à quoi répond le projet de loi. Si cette disposition devait, malgré les difficultés d'application, être mise en _uvre, elle devrait par ailleurs être proposée aux régimes publics, ce qui compromettrait gravement leur équilibre et donc leur faculté de verser des retraites substantielles. Les salariés dont les carrières excèdent quarante ans se verront apporter, par le biais des retraites complémentaires, un supplément de pension qui est en soi-même une avancée importante. Nous attendons par ailleurs, Monsieur le ministre, que les articles 16 et 17 sur la surcote et les très longues carrières soient rendus cohérents.

La CMP, bien que divisée, avait validé la disposition sénatoriale, mais je suis sensible, à titre personnel, aux arguments du ministre, fondés sur l'intérêt général du système. Je m'y rallie donc.

M. Pascal Terrasse - Hier, un débat très intéressant a eu lieu en CMP. Il est clair que la surcote proposée par le Gouvernement ne s'appliquera pas aux salariés avant l'âge de 60 ans, même s'ils ont acquis quarante annuités auparavant. Le Gouvernement a fait miroiter la surcote tout au long du débat, mais les articles 10 et 16 modifiés mettent en évidence qu'elle ne s'appliquera qu'à une toute petite partie des salariés. Le ministre reconnaît d'ailleurs que le dispositif voté en CMP coûterait cher à la protection sociale... Mais on ne peut accepter le mauvais côté de la réforme, le dispositif de « malus », si l'on réduit, voire l'on supprime la contrepartie que représente le « bonus » ! Nous regrettons que le rapporteur et les députés de l'UMP reviennent sur un accord largement partagé au sein de la CMP et nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Je comprends les arguments du ministre, mais je regrette qu'il ait déposé cet amendement. Il serait juste que la surcote que nous instaurons bénéficie à tous les salariés qui travaillent plus de quarante ans, chaque année représentant une augmentation de 3 %. Le texte rédigé de cette façon est plus clair et plus équitable, et c'est pourquoi la CMP a abouti à un accord. Je regrette que vous souhaitiez revenir dessus. Tout au long du débat, j'ai défendu au nom de l'UMP un système de retraite par points. Je profite de l'occasion pour souligner qu'il réglerait ce problème...

M. Denis Jacquat - L'esprit de l'article 16 est de permettre aux personnes qui ont commencé à travailler très jeunes, souvent sans qualification et à des postes pénibles, de partir après quarante ans de cotisation. Je comprends les motifs des sénateurs, mais les personnes concernées ne peuvent plus continuer à travailler et ne souhaitent qu'une chose : partir à la retraite le plus rapidement possible !

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons déjà démontré que les personnes qui ont commencé à travailler à l'âge de 14, 15 ou 16 ans ne parviennent pas, pour l'essentiel, à cotiser quarante ans. Aussi est-il scandaleux de proposer une surcote au-delà de ces quarante années. Nous voterons contre cet amendement.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Les amendements 1 et 2 rectifié répondent au même souci, le premier concernant la fonction publique de l'Etat et le second la fonction publique hospitalière. Ils visent à rétablir une mesure votée par le Sénat en faveur de la mobilité des fonctions publiques. En effet, un fonctionnaire d'Etat en détachement dans la fonction publique territoriale ou hospitalière avec un traitement supérieur, ne peut actuellement cotiser pour sa pension que sur son corps d'origine, sauf exception. Ces amendements permettent à ces fonctionnaires de cotiser en fonction du salaire qu'ils reçoivent.

M. le Rapporteur - La CMP avait bien supprimé ces dispositions votées par le Sénat, à la demande du Gouvernement. Mais ce que vous venez de dire de la nécessité d'une mobilité des cadres fonctionnaires est à prendre en considération, surtout alors que s'ouvre une étape de décentralisation. D'ailleurs, de telles dispositions restent déjà dans la collectivité de Paris ou à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris.

Je suis donc favorable, à titre personnel, à ces amendements.

L'amendement 1 et l'amendement 2 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre de la fonction publique - L'amendement 6 tend à supprimer l'article 42 ter A qui définit le caractère interministériel du service des pensions. En effet, les dispositions relatives à l'organisation des services et au partage des compétences entre les ministères relèvent du pouvoir réglementaire, conformément à l'article 37 de la Constitution. Cela étant, nous veillerons, conformément à la demande du Parlement, à la transparence des flux financiers liés aux pensions.

M. le Ministre des affaires sociales - L'article 42 ter A a effectivement un caractère réglementaire, mais l'idée de fond est intéressante. La Cour des comptes a mis en évidence un manque de cohérence dans la gestion de nos régimes de retraite, du fait de l'absence de coordination entre la gestion du régime de la fonction publique d'Etat et les orientations mises en _uvre dans le secteur privé. Cette divergence est insupportable et doit être corrigée. La volonté de transparence du Parlement est claire et elle doit être respectée, même s'il convient de respecter la frontière entre la loi et le règlement.

M. le Rapporteur - La CMP a validé cet article introduit par le Sénat et dont le caractère réglementaire nous avait échappé. Pour autant, il est clair que le Parlement exige une véritable transparence sur les régimes de retraite et les flux financiers. Ce texte visant à renforcer l'équité, nous vous demandons, Messieurs les ministres, de veiller attentivement au respect de cette transparence. Sous cette réserve, j'accepte, à titre personnel de supprimer l'article 42 ter A.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 42 ter A est donc supprimé.

M. le Ministre des affaires sociales - L'article 52 institue un régime public de retraite additionnelle obligatoire, par répartition provisionnée et par points. Le Parlement a permis une cotisation facultative, en adoptant un amendement de M. Bertrand, et un plafond a été fixé. Cependant, l'amendement adopté par la CMP a dénaturé le dispositif, en doublant le plafond et en introduisant la déduction fiscale. Aussi l'amendement 3 tend-il à revenir au texte initial, en maintenant toutefois la notion de fraction maximale qui remplace judicieusement celle de limite au paragraphe I, et la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2005.

M. Xavier Bertrand - Nous nous sommes aperçu, hier, en CMP, que sur ce point, même si un accord s'était fait en CMP, la philosophie de l'Assemblée nationale était différente de celle du Sénat. Par ailleurs, les modifications apportées au titre du projet ont nuit à la clarté de l'ensemble.

La position du Gouvernement étant donc aujourd'hui la plus sage, je suis favorable à l'amendement 3.

M. Charles de Courson - Il est dommage que l'on revienne sur l'amendement de M. Bertrand. Le Gouvernement a indiqué qu'il plafonnerait, par voie de décret, à 20 % du salaire indiciaire la part des primes prises pour assiette dans le calcul du régime complémentaire. L'amendement de M. Bertrand avait l'avantage de porter ce pourcentage à 40. Le Gouvernement ne pourrait-il s'engager à porter ce taux à 25, ou 28 %, voire plus à l'avenir ? Un vrai problème se pose en effet pour les cadres fonctionnaires qui touchant des primes importantes quand ils sont en activité, voient leurs revenus chuter brutalement quand ils partent à la retraite.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre des affaires sociales - L'amendement 5 est de coordination compte tenu de l'amendement précédent.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Avant d'en venir aux explications de vote, je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du Règlement et je vais annoncer le scrutin dans l'enceinte du Palais.

M. Charles de Courson - Le groupe UDF votera le texte de la CMP, car cette réforme va dans le sens des valeurs défendues par notre famille politique.

Il maintient la solidarité sociale en préservant la retraite par répartition et améliore la justice sociale - mesures en faveur des handicapés et pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Il établit l'équité entre les secteurs privé et public et instaure le système de décote et de surcote, même si nous aurions préféré la mise en place d'un système à points.

Ce texte donne également plus de liberté à nos concitoyens : choix du départ à la retraite, développement d'un système d'épargne individuelle de type PREFON et du PPESVR.

Ce texte favorise également le développement de la démocratie sociale, même si nous aurions souhaité que les partenaires sociaux gèrent plus qu'ils ne le font actuellement les régimes de retraite.

Enfin, ce texte a le mérite de nous mettre au diapason des autre pays européens puisque la France était le dernier pays à ne pas avoir réformé son régime de retraite.

L'opposition, quant à elle, devrait se souvenir de Barcelone et de l'engagement pris par M. Chirac et M. Jospin d'augmenter de cinq ans l'âge effectif de départ à la retraite. Souvenez-vous de Lionel Jospin, ne l'oubliez pas trop vite ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Souvenez-vous de M. Rocard qui fut un Premier ministre issu de vos rangs. Souvenez-vous de Jacques Delors et ne rejetez pas vos amis qui disent la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pascal Terrasse - Le choix de société que constitue la réforme des retraites méritait une confrontation des projets. C'est d'ailleurs pourquoi le groupe socialiste a toujours refusé le blocage (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). A l'obstruction, nous avons en effet préféré la pédagogie (Rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous avons d'ailleurs voté tout ce qui constituait à nos yeux un progrès. A vos dispositions, nous avons opposé nos propres propositions. Mais à aucun moment, Monsieur le ministre, vous n'avez voulu entendre le moindre argument de l'opposition. Le Gouvernement, outre des commentaires désobligeants...

M. le Rapporteur - Ce n'étaient pas des commentaires, mais des constats.

M. Pascal Terrasse - ...a exprimé son dédain.

La majorité, elle, fut certes présente, mais quel silence ! Nous aurions souhaité non une majorité de godillots (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) mais une majorité à même de faire des propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous aurions pu confronter nos idées et, sur la base des travaux du COR, trouver une solution au problème des retraites. Vous ne l'avez pas voulu. Vous avez préféré, dans la nuit du 14 au 15 mai, négocier à la va-vite avec quelques organisations syndicales quand l'immense majorité de la population s'oppose à votre projet.

De plus, comme le rappelait M. Accoyer ce matin dans un entretien, cette réforme est loin d'être terminée. Votre dispositif n'est financé qu'à 30 %, le Président de la République l'a rappelé le 14 juillet. Nous aurions souhaité que les revenus du travail ne soient pas seuls à financer la réforme, et que d'autres éléments y contribuent, comme la valeur ajoutée.

Nous aurions également souhaité que la réforme tienne compte de la pénibilité du travail.

Nous aurions souhaité que le fonds de réserve soit pérennisé et financé. Parler de retraite, c'est parler de l'emploi : vous avez omis de le faire.

De plus, les femmes, qui sont les grandes perdantes, auraient dû être traitées avec plus d'équité.

Le groupe socialiste, dès demain, déposera donc un recours devant le Conseil constitutionnel (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Et à partir du 1er septembre, les socialistes sillonneront un à un tous les départements pour montrer aux Français que, malgré votre propagande, cette réforme constitue une véritable régression sociale (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Rendez-vous en 2008 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Denis Jacquat - J'ai indiqué dans la discussion générale les raisons pour lesquelles le groupe UMP votera ce texte. Je n'y reviens donc pas. Je note simplement que l'UMP écoute les Français et tient ses promesses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Liberti - Après avoir refusé d'ouvrir de véritables négociations, après être resté sourd au mouvement social, le Gouvernement tient enfin sa réforme des retraites. L'ouverture d'une session extraordinaire aura néanmoins été nécessaire pour parvenir à une adoption du projet à la fin du mois de juillet. Je rappelle que les députés du groupe communiste et républicain n'ont pas même eu le droit de siéger à la CMP qui s'est réunie hier.

Nous avons mis en lumière le caractère socialement régressif du texte gouvernemental et avons présenté un projet alternatif. Notre groupe a ainsi multiplié les initiatives, en liaison avec le mouvement social.

Face à une majorité parlementaire silencieuse et bâillonnée (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), face à un gouvernement acquis aux thèses du Medef (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), nous avons montré qu'une autre solution était majoritairement voulue dans le pays.

Face à l'allongement de la durée de la vie et au papy boom, il fallait en effet agir, mais plusieurs scénarios étaient possibles, comme l'a montré le COR. Bien entendu, vous avez choisi le plus dur pour le monde du travail - l'allongement de la durée de cotisation et la capitalisation - faisant fi des conquêtes sociales des dernières décennies.

Les futures retraités n'auront plus qu'un droit hypothétique à la retraite à 60 ans et verront leur pension baisser.

Vous aviez communiqué sur l'effort partagé, or le financement de la réforme est supporté à 91 % par les salariés. Vous avez épargné la haute finance et laissé les profits boursiers qui nuisent à l'emploi et à la croissance, s'accumuler tranquillement.

Un projet alternatif existe. Il a été élaboré avec les salariés, des associations de retraités, les organisations syndicales. Il aurait pour effet de supprimer toutes les dispositions perverses de votre texte et de garantir l'architecture de notre système par répartition.

Nous avons ainsi proposé de modifier le mode de financement de la protection sociale en mettant à contribution les revenus financiers, en élargissant l'assiette des cotisations et en organisant une modulation selon que les entreprises créent ou non de l'emploi.

Nos propositions ont été chiffrées à 50 milliards d'euros et le financement que nous proposions rapportait 56 milliards. Rien n'était donc impossible.

Nos criques se trouvent renforcées par la CMP, dont les travaux débouchent sur un texte injuste.

Nous voterons contre ce projet. Et nous vous demandons de ne pas promulguer la loi, mais de donner la parole au peuple en organisant un référendum. Dans le cas contraire, il s'agirait d'un coup de force du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), qui témoignerait de son refus du dialogue et de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

(M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, entre dans l'hémicycle. Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDF se lèvent et applaudissent. Mmes et MM. les députés des groupes socialiste et communiste et républicain quittent l'hémicycle).

M. le Président - J'invite Mmes et MM. les députés à regagner leur place pour le vote par scrutin public.

A la majorité de 393 voix contre 152 sur 545 votants et 545 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, modifié par les amendements votés, est adopté.

(Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDF se lèvent et applaudissent)

M. le Ministre des affaires sociales - A l'issue de ce débat sur les retraites, je voudrais exprimer toute la gratitude du Gouvernement au Parlement, singulièrement à la majorité qui a construit cette réforme ; elle a été à l'origine de l'esprit qui a animé le Gouvernement dans la rédaction du texte et elle a enduré courageusement, parfois au prix de quelque souffrance, un long débat parlementaire qui n'a pas toujours été d'une utilité exceptionnelle. Nous avons aujourd'hui le sentiment, sous l'autorité du Premier ministre, avec Jean-Paul Delevoye, d'avoir accompli notre devoir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Le Président de la République avait promis cette réforme, les Français l'attendaient depuis plus de dix ans. Elle était indispensable pour assurer la cohérence de notre pacte républicain, dont les retraites constituent un élément indispensable.

Nous pouvons maintenant dire - même s'il faut encore attendre le vote du Sénat cet après-midi - que la réforme des retraites est votée par le Parlement (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - A la demande de certains, la séance de ce soir se tiendra non à 21 heures 30, mais à 21 heures.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


© Assemblée nationale